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Sommaire

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[modifier] 1 Jean Espern "gilet jaune" de Quélennec

Billet du 29.12.2018 - « Oh ! ne quittez jamais, c'est moi qui vous le dis, Le devant de la porte où l'on jouait jadis ... », Auguste Brizeux, recueil "Marie", cité dans le journal "L'union Agricole du Finistère" du 11 mai 1934 à propos de l'arrestation des manifestants bretons à Paris.

Jean Espern est un manifestant natif de Quélennec en Ergué-Gabéric, arrêté le 2 mai 1934 par la police suite aux violences dans la cité Jeanne-d'Arc dans le 13e arrondissement de Paris, conformément aux faits relatés dans les journaux locaux, notamment l'Ouest-Eclair, et dans le quotidien communiste L'Humanité.

Les émeutes de la cité Jeanne d'Arc le 1er mai 1934 à Paris ont été mentionnées très brièvement dans les journaux locaux « Le Finistère » et le « Courrier du Finistère ». Par contre dans « L'Ouest-Eclair » les faits sont développés par un reportage sur place les jours suivants, et « L'Union Agricole » reprend cette information en donnant également les noms des personnes interpellées d'origine bretonne : « Le lendemain matin, plusieurs arrestations étaient opérées, dont celles de trois Bretons : Jean-Marie Sinquin, François Péret, de Rosporden, et Jean Espern, d'Ergué-Gabéric. ».

Ces deux journaux font même la morale : « Ces trois petits Bretons auraient sans doute pu vivre chez eux, sinon dans l'opulence, du moins dans la paix et l'honnêteté, tandis que là-bas ... Puisse du moins leur exemple servir de leçon à d'autres qui pourraient se laisser tenter par le même rêve. »

Dans le journal communiste « L'Humanité », le déroulement de cette journée du 1er mai est détaillé, avec tout d'abord des échauffourées pendant la manifestation à Alfortville, puis des barricades et des tirs devant la cité Jeanne-D'arc du 13e arrondissement en fin d'après-midi et pendant la nuit. Le journaliste Paul Vaillant-Couturier y écrit : « À peine la bataille d'Alfortville se terminait qu'une nouvelle provocation policière qui établit sans contestation possible la préméditation du gouvernement pour faire du Premier Mai une journée sanglante, éclatait. Cette fois c'était dans le treizième, où les ouvriers et les étudiants manifestaient pour exiger la libération de leur élu arrêté le matin, Monjauvis »

Il ne s'agit pas de simples débordements, mais d'une rébellion plus profonde qui d'ailleurs peut expliquer l'arrivée du Front Populaire en 1936. L'un des combattants bretons donne son interprétation : « La misère ! Nous avons trop de misère. Montez donc chez moi, et vous verrez si on peut redouter la mort pour sortir d'où nous sommes ».

Le journaliste obéit à l'injonction : « Je suis monté au "domicile"

 
La rue Nationale dépavée après les troubles à la cité Jeanne-d'Arc.

de Sinquin, sis au troisième étage de la trop fameuse cité, et je dois avouer que le Scaërois n'avait pas exagéré : je n'ai jamais rien vu de plus sordide, de plus sale, de plus triste que ce pauvre taudis. » La cité Jeanne-d'Arc sera entièrement rasée en 1939.

En mai 1934, une vingtaine d'ouvriers, la plupart âgés d'environ 25 ans, sont arrêtés pendant les émeutes, et surtout le lendemain matin de très bonne heure : « Vers 5 heures, des flics en bourgeois entrent dans la cité, où jusque-là personne ne s'est risqué. Sans mandat, ils arrêtent. Une femme, dans un escalier, simplement, parce qu'elle n'est pas couchée. »

Parmi les ouvriers arrêtés, on compte Jean Espern né le 22 février 1906 à Quélennec, ses parents Mathias Espern et Marie Anne Le Meur y étant agriculteurs. Sans doute est-il venu en région parisienne après la vague d'émigration de gabéricois aux carrières de Saint-Chéron dans les années 1890-1910, car on trouve des Espern et des Le Meur de Quélennec dans la liste des émigrants carriers et terrassiers.

A priori, Jean Espern ne restera pas longtemps en prison après les événements de mai 1934 et quittera la cité Jeanne-d'Arc pour revenir au pays. En 1949, il se mariera avec Marie Catherine Daoudal à Ergué-Armel où il décèdera en 1953.


En savoir plus : « Jean Espern sur les barricades du 1er mai à Paris, journaux locaux, L'Humanité 1934 »

[modifier] 2 Les Rozerc'h et la Ligue en 1594

Billet du 22.12.2018 - On l'appelait le Commandant ou le Major Faty, et il fut très actif en tant que retraité érudit quimpérois. Il a publié notamment cet article de 83 pages dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1885 où il présente son analyse des comptes de miseurs de Quimper.

Un miseur, dans les grandes villes bretonnes du 15e au 18e siècle comme Nantes, Lamballe, Vitré, Quimper, Vannes et Rennes, est un comptable chargé des comptes municipaux, des recettes et des autorisations de dépenses. Pour Quimper on dispose de ces comptes de miseurs pour les années 1478 à 1785.

En 1594-97 on est encore en pleine période de guerre de la Ligue en Bretagne, à savoir la révolte nobiliaire et urbaine autour du duc de Mercoeur et de la Sainte Ligue catholique contre les protestants et les rois Henri III et Henri IV. Mais des brigands tels que Guy-Eder de La Fontenelle, installé à Douarnenez, ou Anne de Sanzay de la Magnanne, retranché près du bourg de Quimerc'h, vont profiter des troubles pour ravager le pays cornouaillais, et les habitants vont devoir se défendre contre leurs exactions.

Dans l'étude du commandant Faty, on trouve les passages des comptes de miseurs de Quimper en 1594 qui attestent des « paiements d'anciens biens/gens de guerre », et les différents remboursements de frais de voyages et de messagerie engagés par les députés de la ville auprès du duc de Merceur : « le conseil advisa et délibéra de faire entendre par remontrance à Monsieur le duc de Mercoeur, gouverneur de ce pays, les oppressions et ravaiges faicts en l'esvèché de Cornouaille par plusieurs troupes y estant sous son autorité. », en l’occurrence les troupes du comte Anne de Sanzay de la Magnane.

Les Rozerc'h de Penanrun font partie de ces députés envoyés auprès du duc de Mercoeur. Il en parle page 137 : « Dans ce but, il lui députa Jean Roserc'h, sieur de Pénanrun, conseiller au présidial de Quimper, lequel, pour ses frais de voyage, reçut la somme de cinquante écus. »

Et page 152 il est question d'un parent ou frère de Jan Rozerc'h, à savoir Vincent Rozerc'h : « Le 3 juillet, les habitants de Quimper tentèrent un nouvel effort, et pour le rendre plus efficace, ils résolurent d'envoyer une ambassade importante, tant par le nombre que par la qualité des personnes qui en faisaient partie. Elle se composait de neuf députés : les sieurs Vincent Rozerec'h, Pierre Jaureguy ... ».

Nous avons rassemblé les fac-similés de toutes pages des comptes des miseurs, conservés aux Archives municipales de Quimper, qui relatent ces faits, afin d'en faire une transcription littérale et analyser plus précisément la généalogie des Rozerc'h.

Les registres des comptes de miseurs sont au nombre de 25 et couvrent les années 1478 à 1785, avec une interruption entre 1603 et 1668. Le registre principal de l'année 1594 coté CC64 (ancienne cote des Archives Départementales du Finistère : 2E1514) contient 102 folios recto-verso (soit 205 pages avec le velin de recouvrement), et est complété pour la fin de l"année par le document d'apurement CC65 (8 folios recto-verso, ancienne cote ADF 2E1514), et le registre complémentaire CC61 de fin d'année 1594.

Entre les pages 106 et 170 ce sont les dépenses engagées auprès de députés en charge de représenter la ville : « Frais pour affaires et escriptures, voyages et missaigeryes ». Et les Rozerc'h y apparaissent 6 fois, sous les prénoms Jean et Vincent. On retrouve également Jean Rozerc'h et le co-député seigneur de Kerguidu dans le folio 7 du registre d'apurement.

 
Philippe-Emmanuel de Lorraine (1558-1602), duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne, est le dernier ligueur rallié à Henri IV. Lorsque Henri IV devint roi de France, il se met à la tête de la ligue bretonne, songeant même à rétablir la souveraineté de cet ancien duché du chef de sa femme Marie de Luxembourg, duchesse de Penthièvre, et se proclame « Protecteur de l’Église catholique et romaine » dans cette province.


Aux pages 107 et 130 il est question de « Jan Rozerch seigneur de Penanrun Conseiller présidial audit Quimpercorentin » pour au moins une dépense de 240 livres (plus d'autres frais apurés plus tard, dans le registre cc65, pour la conduite de chevaux). Il s'agit de la délégation de fin avril composée de Jan Rozerch et de Hervé de La Raye, sieur de Kerguidu, qui sont nommés pour aller « aux estats » à Dinan convoqués par le duc de Mercoeur.

À la page 145 du registre CC64, on peut lire la dépense engagée pour la délégation importante du 2 juillet de 9 députés, menée par Vincent Rozerc'h, qui se rend cette fois le 2 juillet à Dinan et à Ploërmel où d'autres représentants de Quimper sont retenus prisonniers. Le but est toujours d'y régler le conflit et les exactions des troupes du comte de la Magnanne.

Bruno Faty indique qu'il s'agit de l'écuyer Vincent Rozerc'h et que le précédent Jean est son frère ou parent. Mais en fait il existe trois Vincent Rozer'ch, le père, le fils et le petit-neveu, les deux derniers bénéficiant du titre d'écuyer. Le fils, décédé vers 1629, pourrait être ce député de 1594, car à la page 170 nous lisons qu'il est « héritier » de Jan Rozerc'h, lequel pourrait être son oncle (cf arbre publié dans le billet de la semaine dernière).


En savoir plus : « FATY Bruno - Comptes de miseurs de Quimper à l'époque de la Ligue en Bretagne », « 1594 - Les Rozerc'h de Penanrun dans les comptes de miseurs de Quimper »

[modifier] 3 Les Rozerc'h de Pennarun en 1617

Billet du 15.12.2018 - « Minu et déclaration des terres, rentes et chefrentes et droits héritaliers que tient à foy, hommages et droits de rachats quand le cas advient de souz le Roy nostre sire, damoiselle Marie Coznoual dame douairière de la Forest et de Penanrun tant en son nom que négociant pour nobles gens Vincent, Augustin, et Caterine Rozerch  », Archives départementales du Finistère, cote A142.

(manoir de Pennarun, Jean Istin, 2002)

Ce document est un rapport préparatoire à la réformation du domaine royal en 1680. Il se base sur un aveu original daté de 1617 concernant le domaine de Pennarun dont l'original est aux archives de Nantes (cote B2013). On trouve également un résumé de l'acte dans le registre de l'inventaire ADF-A85 des archives finistériennes.

Du fait que la déclarante Marie Coznoual détient également le manoir de la Forest, il existe un document similaire daté de 1604 signalé par Jakez Cornou dans son historique du manoir de Kerfeunteun : « Aveu de damoiselle Marie Coznoual dame douairière de la Forêt Penanrun femme tutrice des enfants aux dits mineurs de la succession de feu noble homme Vincent Rozerc'h leur père ».

Le domaine de Pennarun en 1617 est constitué du manoir, « avec toutes ses issues, largesses et apartenances », colombier et moulins, et des tenues ou terres affermées au bourg d'Ergué-Gabéric et dans les villages de Kerellou, Boden, Quilly-bihan, Pennanec'h, Quélennec, Mélennec, Bosuzic, Loqueltas, Le Lec.

Les informations les plus intéressantes de ce document sont généalogiques, car elle permettent de dresser sur plusieurs générations les membres de la famille noble des Rozer'ch. La déclarante est dite « dame douairière de la Forest et de Penanrun » du fait qu'elle est héritière et gestionnaire des biens de

  son mari défunt Vincent Rozerc'h, au nom de leurs trois enfants Vincent, Augustin et Catherine.

Grâce à un autre document daté de 1680 qui détaille la succession de Penanrun par Françoise, la dernière descendante des Rozerc'h, on peut compléter l'arbre des 3 générations gabéricoises comme suit :

  Bertrand Rozerc'h (1539)
  x Marguerite Marion
  └> Vincent Rozerc'h, sieur de la Forest et de Penanrun
  ├    x Marie Coznoual, douairière de Penanrun en 1617
  ├    ├> Vincent Rozerc'h, escuyer, le vieil (+~1629) 
  ├    ├   └> Françoise Rozerc'h (+ 1658)
  ├    ├          x Alain Glemarec, sieur de Trevaras
  ├    ├> Augustin Rozerc'h, seigneur de Penanrun (1618-1620)
  ├    ├   └> Vincent Rozerc'h, escuyer, s.p.
  ├    └> Caterine Rozerc'h (1617)
  ├          x Pierre du Cleuziou
  └> ? Jean Rozerc'h, sieur de Penanrun (1594)

On apprend que la succession du mari défunt était « eschu à cause de la succession de feue damoiselle Marion sa mère ». Et effectivement en 1539, le rôle de la Reformation de Quimper mentionne « Bertrand Rozerch et Marguerite Marion, sa femme ».

L'aveu de Marie Coznoual en 1617 précise également une « fondation faite par nobles gens Hervé de Coatanezre et Marguerite Marion sa femme vivant sieur et dame du dit lieu », ce qui semble indiquer que Marguerite Marion s'est remarié avec un Hervé de Coatanezre, de la même famille qui détenait aussi Lezergué avant les Autret. Sans doute est-ce la raison pour laquelle les détenteurs de Pennarun déclareront plus tard leurs prééminences nobles via les armoiries des Coatanezre.

En savoir plus : « 1617 - Minu et déclarations des terres de Pennarun par Marie Coznoual veuve Rozerc'h », « CORNOU Jakez - Manoir de la Forêt »

* * *

La semaine prochaine, grâce aux comptes des miseurs de la ville de Quimper, nous détaillerons comment deux représentants des Rozerc'h de Pennarun se sont illustrés en 1594 dans la lutte contre le bandit cruel et redouté Anne de Sanzay de la Magnane pendant les guerres de la Ligue.

[modifier] 4 Le Cri du Peuple contre le Seigneur Bolloré

Billet du 08.12.2018 - « Quand on a ouvert l'école privée en 1927-28, il y a des gens, qui travaillaient encore à l'usine, qui avaient leurs gosses à l'école publique, et qui ne voulaient pas les mettre à l'école privée. », Henriette Briand-Francès, entretiens en 2015.

Au sommaire de cette semaine, trois entrefilets dans la presse finistérienne du courant socialiste S.F.I.O. en 1927-29 et deux billets dans le bulletin du Comité de Défense Laïque du Finistère, le tout pour dénoncer des actions de l'entrepreneur René Bolloré qui réussit à faire annuler l'agrandissement de l'école laïque des filles et qui voudrait faire fermer l'école des garçons au hameau de Lestonan, à proximité des papeteries d'Odet.

Le premier article du journal « Le Cri du Peuple », l'organe du parti socialiste ou S.F.I.O. (Section française de l'Internationale Ouvrière) du Finistère, mentionne tout d'abord une lettre du ministre de l'Instruction publique Edouard Herriot à Maurice Bouilloux-Lafont, député finistérien de la Gauche Radicale. Dans cette lettre, publiée in-extenso dans la Dépêche de Brest, le futur président du Conseil l'informe des accords de subventions des travaux dans 11 écoles du département, dont le projet d'agrandissement de l'école des filles du hameau de Lestonan.

Mais, en ce mois de novembre 1927, le journal socialiste finistérien ne croit guère à cette bonne nouvelle, car jusqu'à présent, dans le Finisère, seulement quatre projets annuels de constructions ou d'extensions d'écoles sont honorés. Le journal donne aussi les montants associés et l'ordre de priorité des 11 projets, celui d'Ergué-Gabéric étant classé 8e sur 11 : « ERGUÉ-GABERIC. - Agrandissement du groupe scolaire de Lestonan : 245.000 fr. ».

Le journal a raison d'être pessimiste car le projet d'agrandissement ne se fera pas. La raison est essentiellement locale : les effectifs de l'école laïque chutent dès la rentrée de 1927, car le papetier René Bolloré ouvre une garderie d'une part, et fait conduire par car les enfants de Lestonan jusqu'à l'école privée du Bourg d'autre part, et en 1928 la situation ne s'améliore pas car il ouvre une école privée de filles dans le même hameau.

 

En novembre 1928, après l'inauguration de cette école Sainte-Marie, le Comité de Défense laïque du finistère, en charge depuis 1922 de promouvoir l'école publique dans tout le département, ne peut que constater la désertion dans son bulletin trimestriel : « La pression fut telle qu'à la rentrée d'octobre, les 4/5 des élèves désertèrent l'école laïque pour l'école chrétienne. »

À la fin de l'année scolaire, en juin 1929, le journal « Le Cri du Peuple » donne la parole par deux fois au Comité de Défense laïque dans ses colonnes pour une nouvelle inquiétude, à savoir la suppression de l'école des garçons du hameau : « L'école de garçons de Lestonan sera transformée en asile pour les vieillards ... M. Bolloré construira, à ses frais, une école neuve à plus de 3 km de Lestonan ! »

Le ton du billet est un tant soit peu agressif et vindicatif : « Lestonan, où sévit le multimillionnaire Bolloré, seigneur des Papeteries de l'Odet, et de leurs ouvriers et ouvrières, et, au surplus, clérical de première cuvée ... Le seigneur Bolloré, multi-millionnaire par la grâce de Dieu et de ses ouvriers, veut débarrasser Lestonan de la "pourriture laïque" ... L'école laïque de Lestonan restera debout, malgré ses ennemis, malgré les traîtres, malgré les invertébrés qui devraient la défendre. ».

Le comité et le journal socialiste font allusion à des traîtres dans les rangs des républicains qui auraient du défendre les écoles laïques. Il s'agit en fait principalement du tout nouveau préfet préfet Charles Vatrin (1873-1938) qui est venu se faire une idée sur place : « La Préfecture a déjà enquêté, mais ces messieurs étaient pilotés par un chauffeur de M. Bolloré ! Serait-ce la bonne Union nationale de ceux qui ne veulent pas d'histoires ? »

En savoir plus : « Invectives du comité de Défense Laïque contre René Bolloré, Le Cri du Peuple 1927-1929 »

[modifier] 5 Séquoias d'Amérique et pierres à laver

Billet du 01.12.2018 - On avait déjà signalé ces géants d'Amérique dans la rubrique « La beauté et majesté de certains arbres plantés à Ergué-Gabéric », mais voici que le livre « Arbres remarquables du Finistère » leur consacre une belle page et rappelle qu'ils seront bientôt les plus hauts arbres de France .

Le Finistère ne disposait encore d'aucune publication sur ce sujet. Or son patrimoine arboricole est pourtant l'un des plus riches et originaux de France. On découvre dans ce livre des arbres insolites, exotiques ou sacrés, répartis en quatre "pays" : Brest, Cornouaille, Morlaix, Centre-Finistère.

En pays de Cornouaille, on notera la page 50 consacrée aux séquoias géants d'Amérique qui ont été plantés dans les années 1910 à Ergué-Gabéric, et la photo publiée en 3e de couverture.

On dénombre en effet dix-huit séquoias géants près du musée et du manoir d'Odet et trois au bout du chemin non loin des bâtisses de Stang-Odet. Ces arbres originaires de Californie ont déjà, en 2018, une hauteur respectable de 58 m et un diamètre de 6 m.

C'est l'industriel René Bolloré qui les fit venir par bateau des Etats-Unis pour les planter sur ses terres dans les années 1910. Les liens étroits entre le jeune industriel et ses clients cigarettiers (Walter Reynolds, John Williams ...) ont sans doute permis la réalisation de cette plantation.

  Outre qu'il est connu sous les appellations de Séquoias toujours verts ("sempervirens") et de Séquoias rouges de Californie, cet immense arbre est également surnommé Hypérion, un des Titans, assimilé au Soleil dans la mythologie grecque, et a la réputation d'être le plus haut arbre du monde.

L'auteur rappelle aussi qu'actuellement la taille de 58 m des séquoias d'Odet, qui n'ont qu'une centaine d'années, les met déjà au top-5 des plus hauts arbres de France, juste derrière le pin Douglas de Renaison (Loire), culminant à 66 mètres.

Mais ce record sera bientôt dépassé à Odet : « Ces « jeunes adolescents » dont l'espérance de vie peut dépasser les 2000 ans présentent un intérêt scientifique évident. Pour la première fois le vieillissement de cette essence rapportée de Californie vers la fin du XIXe siècle va pouvoir être observé sur notre continent et sous notre climat breton. Il est à parier qu'au regard de leur situation abritée dans un ses méandres de l'Odet et de la fertilité du sol sur lequel ils sont plantés, ces arbres n'ont pas fini de nous faire tourner la tête. »

En savoir plus : « Les séquoias géants d'Amérique au bord du chemin de Stang-Odet », « JEZEGOU Mickaël - Arbres remarquables du Finistère »


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Dans la poursuite de la mise en valeur du patrimoine de la commune, qu'il soit naturel ou utilitaire, nous avons cet été complété l'inventaire des fameuses pierres de granite qui servaient à laver le linge autrefois.

Les dernières trouvailles sont localisées dans les villages de Kergoant et de Kerdilès, le premier à l'état brut et un peu ébréché, le second installé comme support paysager d'un petit plan d'eau.


En savoir plus : « Pierres de granit pour les bailles à laver le linge dans nos campagnes »

[modifier] 6 Procession de la Fête-Dieu et généalogies

Billet du 24.11.2018 - Début juin 1918, René Bolloré (1885-1935) organisa à son manoir une procession religieuse de la Fête-Dieu à laquelle participèrent une partie du personnel de son usine, et à cette occasion le photographe quimpérois Joseph-Marie Villard publia une série de plus de 10 cartes postales.

La Fête-Dieu, autrement appelée Fête du Saint Sacrement, était une manifestation catholique importante, un jeudi de mai ou juin, soixante jours après Pâques, quelques jours après la Saintre-Trinité. Elle commémorait la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'Eucharistie, et donnait lieu à une procession de bannières, le parcours étant décoré de guirlandes et le prêtre portant l’Eucharistie dans un ostensoir.

En 1918 la Fête-Dieu tombe le jeudi 30 mai, et une première procession est organisée à Quimper le dimanche qui suit, le 2 juin. Cette année-là, c'est la perspective de la fin de la Grande Guerre qui est dans toutes les têtes. Le Saint-Sacrement reste exposé pendant plus d'une semaine, jusqu'au dimanche suivant, deuxième dimanche de Saint-Sacrement et également fête du Sacré-Coeur.

Pour le dimanche 9 juin 1918, les cardinaux et évêques de France demandent d'organiser dans les églises paroissiales et les chapelles, « le matin, une messe de communion ... le soir, une cérémonie avec allocution, procession ..., en union de prières et d'intention avec la Belgique et avec les autres nations alliées ».

On peut donc supposer que la procession de la Fête-Dieu d'Odet a été organisée ce deuxième dimanche 9 juin dans l'après-midi.

Le départ de la procession se fait depuis l'allée devant le manoir situé dans l'enceinte de la papeterie. Sur 3 cartes postales on y voit se préparer des enfants, garçons en marins ou en habits bretons et filles en toilettes blanches, accompagnés de leurs mères portant coiffe et tenue traditionnelle.

 

En tête de la procession deux hommes, relativement âgés, dont l'un porte un grand crucifix. Il s'agit de François Guéguen, cocher de l'usine à papier d'Odet. Puis suivent les bannières de procession religieuse portées par des adultes et des oriflammes dressées par les enfants.

Au milieu du cortège un dais tenu par quatre hommes, sous lequel un prêtre tient l’ostensoir ; il s'agit sans doute du recteur de la paroisse Louis Pennec, ou d'un religieux ami de la famille Bolloré. Devant, semblant organiser la procession, s'active un vicaire de petite taille, sans doute le dynamique Louis Le Gall.

Avant de revenir, le cortège de la procession fait une sortie hors de l'enceinte de l'usine, avec toujours à leur tête la grande croix et ses deux porteurs, en costume « glazik ».

De retour dans le parc, les processionnaires se recueillent devant un immense reposoir décoré de banderoles. Au sommet des escaliers devant un autel dressé, un prêtre et des enfants de cœur animent les litanies et cantiques chantés.

Article : « 1918 - Procession de la Fête-Dieu au manoir d'Odet »


* * *

À l'heure où les médias relèvent la nomination de Thierry Bolloré comme directeur exécutif de l'entreprise Renault, en le qualifiant de cousin éloigné de Vincent Bolloré, il est intéressant de préciser qu'il faut remonter 6 à 7 générations d'ascendants directs pour identifier un aîeul commun, un négociant syndic des marins. Ce dernier a fondé deux branches distinctes :

Image:Square.gifImage:Space.jpgcelle de Thierry Bolloré : un chapelier, un faïencier et des négociants.

Image:Square.gifImage:Space.jpgcelle de Vincent : marins et 4 générations de papetiers, héritiers de Nicolas Le Marié

 René Bolloré (1760-1826), syndic des marins
  x 1780 Elisabeth Corentine Denic (1752-1793)
 ├> Jean-Guillaume Bolloré (1788-1873), chapelier
 ├   x 1819 Marie-Perrine Le Marié (°1790), sœur du papetier
 ├   ├> Marie Perrine Elisabeth Bolloré (cf ci-dessous)  -------->
 ├   └> Jean Guillaume François Bolloré (1820-1899)              
 ├        x 1847 Alexandrine Marie Capel (1830-1882)               
 ├        └> Louis Pierre Marie Bolloré (1859-1922), négociant   
 ├             x 1894 Joséphine Delmon (1866-1952)
 ├             └> Louis Henri Bolloré (1896-1940), faïencier
 ├                  x 1923 Gabrielle Faure (1902-1986)
 ├                  └> Yves Henri Bolloré (°1927)
 ├                       x 1960 Jacqueline Martin (°1928)
 ├                       └> Thierry Bolloré (°1963), industriel
 └> René-Corentin Bolloré (1793-1838), capitaine pêcheur
  x 1817 Marie Nicolase Belbeoc'h (1795-1818)
 └> Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien de marine, papetier
      x 1846 Marie Perrine Elisabeth Bolloré (1824-1904) <-------
      └> René-Guillaume Bolloré (1847-1904), papetier
           x 1876 Leonie Marie Blanche Surrault (1847-1948)
           └> René-Joseph Bolloré (1885-1935), papetier
                x 1911 Marie Amélie Thubé (1889-1977)
                └> Michel Bolloré (1922-1997), papetier
                     x 1943 Monique Follot (°1923)
                     └> Vincent Bolloré (°1952), industriel

Bio : « Jean-Guillaume Bolloré (1788-1873), fabricant chapelier »

[modifier] 7 Numérisation des cahiers retrouvés

Billet du 17.11.2018 - Les manuscrits originaux de la 2e série des cahiers de Jean-Marie Déguignet ont fait l'objet d'un don à la médiathèque de Quimper, qui, dans le cadre du plan de numérisation des documents patrimoniaux, a procédé à leur numérisation et les met à disposition sur son site Internet :

En 1897 Jean-Marie Déguignet confie à Anatole Le Braz une première série de cahiers de ses mémoires, avec promesse de publication. Mais pendant des années rien ne se passe, et le paysan bas-breton, un tant soit peu énervé, démarre la réécriture d'une seconde série de 26 cahiers qu'il achève juste avant sa mort, et quelques mois seulement avant de voir quelques extraits de sa première livraison édités dans la Revue de Paris. Que ce soit la première ou la seconde série, les cahiers originaux ont très vite disparu des radars médiatiques.

Avant que la petite fille de Jean-Marie Déguignet ne les montre en 1962 au mémorialiste Louis Ogès, qu'en 1984
le journaliste gabéricois Laurent Quevilly lance un appel vibrant « Sos Manuscrits ! » dans les colonnes d'Ouest-France et qu'il reçoive chez lui à Garsalec un coup de fil de la génération suivante des descendants : « J'ai lu votre article. Je suis l'arrière-petit-fils de Déguignet. J'ai tous les manuscrits »

Laurent Quevilly s'en souvient : « J'avoue que ce coup de fil reste à mes oreilles mon meilleur souvenir professionnel. Deux jours plus tard, dans une HLM de Kermoysan, nous découvrions, avec l'émotion que l'on devine, les cahiers étalés sur la toile cirée. L'arrière petit-fils de Déguignet nous avoua avoir souvent failli les jeter ... »

La collection retrouvée de la seconde série était composée de 26 cahiers d'écolier, d'une centaine de pages chacun, mais le 1er et le 21e n'ont pas retrouvés dans les papiers transmis au fil des générations Déguignet. Les 24 cahiers forment 2584 pages qu'il a fallu transcrire et l'éditeur An Here en fit en mai 1998 une extraction intitulée « Mémoires d'un paysan bas-breton ».

