1927 - Lockout suite aux revendications salariales aux mines d'antimoine de Kerdévot - GrandTerrier

1927 - Lockout suite aux revendications salariales aux mines d'antimoine de Kerdévot

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§ E.D.F.
Les échanges entre la direction, le préfet et les forces de l'ordre à propos du lockout [1], c'est-à-dire la fermeture temporaire du site, en réponse aux revendications des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot.

Autres lectures : « CHAURIS Louis - Les conflits d'intérêt à la petite mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « Lockout et revendications des ouvriers de la mine d'antimoine, journaux loc. Humanité 1927 » ¤ « 1927 - Dépôt d'explosifs à la mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « Revendication des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, L'Ouest-Eclair 1913 » ¤ « La mine d'antimoine à Kerdévot/Niverrot en Ergué-Gabéric » ¤ « Yann-Reun Even, dindan an douar er vengleuz e Kerzevot » ¤ « 1915 - Groupe des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « Revendication des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, L'Ouest-Eclair 1913 » ¤ « Accident suite à éboulement à la mine de Kerdévot, Ouest-Eclair Citoyen 1927 » ¤ « Rdv du ps 6 - Mine d'antimoine, OF-LQ 1986‎ » ¤ « Antimoine à Kerdévot, OF-LQ 1987 » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Le dossier ci-dessous, conservé aux Archives départementales du Finistère contient plusieurs rapports adressés au préfet Rischmann par l'ingénieur en chef des mines et par le capitaine de gendarmerie de Quimper. À la demande du Ministère du travail, un formulaire détaillé est aussi rempli par les services de préfecture en février 1928.

Les rapports portent sur les conditions de revendications des ouvriers se mettant en grève le 11 octobre, sur le lock-out [1] et les licenciements prononcés le lendemain, et sur les suites un mois plus tard lorsque la mine ré-ouvre avec de nouvelles machines.

Via le premier rapport de l'ingénieur on apprend que la mine existant depuis 1913 a été remise en exploitation en avril 1927 avec un effectif de 10 ouvriers, avec une croissance de mois en mois jusqu'aux 46 de septembre, lequel personnel est essentiellement occupé au fonçage du puits principal qui a atteint les 21 mètres 75 de profondeur. L'ingénieur émet un avis sur la nature de la grève : « Il semble qu'on soit en présence d'une grève de meneurs, plutôt que d'une véritable grève pour salaires ».

Dans le rapport d'octobre de la gendarmerie, les objectifs de la revendication salariale sont précisés : « Les mineurs ont demandé 36 francs par jour au lieu de 22 et les manœuvres 25 francs au lieu de 18 ». Et la décision de la direction d'un lock-out [1] est sans appel : « Ce directeur, présent sur les lieux aujourd'hui, m'a déclaré avoir fermé la mine avec l'intention de reprendre le travail dans un mois environ ».

Le 2e rapport du capitaine, daté du 15 novembre, donne les conditions de reprise un mois plus tard avec 4 ouvriers de fond et 7 manoeuvres avec des salaires revus à la baisse : « Les manœuvres reçoivent le même salaire que précédemment, soit 18 francs par jour. Les mineurs subissent une diminution de 1 franc par jour et touchent 21 francs au lieu de 22. »

À titre de comparaison, on trouvera ci-contre un tableau statistique des salaires moyens journaliers versés en 1927 aux mineurs du nord de la France, lesquels sont de l'ordre de 32-33 francs, soit un tiers plus élevé que ceux de Kerdévot.

 
 Bulletin de la Statistique générale de la France. Tome XVIII 1929
Bulletin de la Statistique générale de la France. Tome XVIII 1929

Le rapport détaillé de 1928 précise les caractéristiques des nouvelles machines installées : « un moteur semi-diesel, une pompe électrique et un compresseur d'air qui ont permis de diminuer la main d'oeuvre dans une proportion importante ».

En fait en 1927, les luttes sociales sont nombreuses, notamment dans les ports du littoral sud-breton touchés par une grève très dure des pêcheurs. À Ergué-Gabéric, les ouvriers sont majoritairement employés soit comme commis ou saisonniers agricoles, soit comme carriers, et dans ces milieux ruraux l'esprit syndical n'a que peu d'emprise.

