Actualités, archives 2014 - GrandTerrier

Actualités, archives 2014

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Sommaire

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[modifier] 1 Les pécules de sœurs de poilus

Pécule : argent gagné par un esclave. « Les lois peuvent favoriser le pécule, et mettre les esclaves en état d'acheter leur liberté  », [Montesquieu]

Depuis le 11 novembre vous avez certainement acheté et dévoré le second tome de Jean-François Douguet consacré aux souvenirs de 1914-18 publiés par Arkae, « Cornouaillais dans la Grande Guerre », dans lequel il nous présente des collections de photos et documents, de longs échanges de lettres inédites et des carnets de campagne écrits par une vingtaine de soldats poilus, d'Ergué-Gabéric mais aussi des communes voisines, constituant de véritables morceaux d'anthologie :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgCelui qui ouvre le bal est un Jean-René Blaise de Quéménéven (quelle ressemblance sur les photos avec son petit-fils géologue au même prénom !)  : « j'ai été fait prisonnier, le 31 courant, à l'attaque de Deniécourt, à six heures du soir ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgAlain Garrec de Landudal donne de ses nouvelles en breton, avec son propre rendu orthographique local : « A scrivad d'ign eur liser bennag d'eus ar kear ac et gavim beroc'h on hamser. Min à scrivo d'ioch ar muia ma belin. Evit ma s'istrofel indro d'ar kear adarré. »

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgHervé Jean Marie Le Roux de la ferme de Mélennec écrit de Salonique : « Aussi le cafard me remonte sur le dos, en me voyant ici, parmi des inconnus encore. Ah, malheur de malheur ! quand est-ce que j'aurai donc le plaisir de voir finir cette maudite guerre ? »

En savoir plus : « DOUGUET Jean-François - Cornouaillais dans la Grande Guerre T2 »

* * *

Les travaux de préparation de cet ouvrage ont été l'occasion de multiples collectes familiales et de recherches aux archives, et ont donné l'élan pour rechercher encore d'autres pièces inédites. Témoin cette découverte toute récente aux Archives Départementales d'un dossier consacré aux pécules des soldats morts au combat au bénéfice de leur famille proche, hors descendants et ascendants.

Ce pécule, ou indemnité de combats, était versé en complément de solde pour une somme de l'ordre de 12 à 24 francs par mois suivant les grades, aux soldats combattants. Le pécule est aussi l'indemnité de fin de campagne versée aux soldats blessés démobilisés et à leurs ayants-droits en cas de décès, dont le montant était entre 250 et mille francs suivant les temps de services.

Nous avons découvert les demandes et jugements pour quatre poilus gabéricois décédés entre 1914 et 1918 pour lesquels leurs sœurs ainées se sont occupées d'eux, car tous deux (ou trois pour les frères Guillou) étaient orphelins de père et de mère. Ces documents permettent d'en savoir un peu plus sur leurs temps de services, soit par exemple Alain-François Normant, mort en décembre 1918 au lieu-dit "L'Hôtel" en Ergué-Gabéric : « Il est tombé malade au Cameroun en faisant campagne en 1917 ».

En savoir plus : « Corentin Guillou (1895-1916), soldat du 411e RI » , « Yves Guillou (1892-1914), soldat du 71e RI », « Jean-Marie Chiquet (1894-1916), soldat du 411 RI », « Alain-François Normant (1887-1918), maréchal des logis du 2e RAC » sur « l'espace des Poilus » de GrandTerrier.BZH Billet du 27.12.2014

[modifier] 2 Héritiers du manoir du Cleuyou

« Il y a deux ans mourait à Tours M. Le Guay (Prosper), fils d'un ancien conseiller de préfecture du Finistère qui lui-même était mort à sa propriété du Cluyou, en Ergué-Gabéric, peu de temps auparavant. », Le Finistère, 26 juin 1889

On croyait les Le Guay très complices, le père Prosper et Albert le fils ainé étant notamment unis dans leur passion commune pour l'archéologie. Un article de presse de 1889 nous révèle en fait des relations un peu tendues dans cette famille du Cleuyou avant le décès du fils cadet (Prosper également) en 1888 à Tours : avait-il sciemment exclu son frère Albert de sa succession ?

Âgé de 41 ans, Prosper, rentier de profession, avait fait un séjour de quatre mois à Tours, chez une de ses connaissances, le restaurateur Carrière. Ce dernier se retrouve inscrit comme légataire universel pour une fortune « atteignant un chiffre très important ».

Sur ce testament, une somme de 30.000 francs était versée « au profit de quelques particuliers et des communes d'Ergué-Gabéric et d'Ergué-Armel », soit environ presque 100.000 euros d'aujourd'hui.