À la sortie du livre des mémoires 150 000 exemplaires sont vendus en deux mois. Puis en 2001 l'Intégrale « Histoire de ma vie » est publiée chez "An Here", ces livres étant réédités ensuite par l'association Arkae.

 

C'est avec l'émotion des découvreurs de 1962 et de 1984, Louis Ogès et Laurent Quevilly, que l'on peut aujourd'hui visionner les pages numérisées par les soins de la Médiathèque de Quimper. On trouvera également ici le sommaire détaillé de l'Intégrale permettant un accès direct aux pages manuscrites.

En savoir plus : « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet »

* * *
C'est l'occasion aussi de se souvenir de la manière avec laquelle un écrivain gabéricois a accueilli la publication des mémoires de Jean-Marie Déguignet. Tous les lundis matin, de mai 1999 à juillet 2003, Hervé Jaouen a publié en dernière page du Télégramme son croquis du lundi dans lequel il retranscrivait ses sentiments et évocations d'écrivain prolixe et "doué de diversité". Le lundi 27 mars 2000 il écrivait : « Oui, Deguignet tend enfin à la Bretagne ce miroir dans lequel elle n'osait pas se regarder.  ».

En savoir plus : « Les croquis du lundi d'Hervé Jaouen, Le Télégramme 1999-2003 »

[modifier] 8 Dans les armées napoléoniennes

Billet du 10.11.2018 - Grâce aux registres matricules de la garde impériale et de l’infanterie de ligne pour la période 1802-1815 publiés sur le site « Mémoire des Hommes », voici les premiers portraits des hommes de troupes qui sont partis d'Ergué-Gabéric sur les fronts des guerres napoléoniennes.

Parmi les 7 soldats gabéricois, on compte un seul chasseur d'infanterie légère, les autres sont voltigeurs dans les régiments de voltigeurs (2), ou fusiliers (3) ou voltigeur (1) dans les régiments d'infanterie de ligne. Le fusilier ou chasseur est le soldat de base de l'armée napoléonienne ; le voltigeur est par contre sélectionné pour sa petite taille, son agilité et sa valeur au combat.

Napoléon offre ainsi une occasion de se distinguer aux soldats de petite taille qui n'ont pas la possibilité d'accéder aux corps de grenadiers. Le plus petit de nos voltigeurs mesure 1 m 54, et la moyenne des fusiliers et voltigeurs ne dépasse pas 1 m 60.

Ils sont nés dans la campagne gabéricoise de 1786 à 1791, y sont encore domiciliés la conscription des ans 1806 à 1811, à l'exception de l'un d'entre recensé à Briec. Leurs régiments respectifs sont envoyés en 1809-1819 pour renforcer l'armée du sud en Espagne pour l'un, et pour les campagnes du nord en Allemagne pour les autres. A priori aucun n'a connu la campagne de Russie.

Louis Barré et Vincent Perron, tous deux du 2e régiment de voltigeurs, font la campagne d' Allemagne. Ce régiment fait partie de la Jeune Garde, nom donné aux unités de la Garde impériale napoléonienne créées après 1812, pour les distinguer des grognards de la Vieille Garde, vétérans des campagnes impériales de 1805 à 1812. Vincent Perron est hospitalisé « outre Rhin » le 17 septembre 1813, soit vraisemblablement après les combats des 26 et 27 août 1813 à la périphérie de Dresde, victoire majeure de Napoléon en Allemagne.

Louis Barré finit son service un peu plus loin, « au delà du Rhin à Leipzick » le 18 octobre 1813, en pleine bataille de Leipzig (16–19 octobre 1813), aussi appelée la bataille des Nations, qui se termine par une victoire décisive de la Sixième Coalition contre Napoléon Ier, et entraîne l'invasion de la France. Il reviendra dans son village de Lestonan, se mariera et exercera le métier de tisserand.

Jean-Louis Taridec de Bohars est incorporé dans le dépot des conscrits chasseurs le 16 novembre 1809, et passe dans la jeune garde du 1er régiment de voltigeurs où nous perdons sa trace à ce jour.

 
Les 2 fusiliers du 65e régiment d'infanterie de ligne, Yves Quéméré et René Le Moal, font un passage court en 1815 dans leur corps d'armée, leur régiment étant désintégré après les campagnes de France et de Belgique. Le premier déserte le 10 juillet 1815, le second retourne à Ergué-Gabéric « par suite de licenciement » où il se marie, et exerce le métier d'agriculteur à Guillybian et Munuguic.

Le voltigeur Jean-Guillaume Talayen de Kerganou, conscrit de l'an 1809, fait, avec le 108e régiment d'infanterie de ligne, la campagne d'Allemagne et décède le 31 août 1811 à l'hôpital de Stettin, ville qui fait partie aujourd'hui de la Pologne.

Le fusilier Jean-Alain Huitric né à Palac'h Guen, est quant à lui incorporé en 1806 et sert d'abord au 13e régiment d'infanterie légère, avant de rejoint le 119e régiment d'infanterie de ligne en juillet 1909. Il décède de fièvre à l’hôpital militaire de Santander sur la cote nord d'Espagne le 4 février 1809, juste après la bataille de La Corogne en Galice contre les armées espagnole et britannique.

Ces essais de reconstitution de parcours militaire n'en sont qu'à leur commencement, les registres matricules étant loin d'être finement exploités. Entre 1810 et 1812 1.100.000 hommes, pour une France de 29 millions d'habitants (dans ses limites actuelles), ont été levés par Napoléon. Pour la population de 1800 gabéricois, on peut donc estimer que la conscription a concerné une cinquantaine de soldats dans les armées napoléoniennes.

En savoir plus : « 1802-1815 - Hommes de troupes dans les armées napoléoniennes »

* * *
En cette veille de la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, soulignons aussi la très belle enquête d'Anne Lessard dans le Télégramme à la mémoire de 3 poilus finistériens sur le front des Ardennes lors de leur « dernière patrouille » le 10 novembre, dernier jour de guerre : le caporal Eugène Perrot de Pont-l'Abbé, le brancardier Jean François Le Deroff de Plouénan et le sergent François-Marie Moullec né à Briec et habitant Ergué-Gabéric.

En savoir plus : « Poilus bretons : l'ultime sacrifice, Le Télégramme novembre 2018 »

[modifier] 9 Poésies et littératures de Bretagne

Billet du 03.11.2018 - « Le ruisseau joue à "saute-cailloux" ... O Froid miracle de l'automne ! », poème du gabéricois Gwen-Aël Bolloré publié dans le recueil « Nerfs à fleurs de larmes », exemple de texte qui a pu forcer l'admiration d'autres écrivains célèbres comme Henri/Yann Queffélec et Charles Le Quintrec.

Dans son « Dictionnaire amoureux de la Bretagne » (illustré par Alain Bouldouyre), entre les chapitres « Guerre » et « Gwenn-ha-Du », Yann Queffélec consacre 13 pages aux souvenirs de « Gwen-Aël », l'ami de son père Henri Queffélec et l'écrivain, auquel il rendit plusieurs visites à son manoir d'Odet : « Mon père aimait beaucoup Gwen-Aël Bolloré, l'homme, le marin, le poète d'anatomie descriptive ».

Il se souvient : « Au manoir, le petit déjeuner se prenait dans la salle à manger, servi par Mme Pérez. Ils pouvaient être vingt, trente amis attablés en même temps, tirés du lit par l'odeur du café, meilleure en Bretagne que nulle part ailleurs, allusion paradisiaque à l'amann sall, à la miche du matin, au blé noir, à l'enfance protégée. »

Les amis écrivains de Gwen-Aël Bolloré évoqués par Yann Quéffélec sont entre autres le journaliste poète Charles Le Quintrec qui a encensé les poèmes du « Hussard de l'Odet » dans ses anthologies de littératures et de poésie, Jacques Laurent, élu à l'Académie française en 1986 et intellectuel associé au mouvement des Hussards, et bien sûr le compatriote breton Henri Queffélec, l'auteur du recteur de l'île de Sein.

L'expression "les Hussards" désigne un courant littéraire français qui, dans les années 1950 et 60, s'opposa aux existentialistes et à la figure de l'intellectuel engagé qu'incarnait Jean-Paul Sartre. Le roman de Roger Nimier « Le Hussard bleu » a donné son nom au mouvement. En faisaient partie : Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent, Roger Nimier, ...

Dans son anthologie des littératures de Bretagne, Charles Le Quintrec présente 76 auteurs et leurs œuvres en langue française, et un écrivain gabéricois y a une place émérite, Gwenn-Aël Bolloré (pages 342-349) : « Ce qu'il y a de meilleur chez le jeune Gwenn-Aël Bolloré, il le dit lui-même, ce fut la guerre et l'amour. Vaste programme ... Miraculeusement réalisé. »

  Au delà de la présentation des auteurs, Charles Le Quintrec donne quelques extraits de ses poèmes « La nuit j'ai un train dans ma tête ... », « Automne », « Le monstre féminin », et des textes « le matin du 6 juin 1944  » et « Notre ami le crabe ».

À noter par ailleurs que Charles Le Quintrec a publié une anthologie des poètes bretons entre 1880 et 1980 dans laquelle Gwenn-Aël Bolloré est abondamment cité. Dans cette somme, Charles Le Quintrec présente 63 poètes bretons et leurs œuvres représentatives en langue française.

Parmi eux, il y a Gwenn-Aël Bolloré (1925-2001) : « Voici un moment du monde rattrapé au vol, une façon de prendre la lumière comme si on la voulait apprivoiser. Sur le bord de l'Odet, dans un manoir à son image, voici le poète que j'aime pour le chant fraternel et la générosité. »

Six de ses poèmes sont proposés à la lecture : « Automne », « Le monstre féminin », « La course », « Le bourreau », « Prière », « L'oiseau ».

Et enfin, Charles Le Quintrec a écrit également la préface de « Nerfs à fleur de larmes », son livre de poèmes le plus abouti : « La guerre et l'amour d'un hussard de l'Odet. Il n’y a pas hiatus, il n’y a pas rupture entre un poème de Villon et un poème de Gwenn-Aël Bolloré même si, apparemment, l’un et l’autre poètes n’habitent pas la même galaxie ... le poète qui s’exprime ici est jeune. Il ne sait rien de Valéry et de Claudel, rien d'André Breton et des ballonnets gonflables et multicolores du Surréalisme. Il revient de la guerre, et l’amour lui fait signe. ».

AUTOMNE

Le ruisseau joue à « saute-cailloux » 
Le vent délire dans les branches 
La pluie régale en avalanche 
L’eau fait l’amour avec la boue.
 
La nuit s’habille de senteurs 
Venues tout droit de l’océan 
Sur la lèvre humide des vents 
Pour effacer celle des fleurs.
 
Râper la lande désolée 
Faire gémir l’arbre salé 
Sont des plaisirs qui époumonnent.
 
A ces jeux-là, bientôt en pleur 
On perd ses feuilles et puis l’on meurt 
O Froid miracle de l’automne !
En savoir plus : « QUEFFÉLEC Yann - Dictionnaire amoureux de la Bretagne », « LE QUINTREC Charles - Littératures de Bretagne », « LE QUINTREC Charles - Poètes de Bretagne », « Gwenn-Aël Bolloré (1925-2001), écrivain-poète et PDG »

[modifier] 10 En verre et contre tous

Billet du 27.10.2018 - « En proposant le jeune peintre Hung Rannou pour la réalisation des vitraux de la chapelle de Kerdévot, l'association des amis de l'édifice n'ont peut-être pas choisi la voie la plus simple, ni la plus rapide pour recevoir l'accord de l'administration centrale. » Daniel Morvan, Ouest-France

Dans son article du 17 avril 1992, le journaliste Daniel Morvan du journal Ouest-France explique les difficultés du projet porté par Raymond Lozac'h, président d'Arkae jusqu'en 1995, de faire réaliser les nouveaux vitraux de Kerdévot par un jeune artiste contemporain, Hung Rannou, né en 1955 au Vietnam et diplômé de l'école des Beaux-Arts de Quimper.

Les neuf vitraux sont placés pour huit d'entre eux sur les murs nord et sud de la chapelle, le neuvième étant du côté occidental. Six vitraux sont formés de trois lancettes, trois de deux lancettes. Les panneaux des lancettes sont surmontés de tympans aux soufflets de formes variées.

Pour ce qui concerne les vitraux colorés de Kerdévot, le thème central est un motif végétal, en complète harmonie avec la campagne avoisinante de la chapelle, comme le confirme l'artiste : « J'ai voulu célébrer l'espace de la Création, la lente germination souterraine qui finit par produire la vie. »

Les huit premiers vitraux, avec deux ou trois lancettes et tympans, seront présentés en 1994 et juillet 1995, le 9e vitrail sera prêt en 1997, le tout avec la participation active des ateliers Le Bihan, essentiellement le jeune Antoine Le Bihan, fils de Jean-Pierre et ami de Hung Rannou à l'école des Beaux-Arts de Quimper. Le journaliste Jean-Yves Boudéhen d'Ouest-France salut l’événement : « La plus belle chapelle de Cornouaille enrichit son patrimoine : huit nouveaux vitraux à Kerdévot. »

Le coût total du projet, de l'ordre de 540 000 euros TTC, soit 82 000 euros, a été financé par le Ministère de la Culture pour 20%, la Région Bretagne 7%, le Conseil Général du Finistère 25%, l'association Arkae 18%, le Comité de Kerdévot 10% et la commune 20%.

Raymond Lozac'h, président de l'association Arkae, a été la cheville ouvrière du projet et a su gérer les réticences des administrations trop lentes et dles architectes des Monuments Historiques, avec intelligence et ténacité : « Depuis sa construction au XVe, chaque siècle a apporté sa contribution à l'édifice. En cette fin de millénaire, nous avons voulu y ajouter la marque de l'art contemporain. »

Maurice Dilasser, fondateur de la SPREV en 1984, a été un fervent supporter des nouveaux vitraux de Kerdévot : « Il est heureux qu'on ait songé à une création contemporaine dans un monument historique et qu'on ait confié cette oeuvre à un jeune peintre qui ressent bien les exigences d'un art sacré. »

 


Gusti Hervé, responsable de la commission diocésaine d'art sacré renchérit, en mettant en avant l'initiative locale contre les réticences "parisiennes" : « C'est toute la population d'Ergué-Gabéric qui se retrouve dans cette réalisation ».

Dans son inventaire « Le Vitrail contemporain dans les églises et les chapelles bretonne » parue en 2011, Pierre Denic ne manque pas de citer les vitraux de Kerdévot d'Hung Rannou, parmi les plus beaux réalisés dans la seconde moitié du 20e siècle par des artistes célèbres tels que André Bouler, Nicolas Fedrerenko, Jean Bazaine, Alfred Manessier ...

En savoir plus : « Les neuf vitraux contemporains de la chapelle de Kerdévot », « Les vitraux contemporains de la chapelle de Kerdévot, Ouest-France 1992-1995 », «  DENIC Pierre - Le Vitrail contemporain en Bretagne »

[modifier] 11 Grève à la BnF et travaux en cours

Billet du 21.10.2018 - « Annaloù : an histor hervez ar reiz eus ar bloazyou » (l’histoire de ce qui s'est passé chaque année), Grégoire de Rostrenen

Pour des raisons de contraintes familiales d'une part, et du fait d'autre part que le thème du billet de cette semaine a été contrarié vendredi par une grève à la BnF, on avait décidé de ne pas envoyer de billet cette semaine.

De plus le travail ne manquait pas ces jours-ci sur GrandTerrier : imprimer et mettre sous pli les bulletins Kannadig, trouver une bonne solution pour une édition des Annales 2018 à un prix raisonnable et une qualité professionnelle.

Mais comme on a trouvé ce service chez coolLibri, pourquoi ne pas vous le dire tout de suite ?

Un prix de 17 euros seulement pour 140 pages couleurs format A4, couverture encollée incluse, et un poids de 400 grammes ; si besoin d'un envoi postal, il faudra compter 6 timbres verts, soit environ 5 euros.

Le bon de commande est donc envoyé avec toutes ces informations dans le pli du Kannadig d'octobre, et est aussi disponible dans l'article des Annales 2018.

Par ailleurs, un petit rappel : en fin de l'article de présentation des annales, il y a un jeu Q.C.M. "en ligne" de 10 questions ludiques et instructives. Le premier qui répondra correctement aura droit à un exemplaire gratuit relié des Annales 2018, qu'on se le dise !


En savoir plus : « Annaloù 2018 - Annales du GrandTerrier n° 1 »

 

[modifier] 12 Bulletin de l'été indien gabéricois

Billet du 14.10.2018 - Ces nouvelles chroniques « Du manuscrit de Missirien au jubilé de Ker-Anna » développent les 13 articles du 3e trimestre achevé.

Ce numéro démarre par deux études relatives à un manuscrit daté de 1638 écrit ou signé par Guy Autret, seigneur de Lezergué et de Missirien, et conservé à la bibliothèque Champs Libres de Rennes.

On reste ensuite dans les papiers d’archives avec la publication d’un rouleau de 1395 des Archives Départementales de Nantes portant sur la levée de l’impôt des fouages, et sur les conditions de rédaction des cahiers de doléances en 1789.

Puis on découvre un retable flamand du 15e siècle en Bourgogne, presque identique à celui de Kerdévot, suivi des aventures humanitaire d’un missionnaire à Haïti.

Ensuite sont développés deux thèmes des mémoires de Jean-Marie Déguignet : la mendicité d’une part et la Commune de Paris d’autre part.

On apprend aussi que Jean-François Moullec de Menez-Groaz est tombé sous les tirs ennemis le 10 novembre 1918 lors d’une dernière patrouille dans les Ardennes.

Nous sommes bien sûr fiers d’être gabéricois dans le bulletin municipal Ergué.com de septembre-octobre et de publier enfin les annales GT 2018.

Le circuit pédagogique le long du canal d’Odet et les chroniques « Pierres et paysages » du journaliste Keranforest sont les belles découvertes de ce trimestre.

Et pour finir ce bulletin, l’histoire de la construction et du financement de cette chapelle de Ker-Anna qui a fêté ses 50 ans en 2018.

Nota 1: Les billets hebdos du 4e trimestre seront dans le prochain Kannadig de janvier 2019 !

Nota 2: À l'instar des premières annales 2018, la lecture en ligne du bulletin Kannadig à partir de son sommaire est facilitée par la mise à disposition d'un fichier PDF "linéarisé'.

 
Lectures en ligne  : « Kannadig n° 43 Octobre 2018 », « Annaloù 2018 - Annales du GrandTerrier n° 1 »

[modifier] 13 La fierté des nouvelles annales

Billet du 06.10.2018 - Le numéro 73 de septembre-octobre 2018 du bulletin municipal Ergué.com inclut, dans sa rubrique « Fiers d'être gabéricois », les deux portraits de l'immense écrivain Hervé Jaouen et du chroniqueur grandterrien Jean Cognard.

« Fiers d’être Gabéricois » est sous-titré en langue bretonne « Tud an Erge-Vras omp ha lorc'h ennomp », ce qui donne, en traduction littérale « Nous sommes le peuple d'Ergué-gabéric et c'est un honneur pour nous ». Effectivement, il s'agit plus d'un honneur que d'une fierté !

Petit enfant rêveur de l'école de la République de Lestonan, le chroniqueur et historien a l'impression d'avoir été Indiana Jones exhumant une arche perdue : « Son nom, Grand Terrier, continue d’interroger. En fait le Grand Ergué, Erge-Vras en breton, donnait Erc'hié-Vrâs à l'oral : essayez donc de prononcer à la française Erc'hié précédé de l'adjectif Grand. Voilà pourquoi tout simplement sur certaines cartes et archives on peut souvent lire Grand Terrier. »

Dans l'article, on notera aussi cette phrase : « Je suis en train de compléter par un format plus long, publié en cette mi-année, avec des textes plus approfondis, pour une sorte de monographie de la commune. »

Le format long en question est précisément le projet d'annales dont le premier tome est mis en ligne en cette fin d'été 2018. Le plan de ces annales, suivant 6 périodes charnières, la phase initiatique (des temps géologique, préhistorique et antique), les saisons médiévales, l'époque provinciale (16-17e siècles), les années réfractaires (18e), la période rurale (19e) et les temps productifs (20e), apporte effectivement de la matière pour produire à terme une monographie historique d'Ergué-Gabéric.

Le présent numéro n° 1, avec 140 pages format A4, est désormais finalisé et disponible. Il sera imprimé avec un service d'impression professionnel à la demande, la logistique demandant encore un petit ajustement, au terme duquel un prix raisonnable sera fixé.

Vous trouverez en ligne la présentation de ce premier numéro, avec la possibilité de télécharger le fichier pdf et/ou de choisir un élément du sommaire pour l'afficher directement. Le jeu-questionnaire de la 4e de couverture est également transcrit pour y jouer en ligne : le premier qui répondra correctement aux questions sera récompensé par un envoi gratuit de l'exemplaire papier des Annales 2018.

 

Quant à la bibliographie d'Hervé Jaouen, on voudrait citer un de ses livres, peu connu mais excellent, qu'il a écrit sous le pseudo Michaël Clifden : « Ce sont les descendants d’un peuple qui occupait le nord de la Nouvelle Albion, Chernoviz et l’ouest de notre Agglomérat métropolitain. Ce sont des Celtes… Et toi, Adonaï, tu es le Celte Noir ! Je pouvais maintenant nommer ces hommes et ces femmes : des Celtes. » (Fleuve noir Anticipation, Le Celte Noir, 1984).

En savoir plus : « Fiers d'être gabéricois, Ergué.com 09.2018 », « Annaloù 2018 - Annales du GrandTerrier n° 1 »

[modifier] 14 Garde nationale de commune de France

Billet du 29.09.2018 - « Ils furent donc un peu étonnés d'entendre certains groupes crier : « Vive Déguignet », autant que je fus moi-même, attendu que quelques mois avant, tout le monde me jetait des pierres. », J.-M. Déguignet, Histoire de ma vie - L'intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, p. 379

Dans ses mémoires, J.-M. Déguignet a abordé les sujets de la période après la chute de Napoléon III, du nouveau gouvernement de Thiers pas vraiment républicain et de la guerre extérieure contre les Prussiens et intérieure contre la Commune de Paris.

Dans ces années 1870-71, on peut se demander pourquoi le paysan bas-breton a si peu parlé dans ses mémoires des insurgés parisiens de 1871 et développé le thème de la défection militaire d'une part et la laborieuse victoire attendue des Républicains d'autre part.

Mais, ses critiques acerbes contre l'Empire de Napoléon III et la Gouvernement de Thiers, sa candidature rejetée de « républicain libre-penseur » au poste de capitaine des gardes nationaux de sa commune d'Ergué-Armel, et enfin son évocation de la grève générale des ouvriers montrent ses convictions que n'auraient pas désapprouvé les communards de 1871.

* * *

La chute de l'Empire suite au plébiscite de renforcement des pouvoirs de Napoléon III et sa défaite militaire à Sedan ne sont pas une surprise pour Déguignet : « Enfin cette guerre ont tous les résultats que j'avais prédits au moment du plébiscite : l'effondrement de l'Empire et la ruine de la France.  »

Mais, à son grand regret, le nouveau gouvernement reste monarchiste, et non républicain comme il l'aurait souhaité : « ces députés avaient nommé le vieux Thiers président, oh ! ils ne disaient pas président de la République, ce mot leur faisait trop d'horreur, mais président du gouvernement provisoire en attendant l'arrivée du roy Henry V ».

Et de plus le gouvernement est défaitiste face à « cette guerre qui était virtuellement terminée, attendu que toute l'armée était partie en Prusse ou en Suisse » et est réduite à payer les indemnités de guerre : « cette première chambre n'avait été nommée que pour régler les comptes avec Bismarck et Guillaume ».

Certes, la décision est prise de créer une garde nationale dans toutes les communes de province. À Ergué-Armel où il réside, Déguignet est même porté candidat malgré lui au poste de capitaine, mais l'élection par le maire tourne à la farce : « "Puisque c'est ainsi, qu'il y a deux candidats je vais voir lequel aura la majorité : que ceux qui veulent Déguignet passent à gauche et ceux qui veulent Le Feunteun à droite ! ". Il y eut alors un curieux mouvement de chassé-croisé. Les uns passaient volontairement d'un bord à l'autre, d'autres se laissèrent traîner puis revenaient encore de l'autre côté. ». Ce n'était qu'une comédie ou une parodie : « jamais ni capitaine, ni soldats n'auraient rien à faire pour cette guerre ... il n'y avait plus un fusil, ni une cartouche à nous donner. » Si Déguignet avait élu capitaine, peut-être aurait-il contribué à créer un mouvement insurrectionnel quimpérois a l'instar de la garde nationale parisienne ralliée à la Commune !

L'insurrection des communards est évoquée par Déguignet par cette allusion à la destruction de la maison de Thiers :   « cette as-

 

semblée dite nationale lui vota un million soixante mille francs soi-disant pour réparer son hôtel brûlé par la Commune ». Certes l'hôtel d'Adolphe Thiers est bien démoli sur ordre du Comité de salut public, mais il ne fut pas incendié comme les Tuileries et l'Hôtel de ville. Par contre, Déguignet est bien au fait des événements quant aux conditions de reconstruction de l'immeuble.

Une deuxième allusion à la Commune est cette date du 18 mars 1871  : « Plusieurs fois depuis 1789, les coquins ont voulu faire marcher cette armée contre le peuple comme ... au 18 mars, mais ils n'ont pas osé ». Ce jour-la marque le début du soulèvement des révolutionnaires parisiens contre Adolphe Thiers qui veut leur retirer leurs armes et leurs canons.

Et enfin Déguignet fait un exposé sur les bienfaits de la Révolution, comme s'il regrettait que les Communards aient été massacrés par l'armée versaillaise en mai 1871 : « Les ouvriers réclament depuis longtemps une grève générale, et peut-être une révolution, qui est la meilleure chose que ce peuple berné, exploité et volé pourrait désirer ... Dans une révolution, il n'a rien à perdre que sa misère et ses chaînes, tandis qu'il a tout à gagner. »

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En savoir plus : « Empire, garde nationale et Commune de Paris en 1870-71 pour Jean-Marie Déguignet »

[modifier] 15 Centenaire de l'armistice de 1918

Billet du 22.09.2018 - « Toi Moullec tu as été blessé plusieurs fois, décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire, tu es mort 23 heures avant heures avant la fin de cette guerre », caporal Eugène Perrot en 1968, discours du cinquantenaire

Né à Kerdelliou, en Briec, de parents cultivateurs, François Marie Moullec est lui aussi cultivateur lorsqu'il épouse à Ergué-Gabéric, le 04/07/1917, Jeanne Marie Guillou, de Briec également. Son acte de mariage précise qu’il est « actuellement sergent, décoré de la croix de guerre ».

Anne Le Guillou, sœur de Jeanne Marie, est employée à la papeterie Bolloré et se marie au maçon de Lestonan Mathias Jean Binos, apparenté aux Quéré qui tiennent le bar-restaurant. Jeanne-Marie sera employée par les Quéré comme aide aux cuisines et en salle, notamment servir aux repas de noces.

François-Marie et son épouse Jeanne-Marie habitent aussi Lestonan, en haut de la côte de Menez-Groas. Sur l'acte de naissance de leur fils, Jean-François, le 29 juin 1918, ils sont déclarés cultivateurs. Jean-François qui a 4 mois au moment du décès au front de son père, est déclaré pupille de la nation par jugement du 7 mai 1919 au tribunal de Quimper.

« Mort pour la France » à Flize dans les Ardennes, les autorités envoient une lettre d'avis mortuaire à la mairie de Briec, qui transmet au maire d'Ergué-Gabéric pour prévenir sa veuve : « J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien, avec tous les ménagements nécessaires dans la circonstance, prévenir Mme Moullec, de la mort du sergent Moullec François, née le 29 avril 1891, tué à l'ennemi et inhumé le 12.11.18 à Flize  ».

C'est Jean-François Douguet, lors de la préparation de ses livres sur la Grande Guerre, qui a découvert cette lettre et trouvé dans les Cahiers du 19e RI ce compte-rendu intitulé « La dernière patrouille », une opération militaire sur le front des Ardennes le 10 novembre au cours de laquelle 12 poilus, dont François-Marie Moullec gabéricois de Menez-Groas, trouveront la mort,

Ce compte-rendu est basé sur les souvenirs du caporal Eugène Perrot, le seul survivant, qui raconte que, ayant traversé la Meuse, son lieutenant demande à son escouade de faire une mission de reconnaissance jusqu'à une ligne de chemin de fer, près de laquelle les forces allemandes étaient embusquées. Et là les mitraillettes font un massacre, et quatre groupes successifs de poilus seront envoyés pour essayer de rapatrier les blessés.