Les observateurs le précisent bien dans leurs rapports au préfet : « À aucun moment le calme n'a cessé de régner », « Il n'est pas à craindre que l'ordre soit troublé ». Les journaux locaux ne disent pas autre chose. Le journal national « L'Humanité » par contre s'insurge : « Aux ouvriers, qui malheureusement n'ont pas encore compris la nécessité du syndicat, à s'organiser sans plus attendre. Tous unis, ils sauront imposer des salaires leur permettant de vivre. »

[modifier] 2 Transcriptions

Rapport de l'ingénieur des mines, 17 oct 1927

Mines. Arrondissement minéralogique de Nantes. Département du Finistère. M. Lejeune, ingénieur en chef.

À Nantes, le 17 Octoble 1927. Rapport.

J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'une grève de la totalité du personnel de l'exploitation de la mine de Kerdévot, appartenant à la Société Nouvelle des Mines de la Lucette, s'est déclarée le 11 octobre 1927 à 16h à la suite d'une demande d'augmentation de salaires à laquelle le Chef d'exploitation n'a pu donner satisfaction.

Les travaux d'exploitation de Kerdévot ont été repris en avril 1927 et ont porté principalement sur le fonçage d'un puits qui a atteint la profondeur de 21 m 75. Le mouvement du personnel a été le suivant jusqu'à fin septembre.
AVRIL . . . . 10 ouvriers
MAI . . . . . 12 -
JUIN . . . . . 21 -
JUILLET . . . 21 -
AOUT . . . . 18 -
SEPTEMBRE 46 -

et les salaires étaient de :
22 frs par jour, pour les hommes du fond
18 frs par jour, pour les hommes du jour

Les ouvriers demandaient :
35 frs par jour, pour les hommes du fond
25 frs par jour, pour les hommes du jour

Dans l'état actuel de l'exploitation, la Direction n'a pas jugé possible de souscrire à tout ou partie de ces demandes et a procédé le 12 au licenciement du personnel. Le fonçage du puits qui était près d'être achevé, a été suspendu et la Direction a l'intention de faire procéder avec un personnel réduit à 3 ou 4 ouvriers, à l'aménagement des installations du jour qui durera vraisemblablement un mois, avant de reprendre les travaux de fond.

Il semble qu'on soit en présence d'une grève de meneurs, plutôt que d'une véritable grève pour salaires, un certain nombre d'ouvriers ayant individuellement demandé à reprendre le travail aux anciennes conditions.

À aucun moment le calme n'a cessé de régner.

Pour l'Ingénieur en Chef des Mines en congés, l'Ingénieur des mines chargé de l'intérim, (signature V. Ducher).

Rapport de gendarmerie, 18 oct 1927

11e C.A. Gendarmerie nationale. 11e légion. Compagnie du Finistère. Section de Quimper. N° 389/2. Objet : Au sujet d'un lock-out. Semblable rapport adressé à : Ministre de la guerre, Général inspecteur du 1e arrondissement de Gendarmerie, Procureur de la République, Général Commandant le G.S. 8, Chef de légion (2 exp), Commandant de Compagnie (2 exp.) Exécution des articles 52 et 53 du décret du 20 mai 1905.

Quimper, le 12 octobre 1927. Rapport du Capitaine Degouey commandant la section sur un lock-out.

Le 11 courant, les 40 ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, ont menacé de faire grève si leurs salaires n'étaient pas relevés.

Les mineurs ont demandé 36 francs par jour au lieu de 22 et les manœuvres 25 francs au lieu de 18. Le chef d'exploitation a aussitôt soumis, par télégramme, ces revendications au directeur de la mine qui a répondu, par la même voie, de suspendre le travail. Ce directeur, présent sur les lieux aujourd'hui, m'a déclaré avoir fermé la mine avec l'intention de reprendre le travail dans un mois environ lorsque l'installation de machines, actuellement en cours, sera complètement terminée.

Le personnel de la mine est composé, en majeure partie, d'ouvriers agricoles et de carriers qui, pendant cette période d'un mois, trouveront du travail dans la région. Il n'est pas à craindre que l'ordre soit troublé.

