La mine d'antimoine à Kerdévot/Niverrot en Ergué-Gabéric
Un article de GrandTerrier.
| L'article qui suit est signé Jean-René Blaise et fut publié en mars 2007 dans le bulletin Keleier n° 49 de l'association Arkae.
Kerdévot est le site d'une belle et riche chapelle du XVe siècle, lieu paisible de visite, et qui s'anime plus particulièrement le 2eme dimanche de septembre, jour du pardon de Notre Dame. Ce que l'on sait moins, c'est que Kerdévot fut le site d'une mine d'antimoine, en exploitation au début du XXe siècle de 1913 à 1916, puis de 1924 à 1928. Dans les années 70-80 des travaux de recherches furent même entrepris sur la commune d’Ergué Gabéric afin d'essayer de faire revivre ce passé minier. Aujourd'hui la mine est abandonnée, et il ne subsiste que l'entrée barricadée, les principales galeries étant remplies d'eau et par endroits effondrées. |
Autres lectures : « Antimoine à Kerdévot/Niverrot en Ergué- Gabéric » ¤ « Yann-Reun Even, dindan an douar er vengleuz e Kerzevot » ¤ « 1915 - Groupe des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « 1927 - Dépôt d'explosifs à la mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « CHAURIS Louis - Les conflits d'intérêt à la petite mine d'antimoine de Kerdévot » ¤ « MAURIN Guillaume - Mission d'expertise en 2001 sur la concession des mines de Kerdévot » ¤ « LE GRAND Alain - Quimper-Corentin en Cornouaille » ¤ « Revendication des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot, L'Ouest-Eclair 1913 » ¤ « Accident suite à éboulement à la mine de Kerdévot, Ouest-Eclair Citoyen 1927 » ¤ « Rdv du ps 6 - Mine d'antimoine, OF-LQ 1986 » ¤ « Antimoine à Kerdévot, OF-LQ 1987 » ¤
[modifier] 1 Les débuts
La découverte, toute fortuite, des filons d'antimoine de Kerdévot tient quelque peu du conte populaire. Au printemps de 1911, alors que les hommes de Niverrot faisaient une « grande journée » de défrichage, l'un d'eux se trouva devant un bloc de pierre, qui a priori ne se distinguait en rien des autres, mais qu'il fut incapable de soulever de même qu'aucun de ses compagnons. Il fallut deux hommes pour le porter sur une charrette, dont le chargement fut déversé en bordure de route. Au moment de la corvée d'entretien des chemins, le patron de Niverrot, Jean Louis Huitric, décida de faire un sort à la fameuse pierre. Celle-ci fut brisée en fragments bleuâtres constellés d'éclats métalliques. Un morceau fut envoyé à fin d'examen à l’abbé Favé, aumônier à Quimper, qui constata la présence d'antimoine. Fernand Kerforne, professeur de géologie à la faculté des Sciences de Rennes, confirma la présence à Kerdévot de blocs de quartz contenant de la stibine (*) et des oxydes d'antimoine. |
Par la suite il céda ses droits de découverte à la Société Nouvelle des Mines de la Lucette Voilà comment une vulgaire pierre, objet de curiosité, conduisit à ouvrir une exploitation minière sur notre commune. La Société des Mines de la Lucette Entre 1913 et 1915, trois puits, un kilomètre de galeries et trois niveaux d'exploitation (à des profondeurs de 25, 38, et 50m) furent établis sur les terres de Niverrot. |
[modifier] 2 L'exploitation
La stibine Une trentaine d'ouvriers au début de l'exploitation, 54 en 1915 (37 ouvriers au fond, 17 de jour) furent engagés dans la région, ce qui ne se fit pas sans causer localement des problèmes, ainsi que le rapporte un compte rendu du conseil municipal d’Ergué Gabéric en 1915 :
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Le minerai était extrait, lavé, trié, mis en sac, puis expédié par train de Quimper à la fonderie du Genest. Durant la période allant de 1913 à 1915 (interrompue par la mobilisation en août 1914, les travaux avaient repris le 1er mars 1915), 2 000 à 2 500 tonnes de minerai, à une teneur moyenne de 35% en stibine Mais en 1916, la Société de Lucette arrêta l'exploitation et entreprit le démontage des installations. En 1927 la Société des Mines de la Lucette reprit des recherches en contrebas de Niverrot, à la limite du placître de la chapelle dans un périmètre auparavant interdit à la prospection, là où Jean Mahé, agriculteur à Kerdévot, avait en 1914 mis à jour du minerai à seulement 2m en dessous de la surface du sol. |