Le sergent François-Marie Moullec, âgé de 26 ans et domicilié à Menez-Groaz avant de partir au front, fait partie du dernier groupe et y laisse aussi sa vie :

Sur sa droite, un homme arrive en courant ; vite il lui dit comme aux autres : « Ne viens pas, va à l’arrière ». C’était le sergent Moullec. Il tomba près de lui à le toucher.

« Je suis blessé », dit-il
« Où es-tu touché ? ». Le sergent ne répondit pas. Quelque chose l’inquiétait.
« Va prévenir le lieutenant que je suis blessé ».
« Crois-tu que je puisse arriver ? »
« Il le faut ».
« Bon j’y vais. Quant à toi, ne bouge pas. Les boches sont là à vingt mètres ».
« Tu diras cela aussi au lieutenant ».


... Les deux brancardiers étaient là : Le Deroff avec sa grande moustache, le deuxième devait être Bourel, tous deux d’un certain âge, reçurent l’ordre de suivre le caporal et de ramener le sergent Moullec blessé.

Les trois hommes partirent dans la brume. Ils arrivèrent au but sans être touchés mais trop tard car Moullec était mort.

Gaston Mourlot, sergent au 65e régiment d’infanterie (de Nantes) arrivant à Flize le 11 novembre 1918, relate cette scène dans son journal de poilu : « Le plus triste du lieu était que sur la plaine, de

  notre côté, il y avait pas mal de poilus étendus sur le terrain ; douze types du 19e avaient été butés la nuit précédente, et un caporal à 10h 1/2 ce matin. Rien ne me parut plus triste que le destin de ces pauvres diables ayant enduré, peut-être depuis le début de la guerre, le frisson de la mort en maintes circonstances, et finir misérablement à l’aurore de la délivrance ».

Le 15 septembre 2018 les écoliers de la classe de CM2 de l'école primaire de Flize ont participé à la commémoration du centenaire de 1918 en présence de la fille d’Eugène Perrot et du petit-fils de Jean Le Deroff. A cette occasion ils ont réalisé une très belle brochure pour le concours « Les petits artistes de la mémoire » qui s'intitule : « Moi, Eugène Perrot, seul survivant de la dernière patrouille».

Répartis sur 15 pages grand format, les textes, extraits du discours d’Eugène Perrot prononcé lors d’une précédente commémoration du cinquantenaire, accompagnent leurs dessins d'enfants : « Je revins vers mes camarades et parlai à chacun d'eaux, comme s'ils pouvaient encore m'entendre » ; « Toi Moullec tu as été blessé plusieurs fois, décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire, tu es mort 23 heures avant la fin de cette guerre. ».

Décédée en 1972, Jeanne Marie Le Guillou, veuve, se remarie en 1922 à Alain Caugant, papetier, avec qui elle aura un fils, René Caugant. Ils habitent à la cité ouvrière de Keranna.

Henri Le Gars, ancien de Keranna, se souvient très bien de Jeanne-Marie épouse Caugant : « Je la vois encore, avec sa démarche corpulente, faire le service lors des repas de noces chez Quéré ».

Par contre la mémoire du quartier n'a pas retenu le nom de son premier mari, mort pour la France, et le fils Jean-François, pupille de la nation, n'est sans doute pas resté très longtemps à Lestonan. Un avis de recherche est lancé pour raviver le souvenir des Moullec, père et fils ...

En savoir plus : « François-Marie Moullec (1891-1918), sergent du 19e RI », « PERROT Eugène - La dernière patrouille », « Portail des poilus de la Grande Guerre »

[modifier] 16 Sauver le patrimoine en 1972-76

Billet du 15.09.2018 - Une citation de Philippe Besson dans "Les Jours fragiles" pour accompagner ce présent article et les journées européennes du patrimoine des 15-16 septembre 2018 : « Les lieux sont aussi des liens. Et ils sont notre mémoire. »

Entre 1969 et 1980 le prêtre et journaliste Keranforest, alias Dominique de Lafforest, a tenu dans le journal Le Télégramme une chronique « Pierres et paysages », avec des croquis de sa main, pour mettre en exergue le patrimoine en péril de basse-Bretagne. Et notamment trois billets localisés à Ergué-Gabéric, les deux premiers sur la chapelle de St-Guénolé, le troisième sur l'ambiance ancien-régime du château de Lezergué.

Le 17 janvier 1972, il lance un appel désespéré face aux ruines de la chapelle de St-Guénolé en Ergué-Gabéric : « Entourée de gazon, la chapelle se tient au milieu d'un hameau tranquille qui enregistrait sa lente agonie ... Par quels moyens réussira-t-on à sortir le public de son indifférence en ce qui concerne son cadre de vie pour l'intéresser à ses paysages et à son habitat ? ». Cet appel au sursaut des gabéricois aura un effet positif, car ils vont se mobiliser pour rénover la chapelle historique.

L'effort pour construire en 1967 une nouvelle chapelle à Keranna, très proche de St-Guénolé, semble une aberration pour Keranforest : « Une église a été construite en tout cas, tandis que Saint-Guénolé, vaste chapelle restaurée au siècle dernier, se voyait complètement délabrée ».

L'article précise aussi « malgré les efforts d'un prêtre pour la sauver ». Il s'agit du recteur Jean-Louis Morvan, nommé en 1969 sur la paroisse, qui se bat auprès de la municipalité pour qu'une restauration soit engagée. En 1974 le recteur enverra un courrier à Keranforest pour l'inviter au pardon et lui faire part des résultats de la rénovation entreprise.

Grâce aux lettres conservées et publiées, on sait que le prêtre journaliste lui a répondu « Votre lettre du 13 juin m'a fait le plus grand plaisir » et l'année suivante il lui confirme sa proposition  : « Ma promesse d'un article tient toujours. Je le ferai passer le jeudi précédent le pardon, avec photo-couleur en 1ère page. ».

  Il tient sa promesse en publiant le 3 juillet 1975 cette une avec photo-couleur et en page 2 un billet « Pierres et paysages » agrémenté d'un nouveau croquis.

Keranforest introduit son article par un tonitruant : « Au nord de Quimper, près du Stangala, une grande chapelle vient de ressusciter. C'est Saint-Guénolé, située au village du Quélennec, en Ergué-Gabéric. »

Il décrit son époque, pas très éloignée de celle d'aujourd'hui : « Alors que beaucoup de gens, malmenés ou asservis par les forces de la société gaveuse, errent, déracinés dans leur propre pays », pour se réjouir du sursaut gabéricois : « cela fait plaisir de voir tout un quartier s'interroger, puis s'intéresser à son héritage commun. ».

Et les noms de tous les artisans ayant donné leur temps et leur talent sont énumérés : « celui de Stervinou pour la charpente, la toiture et le lambris, de M. Quéau ..., celui de Le Berre, de Lenhesq ..., ou de M. Thomas, menuisier à St-André ..., de Daniel, forgeron à Kerdévot ..., du maçon Thépault ..., Pierre Le Bihan ..., de Guillaume Saliou ... et de l'abbé Dilasser qui a repeint les sablières ».

* * *

Le 6 octobre 1976, Keranforest publie un nouveau billet et un croquis sur une autre ruine gabéricoise, celle du chateau de Lezergué : « Une façade aux dimensions inhabituelles, à demi voilée par des pans de lierre, allonge des rangées de fenêtres béantes où, tout à l'heure pourraient apparaître des personnages en robes de satin rose, en habits de velours bleu. »

Et il se transpose poétiquement en plein 18e siècle, du temps des de La Marche : « Le soleil d'octobre arrose les feuilles jaunies des jeunes tilleuls ; dans l'allée s'avance un cheval pommelé, attelé d'un petit carrosse rouge. Rouge et argent, les couleurs de la famille qui venait de faire construire cette belle maison ».

En savoir plus : « Pierres et paysages de St-Guénolé et Lezergué par Keranforest, Télégramme 1972-76 », « 1974-75 - Lettres de Keranforest sur la sauvegarde de Saint-Guénolé »

[modifier] 17 Suppression de penntis et de tipis

Billet du 08.09.2018 - « La situation de Jean-Marie Déguiguet relève encore d’une autre logique. Il embrasse la carrière de mendiant et de vagabond comme un métier parmi d’autres : "Quelques temps après tout cela, c’est-à-dire au printemps de 1844 une vieille bonne femme ..." », Jean-Jacques Yvorel

Dans ses « Mémoires de paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet a abordé les sujets de la misère et la pauvreté en milieu rural au 19e siècle.

À l'âge de 9 à 14 ans, il a exercé le métier de mendiant entre 1844 et 48 dans la campagne gabéricoise. Et toute sa vie durant, il a pu observer les causes et les effets du paupérisme dans les classes sociales les plus défavorisées de basse-bretagne, à savoir les mendiants et les journaliers agricoles.

Jean-Jacques Yvorel a aussi évoqué les observations de Déguignet dans son article « Errance juvénile et souffrance sociale au XIXe siècle d’après les récits autobiographes » dans l'ouvrage collectif « Histoires de la souffrance sociale: xviie-xxe siècles » publié en 2015 aux Editions PUR.

L'enquête sociologique de Jean-Jacques Yvorel porte sur 8 récits de jeunes ramoneurs, ouvriers, sourds-muets, le monde paysan étant représenté par les « Mémoires d’un paysan Bas-Breton » de Jean-Marie Déguignet. Contrairement aux autres expériences, l'activité de mendiant et de vagabond à Ergué-Gabéric est vécue comme un métier normal et honorable nécessitant un sérieux apprentissage.

Sa mère approuve l'idée des tournées de mendicité durant 3 jours par semaine et lui confectionne une besace. Il suit pendant 6 semaines son professeur : « Cette bonne femme était une mendiante professionnelle; elle se chargeait de m’apprendre l'état. ».

Les résultats ne se font pas attendre : « Pendant trois jours consécutifs, le temps nécessaire pour faire le tour de la commune, j'apportai à la maison plein les deux bouts de ma besace de farine d'avoine et de blé noir. »

«  Jamais données au nom de l'humanité, chose inconnue chez les Bretons, mais seulement au nom de Dieu », les aumônes face à la mendicité juvénile sont généreuses : « une prière dite par moi, enfant chétif et humble, valait pour elles cent prières radotées machinalement par les vieilles mendiantes ».

Par contre il existe aussi des mauvais mendiants qui éclaboussent la noble profession : « des mendiants de tout âge, de véritables bandits, lesquels quand ils rencontraient un malheureux seul avec sa besace pleine, ne se gênaient pas pour la vider dans la leur ».

 
Les mendiants entrant dans la vie adulte, « pour gagner leur pain », doivent exercer le métier de journalier, c'est-à-dire louer leurs bras aux cultivateurs qui leur « faisaient faire leurs travaux au marché, ou par grandes journées. Autour de chaque ferme, il y avait toujours deux ou trois penty qu'on louait à ceux-ci, que le propriétaire trouvait sous la main quand il en avait besoin ».

Ce pennti est littéralement un « bout de maison », désignant la bâtisse, composée généralement d'une seule pièce, où s'entassait avec sa famille l'ouvrier agricole.

Or en cette moitié du 19e siècle « grâce aux machines agricoles perfectionnées, les cultivateurs n'ont plus besoin de journaliers ». Ils ont donc ont transformé leurs penntis en étables, et refoulé les journaliers dans la ville.

L'analogie faite par Déguignet est effrayante : « Quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. »

Il fait donc cette suggestion cynique : « Que les riches de la ville et la municipalité fassent comme ces insectes ainsi que les paysans l'ont déjà fait et la plus difficile de toutes les questions sociales humaines sera aussi résolue. » Mais il faut prendre cette proposition au second degré, comme une démonstration par l’absurde.

La fin du texte se veut une défense de ses compagnons de misère, avec une évocation du sort des indiens d'Amérique. « Pour être misanthrope et anti-humain je ne le suis pas. J'ai trop pleuré et je pleure toujours sur les misères de l'humanité, et je voudrais de tout mon cœur les voir finir ».

Mais bien sûr autrement qu'en supprimant les penntis des bretons et les tipis des indiens.

En savoir plus : « Le métier de mendiant et la lutte contre le paupérisme selon Déguignet »

[modifier] 18 Montres militaires en armures nobles

Billet du 01.09.2018 - Deux manuscrits inédits, « collationnés de l'original » en 1638 par Guy Autret, à savoir les procès-verbaux des « montres » ou revues militaires des nobles de l’évêché de Cornouaille de 1554 et 1568, en support des armées respectives des rois de France Henri II et Charles IX.

Les documents sont conservés au Centre de Documentation du Musée des Champs Libres de Rennes dans un recueil relié connu sous l'appellation de « Manuscrit de Missirien », du nom de Guy Autret (1588-1660), seigneur de Lezergué.

Le gros registre à la reliure éculée inclut à la fois les déclarations nobles d'arrière-ban de 1636 (objet d'un billet précédent portant sur la publication d'Hervé Torchet « 1636, l'Arrière-Ban : Sénéchaussée de Quimper  ») et des copies certifiées de titres et de rôles de montres et arrières-bans des années 1467 à 1568 pour le Léon, la Cornouaille, Rennes, Tréguier et Vannes, le tout sous l'égide de Guy Autret en 1638.

L'ensemble des reproductions numériques du registre est disponible sur le site Internet du musée de Bretagne des Champs Libres et notamment les folios 258 à 358 et les folios 878 à 923 pour les rôles respectifs de 1554 et de 1568 concernant l'évêché de Cornouaille.

Contrairement à celui de 1636, les deux rôles de 1554 et de 1568 ne sont pas des copies de la main même de Guy Autret. Les « copies collationnés de l'original » en 1638 sont par contre contresignées par l'historien.

Pour la montre de 1554 la transcription des déclarations gabéricoises, regroupées en folio 354, donne pour les lieux-dits et manoirs nobles :

  • Kergonan : Alain de Liziart, fils de François, est déclaré « défaut », c'est-à-dire absent.
  • Kerfors : Jan Kerfors, « en rachapt » vraisemblablement parce qu'il vient d'hériter de son père Pierre.
  • Pennarun : Christophe Provost, déjà déclaré en 1536 lors de la réformation de la noblesse.
  • Lezergué : Charles de Coatanezre, fils de Jan (décédé en 1537), seigneur des Salles, « présant en armure », le manoir de Lezergué n'est pas cité, mais a priori c'est le point d'ancrage gabéricois dont hériteront les Autret de Lezoualc'h.
  • Mezanlez : Alain Kersulgar orthographié Lesongar dans le document.
  • Kernaou : Charles Kersulgar (orthographié Lesongar), père de Louis présent en 1562.
  • Creac'hcongar : Jan Bennerven, seigneur de Creac'hcongar, « présant en armure » dont hériteront les Tréanna.

Pour la montre de 1568, le document dresse la liste des nobles par type d'équipements militaires, sans indiquer leur domaine exact de rattachement et rendant leur identification plus ardue.

 
Pour ce qui concerne les nobles gabéricois, ils ne sont pas inscrits dans la catégorie supérieure des « hommes d'armes » (les plus riches, accompagnés d'un cheval et d'hommes de troupe), mais sont répartis comme suit :
  • Un archer (distinct des arquebusiers qui n'incluent aucun gabéricois) : le fils aîné du sieur de Lezoualc'h, les ancêtres de Guy Autret.
  • Trois corselets, à savoir des piquiers dotés d'une cuirasse légère : les seigneurs de Creac'h-Congar, Kernaou et Mezanlez.
  • Un pique-sèche, sans aucune cuirasse, homme de pied : le sieur Coatanezre des Salles.
  • Deux « contribuables », non présents à la montre, mais apportant leur aide financière : le sieur de Cleuziou et le sieur de Kerfors.

En savoir plus : « 1554, 1568 - Montres de l’évêché de Cornouaille extraites du manuscrit de Missirien »

Le fait que les copies ci-dessus datent de seulement 80 ans après leurs originaux disparus implique une archivistique supérieure, car les autres montres ou réformations du 16e siècle ne sont connues que via des copies des 18e ou 19e siècles. Ainsi par exemple la réformation de 1536 dont on vient de publier le facsimilé de la BnF.

[modifier] 19 Retables de Kerdévot et de Ternant

Billet du 25.08.2018 - « C'est grâce à la Foi de nos Pères, Ar Feiz hon tadou koz, que nous avons cette Chapelle, véritable Cathédrale de campagne », Jean-Louis Morvan, recteur, article "Un écrin gothique pour un joyau inestimable" dans "CERHEG ~ Intron Varia Kerzevot", 1980.

Le nouvel volume « Kerdevot Cathé-drale de campagne » vient d'être publié par l'association Arkae.

Le nouvel ouvrage joliment illustré et bien documenté est une réédition, trente ans après, du livre d'or du cinquième centenaire de la chapelle édité en 1989 par l'association "Kerdévot 1989". Il contient les articles réactualisés de Ghildas Durand (statuaire), Roger Barrié (archi-tecture), Yves-Pascal Castel (calvaire), Bernez Rouz (toponymie). Jean-Louis Morvan (vols de 1973), Jean Guéguen (pardon et traditions) ...

Les nouveaux sujets développés sont notamment : Un complément héraldique sur l'interprétation des blasons par Paul-François Broucke ; La restauration du retable de 2012 par Marie-Cécile Cusson et Jean-René Blaise ; Kerdévot pendant la Révolution et l'Empire par Jean-François Douguet ; Les photos du pardon de Raphaël Binet présentées par Gilles Willems.

En savoir plus : « ARKAE - Kerdevot Cathédrale de campagne »

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Ce travail nous incite à ajouter ici un complément, à savoir la découverte du petit frère du retable de Kerdévot dans la Nièvre (Bourgogne) à Terrnant qui a la même origine flamande et une scénographie identique autour de la mort de la Vierge.

Les ressemblances entre les statuettes dorées et l’ordonnancement des tableaux autour de la mort de la Vierge sont troublants et leur provenance commune des ateliers flamands en fin de 15e siècle interroge.

Dans l'église Saint-Roch de Ternant, deux retables, respectivement de la Vierge et de la Passion, ont été commandés par la famille de Ternant au 15e siècle. Le retable de la Vierge, issu d'un atelier flamand, se présente comme un triptyque dont les volets peints pouvaient se rabattre sur les panneaux sculptés centraux. Les panneaux sculptés en T renversé sont faits de statuettes en bois dorés et ont pour thème la mort de la Vierge Marie.

A Kerdévot les panneaux initiaux du retable de la Vierge se présentent aussi comme un T renversé, les deux scènes supérieures latérales ayant été ajoutées plus tard. Et la présentation est très similaire à celles de Ternant : registre inférieur avec ses 3 scènes centrées sur la dormition, scène supérieure avec le couronnement.

 
Plus précisément, si l'on compare les éléments de Kerdévot (avant le vol de 1973) et de Ternant, les 4 scènes se présentent ainsi :

Image:Space.jpgScène 1 : l'Adoration des bergers à Kerdévot, la Visite des apôtres à Ternant. Dans les deux cas les visiteurs expriment leur déférence à la Vierge.

Image:Space.jpgScène 2 : la Dormition sur les deux retables. Les deux scènes sont presque identiques : la Vierge est de profil sur son lit mortuaire, les apôtres l'entourent, saint Jean imberbe tout près, des lecteurs qui prient au premier rang ...

Image:Space.jpgScène 3 : les Funérailles sur les deux retables. Le convoi funèbre et son brancard porté par saint Paul, saint Jean en tête, les juifs au sol avec les mains coupées (deux à Ternant, quatre à Kerdévot où elles restent collées au brancard).

Image:Space.jpgScène 4 : le Couronnement à Kerdévot, et à Ternant l'Asomption complétée du Couronnement sur 2 volets peints. La trinité y est présente : Dieu le Père couronné à gauche, le Christ à droite, la colombe du Saint-Esprit au centre (plus en hauteur à Kerdévot), les anges (musiciens à Kerdévot).

Le retable de Ternant est daté de 1430-40, via une donation de Philippe de Ternant (~1395, 1454), membre du Conseil du duc de Bourgogne et chevalier de la Toison d'Or. Il est représenté, ainsi que son épouse Isabeau de Roy, sur les deux volets peints extrêmes du retable.

La plaquette de présentation et le livre savant de René Journet concluent à l'unicité de l'oeuvre : « Ce retable de Ternant est le seul connu illustrant le cycle de la Dormition et de la Glorification de la Vierge. »

Mais il existe bien à Kerdévot, pour lequel on ne connaissait pas d'équivalent non plus, un retable jumeau de celui de Ternant. Ce dernier est peut-être un peu plus simple pour ce qui concerne sa partie sculptée, les statuettes moins nombreuses et sans doute moins ciselées que la statuaire de Kerdévot. Mais les deux se partagent une même scénographie et sans doute les mêmes artistes sculpteurs et doreurs, avec peut être quarante ans d'intervalle entre les deux réalisations.

En savoir plus, avec galeries de photos : « Les deux retables de la Vierge d'origine flamande et du 15e siècle à Ternant et Kerdévot »

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Sinon, les portes ouvertes de Kerdévot vont bientôt s'achever, et il est temps de jouer en ligne ce jeu qui a égayé certaines visites estivales : « Un jeu à base d'énigmes pour une visite guidée de la chapelle de Kerdévot »

[modifier] 20 Guerre de 30 ans et arrière-ban en 1636

Billet du 18.08.2018 - « Sur ces mots, ils puissent mériter en nostre présence l'honneur & la gloire d'estre vrays imitateurs de ces Gentils-hommes Bretons leurs Ancestres, avec lesquels nos Prédécesseurs ont si souvent triomphé de ceux qui les ont attaquéz », Guy Autret, "Annotations ... arrière-ban de Bret."

L'infatigable historien paléo-graphe Hervé Torchet vient de publier en ce début d'année 2018 un livre savant très intéressant intitulé « 1636, l'Arrière-Ban. Les manoirs et leurs propriétaires. Séné-chaussée de Quimper » aux éditions de La Pérenne.

Il s'agit d'une étude et transcription d'un manuscrit conservé aux Champs Libres de Rennes, portant sur les déclarations faites par les nobles de Cornouaille, Léon et Morlaix, recopiées de la main du célèbre Guy Autret (1599-1660), et incluant en préambule la réédition de ses « Annotations sur les lettres patentes du Roy portant commission de convoquant le ban et arrière-ban de Bretagne ».

Le terme d'arrière-ban est très bien défini par Hervé Torchet : « c'est une infraction au principe féodal, qui repose sur ce que l'on nomme l'écran féodal. De quoi s'agit-il ? tout simplement du fait que le petit noble n'a pas de lien direct avec le duc de Bretagne ou le roi de France. Il relève d'un grand seigneur local qui, lui relève du duc ou du roi. Selon ce principe, ce dernier ne dispose d'aucune prérogative directe sur le petit noble ».

Si ce n'est qu'en certaines circonstances, comme la guerre de trente ans (1618-1648) de Louis XIII et Richelieu contre l'Espagne, il est nécessaire de convoquer l'arrière-ban pour renforcer l'armée royale. La convocation de l'arrière-ban est en quelque sorte une réplique des montres militaires médiévales.

En se déclarant dans l'arrière-ban, chaque noble doit choisir entre deux propositions : « servir » ou « contribuer ». Servir, cela signifie s'enrôler dans l'armée. Contribuer, cela veut dire verser une compensation au trésor royal.

Outre les transcriptions, Hervé Torchet a constitué des notices par familles nobles, en reprenant les déclarations d'arrière-ban et en y ajoutant des informations biographiques complémentaires.

En savoir plus : « TORCHET Hervé - 1636, l'Arrière-Ban : Sénéchaussée de Quimper »

* * *

Ce travail nous a incité à isoler les fac-similés des passages concernant Ergué-Gabéric dans le document de référence conservé aux Champs Libres, qu'on désigne sous le terme « Manuscrit de Missirien » et dont la reproduction numérique est disponible sur le site Internet du Centre de Documentation du Musée de Bretagne.

 
Ce recueil incluant les déclarations nobles de l'arrière-ban de 1636 est un gros registre à la reliure éculée contient également des extraits de titres, les roles de l'arrière-ban des années 1467 à 1568 pour le Léon, la Cornouaille, Rennes, Tréguier et Vannes. Et notamment les folios 498 à 541 du recueil qui constituent les déclarations de la séné-chaussée de Quimper en 1636.

Huit représentants no-bles possédant des terres à Ergué-Gabéric y sont déclarés soit pour « servir », soit pour « contribuer » à la guerre de Louis XIII contre les Espagnols :

Image:Space.jpgPierre de Kermorial, domicilié à Kermorvan en Kerfeunteun, possède le manoir du Cleuziou, rattaché à cette époque à la paroisse de Lan-niron, et la Salle-Verte, consent à « servir aux termes de l'esdit ».

Image:Space.jpgGuy Autret, seigneur de Missirien et de Lezergué, fait la déclaration pour lui-même, son père et son frère et formule un engagement collectif à servir : « offre se mettre en équipage d'homes d'armes pour l'attention qu'il porte au service de Sa Majesté ».

Image:Space.jpgRené de Kersulgar de Kernaou, « âgé de 60 ans », offre de contribuer, et non de servir, du fait de son âge.

Image:Space.jpgYves de La Marche de Kerfors qui est célibataire en 1636 « s'enrole pour servir ».

Image:Space.jpgAlain de Kersulgar, d'une famille noble présente à Mezanlez pendant 7 générations et d'une branche bien distincte de celle de Kernaou, opte pour servir également.

Image:Space.jpgJan de La Lande demeure à Kerautret en Langolen, mais possède aussi le manoir gabéricois de Kergonan-Liziart s'enrôle.

En savoir plus : « 1636 - Déclaration d'arrière-ban de la noblesse au présidial de Kemper »

[modifier] 21 Dette de 24 millions d'anciens francs

Billet du 11.08.2018 - L'action menée par le recteur Jean-Louis Morvan pour apurer la dette paroissiale suite à la construction de la chapelle de Ker-Anna.

Ce dossier, constitué par le recteur lui-même pour être versé aux Archives municipales en 1980, comprend 28 documents, essentiellement des lettres que Jean-Louis Morvan adresse aux autorités diocésaines, leurs réponses et les comptes-rendus de conseils paroissiaux, ce depuis sa nomination comme recteur d'Ergué-Gabéric en octobre 1969, et également deux pièces datées de 1965 et de 1966.

Le document du 8 juin 1965 est le rapport de la validation officielle par le conseil paroissial du projet de construction d'une nouvelle chapelle à Ker-Anna par l'aumônier d'Odet Jean-Marie Breton et le Vicaire Général Jean Abiven : « Il faut sortir le lieu de culte de l'usine. La liaison actuelle de l'église à l'usine constitue une situation fausse. Elle peut avoir des inconvénients matériels pour l'avenir. Elle est une gêne pour le clergé dans l'exercice du ministère et, pour les fidèles ... »

L'accord est conditionné par le coût de l'opération et son financement : « une trentaine de millions d'anciens francs, les 2/3 environ seront couverts par la caisse centrale, par versements échelonnés ; le dernier 1/3 et les intérêts restent à la charge de la paroisse ».

Le deuxième document référence l'acte de cession du terrain qui « appartient à l'Association Diocésaine de Quimper par suite de l'acquisition qu'elle en a faite de la Société "Papeterie Bolloré" aux termes d'un acte reçu par Maître Trochu, notaire soussigné le vingt deux octobre mil neuf cent soixante six ».

Les autres documents nous apportent les informations suivantes :

Image:Space.jpgUn projet alternatif avait été suggéré par la famille Bolloré : « Mr Bolloré avait proposé un projet qui aurait pu "retirer" l'ancienne chapelle de l'usine elle-même. Il offrait d'abattre le mur d'enceinte, ce qui aurait permis d'accéder à la chapelle sans entrer dans l'usine. Il aurait fait doubler son volume à ses frais ».

Image:Space.jpgLe recteur précédent avait été muté en lien avec le projet de Ker-Anna : « Mr l'abbé Pennarun, qui a fait tant de travaux sur la Paroisse, et les a tous payés, mais n'a jamais été d'accord pour cette construction. C'est pour cela qu'il a demandé son départ »

Image:Space.jpgLa situation financière après la construction en 1967 et la bénédiction en 1968 n'est pas bonne car les coûts estimés à 300.000 F en 1965 ont explosé : « D'après M. Breton le gros oeuvre a atteint 51 millions d'anciens francs. D'après M. Pennarun, 53, 54, 58 ou plus. » (le nouveau franc émis en 1960 vaut 100 anciens francs).

  Image:Space.jpgL’Évêché a payé d'emblée les 2/3 du coût initial, et la dette paroissiale de 240.000 F est la situation financière auquel le nouveau recteur doit faire face. D'où sa réaction : « Je n'ai rien d'un financier. Et puis, j'estime que si je me suis fait prêtre, ce n'est pas pour brasser des millions. Or je suis sûr que mon apostolat sera empoisonné par cette dette. ».