(signature Degouey)

N° 1840 transmis à Monsieur le Préfet du Finistère à Quimper.

Quimper, le 12 octobre 1927. Le chef d'escadron Corcuff, commandant la compagnie ... Le Capitaine Degouey chargé de l'exp en affaires. (signataire Deganey)

Rapport de gendarmerie, 15 nov 1927

11e C.A. Gendarmerie nationale. 11e légion. Compagnie du Finistère. Section de Quimper. N° 124/2. Objet : Fin de lock-out. Semblable rapport adressé à : Ministre de la guerre, Général inspecteur du 1e arrondissement de gendarmerie, Procureur de la République, Général Commandant le G.S. 2, Chef de légion (2 expéditions), Commandant de Compagnie (2 expéditions) Exécution des articles 52 et 53 du décret du 20 mai 1905.

Quimper, le 18 novembre 1927. Rapport du Capitaine Degouey commandant la section sur une fin de lock-out (suite à mon rapport n° 389 du 1é octobre 1927).

L'exploitation de la mine de Kerdévot en Ergué-Gabéric, qui avait été interrompue le 18 octobre dernier à la suite d'une demande d'augmentation de salaires, est reprise partiellement depuis aujourd'hui.

Quatre mineurs et sept manœuvres ont été réembauchés ; d'autres le seront sous peu, au fur et à mesure des besoins.

Les manœuvres reçoivent le même salaire que précédemment, soit 18 francs par jour.

Les mineurs subissent une diminution de 1 franc par jour et touchent 21 francs au lieu de 22, mais ils seront remis à l'ancien taux lorsque le personnel de la mine sera au complet.

(signature Degouey)

N° 1749 : transmis àMr le Préfet du Département du Finistère à Quimper. Quimper, le 16 novembre 1927, le Chef d'Escadron Corcuff, commandant la Compagnie (signature Ch Corcuff).

 

Préfet, 18 nov 1927

18/11/27. Lockout du personnel de la mine d'antimoine de Kerdévot (Ergué-Gabéric)

Ministère du travail (direction du Travail)
Ministère de l'Intérieur (Sûreté Générale)

À la date du 14 octobre dernier, j'ai eu l'honneur de vous rendre compte que la direction de la mine d'antimoine de Kerdévot en Ergué-Gabéric, arrondissement de Quimper, avait dû renvoyer les 40 ouvriers et manœuvres qu'elle employait, pour pourvoir procéder à l'installation de nouvelles machines modernes d'un rendement plus efficace.

Ce travail étant terminé depuis quelques jours, une quinzaine d'ouvriers ont été réembauchés ; d'autres le seront sous peu, au fur et à mesure des besoins.

En ce qui concerne les salaires, les manœuvres recevront le même que précédemment, soit 18 francs par jour, par contre les mineurs toucheront 21 francs au lieu de 22, ces derniers seront d'ailleurs remis à l'ancien taux lorsque le personnel de la mine sera au complet.

J'ajoute que les mineurs réclamaient une augmentation de salaires en raison du travail très pénible auquel ils étaient astreints préalablement ; l'arrivée de nouvelles machines a fait disparaître cet état de choses et semble les satisfaire actuelle(ment).

Le Préfet

Ministère du travail, 31.12.1928

Ministère du Travail, de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance Sociales. Direction du Travail, 2ème Bureau.

République Française. Paris le 31 janvier 1928. Le ministère du Travail à Monsieur le Préfet du Finistère.

Vous m'avez informé qu'un lock-out avait été déclaré le 11 octobre 1927, à Ergué-Gabéric, parmi les ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot.

Je vous prie de m'adresser d'urgence, s'il y a lieu, le questionnaire d'usage concernant le conflit dont il s'agit.

Le Ministre. Pour le Ministre et par autorisation, le Conseiller d'Etat ... (signature)

Tableau rempli en février 1928

Ministère du Travail. Direction du Travail. Circulaire du 15 décembre 1905. République Française. Département du Finistère.

Année 1927. Mois d'Octobre. Grève d'ouvrier mineurs et manœuvres.