[modifier] 3 Groupe des mineurs en 1915
Voir article « 1915 - Groupe des ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot » pour l'origine de la photo et l'identification des mineurs
[modifier] 4 Fin d'exploitation
Les premiers résultats furent excellents, mais le gîte
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Les journaux ont signalé également quelques difficultés sociales :
Le 30 mai 1936, du fait du peu de rendement du gisement, la Société des Mines de la Lucette |
[modifier] 5 Essais de reprise
De 1971 à 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) reprenait, sur la commune d’Ergué Gabéric et ses environs, un programme d'exploration basé sur des travaux de géochimie, suivi de tranchées et de forages, et localement de travaux miniers. En 1971 et 1972, puis de 1975 à 1977, une prospection géochimique fut réalisée à différentes échelles suivant une bande de 4 x 25 km2 comprise entre Elliant à l'est et le Steir à l'ouest. Six secteurs anomaux
Le secteur fut reconnu par tranchées et sondages. Plusieurs lentilles |
Les phases de recherches comportaient des tranchées, des sondages et des travaux miniers par descenderie. En surface la structure est reconnue sur 160m, mais avec une minéralisation très irrégulière. En profondeur (niveau -40m) la structure est également très irrégulière et très faiblement minéralisée. On note sur ce secteur la présence d'or observé dans un sondage.
Les travaux de tranchées et de sondages ont mis en évidence un faisceau filonien formé de plusieurs branches de faible puissance et à faible teneur en stibine.
Les minéralisations ont été reconnues par tranchées, sondages et travaux miniers. On y a observé localement de fortes teneurs en stibine, mais là aussi discontinues et de faible extension.
Les travaux par tranchées ont montré une minéralisation sous forme de filons quartzeux de faible puissance et à faible teneur. |
[modifier] 6 Conclusion
En conclusion, les travaux réalisés par le BRGM de 1971 à 1979 ont pu définir des minéralisations à antimoine, mais d'extension limitée et à teneur faible, les gisements non économiques ne permettant pas un renouveau de l'activité minière à Ergué-Gabéric. Et savez-vous que : « Là où il y a de l’antimoine sur le coteau, il y a de l’or dans la vallée » ? Avis aux amateurs et aux chercheurs ! |
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[modifier] 7 Glossaire
- La Lucette : La Société des Mines de la Lucette, crée en 1898, a exploité le gisement d'or et d'antimoine de la Lucette situé sur la commune du Genest Saint Isle, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Laval en Mayenne. L'activité minière s'y est poursuivie jusqu'en 1934. La société a également exploité le gisement de Kerdévot, ainsi que d'autres gisements d'antimoine, en particuliers en Algérie jusqu’en 1960. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3]
- - [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]
- Lentille : masse de terrain se terminant de toute part en biseau. [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2 3,3]
- Pendage : angle entre une surface, plan de faille, et un plan horizontal. [Ref.↑]
- Gîte : masse minérale comportant un ou des métaux susceptibles d'une exploitation. [Ref.↑]
- Lockout : fermeture provisoire d'entreprise en situation de grève. [Ref.↑]
- Anomal : qui s'écarte de la norme, de la règle générale (en géochimie, zone à teneur plus élevée que l'ensemble de la région) [Ref.↑]
[modifier] 8 Bibliographie et références
- Alain Le Grand, "La mine d'antimoine de Kerdévot en Ergué Gabéric" dans Quimper Corentin en Cornouaille, Récits et anecdotes, Éditions de la Cité, Rennes, 1968, 167-170.
- Le district antimonifère de Quimper-Kerdévot (Finistère, France). J. Guigues et M. Kerjean, (1982) Chronique de la Recherche Minière. pp 5-41
- Etude du district antimonifère de Quimper. J.R. Blaise (1974) Rapport ENSG Nancy.
- La mine d'or et d'antimoine de La Lucette (Mayenne), Pierre-Christian Guiollard 1996.