Image:Space.jpgDébut 1970 il envisage même de se retirer : « il ne me reste plus qu'une solution : proposer ma démission à Monseigneur. J'ai demandé conseil : certains m'en dissuadent, d'autres m'y poussent. Pour ma part, sans aucune acrimonie, je crois que c'est la meilleure solution. »

Image:Space.jpgIl va quand même mener une bataille épistolaire et harcelé son évêque Francis Barbu, le chanoine Hélou et l'économe diocésain Yves Marzin pour qu'ils endossent une partie de la dette. L'évêque n'est ni conciliant ni disponible : « Ces jours-ci je suis presque constamment en dehors de l’Évêché, et cela va durer encore jusqu'au retour de Lourdes au moins » .

Image:Space.jpgIl lance des souscriptions et organise des kermesses. Il obtient du diocèse une participation financière complémentaire, d'abord 50.000 F, et la dispense pendant 10 ans du reversement du casuel et de la quête des chaises.

Image:Space.jpgDébut 1971, il fait placer la statue d'un Christ du 16e siècle sur le mur du chœur de la chapelle : « Je fais restaurer par M. Coroller le Christ que vous avez vu, et qui ira à Ker-Anna. Il est en très mauvais état » - « À la chapelle de Ker-Anna j'ai fait mettre un Christ du 16e siècle restauré : il est très beau ».

Image:Space.jpgCette même année, le parking de la chapelle est réalisé par les services municipaux, et le recteur demande son accord à Gwennaël Bolloré qui fait répondre par le directeur de l'usine : « Monsieur Bolloré est bien d'accord pour aménager le parking sur l'emplacement prévu initialement pour le presbytère ». Ce terrain avait été cédé gracieusement en même temps que celui de la chapelle.

Image:Space.jpgPar contre le projet de la salle de permanence pour le prêtre n'aboutit pas. L'idée était d'utiliser la pièce en entresol près de la crypte, mais elle doit être abandonnée.

Image:Space.jpgSix ans après l'arrivée du recteur, en 1975 la dette paroissiale imputable à la chapelle de Ker-Anna est presque épurée : « En 1969 il y avait 246.000 F. L’Évêché nous a donné 80.000 F. ; il ne reste plus que 40.000. »

En savoir plus : « 1965-1975 - Apurement de dette paroissiale après la construction de la chapelle de Ker-Anna »

[modifier] 22 La chapelle aux lignes très pures

Billet du 04.08.2018 - Un article récent du journal Le Télégramme nous rappelle que 2018 est le jubilé de la chapelle Sainte-Anne de Ker-Anna, car il y a 50 ans cet édifice nouvellement construit était béni en plein mois d'août. C'est l'occasion de décrire ses caractéristiques intérieures et extérieures.


La chapelle de Ker-Anna est située entre le terrain de foot du patronage et la cité ouvrière de Ker-Anna, non loin de la papeterie Bolloré d'Odet. Le projet de construction en 1967 fut conduit par l'aumônier de l'usine, Jean-Marie Breton, qui trouvait qu'il fallait mettre un lieu de culte en remplacement de la chapelle de l'usine trop exiguë.

Le style architectural, avec son faîtage incliné d'ardoises et ses murs pignons triangulaires est un ouvrage type de la deuxième moitié du 20e siècle. Son orientation n'est pas sur un axe ouest-est comme de coutume, car l'entrée dans la nef se fait côté nord, et le mur pignon du chœur est au sud. Son architecte quimperlois, Pierre Brunerie, surnommé le « reconstructeur de Lorient » pour avoir activement rebâti la ville après les bombardements de la guerre 1939-45, a réalisé d'autres édifices religieux similaires, notamment Notre-Dame de la mer à Bénodet construite en 1968 juste après Ker-Anna.

Le gros oeuvre a été confié à l'entreprise Le Bris du pays fouesnantais et le chantier dirigé par M. Bellocq, « un conducteur de travaux très apprécié ». La structure est un mélange de béton,

  utilisé pour le soutien de la toiture et le fronton nord, et de pierres de granit pour les fondations de la crypte inférieure et les murs latéraux et du chœur.

À l'initiative de l'abbé Breton, les pierres de soubassement de la chapelle ont été récupérées sur les ruines d'une longère de Penfoënnec en Elliant. Par contre les pierres aux tons multiples formant le mur du chœur proviendraient des carrières de granit d'Edern.

Les vitraux se répartissent en petites ouvertures non figuratives dans les murs latéraux est-ouest, et sur le pignon nord en une très grande verrière incluant les motifs colorés d'un crucifix. Faute d'information attestée, on peut supposer qu'ils ont été réalisés par le talentueux maître verrier André Bouler, lié à la famille de l'architecte Brunerie et créateur des baies vitrées de Notre-Dame de la mer à Bénodet.

Le Christ du mur nord, placé en hauteur sur une longue croix de bois réalisée par le menuisier local Nicot, provient de la réserve paroissiale. Il est daté du 16e siècle et a été restauré en 1971 par le sculpteur Jean Coroller de Quimper pour être placé dans la chapelle.

Le terrain sur lequel est bâtie la chapelle et le parking a été rétrocédé par la famille Bolloré à l'association diocésaine, et les travaux, même si certains ont été effectués par des artisans locaux, furent coûteux pour les finances du recteur de l'époque, l'abbé Pennarun. La chapelle fut inaugurée en août 1968 quelques semaines après la mutation de l'abbé Breton à l'Ile-Tudy.

Les deux journaux locaux du 20.08.1968, Ouest-France et Télégramme, ont relaté la bénédiction épiscopale de la nouvelle chapelle Sainte-Anne : c'est le nouvel évêque Francis Barbu qui conduit la procession autour de la chapelle « aux lignes très pures » et y célèbre la messe de dimanche 18 août 1968, « en présence d'une assistance nombreuse et recueillie ». L'architecte Pierre Brunerie et l'entrepreneur Bellocq assistent à la cérémonie.

Jean-Marie Breton, « l'âme de cette construction » qui a été vicaire d'Odet pendant 8 ans et nommé en 1968 comme recteur de l'Ile-Tudy est aussi présent, ainsi que le recteur Pierre Pennarun qui quittera la paroisse quelques mois plus tard. Les bénévoles du quartier ont été nombreux, et les vitraux ont été « offerts par les anciens élèves de M. l'abbé Breton », connus lorsqu'il était professeur à St-Pol de 1943 à 1952.


* * *

Dans le billet de la semaine prochaine nous aborderons le coût financier de la construction, via un dossier de l'abbé Morvan versé aux Archives communales, et les débats que la chapelle de Ker-Anna a provoqués.

En savoir plus : « La chapelle de Ker-Anna », « La bénédiction de la chapelle de Ker-Anna, Ouest-France Télégramme 1968 », « Le premier jubilé de la chapelle de Ker-Anna, Le Télégramme 2018 »

[modifier] 23 Une paroisse abolitionniste en 1789

Billet du 28.07.2018 - La publication, la transcription et l'analyse de deux documents d'archivistes reconnus permettent de mieux comprendre les conditions d'adoption du cahier des doléances par le Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric pour les Etats-Généraux de mai 1789.

Les documents en question sont respectivement l'étude de 416 pages « Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau pour les Etats-Généraux de 1789 » de Jean Savina et Daniel Bernard en 1927 d'une part, et l'article « Deux écrits de propagande en langue bretonne - janvier 1789 » de Daniel Bernard en 1911 d'autre part : « Da guenta, goulen a reomp ne yalo mui den, na divar ar meas na diouz quear, da labourat dre gontraign ... » (Premièrement, nous demandons qu'il n'aille plus personne, ni de la campagne ni de la ville, travailler, par contrainte ...).

Rappel : La vaste sénéchaussée de Quimper couvrait, avec ses 85 paroisses et trêves, près du tiers du département actuel du Finistère. Son sénéchal, Augustin-Bernard-François Le Goazre de Kervélégan (1748-1825), ardent défenseur de la cause du Tiers-Etat, faisait partie de la délégation du Tiers breton que le roi avait reçue le 14 mars à Versailles. Rentré à Quimper le 26 mars, il publia le lendemain une ordonnance de règlement pour sa sénéchaussée.

Les premiers cahiers de paroisses de la sénéchaussée de Quimper sont rédigés et authentifiés le dimanche 5 avril, jour des Rameaux, notamment à Plonéis. Ce jour-là, en l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric la convocation royale est lue publiquement, et lors du prône la convocation le dimanche suivant de l'assemblée paroissiale est annoncée publiquement pour la validation du texte des doléances et la désignation des députés. C'est « Messire René Lanmeur, ancien prêtre et chapelain de ladite paroisse » qui célèbre cette messe, en remplacement du recteur en titre, Alain Dumoulin, réfractaire aux idées de la Révolution.

Le dimanche 12, jour de Pâques, a lieu à Ergué-Gabéric cette réunion importante, avec un maximum de transparence et de publicité, alors que certaines autres paroisses se sont contentées d'un « son de cloche » en milieu de semaine. Les membres de l'assemblée, réunis dans la sacristie de l'église paroissiale, ont demandé la présence du procureur du présidial de Quimper, explicitement « appelé par les délibérants ». Et ils valident leur « cahier de charges, doléances, plaintes et remontrances » en adoptant le même texte qui avait été choisi par Plonéis le dimanche précédent.

Et ensuite ils nomment leurs deux députés pour les représenter à l'assemblée de la sénéchaussée. Seul le nom du premier député gabéricois est inscrit dans le présent document, à savoir Jean Le Signour de Keranroux, le second nom étant laissé à blanc. Dans le procès-verbal de la sénéchaussée de Quimper, Augustin Gillart de Congalic est mentionné comme deuxième député.

Les cahiers d'Ergué-Gabéric et de Plonéis notamment sont rigoureusement identiques, du même papier et de la même écriture. Le contenu des articles constitue une synthèse équilibrée des revendications d'une paroisse rurale, et a été certainement influencée par une circulaire rédigée en breton « Circulaire aux Bas-Bretons des environs de Quimper sur les demandes à soumettre dans l'intérêt du peuple » où seules les propositions n° 2 (gardes-cotes) et n° 10 (Représentation des recteurs) n'ont pas été intégrées dans leur cahier final :

 

1. Fidélité au roi (intro de la circulaire).

2. Contribution dette nationale (intro de la circulaire).

3. Tous ordres tous impôts selon moyens (prop. nos 4, 5 et 6 de la circulaire).

4. Rémunération de tout le clergé (prop. n° 9).

5. Entretien des chemins publics (prop. n° 1).

6. Abandon du franc-fief de défense armée (ext. de la prop. n° 3).

7. Justice royale et de proximité (reformulation de la prop. n° 7).

8. Abandon des coutumes et du domaine congéable (initiative locale).

9. Solidarité vis-à-vis des doléances du tiers-état (intro et conclusion de la circulaire).

L'originalité du cahier d'Ergué-Gabéric et de Plonéus tient essentiellement dans son article 8, et plus particulièrement en la demande de transformer le système de « fief anomal » ou domaine congéable en système censitif, ceci pour éviter les congéments abusifs que devaient subir les domaniers. A ce titre, la paroisse d'Ergué-Gabéric se range parmi les paroisses dites « abolitionnistes ».

A la suite de débats contradictoires, le texte retenu dans le cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau est l'article 11 du chapitre « Des abus » : « Que le droit de moute, les corvées en nature, droits de fours banaux et péages soient supprimées ; que la rente domaniale soit convertie en censive, et que le propriétaire ne puisse plus accorder de congément.

Néanmoins, avec la pression du lobby foncier, l'assemblée constituante par la loi du 6 aout 1791 maintiendra ce régime de domaine congéable avec, en cas de rupture, le remboursement de la valeur des édifices. Après une tentative de transformation en 1792, les propriétaires fonciers seront confirmés dans leurs droits en 1797. Le domaine congéable subsistera tout au long du 19e siècle avec une hostilité maintenue entre domaniers et fonciers, avant de disparaître définitivement en 1947 grâce à une loi à l'initiative du député communiste finistérien Alain Signor.


En savoir plus : « 1789 - Le cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric », « SAVINA Jean & BERNARD Daniel - Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper », « BERNARD Daniel - Propagande en langue bretonne en janvier 1789 »

[modifier] 24 Impôt en terre rançonnée en 1395

Billet du 21.07.2018 - Document inédit daté du 25 août 1395, conservé aux Archives Départementales de Nantes, pour l'établissement du nombre de feux pour chaque paroisse de Cornouaille relevant de l'impôt roturier du fouage, payable au duc de Bretagne Jean IV de Montfort.

Étonnamment ce document extra-ordinaire, transcrit partiellement par Hervé Torchet, n'a pas fait l'objet d'une analyse historique alors qu'il apporte des renseignements sur la politique fiscale du duché au lendemain de la guerre de Succession de Bretagne qui dura de 1341 à 1364.

Le document se présente sous la forme d'un rouleau (« C'est le roulle par lequel compte Bernardon de Castet de la recepte  ») d'environ un mètre de longueur, avec en son milieu une couture de séparation, liste toutes les paroisses cornouaillaises autour de Quimper, littoral et Chateaulin, et est adressé au receveur de la « Bretaigne bretonnante » pour les caisses du duc Jean IV (1339-1399).

Ce dernier, un Montfort de retour d'exil en Angleterre, a créé en 1365 un nouvel impôt du fouage sur sa population roturière, les contribuables constituant des « feux » (équivalent du foyer fiscal). Les nobles et prêtres sont exclus de cet impôt, seules les familles roturières solvables devaient payer annuellement un montant numéraire réclamé par le duc et fixé forfaitairement pour chaque feu, en l’occurrence 5 ou 10 sous cette année 1395.

On note dans le document quelques exonérations : certains feux sont dits « quittes », les « poissonniers » ou pêcheurs le sont systématiquement. Par ailleurs les terres attachées à Alain de Rohan, allié de Jean IV, et du seigneur Évêque de Quimper sont directement imposés par leurs seigneurs et le duc ne s'en mêle pas. À Quimper même, la ville close de l’évêque, le duc fait profil bas : « tant pour la cause de la guerre des fouages, que autrement, dont ledit receveur ne s’en charge que de 8 feux ».

La liste des 93 paroisses cornouaillaises est divisée en deux parties : les 38 premières sont les terres « non rançonnées » et doivent payer 10 sous annuels par feu, les 55 suivantes sont les terres « rançonnées » et le fouage est ramené à 5 sous par feu. Il est écrit « Si après commence la terre rançonnée » après la couture de séparation qui précède la ville de Pont-Croix.

Yves Coativy présente ainsi la situation des terres rançonnées : « D'un point de vue économique, les conséquences de la guerre de Successions sont plus difficiles à établir. Les deux partis ont rançonné leurs domaines respectifs : soit pour payer la guerre et les soldats, soit pour payer les rançons des chefs de guerre. »

 

Il y a lieu de penser qu'au moment d'établir les premiers fouages en Cornouaille, le duc et son receveur aient voulu ne pas trop pressurer les contribuables des domaines qui avaient été lourdement taxés pour supporter les défenses militaires des Montfort, avec cette règle d'un impôt réduit à 5 sous au lieu de 10.

Ergué-Gabéric est considérée comme une terre déjà « rançonnée », et sa part est indiquée comme suit : « La paroisse d’Ergué Gabeuric souloit être à 60 feux, et par enquête ramené à 43 feux, et audit évêque 3 feux. ». Aucun contribuable n'est rattaché au domaine de Rohan, et seulement trois sont à l’Evêque. L'enquête faite en 1395 a permis de diminuer le nombre des familles roturières imposées de 60 à 43, ce qui constitue presque le double d'une contribution moyenne ducale pour une paroisse.

Nous avons essayé de recalculer les montants dûs au titre du fouage par l'ensemble des 93 paroisses cornouaillaises, et de les comparer aux quittances fournies qui se monte à 983 livres. Nous arrivons à un peu plus de 800 livres, cela étant sans doute du à des exonérations non appliqués, ou à des erreurs de reports de chiffres. En tous cas cette première contribution est peu élevée, elle ne cessera d'augmenter. Sous le duc François II (1458-1488), chaque receveur était en charge d’une soixantaine de paroisses, ce qui correspondait à la perception de 8 à 15 000 livres.

Fouage cornouaillais de 1395, onglet récapitulatif :

Fichier excel : Media:ComptageFouage1395.xlsx

En savoir plus : « 1395 - Levée de fouage de Cornouaille en Bretaigne Bretonnante par le duc Jean IV »

[modifier] 25 De Quillihuec au Petit-Goâve haïtien

Billet du 14.07.2018 - Le 9 mars dernier décédait Jean Hénaff, missionnaire gabéricois à Wallis-et-Futuna et Nouméa. Cela nous pousse à présenter les biographies de tous ces personnages atypiques natifs d'Ergué-Gabéric partis en mission aux quatre coins du monde, soit aujourd'hui Laouig Poupon.

Dans le Progrès du Finistère du 8 août 1936, il est question de la première grand'messe célébrée dans l'église paroissiale d'Ergué-Vras par l'enfant du pays Guillaume Poupon, dit Laouig, appelé à partir en mission à Haïti.

Le journaliste se réjouit : « La paroisse d'Ergué-Gabéric a eu la joie de voir se renouveler pour elle, cette année, la fête intime et familiale qu'est une première grand'messe ». En fait l'été précédent, en août 1935, c'est Hervé Narvor, né en 1904 à Creac'h-Ergué, qui disait sa grand'messe avant de partir à Wallis-et-Futuna.

Laouig Poupon est issu d'une famille nombreuse très catholique du village de Quillihuec : « huit frères et quatre sœurs, dont deux religieuses de la Congrégation du Saint-Esprit ». Son père Hervé Poupon n'y a pas de ferme, il est simplement journalier agricole et exerce aussi le métier de rebouteux.

Jeune, Laouic joue au foot dans l'équipe de foot des Paotred-Dispount et se fait remarqué par le vicaire René Abguillerm d'Odet qui proposera à sa famille qu'il aille suivre ses études au petit séminaire de Pont-Croix. En 1936 le vicaire fait le déplacement pour la première grand'messe de son protégé : « M. Abguillerm, vicaire à Saint-Pol de Léon et ancien vicaire d'Ergué-Gabéric, fit ressortir dans son sermon le magnifique idéal du missionnaire ».

Laouis Poupon est formé d'abord au petit séminaire de Pont-Croix, puis à celui des Pères de St-Jacques au château de Lézarazien à Guiclan, près de Lampaul-Guimillau dans le nord-finistère, où l'on forme la majorité du clergé haïtien. En janvier 1933 Guillaume Poupon y a des fonctions d'infirmier et de fleuriste : « Au soin des chrysanthèmes et des bégonias, il joint celui des malades », ironise-t-on dans le bulletin de Pont-Croix.

Dans un courrier adressé au séminaire de Pont-Croix en fin d'année 1936, il raconte ses débuts dans sa nouvelle paroisse du Petit-Goâve près de Port-au-Prince : « Le lendemain de mon arrivée le 1er vendredi du mois de Novembre, mon curé et moi avons distribué deux grands ciboires bien pleins d'hosties » ; « La population du Petit Goâve est, on peut dire, entièrement noire ou de race noire » ; « La route se fait à cheval, par des chemins encore plus fantaisistes que nos chemins bretons ».

Dix ans plus tard, en 1946, un autre missionnaire d'Ergué-Gabéric ira rejoindre Laouig Poupon à Haïti par le biais du séminaire de St-Jacques : Pierre Le Men, né en 1921.

 

En 1953 Guillaume Poupon est en congé en Bretagne et le bulletin de Pont-Croix rend compte de ses dernières activités à Haïti. Ces dernières années il a fait le pari de recréer une paroisse dans un coin reculé dans la montagne sur le territoire communal du Petit Goâve, au secteur des Palmes : « Le résultat matériel de cinq années d'efforts : une église, 3 chapelles de secours (non terminées), un presbytère, une école de filles, l'ancien presbytère transformé en école de garçons, un dispensaire. »

Le souvenir de Laouic Poupon à Haïti est toujours vivace. Aux Palmes l'école a été baptisée « Institution Guillaume Poupon » car « fondée par le père Poupon, père de la communauté des pères de Saint-Jacques ». À Ergué-Gabéric, les anciens se souviennent aussi de ses visites lors de ses retours d'Haïti : « Un homme plutôt petit et rondouillard », « Une douzaine de frères et sœurs, dont son frère Charles qui travaillait à l'usine Bolloré. On lui faisait parvenir à Haïti des médicaments inutilisés. » (témoignages de René Le Reste et d'Henri Le Gars).

* * *
À ce jour, les missionnaires gabéricois identifiés sont :

1.Image:Space.jpgGuillaume Seac'h, grand'messe en 1891.
2.Image:Space.jpgHervé Narvor (1904-1962), grand'messe en 1935, Iles Wallis et Australie, mariste.
3.Image:Space.jpgGuillaume Poupon, né en 1911 à Quillihuec, à Haîti en 1936.
4.Image:Space.jpgVincent Le Berre, né en 1912, Zaïre, Père blanc.
5.Image:Space.jpgPierre Le Men, né en 1921, à Haïti en 1946.
6.Image:Space.jpgJean Hénaff (1924-2018), né à Garsalec, îles Wallis et Futuna, Nouméa, mariste.

En savoir plus : « Nomination du missionnaire Guillaume Poupon à Haïti, Progrès et Bull. Pont-Croix 1936-37 », « Guillaume Poupon (°1912), missionnaire à Haïti », « Les prêtres et missionnaires natifs d'Ergué-Gabéric »

[modifier] 26 Le circuit des panneaux-silhouettes

Billet du 07.07.2018 - Dans la série du patrimoine naturel, voici une belle concrétisation d'un projet d'interprétation et d'aménagement enclenché début octobre 2015 sur le site du canal d'Odet en contrebas de Stang-Luzigou, avec neuf étapes aménagées autour de panneaux-silhouettes explicatifs.

Ce circuit pédagogique a été préparé par le conseil départemental, propriétaire de la quasi-totalité du site, la commune d'Ergué-Gabéric et l'Office National des Forêts.

De part et d'autre du canal asséché de l'ancienne usine à papier d'Odet, le long d'un sentier de randonnée et du chemin de l'écluse, des panneaux sur des silhouettes évocatrices ont été aménagés pour donner des explications et visuels sur la vie autrefois dans ce coin de verdure.

Les titres et sous-titres bretons des 9 panneaux et thèmes sont les suivants, dans l'ordre des étapes de la carte du site ci-dessous, en empruntant d'abord par le sentier de randonnée :

1.Image:Space.jpgL'Odet, un site propice à l'installation d'une usine à papier, An oded, ul lec'h mat evit staliañ un uzin-baper.

2.Image:Space.jpgLe canal : un cours d'eau aménagé, Ar ganol : un dourredenn kempennet.

3.Image:Space.jpgAllons pêcher truites et saumons, Deomp da zluzheta ha da eogeta.

4.Image:Space.jpgUtiliser l'énergie du cours d'eau, Implijout energiezh an dourredenn.

5.Image:Space.jpgL'Odet a repris son cours naturel, An Oded en deus adkemeret e naoz naturel.

6.Image:Space.jpgDans les bois de Stang-Luzigou, sorcières et korrigans nous observent, E koadoù stank-lusigoù e sell ar sorserezed hag ar gorriganed ouzhimp.

  7.Image:Space.jpgStang-Luzigou, une richesse naturelle à préserver, Stank-lusigoù, ur binvidigezh naturel da wareziñ.

8.Image:Space.jpgLe chêne de la baignade, un lieu riche en souvenirs heureux, Dervenn ar c'houronk, ul lec'h leun a eñvorennoù eürus.

9.Image:Space.jpgFontaines et lavoirs, indispensables pour la vie quotidienne, Feunteunioù ha poulloù-kannañ, traoù ret evit ar vuhez pemdeziek.

En guise de compléments sur les textes et photos du circuit pédagogique on notera les points suivants :

✔ Etape n° 4, le moulin de Coat-Piriou :

  • Il est écrit « La configuration des lieux ne permettent pas de créer une chute d'eau suffisante, la roue du moulin était à l'horizontale. ».
  • En fait l'absence de chute n'indique pas un défaut de tirant d'eau et le moulin de Coat-Piriou disposait de deux roues, l'une horizontale et l'autre verticale.

✔ Etape n° 8 bis, un calvaire :

  • Il manque une étape explicative au niveau du très beau calvaire de 1815 à 5 mètres du chemin, dans les bois.
  • Ce 10e panneau aurait pu reprendre le thème de l'ancrage populaire de la religion au niveau local.

✔ Etape n° 9, les lavoirs :

  • Il est écrit « Pour laver le linge, elles se rendaient au lavoir ou descendaient au canal. »
  • Mais la photo des lavandières en coiffe n'est pas prise au canal, mais au bord de la rivière où elles rincent leur draps.
La carte du circuit sur le sentier de randonnée (en pointillé) le long du canal asséché (en marron) en démarrant à la passerelle de Stang-Luzigou (en rouge), la 5e étape étant l'ancienne barrage-écluse au-delà de la passerelle de Coat-Piriou (en rouge), et le retour par le grand chemin (en gris) longeant également le canal :

En savoir plus : « Le circuit pédagogique de Stang-Luzigou le long du canal d'Odet »

[modifier] 27 Bulletin pour l'été à Kerdévot

Billet du 30.06.2018 - Ces nouvelles chroniques « Du 15e siècle à Kerdévot aux 19e-20e à Balanoù » développent les 12 articles du trimestre qui s'achève.

Cela démarre par la chapelle de campagne, bâtie et meublée au 15e siècle : le chantier gothique, la statuaire - notamment la « maestà » italienne - et les sources bibliques apocryphes d’une scène du retable flamand.

Ensuite le paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet, permissionnaire en fin de guerre de Crimée, et l’écrivain Gustave Flaubert racontent leurs voyages organisés en terre sainte en 1850-56.

Autre témoignage, celui de l’abbé Perrot dans une correspondance de 1932 à René Bolloré pour le sanctuaire de Koat-Keo, la chapelle de Cascadec et le calvaire d’Odet.

Les échanges en 1925 entre l’Académie, la municipalité et l’opposition pour suppri-mer un poste d’institutrice au Bourg.

Une épidémie de dysenterie qui fait des morts à Ergué-Gabéric en 1769-1786 et les rapports des médecins sur leur thérapeutique.

Grève et lock-out à la mine d’antimoine de Kerdévot en 1927 et la réaction du journal L’Humanité. Une légion d’honneur pour le châtelain du Cleuyou en 1865.

Le déplacement des fourches patibulaires de Lestonan en 1511 autorisé par la duchesse Anne de Bretagne.

Et pour poursuivre, deux articles sur François-Louis de La Marche, dernier occupant noble de Lezergué à la Révolution : le premier sur son exil et sa mort à Jersey, le deuxième sur les séquestres du manoir, la mainlevée et son amnistie.

Et enfin les belles pierres pour bailles à laver avec une escale à Balanoù où a été signalé un socle en granit très bien conservé.

Ar henta gwell, Jean

PS. Si tout va bien, les annales 2018 seront livrées par l’imprimeur à la mi-août. Et rendez-vous ensuite pour le prochain Kannadig de la rentrée en octobre !

 
Lecture en ligne du bulletin trimestriel, avec fichier pdf pour l'impression en recto-verso : « Kannadig n° 42 Juillet 2018 »

[modifier] 28 Ancestrales machines à laver

Billet du 23.06.2018 - « Un bel exemple est celui des pierres à laver ... il en a été signalé une en granit(e), de ce style, à Ergué-Gabéric, dans la presse en 1973, avec des détails sur son utilisation encore au début du siècle », Pierre-Roland Giot, préhistorien, Société Archéologique du Finistère, 1994.

Ces pierres de moins d'un mètre de circonférence avaient aux 19e et début 20e, et peut-être bien avant, un usage particulier : servir de support et de récupération d'eau pour les bailles à laver le linge.

Les premières pierres à laver, différentes des maies de pressoir bien plus larges, ont été signalées dans les années 1970-90 dans les journaux locaux et magazines d'archéologie, et un mystère plane encore car le nombre de ces pierres trouvées sur le territoire gabéricois semble très important : à ce jour six ont été exhumées à Pennervan, Squividan, Bohars, Garsalec, Balanoù et Kerdilès.

Les principes de leur fonctionnement étaient les suivants :

Image:Right.gif sur la pierre circulaire rainuré on plaçait une ancienne barrique sans fond dans laquelle on mettait le linge.
Image:Right.gif sur un foyer à côté on faisait bouillir de l'eau dans des grandes chidournes.
Image:Right.gif on versait l'eau sur les couches de linge qu'on saupoudrait de cendre de bois (« ludu tan » en breton), gorgée de potasse.
Image:Right.gif avec un bâton on mélangeait énergiquement le linge.
Image:Right.gif l'eau sale s'écoulait lentement sur la pierre et les rigoles l'amenaient sur l'avancée en dessous de laquelle on mettait un seau.