Communes sur le territoire desquelles sont situés les établissements atteints par la grève : Ergué-Gabéric - lieu-dit Kerdévot.


QUESTIONNAIRE

Combien ... : 42 mineurs et manœuvres à la mine d'antimoine de Kerdévot - Société des Mines de la Lucette, 4, rue de Rome, Paris.

Ces ouvriers ont-ils formé des syndicats ? Non.

Combien de patrons exerçant l'industrie ... : une seule société.

Les patrons ont-ils formé des syndicats ? Un chef d'exploitation à Kerdévot, qui ignore si la société appartient à un syndicat.

Combien d'établissements ... : Un

Lesquels ? Société des Mines de la Lucette (Kerdevot)

Capital ... : par actions.

Combien ces sociétés occupaient-elles d'ouvriers ? Quarante deux au moment de la grève

Combien de grévistes ... : Quarante deux

Spécialités de la profession ... : Mineurs

Nombre de gréviste pour chaque spécialité : 42

Nombre moyen de grévistes ... 1er quart de la durée de la grève : 42. 2e quart : 42. 3e : 42. 4e : 42.

La grève a-t-elle contraint au chômage d'autres ouvriers ... : non

Date de commencement de la grève : 11 octobre 1927

Date de la reprise du travail : 14 octobre 1927

Tous les grévistes ont-ils repris le travail ? Non

Sinon, combien ont refusé de rentrer ... ? Tous désiraient rentrer, vingt trois ont été congédiés définitivement.


Causes déterminantes de la grève ; Demande d'augmentation de salaire formulée par les ouvriers Mineurs de 22 à 35, manœuvres de 18 à 25.

Demandes des ouvriers au début de la grève : 25, 35

Proposition des patrons au début de la grève : Néant - Lock-out.

Conditions auxquelles le travail a repris : 21 frs par jour pour les mineurs au fond et 18 francs pour les manœuvres. Le travail a repris à la demande des ouvriers.

Effectifs Hommes avant la grève : 42, après la grève : 19.

Salaires. Mineurs au fond, avant la grève : 22, après la grève : 21. Manœuvres, avant la grève : 18, après la grève : 18.

Durée de travail. Avant la grève : huit heures. Après la grève : huit heures.

Négociations directes entre patrons et ouvriers : oui.

Négociations directes entre patrons et syndicats ouvriers : néant

Autres interventions : néant

Date du recours ... : néant

Provenance et montant ressources sont ont disposé les grévistes : leurs seules ressources personnelles

Un partie des grévistes ont-il trouvé du travail ailleurs, pendant la grève ? non

Y a-t-il eu des infractions à la loi du 15 mai 1864 ? non


RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

La société a profité de la cessation du travail pour faire procéder à l'installation d'un moteur semi-diesel, d'une pompe électrique et d'un compresseur d'air qui ont permis de diminuer la main d'oeuvre dans une proportion importante ; c'est ainsi que 19 ouvriers seulement sur quarante deux ont été repris. Ils font alternativement le travail en surface et au fond, ce qui donne lieu à des variations de salaires.

Il n'existait avant la grève aucun syndicat professionnel ; il ne s'en est créé aucun ; les ouvriers qui n'ont pas été repris ont trouvé du travail dans la culture, quelques uns ont quitté le pays pour aller en ville.

[modifier] 3 Originaux

Lieu de conservation :

  • Archives Départementales du Finistère.
  • Cote 10 M 60.
 

Usage, droit d'image :

  • Accès privé et restreint aux abonnés inscrits.
  • Utilisation obligatoire d'un compte GrandTerrier autorisé et mot de passe valide.

[modifier] 4 Annotations

  1. Lockout, s.m. : du mot anglais signifiant "enfermer dehors" et qualifiant une "grève patronale", fermeture provisoire d'une entreprise, décidée par l'employeur pour répondre à une grève ouvrière. Un lock-out est généralement utilisé lorsqu'une grève est partielle, afin de faire pression sur les grévistes, les salariés non grévistes n'étant alors plus rémunérés. Source : Wikipedia [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Avril 2018    Dernière modification : 21.04.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]