Les premières eaux pouvaient resservir pour la tournée de lessive suivante, mais ce mélange de cendre servait ensuite d'engrais potassique appelé « ar cloag » et était très recherché par les maraîchers.

Sur Ergué-Gabéric les pierres les mieux conservées sont celles de Balanou et Pennervan, cette dernière ayant déjà repérée et documentée en 1973 par un journaliste du   Télégramme   et   en

 
La pierre à laver de Balanoù, © GT 2018.

1994-95 par l'archéologue P.R. Giot et le docteur A. Kervarec. Elles présentent quatre rigoles perpendiculaires sous la forme d'une croix, et mesurent 93 cm (Balanou) à 1 m (Pennervan) de circonférence, 1 m 10 au bout du déversoir, et 20 cm d'épaisseur.

Madame Billon de Balanoù se souvient : « Dans le temps on mettait les draps et les chemises dans une sorte de lessiveuse avec de la cendre et on faisait la grande lessive trois à quatre fois dans l'année. Le grand-père avait trois douzaines de chemises, et donc ça suffisait. La pierre était surélevée, et par l'écoulement on récupérait l'eau de lavage qui servait à faire plusieurs tournées. »

On trouvera dans l'article les photographies de ces pierres signalées, la dernière étant celle de Balanoù. Et, au cours de l'été qui vient, on organise une course aux trésors pour en trouver d'autres, cachées ou oubliées à proximité d'anciennes exploitations agricoles.

Image:Square.gif En savoir plus : « Pierres de granit pour les bailles à laver le linge dans nos campagnes »

[modifier] 29 Séquestre et amnistie du Grand-Juge

Billet du 16.06.2018 - « Le préfet, vû le certificat accordé le 2 floréal an 11 par le grand-juge ministre de la justice ... il est accordé aux héritiers de François-Louis de la Marche, mainlevée du séquestre existant sur les biens ci-devant désignés et apposé pour cause de son inscription sur la liste des émigrés »

Ce document inédit de 1792 concerne bien le séquestre ou confiscation des meubles et effets du château style Louis XIII, bâti en 1772-73 près de la métairie de Lezergué par François-Louis de La Marche (1720-1794), dit Lamarche père, tel que restitué ci-contre par l'aquarelliste Anne Cognard. En cette fin d'avril 1792 les de La Marche sont « émigrés et hors du royaume » : Lamarche père vient de partir sur l'île de Jersey et son fils cadet Joseph-Louis-René en Guadeloupe, le dernier des fils étant resté à Quimper et le fils aîné décédé en 1774.

Suite à la désertion des propriétaires de Lezergué, les autorités révolutionnaires procèdent à l'adjudication des tenues agricoles et aux convenants de Lezergué, et au séquestre de leurs biens personnels, Pour les Lamarche père et fils cadet qui habitaient aussi dans un hôtel quimpérois, l'inventaire de séquestre de Lezergué est complété par un séquestre dit « de la Quintin » où sont listés également des habits, du linge et quelques meubles laissés sur place.

L'inventaire de Lezergué est bien plus important, du fait des objets entreposés et du nombre de « chambres », désignées aussi sous le terme d'appartements. Hormis la cuisine, ces six grandes pièces de part et d'autre du grand escalier intérieur sont sous clefs, et le responsable de l'inventaire doit faire venir un serrurier pour les ouvrir.

Deux métayers sont ses interlocuteurs locaux : Guénnolé Kergourlay, valet domestique résidant au manoir et Jean Leguiader ménager demeurant à la métairie. Deux personnages officiels de la commune sont invités à rester présents pendant l'inventaire, le maire Jean Lenoach (ou Lozac'h ?) et l'officier municipal Jean Leday (alias Le Jour), mais ils « s'y sont refusés, de dire et de signer la cause de leur refus ». Sans doute voulaient-ils éviter de se prononcer contre les châtelains en fuite.

Et par ailleurs on peut noter que la fonction de maire pendant les premières années révolutionnaires n'était pas convoitée à Ergué-Gabéric, car les deux premiers, l'un pour 1791, le deuxième ici mentionné pour 1792, sont très discrets pour n'être mentionnés chacun que dans un seul document d'archives. Et le patronyme de celui de 1792 est incertain, car l'orthographe Le Noac'h ne correspondant à aucun actif de l'époque : seul Jean Lozac'h de Kervian (patronyme parfois transcrit en Lenoac'h) est l'un des signataires du cahier de doléances de 1789.

Ce qui frappe dans le relevé patrimonial, c'est la richesse des habitants qu'on ne trouve pas dans les documents habituels de successions de roturiers : des dizaines d'assiettes ou de plats de faïence, des assiettes, des gobelets ou théières de porcelaine, des couverts d'argent armoiriés ... Le niveau de vie est aussi dans les lits à tombeau avec ciel, rideaux et courtepointes (couverture doublée). Comme les cheminées sont légion, dans chaque appartement on trouve le nécessaire pour maintenir un feu : des chenets ou landiers, des soufflets, des pèles à feu, des tourne-broches.

 
Lezergué à la fin du 18e siècle, Anne Cognard 2017.

Au niveau des armes détenus par les occupants et laissées dans leurs chambres, on note plusieurs fusils à un ou deux canons et une épée à poignée d'argent. Ensuite le niveau culturel est élevé car on compte deux grandes bibliothèques dans les deux appartements à gauche de l'escalier, pour plus de 600 volumes au total. Est-ce un héritage des livres de Guy Autret, précédent occupant de Lezergué, avant la construction du château Louis XIII ?

Plus surprenant, des affaires religieuses sont rangées dans la première chambre à gauche : des calices, des patennes, des chasubles, des aubes, un banc d'église, des ornements d'autel, un livre d'église et des nappes d'autel.

Il est vraisemblable que tous ces effets resteront conservés à Lezergué pendant l'exil des maîtres des lieux. En 1803, le 13 floréal de l'an 11, les survivants peuvent se réjouir d'une amnistie du ministère de la justice : « exposent Joseph-Louis-René-Marie Delamarche ainé, et Joseph-Hiacinthe Delamarche cadet, qu'ils ont obtenû un certificat d'amnistie du grand juge ministre de la justice de deux floréal an onze pour François-Louis Lamarche leur père ». Ce dernier est décédé en exil à Jersey en octobre 1794.

Les raisons de l'amnistie, et donc de main-levée des séquestres les concernant, sont certainement des preuves de bonne volonté de leur part vis-à-vis des nouveaux pouvoirs politiques, et aussi le fait que le dernier fils Joseph-Hyacinthe, celui qui signe Lamarche Kerfors (et non Lezergué car ce titre échoit à son aîné), n'est pas parti en exil et est resté sur Quimper. On notera également que, parmi les papiers du défunt Lamarche père, des attestations de don patriotique lui avaient été délivrées pour la période 1789-90.

La décision d'amnistie donne aussi l'explication du défaut d'adjudication du manoir de Lezergué en tant que bien national. Les héritiers, la veuve du fils aîné et les deux autres fils cadets, se voient rétablir leurs droits de jouissance sur les convenants du domaine noble de Lezergué, jusqu'à leurs futures ventes pour endettement ou éclatements successoraux.

Image:Square.gif En savoir plus : « 1792-1803 - Séquestre, amnistie et main levée pour les de La Marche de Lezergué »

[modifier] 30 Exil sur une île anglo-normande

Billet du 09.06.2018 - On pensait que François-Louis de La Marche, dernier seigneur de Lezergué, émigré à la Révolution à l'age de 72 ans, s'était éteint sur l'île Grande-Terre de la Guadeloupe où il aurait pu rejoindre son fils Joseph-Louis. Il fallait en fait le chercher sur une autre île, celle de Jersey.

Deux nouvelles sources en attestent :

Image:Square.gifImage:Space.jpgles recherches en 1886 de Régis de L'Estourbeillon incluant un recen-sement de tous les actes d'état civil concernant les familles nobles, principalement bretonnes ou normandes, émigrées à Jersey pendant la Révolution et l'Empire

Image:Square.gifImage:Space.jpgun document inédit d'autre part, découvert par Grégory Floc'h et cité en 2015 dans un article du bulletin de la Société Archéologique du Finistère, pièce d'archives dont nous fournissons une transcription complète, bien utile pour comprendre l'histoire des seigneurs de Lezergué.

Les documents relevés dans les registres Jersiais nous apprennent au moins ceci :

Image:Right.gifImage:Space.jpgSon décès sur l'île et la date d'inhumation du 28 octobre 1794 via le registre de la paroisse Saint-Laurent de Jersey.

Image:Right.gifImage:Space.jpgSa carrière militaire, à savoir qu'il est lieutenant des maréchaux de France, et qu'il est toujours en début 1793 volontaire de la 1ère compagnie du 2ème bataillon composée de « Mrs les Émigrés français, résidant en l'isle de Jersey (cf. liste complète en annexe du livre).

Image:Right.gifImage:Space.jpgSes relations familiales émigrées sur Jersey, notamment la famille Rocher de Quengo de St-Malo : François-Louis est parrain en 1783 d'une petite Léontine, et une année avant il est témoin pour le mariage des parents, le père étant son neveu, c'est-à-dire le fils de sa sœur.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPour ce mariage on note l'intervention de son frère exilé à Londres, Jean-François de La Marche, ancien évêque de St-Pol-de-Léon, qui donne son autorisation ecclésiale pour se soustraire à l'obligation de publier les bans. Sa lettre, produite en annexe, explique la raison de cette dérogation par « le schisme qui agite l'Eglise Gallicane » et qu'il espère « le rétablissement de l'ordre et la réintégration des vrais pasteurs dans leurs églises ».

* * *

Le document inédit, conservé aux Archives départementales du Finistère est un « Inventaire des papiers et titres trouvé à la mort de mr de Lamarche père arrivé le 27 octobre 1794 en l'isle de Jersey paroisse de Saint-Laurent ». Le mémorialiste Régis de L'Estourbeillon produit le registre des décès en précisant que l'enterrement a lieu le 28 (cf livre cité ci-dessus).

 
Jersey en 1753, carte d'Herman van Loon.

Les papiers en possession du défunt, au nombre de 36, sont inventoriés dans ce document :

Image:Right.gifImage:Space.jpgSes premiers billets datés de Jersey démarrant en août-octobre 1791, les précédents étant émis de Bretagne, on peut donc supposer que l'exilé arrive sur l'île à cette date.

Image:Right.gifImage:Space.jpgLes emprunts et prêts sont effectués entre les parentés et les familles en alliance : sa tante Barbe Rose Martine, les Botherel du Plessis, les Borgne de la Tour, les Roche du Grégo, et aussi les Rocher du Quengo exilés à Jersey. Trois différents prêts sont assortis d'une condition de remboursement spéciale : « payable x mois après la rentrée en France ».

Image:Right.gifImage:Space.jpgFrançois-Louis de La Marche (1720-1794) est désigné comme Lamarche père, mais on trouve aussi un autre François-Louis dans les papiers les plus anciens : il s'agit de son père né en 1691 et décédé en 1738, « chef de nom et d'armes chevalier de l'ordre militaire de Notre-Dame de Mont Carmel et de Saint-Lazare ».

Image:Right.gifImage:Space.jpgLes de La Marche sont dits seigneurs de Kerfors et de Kernaou, avant qu'ils n'achètent le château de Lezergué : dans l'inventaire est mentionné l'acte de vente du 31 septembre 1736 pour François-Louis de La Marche (1691-1738) par cession de Jacques du Bot, successeur de Guy Autret.

Image:Right.gifImage:Space.jpgPour les années 1789-90, sont conservées précieusement des quittances pour des dons patriotiques de 250 livres. Ces contributions ne ressemblent pas au profil type d'un noble exilé et anti-révolutionnaire !

* * *

La semaine prochaine nous publierons les rapports de séquestres de ces exilés à Jersey et en Guadeloupe, et la main-levée faisant suite à l'amnistie révolutionnaire dont ils bénéficieront, à titre posthume pour le père.

Image:Square.gif En savoir plus : « L'ESTOURBEILLON Régis (de) - Les familles françaises à Jersey pendant la Révolution », « 1794 - Inventaire des papiers de François-Louis de La Marche après son décès à Jersey »

[modifier] 31 Patibulaires de Lestonan et Lezergué

Billet du 02.06.2018 - Pièce inscrite dans le registre B19 des lettres scellées à la Chancellerie de Bretagne durant l'année 1510-11, lequel registre est conservé aux Archives de Loire-Atlantique et a fait l'objet d'un mémoire de maîtrise par Karine Debord à l'Université de Bretagne Occidentale en 1997.

En ces débuts du 16e siècle, cela fait déjà 12 ans que la chancellerie a été récréée par Anne de Bretagne juste après son mariage avec le roi de France Louis XII, aux fins de veiller aux libertés institutionnelles du duché.

Parmi les 1484 actes du registre de 1510-1511, on trouve celui-ci en folio 210, octroyant au seigneur de Lezergué et des Salles l'autorisation ducale de déplacer ses fourches patibulaires du village de Lestonan de quelques mètres plus près de son manoir de Lezergué.

Rappelons que ces fourches représentent les poteaux soutenant des poutres auxquelles sont suspendus les cadavres des délinquants condamnés à mort. Seul le seigneur Haut Justicier a le droit d'avoir ces justices patibulaires sur son domaine, puisqu'il a le droit de condamner un criminel à mort. Selon le titre et la qualité des fiefs qui ont droit d'en avoir, les fourches ont 2, à 3, à 4 ou à 6 poteaux piliers.

Les actes du registre sont rédigés d'une belle écriture gothique dite "batarde". Le folio 209 précise que le mandement a été rendu à Dinan, ville où la chancellerie s'est installée pour quelques mois, « 14e jour de novembre oudit an ». Mais cette datation est basée sur le calendrier "ancien style" démarrant le jour de Pâques (31 mars), on peut déduire que, dans notre calendrier "nouveau style", elle est plutôt du 13 février 1511.

Le bénéficiaire haut-justicier de Lezergué est Jehan de Coetaznere, seigneur de Lezergué et des Salles, décédé en 1537, et détenteur des armoiries aux 3 épées visibles sur les vitraux de l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric. Il est marié à Amice de la Palue, et leur fille transmettra l'héritage de Lezergué à la famille Autret.

L'accord de la chancellerie de Bretagne s'appuie sur ce pré-supposé : « Suposant que ses predicesseurs seigneurs des Salles auront justice patibullaire en ung villaige de Lestonan en la parroesse d'Ergué Gabéric ». Les générations précédentes incluent certainement le père de Jehan, décédé en 1500 et prénommé Jehan également. Par contre, il n'est pas attesté que le droit de haute-justice était accordé aux premiers occupants nobles de Lezergué, à savoir les Cabellic.

Quant aux circonstances de la demande, à savoir que les fourches patibulaires sont "chues" (du verbe choir) : « elle estoit cheoiste apres que l'informacion en fut faicte fut ledit suppliant licencié », d'autres documents plus tardifs confirment qu'en 1497 Jehan de Coetanezre avait obtenu le droit de relever ses « patibulaires à deux pots » (piliers).

  Les 13 premières lignes du mandement des patibulaires de Jehan de Coetanezre :

1. Mandement adrecé au juges de Quempercorentin
2. et à touz autres justiciers à qui peult apartenir,
3. pour maistre Jehan de Coetanezre. Suposant
4. que ses predicesseurs seigneurs des Salles auront
5. justice patibullaire en ung villaige de
6. Lestonan en la parroesse d'Ergué Gabéric. Et qu'elle estoit
7. cheoiste apres que l'informacion en fut faicte,
8. fut ledit suppliant licencié de la faire lever au
9. lieu où elle estoit. Laquelle justice ilz
10. desireront muer en autre lieu en son fié
11. qui tient prochement du roy et duc en ce pays,
12. qui est plus pres de son manoir qu'il a
13. en ladite parroesse d'Ergué Gaberic.

* * *
En tous cas, le mandement de 1511 de la chancellerie déclare que le prince, à savoir la duchesse et son mari le roi de France, autorise le déplacement de l'ouvrage de Lestonan en un lieu inconnu situé plus proche du manoir de Lezergué : « ce n'y ait aucun prejudice au prince ne à aultruy licencier ledit suppliant de muer sadite justice patibullaire et la lever ailleurs pres de sondit manoir ou de justice ... ». Les deux poteaux de justice ont-ils été dressés sur la montagne de Coat-Chapel ?
Image:Square.gif En savoir plus : « 1511 - Mandement de la Chancellerie pour relever les patibulaires de Lezergué-Lestonan »

[modifier] 32 Voyage organisé à Jérusalem

Billet du 26.05.2018 - « Ce fut pour nous la plus belle journée que nous passâmes dans ce triste pays. J'ai vu bien des pays depuis, et, certes, si j'avais eu des moyens de voyager, je serais allé avec plaisir les revoir, mais jamais je n'aurais voulu revoir Jérusalem », Jean-Marie Déguignet, 1856

Alors que la guerre de Crimée s'est soldée par l'assaut de Sébastopol, le jeune soldat Jean-Marie Déguignet est rapatrié à Constantinople (Istanbul) en attendant un retour en France. Là, il fait connaissance avec un marchand arménien francophone qui lui propose, ainsi qu'à un camarade, un voyage express en terre sainte, tous frais payés. Une permission de 12 jours leur est accordée : « quatre pour aller et quatre pour revenir ». Les voici donc, tous les trois, qui embarquent sur un vapeur russe transportant à Jérusalem des « pèlerins de toutes les parties de la Russie ».

On a souvent écrit que Jean-Marie Déguignet a perdu la foi en faisant ce pèlerinage à Jérusalem en 1856. Mais ce n'est pas vraiment le cas, son récit de voyage ne fait que conforter son athéisme nourri par des lectures et observations préalables.

En regard des deux séries des cahiers de Jean-Marie Déguignet (JMD), la lecture des notes de voyages de Gustave Flaubert (GF), accompagné de son ami Maxime Du Camp, permet de mieux comprendre les propos authentiques de notre soldat breton :

✔ L'Arménie est le premier État officiellement chrétien au monde dès l'an 301, et ses habitants, marchands pour la plupart, se sont installés très tôt dans la ville de Jérusalem.

  • « notre Arménien qui savait à peu près toutes les langues qui se parlent à Jérusalem », « nous autres Arméniens, nous avons nos moines exploiteurs, là-bas, sur le mont Sion » (JMD) ;
  • « Sauf les environs du quartier arménien, qui sont très balayés, tout est fort sale », « L’Arménien me paraît ici quelque chose de bien puissant en Orient » (GF).

✔ Un doute subsiste sur le passage de Jean-Marie Déguignet par la ville de Beyrouth au nord en pays libanais.

  • Dans le récit publié en 1905 l'auteur écrit « Je me vois donc obligé d'omettre certains noms propres, de peur de me tromper de nom, de lieu » et une note de l'éditeur avance ceci : « Notre auteur, en effet, écrit constamment Beyrouth pour Jaffa ».
  • Dans la deuxième version JMD précise bien  : « Nous débarquâmes à Beyrouth, et un peu au-delà, à Jaffa (Tel-Aviv), nous trouvâmes une voiture » et au retour son vapeur part aussi de Beyrouth. En 1856, les liaisons régulières de bateaux vapeurs font escale dans chacun des deux ports.
  • Contrairement à Flaubert qui, débarqué à Beyrouth, fait un voyage de plusieurs semaines par la route jusqu'à Jérusalem, peut-être que JMD s'est rapproché de Jaffa sur un navire côtier.

✔ Pour ce qui concerne les lieux sacrés chrétiens, la petite taille jardin des oliviers est unanimement remarquée.

  • « Quelle désillusion ! Je vis un jardin avec des légumes et des fleurs, », « ce fameux Jardins des Oliviers, que j'aurais nommé plutôt un jardin potager » (JMD)
  • « Le jardin des Oliviers, petit enclos en murs blancs, au pied de la montagne de ce nom » (GF)

✔ Au Saint-Sépulcre, c'est le nombre de religions présentes qui surprend les deux voyageurs.

  • « vingt-et-un autels dans ce temple, où   vingt-et-un   prêtres
 
(Panorama de Jérusalem en 1850-60, Othon Von Ostheim)
chantent les louanges », « le grand autel, qui appartient au culte grec ou orthodoxe, une dizaine d'autres autels, tous affectés à des cultes différents. » (JMD)
  • « Ce qui frappe le plus ensuite, c’est la séparation de chaque église, les Grecs d’un côté, les Latins, les Coptes ; c’est distinct, retranché avec soin, on hait le voisin avant toute chose.  » (GF)

✔ Le mur du vieux temple des juifs est très brièvement cité, mais sans être qualifié "des lamentations" comme de nos jours.

  • « quelques vieux pans de murs du Mont Sion que les juifs vont embrasser en pleurant et se frappant la poitrine » (JMD)
  • « aller voir les Juifs pleurer devant les restes de ses murs », « Vieux Juif dans un coin, la tête couverte de son vêtement blanc, nu-pieds, et qui psalmodiait quelque chose dans un livre, le dos tourné vers le mur » (GF)

✔ La grande mosquée d'Omar est par contre un lieu de visite incontournable.

  • « cette fameuse mosquée d'Omar qui est, au dire des amateurs, le plus beau monument de Jérusalem, bâti, dit-on, sur l'emplacement du grand temple de Salomon », « le temple d'Omar, dans lequel les prêtres de Mahomet exploitent les vrais croyants de la même façon que les prêtres chrétiens » (JMD)
  • « La maison de Ponce Pilate est une grande caserne, c’est le sérail. De sa terrasse supérieure on voit en plein la mosquée d’Omar bâtie sur l’emplacement du Temple. » (GF)

✔ Enfin, l'importance de la présence turque dans toute la terre sainte rappelle l'existence de l'empire ottoman jusqu'en 1917.

  • « Il y avait bien des gendarmes turcs, zapotiés, établis par poste de distance en distance pour garder les routes », « une garde turque à la porte même de ce grand temple chrétien ... pour mettre ordre entre les prêtres des différents cultes chrétiens » (JMD)
  • « Les clefs sont aux Turcs, sans cela les chrétiens de toutes sectes s’y déchireraient. », « quelques beaux corps de garde turcs », « Notre janissaire turc chasse à grands coups de bâton les mendiants » (GF)
Image:Square.gif En savoir plus : « Le voyage touristique à Jérusalem du permissionnaire Jean-Marie Déguignet en 1856 »

[modifier] 33 Funérailles apocryphes de Kerdévot

Billet du 18.05.2018 - Enquête sur les origines de cette scène violente du retable flamand de Kerdévot où l'on voit trois soldats aux mains tranchées.

Le cortège funèbre de Kerdévot est formé de la Vierge allongée sur un brancard porté par les apôtres Pierre à la tête de la défunte et Paul devant, saint Jean ouvrant le chemin en tenant la palme resplendissante, et les autres apôtres en procession. Cette Translation (du latin "transitus") de la Vierge qui suit l'épisode de la Dormition et précède l'Assomption et le Couronnement, n'est pas très souvent représentée dans l'iconographie chrétienne classique.

Cette rareté est sans doute due au fait que les sources primitives de ce mystère marial sont présentes uniquement dans quelques textes apocryphes qui ont été condamnés très tôt par l'Église catholique.

Les écrits apocryphes chrétiens mettant en scène le mystère de la Vierge Marie, à savoir essentiellement le pseudo-Méliton de Sardes, le livre de Jean sur la dormition et l'homélie de saint Jean Damascene, datent des 6e et 7e siècles. Des poèmes en latin en ont été produits, « Transitus Beatae Mariae Virginis » ("La translation de la bienheureuse Vierge Marie"), et des copies et commentaires insérés en 1261-1266 dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. On connaît même une copie imprimée en 1530 d'un poème breton non daté « Tremenvan an Ytron Guerches Maria » ("Le trépas de madame la Vierge Marie").

Pour l'épisode représenté sur le retable de Kerdévot, à savoir la punition divine des mains coupées lors de la procession funèbre de la Vierge, les textes apocryphes parlent d'un offenseur juif nommé Jéphonias (et Ruben dans une variante plus tardive) et le présentent comme un « Prince des prêtres ».

Or, à Kerdévot, ce sont trois soldats qui sont punis de sacrilège, et non un seul prêtre. Les deux premiers soldats tenant une lance sont à terre avec chacun une main tranchée, et le troisième est debout avec ses deux mains collées au brancard. Comme  dans les

  écrits du 6-7e siècle, la « Légende dorée » de Voragine mentionne un prince des prêtres, mais par contre il existe une version nestorienne plus ancienne, issue de l'apocryphe du pseudo-Jean, qui nomme expressément un « soldat Jôphanâ » ("le Jéphonias de l'apocryphe grec").

Si l'on pousse un peu plus l'observation de la scène représentée à Kerdévot, on note que l'armure du soldat de droite est ornée de la tête à la taille d'une bandelette ressemblant à un attribut de haut prêtre juif : on a sans doute là le double personnage Jôphanâ-Jephonias, mi prêtre mi soldat, qui sera guéri de sa blessure par un saint Jean le regardant avec compassion.

Nous n'avons trouvé que quatre représentations artistiques de la scène
(Miracle de la Vierge, Zompini)
(Miracle de la Vierge, Zompini)
de la translation de la Vierge : dans deux peintures respectivement à Venise (de Gaetano Zompini) et à Troyes, sur les vitraux de la cathédrale de Chartres, et sur une icône orthodoxe. Ces œuvres présentent la légende initiale du méchant prêtre juif ; mais elles n'ont ni la richesse, ni l'originalité des funérailles de Kerdévot.
Image:Square.gif En savoir plus : « La scène des funérailles du retable flamand dans les sources apocryphes du christianisme »

[modifier] 34 Une fin de carrière remarquée

Billet du 12.05.2018 - « Le Guay (Prosper-François) demeurant au Cluyou, commune d'Ergué-Gabéric, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur le 14 Août 1865 en qualité de conseiller de Préfecture. Enregistré registre 47 fol. 61 n° 109604 », Grande Chancellerie.

Les sources utilisées sont d'une part la base Léonore de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, et d'autre part le dossier du personnel de la Préfecture de Quimper contenant 37 pièces retraçant la carrière du conseiller Prosper Le Guay.

Le dossier des Archives départementales inclut tout d'abord une lettre de candidature plutôt laconique de Prosper Le Guay au poste de conseiller de préfecture en avril 1848 : « Mes amis et quelques uns des vôtres m'engagent aujourd'hui à faire cette démarche près de vous ». Avocat de formation, il exerce à cette date une double profession : agriculteur dans sa propriété du Cleuyou et juge au tribunal de commerce de Quimper.

Sa lettre d'offre de service est adressée au « citoyen com-missaire » qui est la nouvelle dénomination du poste de préfet depuis la révolution de février, et se termine par la tonitruante et belle formule de politesse « salut et fraternité ». Sa deuxième lettre d'octobre 1848 est plus classique car le précédent titre de préfet est déjà rétabli.

Dès janvier 1849 il est nommé Conseiller de préfecture et un décret de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, confirme immédiatement son entrée dans le Conseil de la préfecture de Quimper.

En 1852, le préfet Charles Richard, nouvellement arrivé à Quimper, établit une fiche de renseignement très détaillée sur son collaborateur, apportant des informations pratiques (état-civil, expériences professionnelles, familles maternelle, paternelle et conjugale, fortune), mais aussi sur ses qualités humaines :
Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgM. Le Guay est un auxiliaire très utile pour un Préfet ; son zèle et son ordonnance ne se démentent jamais. Il est aimé d'estime de tout le monde. »
Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgM. Le Guay se renferme exclusivement dans l'exercice de ses fonctions de Conseiller de préfecture. Le temps qu'il lui reste, il l'emploie à l'exploitation de sa propriété située à 3 kilomètres de Quimper. »
Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgCaractère très bienveillant. Excellentes relations et très étendues. M. Le Guay s'adonne à l'agriculture avec succès. D'heureuses tentatives en culture ont contribué à augmenter sa fortune. Aime beaucoup l'horticulture. »

En février 1861 il est promu secrétaire général par le ministre de l'Intérieur sur proposition du préfet Richard. En août 1865, la Grande Chancellerie lui accorde le grade de chevalier de la Légion

 
d'honneur en qualité de conseiller de préfecture du Finistère. Dans son dossier des Archives nationales, on trouve une demande datée de 1938 envoyée par un historien quimpérois aux fins de connaître le dossier de nomination d'un préfet nommé Le Guay. On lui envoie celui du conseiller Prosper Le Guay, car l'autre dossier n'existe plus, car le titulaire a été radié. En effet Gilbert Le Guay, préfet de Quimper de 1879 à 1881, a été rayé des listes de la Légion d'honneur pour raison d'escroquerie (affaire de la Société centrale de Dynamite).

En janvier 1866 il est promu vice-président du conseil de préfecture par Napoléon, Empereur des Français, sur avis du préfet Richard, avec pour mission de remplacer ce dernier en cas d'absence : « C'est à M. Le Guay, toujours du Conseil de Préfecture, qu'est, depuis longtemps, confié le soin de présider les réunions en mon absence. M. Le Guay est un homme timide et qui n'a peut-être pas une habitude suffisante de la parole ; mais il a l'esprit droit et ne manque pas de l'intelligence des affaires. Ses collègues ont, d'ailleurs, pour lui beaucoup de déférence, et il jouit à Quimper de l'estime et de l'affection générales. ». Cette nomination sera confirmée en 1868.

En 1868 c'est l'heure pour Prosper Le Guay de faire une demande de pension de retraite à l'administration. La réponse est tout d'abord négative, ses années de services de 1849 à 1868 étant inférieures à 20 ans. Une enquête est diligentée pour retrouver ses tout premiers bulletins de salaires, et il présente aussi un certificat médical. Cela n'empêche pas « Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français » de le nommer en août 1868 « conseiller de préfecture honoraire ».

Le préfet Richard, mis aussi en retraite en 1868 avec pension, reste à Quimper jusqu'à la date de son décès en 1888. Deux ans avant, en 1886, Prosper Le Guay décède à l'âge de 80 ans, en son manoir du Cleuyou, en ayant pu goûter quelques années de retraite près de ses plantations.
Image:Square.gif En savoir plus : « 1848-1868 - Légion d'honneur et carrière du conseiller en préfecture Prosper Le Guay »

[modifier] 35 Le 15e gothique et renaissant de Kerdévot

Billet du 05.05.2018 - « Parmi les grandes chapelles construites dans le même temps que la nef de Quimper, Notre-Dame-de-Kerdévot figure en bonne place. Bâtie dans la seconde moitié du XVe siècle, on peut imaginer ici la présence d'un maître formé sur le grand chantier voisin. », Philippe Bonnet.

Tout au long du 15e siècle plusieurs chantiers successifs ont été menés pour finaliser l’élévation de la chapelle de Kerdévot. Roger Barrié, conservateur général honoraire du patrimoine, a étudié les différents éléments d’architecture de l’édifice  : « La chapelle fut commencée par le mur du chevet raidi, à l'extérieur, par six contreforts droits, et, à l'intérieur par deux murs de refend que terminent deux groupes de trois colonnes dans le chœur. Les premières colonnes du chœur sont encore dans la tradition du gothique de la première moitié du XVe siècle qui souligne clairement la fonction des supports autour d'un noyau central. »

Pour la datation il propose : « L'analyse du chœur de Kerdévot laisse apparaître la progression de la construction. Tout d'abord, à partir de 1470 environ, mise en place des colonnes au revers du chevet ; puis élévation des colonnettes pour donner plus d'élan au volume du chœur. La nef et l'ensemble du massif occidental restent en projet, et l'aménagement intérieur, notamment le recouvrement par une charpente et la pose des vitraux du chœur dont l'un d'eux porte la date de 1489. »

On peut donc dire que l’élévation du cœur, du chevet et de la maitresse-vitre de Kerdévot est contemporaine au chantier voisin de la cathédrale de Quimper. Pour Roger Barrié, il est probable que la nef, c’est-à-dire la partie occidentale, et la finalisation de la couverture ont été exécutées qu’après l’an 1500.

Une autre hypothèse est proposée par Philippe Bonnet, professeur associé à l’université de Bretagne-Sud et conservateur en chef du patrimoine : « Tout en observant que les premières colonnes du chœur sont encore dans la tradition du gothique de la première moitié du 15e siècle, R. Barrié propose pour l´édifice une chronologie basse : implantation du chœur dans les années 1470, achèvement du mur du chevet vers 1480, construction de la nef dans les premières décennies du 16e siècle. Il nous semble au contraire, à voir l´homogénéité du parti, que l´œuvre peut fort bien s´inscrire en totalité dans la seconde moitié du 15e siècle. À cet égard, la simplicité des chapiteaux et des grandes arcades de la nef peut être interprétée comme une volonté de hiérarchiser les espaces par le biais du décor, plutôt que comme l´indice d´une campagne tardive. »

Philippe Bonnet résume ainsi les nombreux traits stylistiques communs de Saint-Corentin et de Kerdévot :

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgla coexistence des formes en plein-cintre et des arcs brisés, des nervures en pénétration et des chapiteaux,  »
Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgla modénature qu'on retrouve identique à la croisée du transept de Quimper et à l'arc triomphal de Kerdévot,  »
Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgle répertoire formel des portes, des remplages et des pinacles. »

Et il rejoint Roger Barrié sur ce constat : « En bref, tout indique que les travaux de la chapelle ont été conduits au 15e siècle en parallèle avec le grand chantier quimpérois, ou du moins dans sa suite immédiate, par des maîtres formés sur celui-ci. »

Gildas Durand a, quant à lui, remis en perspective un élément incontournable de la chapelle en le datant du siècle de la construction de la chapelle : « La Maestà de Kerdévot date probablement de la seconde moitié du 15e siècle, et semble-t-il plus précisément du dernier tiers de ce siècle. Cela coïncide trop avec la période de construction de la chapelle pour ne pas proposer une importation contemporaine, ou de peu postérieure ».

 
Son article complet sur la statuaire de Kerdévot est publié en 1989 dans le cadre du cinquième centenaire de la chapelle de Kerdévot. Il est complété par une étude parue en parallèle dans les dossiers du Centre régional archéologique d'Alet.

Pour lui, la provenance de la maestà de Kerdévot n'est pas flamande comme l'autre oeuvre majeure de Kerdévot (le retable) : « Toutes les références nordiques que l’on pourrait trouver à An Intron Varia Kerdevot sont des œuvres italianisantes. C’est bien en Italie qu’il faut chercher des répondants à l’œuvre d’Ergué-Gabéric ».

Il s'agit d'une maesta, une vierge trônant entourée d’angelots. La Maestà est un terme italien désignant la Vierge Marie en majesté et de face, dans une attitude hiératique, assise sur un trône, entourée d'anges, et portant éventuellement son enfant Jésus. La représentation du trône y est matériellement importante et imposante.

Les visages de la Vierge et des angelots ne sont ni bretons, ni nordiques. Le drapé, nullement flamand, est lui aussi italien dans son rejet des cassures trop marquées. Le voûtement du trône par une grande valve de coquille saint Jacques se retrouve notamment dans Botticelli et Cosmé Tura.

Pour Gildas Durand, il s’agit d'une « grande oeuvre importée d'Italie » à laquelle il y a lieu « d’attribuer la paternité à un atelier du Nord de l'Italie », et plus précisément « des années 1480 comme période où ces madones étaient à la mode, entourés de riches et puissantes architectures renaissantes, aux décors parfois symboliques, et auréolées de putti. »

Et enfin, « Par sa majesté, la Maestà de Kerdévot mérite un renom autrement plus grand que celui dont elle aura bénéficié jusqu'alors. »

Image:Square.gif En savoir plus : « Le 15e siècle gothique et renaissant de la chapelle de Kerdévot », « DURAND Gildas - La statuaire à Kerdévot », « BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle », « BONNET Philippe - Historique et description de la chapelle de Kerdévot »

[modifier] 36 Restaurations de patrimoine antique

Billet du 28.04.2018 - « Il y a une douzaine d'années vous fîtes l'acquisition à la commune de Scrignac de la chapelle en ruines de Coatquéau, que vous avez depuis magnifiquement restaurée à Scaër. Accepteriez-vous de me revendre le petit cimetière de Coatquéau avec les débris de la chapelle et de la fontaine sacrée qui s'y trouvent encore ? », abbé Jean-Marie Perrot, 3 octobre 1932.

Fils de Herry Caouissin, le secrétaire de l'abbé Perrot, Youenn Caouissin vient de publier aux Editions Via Romana une biographie complète écrite comme des mémoires et basée sur des archives personnelles inédites. L'abbé Jean-Marie Perrot (1877-1943) a été un des acteurs du Mouvement breton du début du 20e siècle, notamment via l'association culturelle catho-lique Bleun-Brug créée en 1905.

L'abbé Perrot, recteur de Scrignac à partir de 1930, fait reconstruire un sancturaire à Coat-Quéau pour remplacer la vieille chapelle en ruines dont les pierres avaient été vendues en 1925 et transportées par l'entrepreneur René Bolloré près de sa papeterie de Cascadec en la commune de Scaër.

Dans le livre de Youenn Caouissin, les circonstances du déplacement de la chapelle et des reconstructions sont expliquées par l'abbé Perrot grâce à une lettre inédite d'octobre 1932 qu'il adresse à René Bolloré. L'abbé a des propos bienveillants à son égard : « Je savais en lui écrivant que je m'adressais à un chrétien, à un homme de cœur, et je ne fus pas déçu ».

La lettre est un rappel de l'importance du site de Coatquéau et la demande d'une rétrocession du terrain pour y rebâtir un sanctuaire. René Bolloré accepte la restitution des lieux sans contrepartie financière et cède les pierres non utilisées dans la construction de la chapelle de Cascadec.

La lettre de 1932 n'aborde pas le sujet du calvaire de Coatquéau remonté dans la propriété gabéricoise de l'industriel. « Il était aussi dans son intention de restituer le calvaire » semble regretter l'abbé Perrot.

En guise de conclusion l'abbé Perrot rappelle que René Bolloré est remercié de sa dotation en étant désigné comme le parrain de la cloche principale du nouveau sanctuaire. René Bolloré est décédé en janvier 1935 et n'assiste donc pas à l'inauguration du site de Coatquéau en 1937. Il est étonnant au passage que l'abbé Perrot ou son biographe attribue à M. Bolloré le prénom de Ronan en lieu et place de René.

Image:Square.gif Article : « CAOUISSIN Youenn - Vie de l'abbé Yann-Vari Perrot »

 
Dans la biographie de l'abbé Perrot, il est rappelé que l'affaire de 1925 a été connue du grand public par un article et photo du journal parisien de « L'Illus-tration ». Nous avons retrouvé cet encart, mais aussi les chroniques de l'Ouest-Eclair très vindicatives au niveau régional.

L'article d'Ouest-Eclair daté du 27 avril, au titre accrocheur « Comment on met à l'encan un calvaire », dénonce les faits en affichant une certaine lassitude : « Jusqu'au dernier moment on espéra que l'achat ne serait pas opéré. Il fallut bien se rendre compte du fait accompli. La population s'intéressa assez peu à cet événement, on n'en saisit pas la gravité ».

L'action du curé de Scrignac qui avait proposé de remonter le calvaire devant l'église paroissiale fut sans effets : « M. Grall, curé de Scrignac, s'est en vain élevé du haut de la chaire contre la mise à l'encan d'un monument respectable aux yeux de tous, datant du 16e siècle ».

Après une première mise à prix de 6.000 francs, le dernier enchérisseur pour 10.900 francs sera M. Le Rumeur, ancien agent-voyeur, qui représentait M. René Bolloré, propriétaire des papeteries d'Odet en Ergué-Gabéric et de Cascadec en Scaër.

L'article de L'Illustration reprend le même titre que celui de l'Ouest-Eclair, « Un calvaire à l'encan », à savoir mis aux enchères, et publie aussi la photo des ruines derrière la base du calvaire.

La défense du patrimoine antique est le sujet principal : « Notre-Dame de Coatquéau était, jadis, un lieu de grande vénération. De l'ancienne église, qui se dressait, fort belle sous le dôme imposant de très vieux arbres, il ne reste plus les ruines d'une chapelle et une croix monumentale en granit de Kersanton. »

Image:Square.gif Article : « La vente de la chapelle et du calvaire de Coat-Quéau

En février 1928 le même journal « L'Illustration » publiera un article et une photo de la nouvelle chapelle de Cascadec.

[modifier] 37 Les mineurs de Kerdévot sont lockoutés ...

Billet du 21.04.2018 - « Lock-out, s.m. : du mot anglais signifiant "enfermer dehors" qualifiant une "grève patronale", une fermeture provisoire d'une entreprise, décidée par l'employeur pour répondre à une grève ouvrière ». Une double grève en 1927 analysée au travers des archives et des journaux.

Le dossier conservé aux Archives départementales du Finistère contient plusieurs rapports adressés au préfet par l'ingénieur en chef des mines et par le capitaine de gendarmerie de Quimper sur le lock-out de 1927. À la demande du Ministère du travail, un formulaire détaillé est aussi rempli par les services de préfecture en février 1928.

Les rapports portent sur les conditions de revendications des ouvriers se mettant en grève le 11 octobre à la mine d'antimoine de Kerdévot, sur le lock-out et les licenciements prononcés le 12, et sur les suites un mois plus tard lorsque la mine ré-ouvre avec de nouvelles machines.

Via le premier rapport de l'ingénieur on apprend que la mine de Kerdévot créée en 1913 a été remise en exploitation en avril 1927 avec un effectif de 10 ouvriers, avec une croissance de mois en mois jusqu'aux 46 de septembre, lequel personnel est essentiellement occupé au fonçage du puits principal qui a atteint les 21 mètres 75 de profondeur. L'ingénieur en chef émet un avis sur la nature de la grève : « Il semble qu'on soit en présence d'une grève de meneurs, plutôt que d'une véritable grève pour salaires ».

Dans le rapport d'octobre de la gendarmerie, les objectifs de la revendication salariale sont précisés : « Les mineurs ont demandé 36 francs par jour au lieu de 22 et les manœuvres 25 francs au lieu de 18 ». Et la décision de la direction d'un lock-out est sans appel : « Ce directeur, présent sur les lieux aujourd'hui, m'a déclaré avoir fermé la mine avec l'intention de reprendre le travail dans un mois environ ».

Le 2e rapport du capitaine, daté du 15 novembre, donne les conditions de reprise un mois plus tard avec 4 ouvriers de fond et 7 manoeuvres avec des salaires revus à la baisse : « Les manœuvres reçoivent le même salaire que précédemment, soit 18 francs par jour. Les mineurs subissent une diminution de 1 franc par jour et touchent 21 francs au lieu de 22. »

À titre de comparaison, on trouvera dans l'article un tableau statistique des salaires moyens journaliers versés en 1927 aux mineurs du nord de la France, lesquels sont de l'ordre de 32-33 francs, soit un tiers plus élevé que ceux de Kerdévot.

  Le rapport détaillé de 1928 précise les caractéristiques des nouvelles machines installées : « un moteur semi-diesel, une pompe électrique et un compresseur d'air qui ont permis de diminuer la main d'oeuvre dans une proportion importante ».

Image:Square.gif En savoir plus : « 1927 - Lockout suite aux revendications salariales aux mines d'antimoine de Kerdévot »

Les trois journaux L'Ouest-Eclair, Le Finistère et Le Progrès du Finistère, malgré leurs sensibilités républicaines ou catholiques respectives, abordent strictement de la même manière le mouvement de grève à la mine d'antimoine de Kerdévot devenant un lockout par décision de sa direction : « Quarante ouvriers de la mine d’antimoine de Kerdévot, en Ergué-Gabéric, ont menacé de faire grève si leurs salaires n’étaient pas relevés ... Le travail serait repris dans un mois environ. »

Le journal national L'Humanité par contre s'insurge et fait un vif plaidoyer de la cause ouvrière dans son édition du 16 octobre :

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgLes ouvriers, au nombre de 40, étaient payés jusqu'à ces derniers temps 17 fr. 20 par jour. Ce chiffre parait incroyable au moment où le prix de la vie est si élevé. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgUne augmentation de salaire qui devait porter à 4 francs le taux horaire de l'ouvrier du fond. Augmentation tout à fait justifiée qui aurait fait des journées de 32 francs, et non de 36, comme le disent les journaux locaux. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgAux ouvriers, qui malheureusement n'ont pas encore compris la nécessité du syndicat, à s'organiser sans plus attendre. Tous unis, ils sauront imposer des salaires leur permettant de vivre. »

Image:Square.gif En savoir plus : « Lockout et revendications des ouvriers de la mine d'antimoine, journaux loc. Humanité 1927

En fait, en 1927, les luttes sociales sont nombreuses, notamment dans les ports du littoral sud-breton touchés par une grève des pêcheurs. À Ergué-Gabéric, les ouvriers sont majoritairement employés soit comme commis agricoles, soit comme carriers, et dans ces milieux ruraux l'esprit syndical n'a que peu d'emprise.

Les observateurs le précisent bien dans leurs rapports au préfet : « À aucun moment le calme n'a cessé de régner », « Il n'est pas à craindre que l'ordre soit troublé ».

[modifier] 38 Une moitié se trouve sur le grabat ...

Billet du 14.04.2018 - « Cessez, dit le médecin au chirurgien, il n'y a plus rien à faire, on ne le sauvera pas. Bianchon et le chirurgien replacèrent le mourant à plat sur son grabat infect », Honoré de Balzac, Le Père Goriot.

Cette semaine l'analyse d'une liasse de documents conservée aux Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine incluant des rapports et tableaux sur l'évolution et les conséquence d'une épidémie de dysenterie qui a touché Ergué-Gabéric, Briec et quelques autres communes entre 1779 et 1787.

Le dossier démarre par une lettre datée de septembre 1786 du subdélégué Le Goazre de Quimper à l'intendant à Rennes : « Le sieur Denys recteur du Grand Ergué m'écrivit le vingt sept de la manière plus pressente, une moitié des habitants de sa paroisse se trouve sur le grabat, l'autre moitié chancelle, plusieurs sont morts et beaucoup d'autres très mal. »

La maladie épidémique déclarée à Ergué-Gabéric et Briec est vraisemblablement la dysenterie qui est une maladie infectieuse grave se traduisant par des diarrhées et crampes abdominales, et une mortalité importante. Le nombre d'habitants de la paroisse est d'environ 1500 âmes. Si le nombre de morts en 1786-87 est de 200 sur 2 ans, le plus grand pic de décès annuels reste l'année 1779 : 159 morts, soit plus du double d'une année normale et plus de 10% de la population totale (cf. étude démographique).

Dans la lettre du subdélégué il est question aussi de la fin de l'épidémie à Briec, laquelle s'est propagée à Ergué-Gabéric où des secours sont demandés : « Les malades pauvres de Briec se rétablissent, le cour du mal est arrêté ... À peine le mal cesse-t-il d'un cotté qu'il se reproduit d'un autre (au Grand Ergué). ... le peuple de cette paroisse a réellement bezoin de secours, et que la présence du chirurgien y est d'autant plus nécessaire que M.M. les prêtres sont eux-mêmes grabataires.  »

Les remèdes utilisés par les médecins et chirurgiens sont faits exclusivement de « miels, syrops et vinaigre ». Les sirops et les boissons vinaigrées sont accompagnés de produits à base de plantes et préparations diverses dont un rapport donne précisément la quantité précise délivrée à Ergué Gabéric pendant le passage du chirurgien Kerjean : deux livres de manne (suc purgatif du frêne), une demie livre de senné (plante laxative), une livre de sel de plomb (effets constipatifs), quatre onces de sel de nitre (maux d'estomac), huit onces de crême de tartre (purge de bitartrate de potassium), une once de "semen contra" (plante vermifuge) et enfin six onces de jalap (poudre purgative de tubercule).

Les paiements des honoraires du médecin (celui qui établit le traitement) et du chirurgien (celui qui applique le traitement) sont déclenchés par l'intendant de Bretagne, au vu des rapports et certificats. Le tarif journalier est différent : 6 livres pour le chirurgien et 15 pour le médecin.

Les pièces de 1786 concernant Ergué-Gabéric incluent également un rapport sous forme de tableau, adressé à la subdélégation de Quimper pour les mois de septembre et octobre 1786 quant à l'état des 91 malades du Grand Ergué visités par le chirurgien Kerjean et le médecin Jean-Baptiste Le Breton.

  Huile d'Honoré Daumier, Philadelphia Museum of Art :

En octobre 1786 sur Ergué-Gabéric, on décompte 87 personnes guéries, 94 attaqués de la maladie, mais aucun mort récente. On trouvera dans le rapport la liste des personnes traitées, toutes qualifiées de pauvres et réparties en deux catégories, la « première classe » et la « dernière classe », suivant leur ressources. Les deux classes sont soignées gratuitement, la dernière bénéficiant en plus d'une aide alimentaire, c'est-à-dire du bouillon, du riz et éventuellement un peu de pain.

L'intendant, en charge d'obtenir les fonds et les remèdes nécessaires, est le destinataire des rapports et du tableau récapitulatif. Sur le tableau le médecin et le recteur Denys certifie le travail réalisé par le chirurgien pendant 31 journées entières : « il s'est acquitté avec zèle et intelligence des devoirs de son état ». Le recteur appose également son nom dans la colonne des personnes soignées de la première classe, en bas de la liste des 90 autres malades, et juste avant la signature du capitaine .

En avril 1787 le chirurgien Kerjean et le médecin Le Breton font une nouvelle visite plus courte à Ergué-Gabéric pour contrôler l'évolution de l'épidémie qui est en régression. Les remèdes distribués sont de nouveau les « miels, syrops et vinaigre », et l'apothicaire Arvennou est payé 25 livres par le receveur des Domaines et Droits de Bretagne pour la délivrance aux malades de Briec, Ergué-Gabéric et Locmaria.

Le sentiment du chirurgien Yves-Marie Kerjean après son premier passage est le suivant : «  Il semblerait, par le petit nombre de personnes traitées dans cette paroisse, qu'elle a été moins maltraitée que la paroisse de Briec. Cependant par le grand nombre de convalescents que j'y ai trouvé en arrivant, il me parait que relativement à l'étendue des deux paroisses, celle d'Ergué-Gabéric a autant souffert que celle de Briec, la maladie est la même partout ».

En savoir plus : « 1786-1787 - Rapports médicaux sur le traitement de l'épidémie de dysenterie »

[modifier] 39 Le poste d'institutrice adjointe

Billet du 07.04.2018 - Merci à Pierrick Chuto de nous avoir gentiment signalé cet intéressant dossier. À noter aussi ses conférences du week-end, ouvertes à tous, sur le thème "Blancs contre Rouges" samedi 7 avril à Quimper, 14 H 30, espace associatif, 53 impasse de l'Odet, organisée par le C.G.F. (Centre généalogique du Finistère) et dimanche 8 avril à Pont-Croix, 15 H, espace culturel Louis Bolloré, à l'initiative de l'association "Les ouvriers de Saint Vincent".

Cette affaire, révélée par huit lettres de 1924-25 conservées aux Archives Départementales du Finistère, se passe dans un contexte de « concurrence achar-née » entre le clan catholique soutenant les écoles privées confessionnelles et le parti des républicains défendant l'école laïque communale.

Les effectifs des deux classes de l'école de filles du bourg sont en constante diminution depuis 1918 : « Nombre d'élèves en 1922 : 30 - - - 1923 : 18 - - - 1924 : 22 ». C'est la raison pour laquelle la préfecture et l'académie envisagent la suppression d'emploi de l'institutrice adjointe et de n'y conserver que le seul poste de directrice de Mme Borrossi.

Le républicains d'Ergué-Gabéric réagissent en organisant une pétition de protestation : « Il est possible que la municipalité, en majorité cléricale, donne à cette mesure un avis favorable, mais nous, républicains fermement laïques, nous avons l'honneur de protester de toute notre force contre cette suppression ».

Les arguments développés pour le maintien en place de l'institutrice adjointe sont :

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgLa diminution des élèves à l'école des filles du bourg doit être attribuée tout d'abord à une négligence de la part de l'administration, qui en 1919, lors du départ de Mme Le Coroller, a attendu deux mois pour pourvoir le poste. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgPendant ce laps de temps, plusieurs élèves ont naturellement quitté l'école publique pour aller à l'école libre, mais il est certain que petit à petit ces élèves reviendront. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgLa diminution de l'effectif a ici, comme partout ailleurs, une autre cause, c'est le nombre peu élevé des naissances pendant les années de guerre. Cela n'est que momentané. »

Les pétitionnaires sont d'une part les conseillers municipaux minoritaires, à savoir Jean-Louis Le Roux de Lézouanac'h, Jacques et Auguste Laurent, et Jean-Louis Huitric, et d'autre part les militants locaux du comité républicain (Troalen, Poupon, Louis Le Corre, Le Grand P., Balès Louis, Balès Jean, Kergorlay).

  Localisation en 1925 de l'Ecole Communale de Filles au bourg :

Du côté de la municipalité, la majorité autour du maire Louis Le Roux vote pour la suppression, mais le résultat du vote est très serré, à savoir 7 voix pour et 5 voix contre. Le chef de file républicain Jean-Louis Le Roux remportera d'ailleurs les élections municipales suivantes en mai 1925.

En mars 1925, l'inspecteur d'académie, dans l'éventualité d"une inversion de la courbe de fréquentation, délivre sa conclusion : « À la rentrée nous aviserons. S'il y avait lieu, alors, de supprimer un emploi, il faudrait agir prudemment et commencer par le laisser vacant - en ajournant la suppression administrative. »

En 1927, lors d'une enquête sur le pensionnat de pupilles que la directrice de l'école de filles a pris en charge en plus de sa classe, deux classes sont toujours ouvertes, mais avec un effectif encore plus réduit : « 1ère classe : 8 élèves. 2e classe : 2 élèves. ».

L'emploi de l'institutrice adjointe a bien été supprimé, et les écoles confessionnelles progressent, avec notamment la création des écoles privées à Odet en 1928-29 par René Bolloré.

En savoir plus : « 1925 - Suppression du poste d'institutrice adjointe à l'école de filles du bourg »

[modifier] 40 Chroniques d'avril et bande dessinée

Billet du 31.03.2018 - Trois mois se sont déjà écoulés depuis le dernier Kannadig, un premier trimestre certes un peu frisquet, mais qui a vu quand même la sortie hebdomadaire des billets du Grand-Terrier, de manière à pouvoir vous les proposer comme prévu dans ce bulletin en cette fin mars.

En couverture du présent bulletin, on remarquera le blason d’un griffon sur un fonds de carte, du Stangala en l’occurrence : c’est l’occasion de raconter la légende du chevalier Caznevet de Kerfors.

Ensuite trois articles sur les sites miniers et les chantiers archéologiques, et de présentation des statues restaurées de la chapelle Saint-André.

Les quatre chapitres suivants portent sur des documents anciens du 17e siècle, dont le dernier de 1674 qui est une pièce unique d’histoire régionale : « le voiage d’Alexandre de Rennes à Brest, et son retour ».

Et pour finir, on a privilégié les aspects culturels : un poème de Déguignet, une nouvelle bande dessinée, un article de journal en l’honneur de Bacchus, et la sortie d’un film en DVD.

Et enfin, le bulletin s’achève par un hommage à un passeur de mémoire inter-générationnelle, Jean Guéguen qui, dès ses 12 ans, rêvait déjà de travailler chez Bolloré.

Image:Square.gif En savoir plus : « Kannadig n° 41 Avril 2018 » (Visualiser en ligne et imprimer le bulletin)

  Cette semaine une autre publication : le dessinateur Christophe Babonneau, le scénariste Stéphane Betbeder et le coloriste Axel Gonzalbo se sont de nouveau associés pour produire les 94 pages du tome 2 de la BD mettant en scène le paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet avec une justesse renouvelée de traits et d'ambiances colorées.

Il s'agit ici de sa période militaire dans l'armée française engagée dans les conflits de Crimée, en Italie piémontaise, en Algérie et en Kabylie, ceci après les 30 premières pages qui sont consacrées à son apprentissage en Bretagne des techniques agricoles et de l'écriture. Comme dans le tome 1 le fil rouge est tenu par les scènes et citations du Déguignet âgé écrivant ses mémoires.

Tel que nous le montre la couverture, le point d'orgue de ce tome est bien le siège de Sébastopol en Crimée avec la prise de la tour Malakoff le 8 septembre 1855, et ce sujet est traité de façon exemplaire.

Par contre nous sommes plus circonspects sur la campagne d'Italie qui nous semble trop brève (deux planches seulement), et surtout sur celle en Algérie qui n'est vue que par les combats en Kabylie. Rien sur le paisible séjour au port de Collo et ses discussions avec le gardien du phare. Rien non plus sur le déplacement à la frontière tunisienne où il découvre le couscous offert par des tribus soumises et des fouilles archéologiques à Tébessa.

Déguignet n'a pas décrit ses ennemis comme des "fellagas" d'un autre conflit plus récent et faire dire au vieux Déguignet « J'aurais pu le tuer comme j'ai tué ce kabyle dans ce village des montagnes de Babords » nous semble hors contexte.

Par ailleurs la campagne mexicaine n'est pas abordée dans ce tome 2, mais vraisemblablement, nous l'espérons du moins, elle le sera dans le prochain tome 3.

Image:Square.gif En savoir plus : « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 2 » (dans les points de vente habituels depuis le 28 mars)

[modifier] 41 Voyage d'un carme à Kerfors en 1674

Billet du 24.03.2018 - Il faudra plus qu'un billet pour rendre compte de l'oeuvre poétique et « satyrique », des voyages et indignités du frère Alexandre de Saint Charles Borromée, un ouvrage dans la Pléiade sera peut-être nécessaire, avec les annotations présentant les éléments de contexte historique.

Jusqu'à présent nous connaissions cette relation de voyage grâce à l'historien Arthur de La Borderie qui fit publier en 1884 deux courts extraits dans l'Anthologie des poètes bretons du 17e siècle d'Olivier de Gourcuff, sous le chapitre « Voiage du Père Alexandre de Rennes à Brest, et son retour ».

Nous avons transcrit intégralement l'original de cette pièce, conservé dans le fonds des Carmes des Archives départementales de Rennes, à savoir 1538 vers de 8 pieds sur 27 pages d'un cahier cousu de 27 pages calligraphiées d'une très belle écriture.

L'auteur est un frère carme, Alexandre de Saint Charles Borromée de son nom de religion, étudiant en théologie au couvent des carmes de Ploermel en 1669. Après quelques remontrances de la part de ses supérieurs, il est au couvent de Dol en 1672 et à Rennes en 1673. À la fin décembre 1673 il part de Rennes pour quelques mois en voyage en basse-Bretagne jusqu'à Brest.

Il part en voyage car sa position de frère des Carmes est très discutée par les autorités de son ordre, du fait d'indiscipline, falsification de signature de révérend, port d'épée et de pistole, déplacement non autorisé, vers et chansons « satyriques ». En mai 1672 sa lettre de défense est signé « Très humble et plus soumis religieux, Carme indigne ». Mais cette résignation ne suffira car d'autres accusations seront postées contre lui avant son départ, notamment une accusation de geste déplacé sur une carmélite.

Il quitte Rennes le 20 décembre 1673 exactement, et parcourt à pied, cheval et bateau, s'arrêtant dans des monastères ou des gîtes offerts par des hôtes généreux tout au long de ces étapes : Mordelles, Plélan-le-Grand, Beignon, Ploermel,Vannes, Auray, Port-Louis, Hennebont, Quimperlé, Quimper, Pont-l'Abbé, Quimper, Langolen (Trohanet), Quimper, Locronan, Lanvaux, Brest, Le Releck-Kerhuon (Lossulien, Keréon), Landerneau, Daoulas, Lopérec (Keranhoat), Irvillac (Trounevezec), Hanvec (Kerviler), Quimper, Ergué-Gabéric (Kerfors), Langolen (Trohanet), Ergué-Gabéric (Kerfors, Kerdévot), Quimper, Edern (La Boissière), Briec (Kerobezan, Sainte-Cécile), Laz (Trévarez), Gourin (Tronjoly), Motreff (Brunolo), retour Rennes vraisemblablement courant juin 1674.

La datation est rendue possible par les nombreux événements rapportées qui ponctuent ses rencontres, notamment l'enterrement du chanoine Vincent de Kerouartz à Daoulas le dimanche des rameaux, et la difficile introduction du nouveau recteur Marc Tanguy à Edern.

  Le double passage par Ergué-Gabéric est marqué par une relation presque fraternelle avec Jean de La Marche, seigneur de Kerfors qu'il rencontre lors de l'aller vers Brest, et chez qui il séjourne à son retour au moment du pardon de Kerdévot une semaine après Pâques.

Les vers à la gloire du seigneur de Kerfors (page 8) : « J'y vy, ah ! l'illustre que c'est Jan de La Marche, arrest, arrest, Quoique j'en parle dans la suitte Il ne faud pas que je le quitte À ce moment sans l'embrasser, Je t'embrasse sans me lasser Mille et mille fois mon La Marche Tu auras bien part en ma parche, Mes vers rendront ton nom connu Lorsque le temps sera venu ».

Le pardon de Kerdévot (page 22) : « De ce lieu nous nous transportons Pour voir ce grand amas de monde Qui dans ce lieu ce jour abonde ; Un nombre de processions Font icy leurs incessions ; Je me souviens de trois ou quattre, Que je nommeray pour m'ébattre : Ellian, et Landrevarzec, Les deux Ergué, surtout Briec, Qui vient enseignes déployées ».

Ce qui frappe dans le récit du frère Alexandre tout au long de sa villégiature, c'est la part importante accordée aux ripailles et libations : « Si je voulois faire rappord De la vie qu'à Kerfors on meine Tout le long de cette sepmaine D'un an je ne serois au bout On mange, boit, joüe, somme tout ».

Globalement le poète n'est pas avare de compliments sur ses hôtes gentilshommes, prêtres, abbés ou militaires, mais ce n'est pas toujours le cas, on le sent très libre dans ses appréciations, parfois mêmes œcuméniques comme au fort Louis près de Lorient : « Ce capitaine valeureux, Me fournit son lit, et sa table, Jamais huguenot plus aimable ».

Cette liberté de ton fait que le document versifié apporte indiscu-tablement un éclairage inédit et non encore exploité sur la Bretagne du 17e siècle.

* * *

En savoir plus : « ST CHARLES BORROMÉE Alexandre (de), Le voiage de Rennes à Brest et son retour », « GOURCUFF Olivier (de) - Anthologie des poètes bretons du 17e siècle »

[modifier] 42 Déboutements à la Réformation de 1680

Billet du 17.03.2018 - En 1660 Colbert lance la Réformation du domaine royal en Bretagne, c'est-à-dire la vérification des déclarations des sujets du roi, roturiers ou nobles, vis-à-vis de propriétés incluses dans le domaine du roi et pour lesquelles sont dus des droits et impôts divers.

Les déclarations pour Ergué-Gabéric ont pour but aussi la validation des prééminences, de droits de justices et de coutumes, de ligence ou de suites pour les terres incluses dans chacun des domaines nobles revendiquant les rentes de leurs domaniers.

En analysant les sentences des commissaires de la Réformation du gros registre des comptes de la Chambre des comptes de Nantes, on remarque à Ergué-Gabéric de nombreux déboutements partiels, notamment sur les droits de coutumes, voire sur des droits de justice seigneuriale. On n'est pas loin de la fin de l'Ancien Régime, 109 années avant la Révolution Française.

Pour essayer de comprendre un peu, on a analysé les cas intéressants et différents de deux seigneurs de manoirs et domaines voisins : Guy de Charmoy pour Lezergué, et Jan de La Marche pour Kerfors.

Le déclarant du domaine de Lezergué, est l'héritier et cousin de Guy Autret, à savoir Guy de Charmoy, « sieur de Kerarret ». Ses successeurs seront au 18e les de La Marche, de la même famille que ceux de Kerfors.

Le seigneur de Lezergué prétend disposer encore en 1680 de prééminences très conséquentes au sein de l'église paroissiale, avec tombes, armoiries, bancs privés, lisières, ainsi que des droits dans d'autres chapelles. Et même « un droit de haulte basse et moyenne justice et patibulaires aux facultés de s'exercer sa juridiction et justice sur les hommes et vassaux de la dite terre ».

Il pousse le bouchon jusqu'à déclarer en droits de coutumes des contrats très restrictifs pour ses domaines, contrairement à ce qui se fait normalement dans le cadre du domaine congéable en Cornouaille.

Le résultat ne se fait pas attendre, les autorités en charge de la Réformation du domaine royal prononcent un double déboutement : « le dit de Charmoy sieur de Kerarret a esté débouté du droit de hautes moiennes et basses justices et de celuy de coustumes », ce qui implique l'interdiction des poteaux de justice et l'annulation de certains droits abusifs.

  La décision de déboutement des droits de justice et de coutumes sera contestée par les successeurs de Guy de Charmoy, mais sans succès avéré. La décision de la Réformation du domaine royal servira pour la reprise de certaines mouvances comme le Mélennec et Poulduic au 18e siècle par leurs détenteurs roturiers, en l’occurrence Lizien et Pétillon, qui obtiendront leur indépendance vis-à-vis du fief de Lezergué et le droit de payer leurs rentes directement au roi.

En savoir plus : « 1680-1682 - Papier terrier et déboutement de réformation du domaine de Lezergué »

La déclaration du domaine de Kerfors et de ses dépendances est faite par Jan de La Marche « de la succession de deffunct Escuyer Yves Delamarche seigneur de Kerfors son père ».

Il déclare aussi des prééminences pour sa maison de Kerfors, notamment en l'église paroissiale : « une tombe enlevée estant en voute et arcade », et dans la chapelle de Saint-Guénolé.

Ces prérogatives de noblesse ne semblent pas contestées par les commissaires chargés de la réformation du domaine du roi. Par contre Jan de La Marché est débouté de « tous les droits de greffes, ligences, mouvances » qui seront désormais « réunis au domaine de sa majesté sous sa garde royale ».

Par rapport à Lezergué, la sentence de déboutement de Kerfors est complètement différente, mais à terme cela se terminera de la même façon, à savoir le démantèlement du domaine noble.

En savoir plus : 1680-1682 - Papier terrier et déboutement de réformation du domaine de Kerfors »

La semaine prochaine, en lien avec le précédent seigneur de Kerfors, il y aura comme un scoop éditorial : l'oeuvre inédite et complète intitulée « Le voiage d'Alexandre de Rennes à Brest, et son retour de Brest à Rennes » avec des détails sur l'amitié de Jan de La Marche et un frère carme, poète « maudit » du 17e siècle.

* * *
En ce qui concerne le billet de la semaine dernière, merci à Christian Cabellic, grand connaisseur du passé fondateur de la paroisse d'Ergué-Gabellic, pour nous avoir rappelé que le combat de Caznevet de Kerfors avait été également raconté par Louis Le Guennec dans son « Histoire de Quimper Corentin et son canton », et pour nous avoir dévoilé son conte de Bretagne pour les enfants sur le même sujet.

[modifier] 43 Les exploits de Caznevet de Kerfors

Billet du 10.03.2018 - Louis Le Guennec a raconté maintes fois cette légende du griffon ou dragon ailé du Stangala qui fut vaincu par Mahonec, jeune noble amoureux de la commune de Cuzon, mais une variante locale purement gabéricoise prétend que le vrai héros se prénommait Caznevet ...

On tire cette information notamment d'une évocation très bien documentée de l'animal le plus mystérieux du bestiaire légendaire breton dans un livre publié initialement en 2010 et réédité en 2017 par les éditions des Montagnes Noires, « Le dragon en Bretagne, mythes et symboles » de Claire Arlaux.

Et parmi les nombreux exemples, les gargouille et sablières de la chapelle de St-Guénolé, et la légende du griffon du Stangala :

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 27 : « Dans une végétation luxuriante, des soldats observent avec envie un gibier fantastique, oiseaux, dragons et même des dauphins. Des têtes de dragons ornent aussi les embouts des blochets (Chapelle saint Gwennolé d'Ergué-Gabéric, XVIe siècle). »

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 82 : « Deux légendes au moins signalent des dragons aux portes de Quimper dans les gorges du Stangala qui dominent l'Odet. Un éperon rocheux y est nommé ar Griffonez, la griffonne, mais c'est bien de dragons qu'il s'agit à Cuzon comme à Ergué-Gabéric. Dans l'ancienne paroisse de Cuzon, le jeune Mahonec est amoureux d'une jeune fille de Penhoat ... » (cf. les articles sur cette légende racontée par Louis Le Guennec).

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 83 : « Le petit dragon immortalisé sur la chapelle du Quélennec à Ergué-Gabéric »

Image:Right.gifImage:Space.jpgPage 84 : « Une variante se raconte quelques kilomètres plus loin sur le territoire d'Ergué-Gabéric. C'est un chevalier de la paroisse, Caznevet de Kerfors, qui vient à bout du dragon du Stangala. En guise d'exorcisme, la bête a pris place sur un rampant de la chapelle du Quélennec qui domine l'Odet.  » (Louis Le Guennec a aussi raconté cette histoire dans « Histoire de Quimper Corentin et son canton », ainsi que Christian Cabellic dans un joli conte de Bretagne).

 
Si le jeune et pauvre gentilhomme de Kermahonet en Cuzon peut être le héros et vainqueur du dragon du Stangala, on peut penser que le chevalier gabéricois Caznevet de Kerfors fût également capable d'un tel exploit guerrier. Ce dernier a vraiment existé, il est présent à la montre militaire de Carhaix de 1481, où il pose « en brigandine », une armure très souple qui permet d'abattre une bête diabolique d'un trait d’arbalète.

De plus les Kerfors ont fondé la chapelle de St-Guénolé au village du Guélennec, peut-être en souvenir de l'exploit de l’aïeul : « connoist estre fondateur d'une chapelle construite en la dicte parroisse en l'honneur de Monsieur Sainct Guenolay pour avoir icelle esté bastie en son fond par la concession de ses prédecesseurs, et avoir un escusson taillé en bosse dans le pignon occidantal au dessus la principalle porte d'icelle et estre fondé de mettre et aposer ses armes en tous endroitz d'icelle. » (déclaration de réformation du domaine royal en 1680).

Et enfin, la chapelle de St-Guénolé est à proximité immédiate de l'éperon du Griffonez comme on peut le voir sur la carte établie par le commandant Ernest Debled en 1935.

En savoir plus : « ARLAUX Claire - Le dragon en Bretagne, mythes et symboles », « LE GUENNEC Louis - Histoire de Quimper Corentin et son canton », « CABELLIC Christian - Le combat de Canezvet de Kerfors contre le griffon du Stangala »

[modifier] 44 Une vie papetière depuis ses 12 ans

Billet du 03.03.2018 - « J'ai gardé un excellent souvenir de "chez Bolloré". Je me suis plu pendant mes 35 ans à Odet, le travail était intéressant, pas trop physique, je travaillais souvent une paire de ciseaux dans chaque main. »

En novembre 2013, alors qu'il avait 87 ans, Jean Guéguen était invité au manoir d'Odet au nom du groupe Bolloré par la cadreuse et réalisatrice Mylène Mostini d'ITV pour participer avec Jean Cognard à la réalisation d'un film de témoignages d'anciens de la papeterie, ce dans le cadre de la future commémoration des 200 ans de l'entreprise familiale.

En attendant la projection de cette vidéo lors de l'événement et grande fête du bicentenaire en 2022, voici la transcription de quelques extraits, pour rendre un hommage à ce grand passeur de mémoire inter-générationnelle décédé le 24 février 2018 dans sa 92e année.

En 1938, alors qu'il n'a que 12 ans, il a un seul rêve : travailler à la papeterie, et son maître lui obtient, en récompense de sa réussite au certificat d'étude, une visite des bâtiments où l'on préparait la pâte et confectionnait le papier : « C'est comme ça que j'ai visité l'usine, des piles raffineuses, à la centrale électrique, à la chaufferie, et aux machines à papiers mêmes. J'avais bien aimé la visite et me suis dit que j'aimerais bien travailler là plus tard. Et c'est ce qui s'est produit, après une période de 6 ans comme employé à la boulangerie paternelle. ».

Pendant 35 ans au laboratoire, de 1948 à 1983, il a pu suivre les différents types de fabrication de l'usine :

Image:Right.gifImage:Space.jpgle papier à cigarettes : « la charge, c'est-à-dire la quantité de carbonate de chaux ou d'autres produits chimiques qu'on mettait dans le papier pour qu'il brûle assez facilement. On avait plusieurs différences de papiers, du papier non combustible qui n'avait aucune charge et qui s'éteignait tout de suite. C'était d'ailleurs un papier que les bretons aimaient beaucoup car ils étaient toujours en train de tirer sur leurs mégots, ça devait être de l'OCB numéro 4 et non du 8. »

Image:Right.gifImage:Space.jpgle papier carbone : « Je devais contrôler aussi les eaux, pour voir si elles n'étaient pas trop colorées. Surtout quand on faisait du papier carbone coloré. Des fois il arrivait qu'à Quimper ils disent que "chez Bolloré" ils sont en train de faire du papier noir, du vert, du rouge ... »

Image:Right.gifImage:Space.jpgle papier condensateur : « Pour ce papier vers 1965 un autre directeur technique a été nommé, M. Caro, qui a demandé à travailler dans nos salles, ce qui fait qu'on a déménagé et on est allé travaillé dans ce qu'on appelle la rue Doaz, ce mot voulant dire pâte en breton. »

Puis vinrent en 1983 :

Image:Right.gifImage:Space.jpgle regret et la tristesse de tout arrêter : « J'ai toujours été cantonné dans ce milieu labo, ça ne bougeait pas beaucoup,

 

c'était toujours les mêmes contrôles qu'on faisait. Mais malgré tout, ça a été très dur de voir l'usine fermer. »

Image:Right.gifImage:Space.jpget le plus beau des cadeaux : « j'ai pu avoir aussi la médaille du centenaire que j'ai gardée bien précieusement, cette médaille qu'avait eu ma grand mère en 1922. C'est grâce à un collègue que je l'ai eue : quand les bureaux d'en bas ont fermé, les bureaux de Jean Le Gall, Jean Ascoêt a trouvé plusieurs médailles du centenaire, et il m'en a offert une. La grande médaille qui fait 6 cm de diamètre, sur laquelle sont gravées les 4 patrons. »

En savoir plus : « Souvenirs de 'chez Bolloré' depuis les 12 ans de Jean Guéguen en 1938 », « Nécrologie (Télégramme) »

Deux extraits audios ci-contre (cf. les transcriptions dans l'article) :
  • 01 : grand-père cocher de Mme Bolloré et grand-mère aux "pilhoù"
  • 05 : visite de l'usine en 1938 après la réussite au certificat d'études

[modifier] 45 Une reine poursuivie par Cromwell

Billet du 24.02.2018 - Cette semaine les facsimilés de deux numéros de 1644 de la Gazette de Renaudot, l'un de la Bibliothèque municipale de Lyon, l'autre de la BnF-Gallica, pour lesquels Guy Autret de Lezergué fournit le récit du débarquement en Bretagne d'une reine d'Angleterre.

Extrait de la Gazette datée du 6 août 1644
Extrait de la Gazette datée du 6 août 1644
L'auteur gabéricois évoque le double reportage de la Gazette dans une lettre qu'il adresse à son correspondant Pierre d'Hozier depuis sa résidence de Lezergué : « J'ay receu la vostre du 14 de ce mois & je vois par l'article qui est dans la Gazette que vous avés prins la paine de montrer ma relation à Renaudot. Je vous aye envoié une seconde plus ample du depuis, laquelle aura encore peu servir au dit Renaudot » (publiée par le comte de Rosmorduc page 83 dans son ouvrage de 1899 sur ses correspondances).

Les gazettes ont été créées en 1631 par Théophraste Renaudot avec l'appui du ministre d'État Richelieu. Les deux articles sont publiés respectivement les 6 et 31 août 1644, le premier dans les pages Gazette n° 93, le second dans les Extraordinaires n° 103. La Gazette fait 8 pages au total avec une quinzaine d'informations brèves de quelques paragraphes chacune. Les Extraordinaires, par opposition aux Nouvelles ordinaires qui sont le 3e type de gazette, incluent deux à trois compte-rendus beaucoup plus longs. Contrairement aux Extraordinaires qui ne contiennent aucun décor hormis la lettrine de début de texte, les titres des Gazettes et des Nouvelles ordinaires incluent une vignette avec respectivement les lettres stylisées G et N.

En 1644 les gazettes sont généralement datées et envoyées le samedi à ses abonnés, avec quelques numéros complémentaires en semaine. La pagination et la numérotation des gazettes, suivant leur nature, se font chaque an en démarrant par le n° 1 au début de janvier. Ainsi le 6 août 1644 deux numéros, le n° 92 et le n° 93 de l'année 1644, sont publiées aux pages 629-632 et 633-640, l'un pour les Nouvelles Ordinaires, l'autre pour la Gazette. Pour cette dernière la vignette est estampillée d'un G et de cette maxime : « guidée du ciel, j'adresse et par mer et par terre ».

Le texte de Guy Autret pour l'article du 6 donne bien le contexte historique de ce voyage : « De Brest, le 26 Juillet 1644. La Reine d'Angleterre est aujourd'hui arrivée en cette ville sur un vaisseau Holandois, monté de quarante pièces de canon : contre lequel le Vice-Amiral du Parlement de Londres a tiré 80 coups de canon ». En effet, Henriette Marie, sœur de Louis XIII, mariée avec le roi anglais Charles Ier, est en fuite avant que son époux ne soit exécuté lors de la première révolution anglaise menée par Oliver Cromwell.

 
Extraordinaires de la Gazette datée du 31 août 1644
Extraordinaires de la Gazette datée du 31 août 1644

La reine d'Angleterre vient d'accoucher d'une fille à Oxford avant d'embarquer : « Elle est tellement incommodée de ses couches ». La légende, non rapportée dans la Gazette, dit aussi que, face aux canons ennemis des Parlementaires anglais, elle demanda à son capitaine : « Quand vous ne pourrez plus me défendre, tuez-moi. ». En tout cas, la gazette précise que, débarquée gràce à une chaloupe de Dinan, elle n'est pas vraiment rassurée dans un premier temps : « Toute la coste estant en armes, l'obligea de faire mettre un mouchoir au haut d'un baston. »

Dans le deuxième article du 31 août, après un rappel de l'accostage très mouvementé, c'est un véritable article « people » que nous produit avec force détails Guy Autret, à savoir la tournée d'une star internationale qui « fut fort bien receue par toute la Noblesse & le peuple »:

Image:Right.gifImage:Space.jpgà Brest, par la Damoiselle de Rohan, ses Officiers, et René de Rieux.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Chateaulin, par l’évêque de Cornouaille et les députés de Quimper.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Quimper, par les sieurs de Kerharo, de Talhoet et du Botilieau, ainsi que Julien Furic, sieur du Run, qui lui fit une « belle harangue ».
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Rosporden, par René de Rieux, ancien évêque de Leon.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Hennebont, Vannes et Nantes, par le marquis de Molac, gouverneur de Quimper et de Dinan.

A chaque étape de nombreux carrosses accueillent la Reine et sa cour, et le marquis de Molac met à sa disposition un « carrosses à six chevaux. Le voyage se poursuit hors la Bretagne, en passant par Angers, Saumur, Amboise et Tours, jusqu'à Bourges où l'attend le prince de Condé.

Henriette Marie restera en France, ne reverra plus jamais le roi son mari, et se retirera au couvent de la Visitation de Chaillot où, après sa mort, Bossuet prononcera une de ses plus célèbres oraisons.


En savoir plus : « Le voyage en Bretagne d'Henriette Marie, reine déchue d'Angleterre, La Gazette 1644 », « Lettre du 29 août 1644 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XXI) »

[modifier] 46 Mine du Rouillen près du Cleuyou

Billet du 17.02.2018 - « Depuis très longtemps on a constaté l'existence du terrain houiller de Quimper ; les premières fouilles furent faites en 1752, vers le chemin de Coray, par M. Mathieu de Noyant ; ces travaux, dont il ne reste que des traces, ... », Alphonse-Adolphe Rivière, 1838

Cette semaine, des documents conservés aux Archives Départementales du Finistère sur la reprise des recherches minières entre le préfet, le ministre de l'Intérieur et l'Ingénieur en chef des mines, lequel ne manque pas de rappeler l'existence du puits du Cleuyou "foncé" par son oncle Christophe Mathieu à l'est du futur bassin houiller de Quimper.

Dans ces documents d'octobre 1812, Pierre-Joseph Mathieu, l'ingénieur en chef des mines sollicité par le préfet du finistère, présente l'historique de la partie sud-est du bassin houiller : « Les premières fouilles furent faites il y a 60 ans, vers le chemin de Coray par Mr Mathieu de Noyant son oncle ». L'oncle en question se prénommait Christophe et était un ingénieur très actif, avec son père Jacques et ses deux frères, dans le développement des mines du nord de la France au 19e siècle.

Christophe Mathieu est qualifié de Noyant car, devenu propriétaire des mines de Noyant dans l'Allier, il s'y est établi. En 1752 il est mandaté par la Compagnie des mines de Basse-Bretagne, propriétaire des mines de Poullaouen et des premières galeries du Cluyou et de Cuzon, pour apporter son savoir-faire en technique de foncage de puits.

Alphonse-Adolphe Rivière écrira en 1838 à propos du puits du Cluyou : « ces travaux, dont il ne reste que des traces, furent à peine poussés à quelques mètres. » Certains auteurs parlent de 67 m, notamment Alain Le Grand dans son « Quimper-Corentin en Cornouaille » et Bernard Mulot dans un article de la revue « Penn ar Bed », mais nous n'avons pas trouvé les documents d'archives qui en attestent.

Dans le rapport de 1812, l'ingénieur Bonnemaison quant à lui décrit les lieux : « Le terrain est inégal dans sa surface, dans l'est un affleurement a lieu au dessus du moulin du Cluyou, il est déposé en se relevant contre le granit émétique auquel il se joint par un dépôt glaiseux et constitue le penchant d'un côté incliné au pied duquel coule l'Odet. Un dépôt se trouve au milieu de la route de Coray, tantôt terreux, charbonneux, tantôt glaiseux, charbonneux, blanchâtre accompagné et envelopé des noyaux et des boules de poudingue psammilique. »

Cette description de boules de poudingue, c'est-à-dire ces gros galets sédimendaires en pleine terre charbonneuse au milieu de la route de Coray, est une bonne explication pour le toponyme précis du lieu-dit « Rouillen ». En effet ce terme « Ruillen » est sans doute issu de "Ruihañ ou Ruilhal" qui veut dire "rouler" en français. De plus il est attesté que ce lieu, juste au-dessus du château du Cleuyou, le tronçon de route était appelé au 19e siècle « chemin noir du Cleuyou » ou « chemin de la terre noire autrement dit le Ruillen ».

Les géologues Alphonse-Auguste Rivière, Yves-Alain Fuchs et Bernard Mulot ont dressé des plans et cartes géologiques de l'endroit sus-mentionné dans le cadre de leurs études du bassin

  houiller de Quimper :
Image:Square.gif A. Rivière, Etudes géologiques 1838 :
Image:Square.gif Y. Fuchs, revue Penn ar Bed 1953 :
Image:Square.gif B. Mulot, revue Penn ar Bed 1975 :

En 1829, suite aux travaux de recherche sur ce bassin, la concession royale est accordée, ce avec un périmètre délimité au sud par le pont du Cluyou et le moulin des couleurs de Locmaria : « Cette concession, dont l'étendue superficielle est de deux cent vingt-trois hectares, est limitée ainsi qu'il suit : Au midi, par le cours de l'Odet, depuis le moulin des Couleurs jusqu'au pont du Cluyon ; À l'ouest, par une ligne droite, allant du pont du Cluyon au bourg de Cuzon ; ... ».

En fait le filon ne sera vraiment exploité que dans sa partie nord, c'est-à-dire à la mine de Kergogne sur les terres de Kerfeunteun, laquelle sera déclarée en faillite en 1844.

En savoir plus : « 1812-1829 - Un bassin houiller délimité à l'est par le puits et dépôt du Cluyou », « MULOT Bernard & FUCHS Yves-Alain - Les bassins houillers du Finistère », « RIVIERE Alphonse-Auguste - Études géologiques faites aux environs de Quimper »

[modifier] 47 ZAC, RN et chantiers gallo-romains

Billet du 10.02.2018 - En travaillant sur la partie "archéologique" des futures annales du GrandTerrier, en particulier pour mieux comprendre la période antique gallo-romaine à Ergué-Gabéric, on a été amené à rassembler et analyser les rapports et compte-rendus scientifiques de fouilles.

Il s'agit notamment des fouilles récentes menées près des ZAC ou de l'échangeur de la RN 165 au Rouillen, dont les rapports scientifiques sont publiés sur le site Internet du Service Régional de l’Archéologie de Bretagne, et commentés dans les inventaires du bulletin annuel de la Société Archéologique du Finistère ou dans le livre-référence de Jean-Paul Le Bihan / Jean-François Villard.

Tout d'abord il y a Paul du Châtellier, auteur en 1889 d'un inventaire des monuments finistériens des temps préhistoriques à la fin de l'occupation romaine, qui note pour Ergué-Gabéric : « Au Boden, camp retranché, appelé Cos-Castel. À l'intérieur, on trouve des fragments de tuiles et de poteries romaines. Une meule a été trouvée, dans un chemin près de ce camp. À droite de la route de Quimper à Coray (ancienne voie romaine), à 8 km 80 au delà de l'embranchement de la Croix-Rouge, restes de retranchements. À la rencontre de deux routes, en face de l'auberge de la Croix-Rouge, on voit des tuiles à la surface du sol.  ». À l'heure actuelle aucune fouille scientifique n'a été menée du côté du supposé camp retranché romain de Cos-Castel à Boden.

Par contre, à la Croix-Rouge, en 2007 lors de l'extension de la ZAC, il y a eu un chantier archéologique mené par Jean-François Villard : « si l'on se base sur ce faisceau de présomptions, il semble que l'on ait affaire à la Croix-Rouge à un petit établissement antique ». La nature gallo-romaine du site est renforcée par la découverte d'un gobelet à anse bien conservé : « un petit vase presque complet au profil inédit... Ce gobelet pose un problème d'identification. Par sa technique de réalisation et par sa pâte, nous serions tenté d'intégrer ce récipient au corpus des productions antiques. ... Sous toutes réserves, c'est donc plutôt une datation gallo-romaine que nous retenons pour ce vase. »

Si l'on retourne quelques années antérieures, il faut noter la fouille très importante de Ty-Névez-Kerveguen qui a permis d'étudier la structure exacte de la voie romaine Quimper-Carhaix : « Nous avons pu étudier un tronçon de voie antique dont l'état de conservation est assez exceptionnel ». De plus une pièce de monnaie, en l’occurrence un sesterce du IIe siècle, est trouvée par la suite à proximité du chantier de fouilles.

En 1987, après les chantiers de 1985 qui ont mis en évidence des fossés de l'age de fer et des habitats du haut moyen âge, Jean-Paul Bihan intervient sur le secteur nord de la Salverte, à l'occasion d'aménagements industriels et hôteliers, et relève la présence de deux fossés gallo-romains en U, parallèles et distants de 3,50 m, suivis sur près de 40m. De plus des pièces exclusivement gallo-romain sont découvertes sur place : « D. 37 en céramique sigillée de la fin du   IIe   siècle   après   J.-C.,

 
balsamaire en verre de type Isings 82 du IIe ou IIIe siècle (expertise J.Y. Cotten), jatte à bord rentrant en céramique commune, complète mais brisée sur place ». Le cliché ci-contre de cette jatte du Ier siècle après J.-C. a été publié dans le livre référence «  Archéologie de Quimper, Au temps de l'empire romain ».

En 1988 Hervé Kerebel mène des fouilles à Bussizit-Huella, tout près également de la Salverte, avant la construction d'une aire de lavage de camions : « cette fouille nous aura permis d'étudier partiellement un site agricole modeste de l'environnement immédiat de la ville de Quimper au second siècle après J.-C. ».

Le site de Tréodet est visité en 2008 suite à un signalement sur le chantier de réalisation d'un parking et révèle des vestiges de sols en terre battue et de base de murets, des fragments de tuiles du Ier et IIe siècle et de céramiques : « Cette découverte, fortuite et trop tardive, ne put faire l'objet d'aucune intervention raisonnée ». Le lieu, situé bien en amont du pont du Cleuyou sur le Jet, était peut-être un franchissement de l'Odet d'est en ouest.

En 2011, lors d'une intervention archéologique par Jean-Paul Le Bihan et Jean-François Villard avant l'ouverture de la zone d'activité du Squividan, un tronçon de voie antique secondaire y est découvert : « Un diagnostic effectué sur les hauteurs de Squividan dominant la vallée de l'Odet avant son confluent avec le Jet mit en évidence des structures rurales gallo-romaines ».

Les fouilles de Squividan ont mis en évidence un long tronçon antique d'une voie perpendiculaire à la route antique de Quimper à Carhaix. On y a trouvé également des traces d'activité : des enclos isolés, deux fours à sécher les grains, des tuiles et céramiques. Ceci conforte la densité de la campagne autour de Quimper au temps de l'Empire romain.

En savoir plus : « Les chantiers archéologiques gabéricois localisant des établissements gallo-romains », « CHATELLIER Paul (du) - Les époques préhistoriques et gauloises dans le Finistère », « LE BIHAN Jean-Paul - Fouille de sauvetage de Ty-Nevez-Kerveguen », « Intervention archéologique à Salverte-Nord en 1987, fossés gallo-romains », « VILLARD Jean-François - Diagnostic archéologique à la ZAC de la Croix-Rouge », « KEREBEL Hervé - Fouille de sauvegarde de Bossuzit-Huella », « VILLARD Jean-François - Vestiges et paysage rural antique de Squividan », « LE BIHAN Jean-Paul & VILLARD Jean-François - Archéologie de Quimper, tome 2 »

[modifier] 48 Sortie du film Les Naufrageurs

Billet du 03.02.2018 - Enfin, ce film culte noir et blanc, produit et scénarisé en 1958 par un gabéricois, Gwenn-Aël Bolloré, est disponible en DVD en vente en ligne par StudioCanal / Universal Pictures pour le prix de 10 euros environ et pour satisfaire notre bonheur de cinéphiles nostalgiques.

Synopsis du film : en 1852, sur une île bretonne où sévit la famine, Moïra brise le fanal qui signale les écueils. Un navire chargé de vivres vient s'y briser. Il est pillé et les survivants sont massacrés. Seul Gilles échappe à la tuerie : il est caché par Louise qui s'est éprise de lui. La jeune orpheline Moïra, rejeté par les îliens, est amoureuse du jeune pêcheur Yann. Un prêtre et un policier du continent viennent sur place et assistent au dénouement ...

Interrogé par André Espern, Gwenn-Aël Bolloré, qui à l'époque était vice-président des papeteries Bolloré, présente ainsi ce film de 1958 dont il est le scénariste et producteur : « Les Naufrageurs, c'est une île qui s'appelle Blaz-Mor, une île qui ressemble étrangement à Ouessant, à Sein, c'est plus haut que les Glénan, une île. Et comme ils n'ont rien à croûter, ils font les naufrages. »

Blaz signifiant à la fois « goût » ou « saveur », mais aussi « odeur » - dans un sens péjoratif (mauvaise odeur), et Mor signifiant « mer », la traduction du nom de l'île peut ainsi être double et présenter la même ambiguïté que ses habitants : « le goût de la mer » où « l'odeur (mauvaise) de la mer ». Cette dualité, voire cette opposition, est très présente dans le film.

Dans le film-interview d'André Espern, Gwenn-Aël Bolloré décrit son rôle dans le tournage des scènes du naufrage : « Dans le scénario le bateau qui ne voyait plus les feux, devait s'écraser du côté de Penmarc'h. Quand on a été pour tourner, personne ne voulait prendre la barre, parce que le type était seul. Tout le monde s'est tourné vers moi, car c'est moi qui avais écrit le scénario. Je me suis déguisé en marin hollandais, avec des bottes et une casquette, et puis j'ai été droit sur les cailloux, il y avait un peu de mer. C'est très impressionnant, puisqu'avec une barre franche, résister à la tentation de tourner la barre pour éviter les cailloux, c'est dur pour un marin. »

Le film est présenté dans le chapitre « Les îles, un monde à part » de la sélection « La Bretagne au cinéma » de Nolwenn et Maria Blanchard, du fait du thème de la grande solidarité îlienne contre les autorités civiles et religieuses du continent, désigné comme étant « la Grande Terre ».

  La plupart des scènes ont été filmées sur le site de Kerity-Penmarc'h-Lesconil, sur les plages avoisinantes et dans un village construit pour l'occasion près du calvaire de Tronoën. Le manoir de Kerlut en Plobannalec est loué pour l'hébergement de l'équipe de tournage. Le photographe quimpérois Etienne Le Grand fils est présent lors du tournage et ses clichés sont aujourd'hui conservés du Musée de Bretagne de Rennes.

Le réalisateur Charles Brabant (1920–2006), grand scénariste et réalisateur, a signé de nombreux films et téléfilms entre 1952 et 1989, dont « La Putain respectueuse » et « Les Aventuriers du Mékong ».

Les acteurs principaux sont l'« Apollon de l'année 1939  » Henri Vidal (jouant Yann Le Coeur), le « comédien exemplaire » Charles Vanel (le vieux Mermez) et l'indochinoise Dany Carrel (Louise). René Cosima qui a épousé en 1957 Gwenn-Aël Bolloré, joue le rôle de Moïra la sauvageonne.

Hormis les scènes alimentant l'intrigue et les paysages du bord de mer, on notera avant tout des scènes ethnologiques de dévotion religieuse, avec des cantiques chantés en breton dans une vieille église ou en procession sur les dunes derrière croix et bannières.

Pour se faire une idée du film, voici quatre courts extraits proposés par le site Internet www.cinema-musique.org :


En savoir plus : « BRABANT Charles - Le film Les Naufrageurs »

[modifier] 49 De l'Art poétique et panégyrique

Billet du 27.01.2018 - « Dans ces écrits loyaux qui tombent de ma plume | J'étouffe mes ennuis et brave l'amertume. | Et j'écoule mes jours en cette compagnie - Sans honte, sans regrets, sans aucune envie. », Strophe 18 du Petit Panégyrique de Jean-Marie Déguignet

Le cahier manuscrit n° 20 de Jean-Marie Déguignet, publié en 2001 dans l'édition intégrale de ses mémoires « Histoire de ma vie » et en 1999 dans l'édition partielle « Rimes et révoltes », contient un magnifique poème que l'auteur présente sur un mode presque humoristique : « Maintenant je vais adresser un petit panégyrique à mes écrits, mes seuls amis qui me consolent un peu de l'ennui et de la misère dans mes vieux jours. ». Généralement un éloge panégyrique est prononcé en l'honneur d'un personnage adulé, mais ici en l’occurrence l'auteur n'a trouvé aucun autre modèle à honorer.

Et il nous délivre pas moins de 54 quatrains ou strophes de 4 vers, avec une métrique de vers alexandrins, soit 12 pieds incluant généralement une césure au 6e pied. Les rimes de chaque quatrain sont plates ou suivies, c'est-à-dire de type AABB, alternant ou non les rimes féminines avec e muet et les masculines :

C’est à vous, mes écrits, qu’aujourd’hui je m’adresse,
Vous les consolateurs de ma triste vieillesse.
Vous êtes mes enfants, enfants infortunés,
Comme moi en ce monde, vous êtes ignorés.</small>

Les 6 premières strophes font le parallèle de destin entre ses écrits et sa propre vie : vont-ils être dévorés par les rats et pourrir comme des grimoires ? À partir de la 7e strophe, les « franches vérités » de ses écrits sont opposées aux messages mensongers, stupides, inutiles des Évangiles chrétiens :

Tandis que des écrits comme les Évangiles,
Faits pour voler les sots, berner les imbéciles,
Tous ces écrits menteurs, stupides, libertins,
Sont fort recommandés comme écrits divins,

Aux strophes 11 et 12 il cite in-extenso entre guillemets Nicolas Boileau, l'auteur de « L'Art poétique », dans son Épitre n. 9 sur le thème du beau et du vrai. Mais Déguignet ajoute « Tu parles bien mon vieux et met en exergue sa fausseté lorsque Boileau fit l'éloge du grand Louis le quatorzième.

« Rien n’est beau que le vrai : le vrai seul est aimable ;
Il doit régner partout, et même dans la fable.
De toute fiction l’adroite fausseté
Ne tend qu’à faire aux yeux briller la vérité. » (Boileau)

Dans les strophes 18 et suivantes, il se sert de ses « loyaux écrits » qui lui permettent, dit-il, de voyager au temps des premières civilisations anciennes : « Par ces enfants chéris issus de ma mémoire Je parcours le ciel, la terre et l'histoire ». Après l'évocation des dieux mythiques, son voyage se termine par une description du Paradis qui se termine en strophe 41 : « Ce bouge inventé par le bandit Jésus ».

Les strophes suivantes sont une une sorte d’apothéose didactique sur le sens de la vie : « Voilà comment je vis d'une seconde vie Grâce à mes écrits, à ma philosophie.  ». Sa philosophie repose essentiellement sur la critique de la métempsychose de Lucrèce et Pythagore qui affirment que l'âme existe en dehors du corps :

    Dessin de Christophe Babonneau, BD du paysan bas breton, T1 :

Ceux-là ont confondu l'âme et la matière.
Dans ce petit monde il n'y a que poussière
Toujours se décomposant et se recomposant
Formant de tous les êtres la vie et le mouvement.

Aujourd'hui ce poème a l'honneur d'être inscrite comme œuvre majeure dans une Anthologie de la Poésie française. Son auteur,. Christian Tanguy, né en 1961 dans une ferme finistérienne, a publié en 2013 cette anthologie de référence, « Florilège », où se relaient quelques 700 poèmes de 250 poètes francophones .

Certains de ces poèmes sont connus de tous, comme « L'Invitation au Voyage » de Charles Baudelaire ou « Le Dormeur du val » d'Arthur Rimbaud, mais les autres, ancrés dans la poésie de l'âge baroque ou dans celle des poètes maudits, n'ont été que rarement réimprimés. L'anthologie inclut sept poètes bretons seulement, à savoir Gérard Le Gouic, René-Guy Cadou, Georges Perros, Max Jacob, Paol Keineg, Victor Segalen, Tristan Corbière, et Jean-Marie Déguignet.

Par ailleurs les premières strophes de ce poème plein d'énergie invocatoire est aussi traduit en anglais par Linda Asher et fait la couverture des nouvelles « Memoirs of a Breton Peasant » :

To you, my writings, do I address these words today,
You consolers of my sad old age.
You are my children, luckless children,
Like me in this world, you are ignored.

En savoir plus : « L'art poétique selon Jean-Marie Déguignet dans son panégyrique à ses écrits », « TANGUY Christian - Florilège, anthologie de la Poésie française », « DÉGUIGNET Jean-Marie - Memoirs of a Breton Peasant »

[modifier] 50 Statues de saints en 1942 et 2017

Billet du 20.01.2018 - Lors de la dernière journée du patrimoine, les services municipaux du patrimoine avaient orchestré le retour de statues de la chapelle Saint-André après leur restauration. En 1942, 75 ans plus tôt, c'est le recteur Gustave Guéguen qui procédait à une opération similaire.

En cette rentrée 2017, il s'agissait de quatre très vieilles statues en bois polychrome du 17e siècle, à savoir les trois évangélistes saints Marc, Mathieu et Luc, et la martyre sainte Barbe. L'état de ces statues était très préoccupant : bois rongé par endroit, des bouts de membres (pouce ou main) manquants, et des marques de vrillettes ou de moisissures apparentes.
Entre décembre 2016 et octobre 2017, ces 4 statues ont fait l'objet d'une très belle restauration par les professionnels experts de l'Atelier Régional de Restauration de Kerguehennec / Bignan (56). Le 14.09 les œuvres d'art datées du 17e siècle sont revenues à la chapelle juste avant la fête du patrimoine.
Les témoignages de Gilles Man-toux et Hélène Champagnac de l'atelier régional apportent un éclairage sur les difficultés de leur tâche : « Les quatre statues sont taillées dans du châtaignier, lequel par son tanin, crée un répulsif pour les insectes xylophages. Cela a permis aux statues de saint Mathieu, saint Marc, saint Luc, et sainte Barbe d'être moins sensibles à la détérioration » ; « Nous n'avons pas remplacé les mains coupées de sainte Barbe car aucun document ne nous permet de connaître leur position, leur forme ni ce qu'elles tenaient. Ce sont des œuvres originales sculptées dans une bille de bois par un artiste. Ce ne sont pas des séries comme on en trouve au XIXe siècle. »

Les quatre statues ont été remises en place et fixées sur leur piédestal, en position haute, et les saints, comme ils le faisaient jadis, accueillent les visiteurs qui entrent dans la nef de part et d'autre de la porte sud de la chapelle. Sainte Barbe à gauche, saint Marc à droite, et en face sur le mur nord saint Luc côté occidental et saint Mathieu côté autel.

Article 1 : « Les retables lavallois et les statues anciennes de la chapelle St-André »

  À Ergué-Gabéric, dans les années 1930-50, tout le monde connaissait Laouic Saliou, originaire du quartier de Keranna,
qui était un sculpteur et ébéniste de talent et qui a réalisé de nombreuses statues visibles dans les chapelles gabéricoises. Parmi celles-ci il y le saint Jacques qu'on honore à la chapelle de Saint-André, car la fontaine proche lui est consacré.

Dans cet entrefilet du journal « Le Progrès du Finistère » daté du 1er août 1942, on apprend les conditions dans lesquelles la statue fut bénie sur place lors du pardon de la chapelle. La chapelle en question est dite de sainte Anne, car, certes plus connue sous le nom de chapelle Saint-André, elle bénéficie d'une double invocation. Et le pardon principal avec procession avait lieu le jour de la sainte Anne, en l’occurrence le 26 juillet.

En 1942 il s'agit de bénir « une nouvelle statue de S. Jacques destinée à la fontaine nouvellement restaurée », en remplacement d'une statue de pierre qui ornait la niche de la fontaine de saint-Jacques, halte des pèlerins du Tro-Breizh ou vers St-Jacques de Compostelle. La statue de Laouic sera ensuite mise à l'abri des convoitise sur l'autel de la chapelle.

Le cérémonie se passe ainsi : « Après les vêpres, la statue fut bénite et portée en procession jusqu'à la fontaine où M. Duvail, fabricien, la déposa dans sa niche. Là, quelques prières furent récitées par l'officiant, M. l'abbé Aulnette, du diocèse de Nantes. »

Le recteur qui officie est Gustave Guéguen, que tout le monde appelait familièrement « Gustav  », et on l'imagine très fier et très inspiré lors de cette cérémonie, alors qu'il n'est nommé à Ergué-Gabéric que depuis quelques mois.

Article 2 : « Bénédiction de la statue St-Jacques à St-André, Progrès du Finistère 1942 »

[modifier] 51 Armes et lettres patentes royales

Billet du 13.01.2018 - Cette semaine, la transcription complète de trois documents d'archives : un acte prônal de 1634, des lettres patentes authentiques du roi Louis XIII en 1638 et le registre du Parlement de Bretagne en 1639, le tout pour les droits de prééminences du sieur Guy Autret à Ergué-Gabéric.

Le premier document, daté du 5 mars 1634 et qualifié d'acte prônal car lu pendant les annonces qui suivent l'homélie du prêtre, authentifie sous le seing de deux notaires royaux le consentement des prérogatives du seigneur local Guy Autret par une assemblée de paroissiens. Il s'agit de l'original en papier parcheminé à l'encre pâlie et difficile à déchiffrer. L'acte est lu lors du prône de la grande messe dans l'église paroissiale pour accorder au seigneur de Lezergué « le droict d'avoir ses armes en la victre de la chapelle de saint Guehnollé, et costé de l'évangile en la dicte esglise paroissiale d'Ergué Gabellic ».

À « la dicte grande messe célébrée par messire Allain Le Balch curé de la dicte parroisse assistoit grand nombre des habitants » et pas moins de 45 paroissiens mettent leur noms pour autoriser les armoiries locales à la chapelle de St-Guénolé et « remettre les armes et bancq de la seigneurie de Lesergué au lien ou ils estoient auparavant » dans l'église paroissiale.

Les deuxième et troisième documents sont constitués des lettres patentes royales reçues en août 1638 et de leur mise en exécution par le Parlement de Bretagne le 12 janvier 1639. La lisibilité est facilitée car ce ne sont pas des originaux, mais des copies ultérieures du 18e ou 19e siècle et conservées aux Archives Départementales du Finistère.

Dans ses lettres patentes commençant par un tonitruant « Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre à tous présents et à venir salut.», le roi Louis XIII formule lui-même ses intentions : « voulant favorablement traiter notre cher et bien aimé Guy Autret sieur de Missirien et de Lezergué, chevalier de notre ordre de St Michel », « suffisamment informé que la terre seigneurie qu'il possède par succession immémoriale de ses prédécesseurs, est belle et bien bâtie, noble et des plus anciennes de l'Evesché de Cornouaille en notre province de Bretagne », « ornée de tous droits de haute moyenne et basse justice, colombier, garennes, moulins, domaines, ... intersignes de noblesse. Voulant encore en faveur dudit sieur de Missirien augmenter les honneurs et dignités de la terre ».

La décision royale est très généreuse : « donnons octroyons et accordons de par ces présentes signées de notre main tous et tels droits honorifiques et prérogatives et prééminences qui nous appartiennent en l'église paroissiale d'Ergué Gabellie, et en la chapelle de St Guénolé situé en la même paroisse hors l'église paroissiale, avec tout pouvoir de faire mettre ses armoiries, blasons et enseignes de noblesse au dedans et au dehors des dites église et chapelle au lieu plus éminent, tant en vitres, lisières qu'en bosse, en tous endroits que bon lui semblera ».

La formule finale consacrée « Car tel est notre plaisir » conclut la lettre royale, suivi de la mention « Par le roy » et du nom et signature du surintendant des finances, à savoir Claude Bouthillier.

Toute lettre patente, préparée par le Conseil du roi et contresignée par un secrétaire d'état, doit être scellée de cire verte du grand sceau royal et faire ensuite l'objet d'un décret d'exécution. Dans l'extrait de registre d'exécution par le Parlement de Rennes en janvier 1639, on note bien la description précise du sceau apposé sur les lettre d'août 1638 : « un grand sceau de cire verde à laqs de soye rouge et verde ». Les « laqs » sont les lacets colorés qui attachent le sceau au bas du parchemin.
 

Tous les blasons des Autret (10 bandes d'argent et azur) et de leurs prédécesseurs de Lezergué (croix potencée) et Coatanezre (trois épées), ont bien été mis dans le tympan de la maitresse-vitre de l'église paroissiale, entourés du collier jaune de l'ordre de Saint-Michel dont Guy Autret était chevalier. Sur le tout dernier blason Coatanezre qui est resté dans son état d'origine, on distingue même nettement la coquille dite de Saint-Jacques sur le collier.

La décision royale d'octroyer à Guy Autret les prérogatives appartenant à la couronne est conditionnée par le fait « que les armes du Roy seront mises au plus hault lieu de la principalle vitre de la dite église étant au grand authel aux frais du dit demandeur ».

Nous aurions donc du y trouver le motif armorial des trois fleurs de lys surmontées d'une couronne royale, faite également de fleurs de lys. Or le timbre supérieur de la couronne n'est pas très net et le blason est écartelé en 4 parties, en 1 et 4 des fleurs de lys (remplacés par 3 morceaux noircis de vitrail), et en 2 et 3 par des hermines : ces armes sont celles de Claude de France (1499-1524), reine et épouse de François 1er. Par ailleurs le blason est bien entouré du collier de l'ordre royal de chevalerie de Saint-Michel.

Par contre, au 2e rang on voit à gauche deux blasons surmontés de vraies couronnes ducales au motif feuillu, sans collier de Saint-Michel. À gauche les armes, en mi-parti des fleurs de lys et des hermines, sont celles de la duchesse Anne de Bretagne, mère de Claude de France, et à droite il s'agit du blason historique « D'hermine plain » du duché.

Lorsque le Parlement de Bretagne examine début 1639 la validité des lettres royales, il reprend les autres pièces d'archives, à savoir l'acte des « 28e mars et 17e avril 1499 touchant la haulte justice du manoir de Lezergué », un don de tabernacle du 25 février 1635 par Guy Autret et sa femme Blanche de Lohéac, un autre prônal de novembre 1638 confirmant le consentement des paroissiens, et deux actes prônaux datés L'arrêt reprend aussi la contestation locale d'Yves de La Marche du manoir voisin de Kerfors et de Jan de La Lande établi à Kergonan en Ergué-Gabéric également.

La conclusion du Parlement de Bretagne est sans appel : « La cour a ordonné et ordonne que les dictes lettres seront enregistrées au greffe de la cour pour en jouir l'impétrant d'icelles bien et duement suivant la volonté du Roy »

En savoir plus : « 1634-1639 - Acte prônal, lettres patentes du Roi, registres du Parlement et prééminences »

[modifier] 52 Édifiante soulographie électorale

Billet du 06.01.2018 - Merci à Pierrick Chuto de nous avoir communiqué ce rapport circonstancié décrivant avec un brin d'ironie les excès de consomma-tion d'alcool lors d'une réunion électorale tenue au bourg d'Ergué-Gabéric et sponsorisée par le candidat conservateur et les curés de la paroisse.

Cela se passe en plein climat d'interdiction des congrégations religieuses, juste avant la loi de séparation des églises et de l'état, une époque où, en Bretagne, les catholiques conservateurs et les républicains laïcs se disputent quotidiennement et de façon encore plus exacerbée lors des campagnes électorales.
En 1901 déjà, aux élections au conseil général, se présente le conservateur Henri de Beauchef de Servigny, « jeune avocat dynamique, ambitieux et riche » (cf le livre "IIIe République et Talennoù" de Pierrick Chuto) dans le canton de Quimper : à Ergué-Gabéric on vote massivement pour lui et, à la surprise générale, il gagne contre son opposant républicain Jules Soudry, proche d’Hémon.

En 1902 il se représente aux élections législatives contre Louis Hémon (lequel sera élu dès le premier tour avec 7519 voix contre 6959) dans la 1ère circonscription de Quimper. Le 11 avril 1902 le candidat Servigny est en visite au bourg d'Ergué-Gabéric pour une réunion électorale publique pendant laquelle sont distribués alcools et cigares.

Le compte-rendu, conservé dans le fonds Soudry des Archives Départementales, est dressé par « un passant attardé au bourg d'Ergué-Gabéric », un sympathisant républicain dénommé Nouille qui raconte à son conseiller général le « scandale de hier », à savoir comment la libation de la réunion publique s'est poursuivie dans tous les débits de boisson entourant l'église paroissiale.

La consommation de boissons est impressionnante : « Le vin rouge, le vin blanc, l'eau de vie coulèrent en abondance » ; « Les rafraichissements circulèrent de nouveau avec des paquets de cigarettes et de cigares » ; « Maintenant on dédaignait le vin et le cidre, c'était le cognac qui avait la   préfé-

 
rence » ; « quelques gosses de 15 à 16 ans qui, peu accoutumés à de pareilles ingurgitations de liqueurs rouler sur la route » ; « Le malheureux vint s'affaler sur une pierre du cimetière pour cuver son vin » ; « un mendiant qui avait fraternisé trop souvent avec la divine bouteille protestait de son dévouement à l'honorable candidat en criant d'une voix avinée : " Vive M. Servigny !! " ».

Et cela est bien dans la logique politique du candidat : « Pour atteindre son but M. de Servigny trouva que le plus sûr moyen était de s'adresser au ventre de ses invités : "Hémon, dit-il, a voté pour l'augmentation du prix des boissons, moi je suis absolument contre et je demanderai la suppression de cette loi". »

Les responsables gabéricois sont désignés par le dénommé Nouille : « ces messieurs, les curés », c'est-à-dire le recteur et le vicaire de la paroisse. Ce dernier est même désigné par un début de phrase rayé, l'auteur préférant finalement le pluriel. Le recteur est Jean Hascoet celui qui s'était opposé à la fermeture de l'école des sœurs, et le vicaire François Nicolas sera en 1904 accusé de prononcer en chaire des sermons bien marqués politiquement. En 1902 le témoin républicain dénonce « comment l'argent des curés s'évanouit en fumée et en boissons pour la cause sacrée ».

En conclusion, le rapporteur ironise encore une fois : « Ca a été une bonne soirée en l'honneur de Bachus  ».

En savoir plus : « 1902 - Le scandale arrosé de la réunion publique du candidat conservateur Henri de Servigny »

[modifier] 53 Les chroniques de début d'année

Billet du 01.01.2018 - « Annum novum faustum & felicem », « Bloavezh mad, laouen hag eurus », Une joyeuse et heureuse nouvelle année !

La formule consacrée est en latin cette année. Et ça tombe bien car le premier article du bulletin trimestriel porte sur un cartulaire rédigé en latin nous éclairant sur les fondateurs d’Ergué-Gabéric, alias Gabellic.

Ensuite, si nous remontons aux premiers siècles de notre ère, nous avons la fameuse voie romaine de Carhaix fréquentée par des attelages gallo-romains qui faisaient une pause à l’une des quatre pierres milliaires gabéricoises.

Toujours en latin cette notice qui authentifie un don de cire pour Kerdévot en 1439. Par contre à partir de 1448 les actes de Kerfors sont en français mais n’en restent pas moins difficiles à déchiffrer.

Les articles suivants évoquent des traces et reflets d’or au Stangala dès 1506, des terres confisquées aux hérétiques en 1592, un testament généreux pour une domestique en 1845, une escroquerie franc-maçonne au 18e siècle.

Et pour continuer ce sommaire à la Prévert, on signalera la très belle statue de granite de Sant Alar inaugurée début octobre, le livre des aventures d’Auguste Chuto qui se bat contre les Diables Rouges de la République, et aussi les cartes communales de 1860, 1920 et 1950. Et enfin, véritables cerises sur le gâteau, les bulles de cette bande dessinée mettant en scène l’enfance du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet.

Et les annales promises pour 2018, me direz-vous ? Pas de panique, elles arrivent ! Leur contenu est arrêté, la rédaction des articles est bien avancée, et on a trouvé l’œuvre d’art de la page de couverture dans la hôte du père Noël. On va bientôt lancer les revues croisées et contacter un éditeur.

Et pour finir, encore une formule magique : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », un slogan de municipalité qu’on prendrait bien à notre compte. TOUS ENSEMBLE donc derrière le GrandTerrier !

 
Lecture en ligne du bulletin trimestriel, avec fichier pdf pour l'impression en recto-verso : « Kannadig n° 40 Janvier 2018 »