Albert Le Guay engagea une demande en annulation, aidé par l'un des meilleurs avocats de Rennes. Les deux jugements, devant la Cour de Tours et la Cour d'appel d'Orleans, donnèrent raison au frère « exhérédé », attendu que le testateur « n'était point mentis compos, c'est-à-dire en pleine possession de ses facultés ».

* * *

Michel Le Guay, descendant de cette grande famille, a mené une enquête généalogique sur les ascendants et collatéraux qui ont fait l'histoire du manoir du Cleuyou :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQui étaient les deux citoyennes qui ont fait l'acquisition du manoir en 1795, vendu comme bien national ? Quelles étaient leurs liaisons familiales ?

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQui étaient exactement ces Bréhier quimpérois, tous francs-maçons et d'origine normande, dont François-Salomon qui s'établit à Ergué-Gabéric, et qui rédigea entre autres le document d'estimation du Cleuyou. Et comment les Le Guay était liés aux Bréhier ?

En savoir plus : « Le testament olographe contesté de Prosper Le Guay, Le Finistère 1889 » , « Merpaut et Lafage, les deux acheteuses du manoir du Cleuyou en 1795 », « François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon », « Les Le Guay (1804-1917), châtelains du Cleuyou au 19e siècle », Et avez-vous lu ce bel article dans la revue "Manoirs et châteaux des pays de Bretagne" :
« ROGEL Christian - Le manoir du Cleuyou en Ergué-Gabéric » ?
Billet du 21.12.2014
Deuxième version corrigée le 22 (Prosper et Albert étaient frères et non père et fils)

Normalement le bulletin Kannadig de fin 2014 aurait du être en fabrication pour être diffusé avant Noël. Mais cela n'est pas le cas, le webmestre étant un peu fatigué en cette fin d'année. Mais ne désespérons pas : les chroniques trimestrielles seront concoctées avant le 31, et l'expédition se fera tout début janvier.

[modifier] 3 Missirien, l'écrivain de Lezergué

« Célèbre en son temps pour ses talents de généalogiste et chroniqueur, Guy Autret, seigneur de Missirien et de Lézergué, est tombé dans l'oubli. L'historien Hervé Torchet vient de lui consacrer une biographie intitulée "Missirien, la double vie littéraire de Guy Autret " », Le Télégramme, 4 déc. 2014

La première phrase ce ce livre donne la couleur sur le personnage : « Guy Autret, seigneur de Missirien, est l'écrivain breton le plus important du XVIIe siècle ». Loin devant Albert Le Grand, Pierre de Lesconvel, Dom Lobineau, le Père Alexandre ..., qu'on se le dise !

Quant au titre mentionnant une « double vie littéraire », elle fut plutôt multiple de notre point de vue : historien, épistolier, juriste, journaliste chroniqueur, généalogiste des grandes familles ancestrales bretonnes et de leurs titres nobiliaires, adorateur des saints d'Armorique, spécialiste des chartriers et aveux médiévaux ...

Ceci dit, le livre regorge d'informations inédites sur la vie quimpéroise en plein siècle de Louis XIII, Richelieu et Mme de Sévigné, et des hypothèses intéressantes sur la villégiature gabéricoise de notre héros, seigneur et bouillant homme de lettres en son manoir de Lézergué :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgL'hypothèse de l'enfance de Guy Autret à Lezergué, confié à la garde de sa nourrice bretonnante de Landerneau, de sa mère Gillette du Plessis, et surtout de sa grand-mère Jehanne Le Vestle, est convaincante : « Elle a pu servir de passeur d'Histoire pour l'enfant, de transmetteur d'une Bretagne ducale mythifiée ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgDans ses échanges de lettres avec ses correspondants parisiens, Guy Autret ne manquait pas d'évoquer le cadeau préféré qu'il leur envoyait, le beurre breton, et pour Pierre d'Hozier il parle même avec beaucoup d'humour de « rente quadragésimale » (LITURG. Du carême ; propre au carême ; de jeûne, de pénitence). En 1659 il lui écrit : « Lespine m'a juré vous avoir envoyé le meilleur beurre du monde, & que si vous n'estes satisfait, il entreprendra jamais de vous contenter ». Bien souvent il emportait lui-même des pots de beurre dans ses bagages, peut-être de la ferme de Lezergué, notamment lors de son dernier voyage en 1660, et heureusement était-il salé pour qu'il ne fonde pas en route.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgUn mariage d'amour ... : cf article.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgUne succession cauchemardesque ... : cf article.

En savoir plus, article : « TORCHET Hervé - Missirien, la double vie littéraire de Guy Autret » Billet du 13.12.2014

Nous en profitons pour présenter une aquarelle-pastel du manoir de Lezergué en septembre 2014 par une jeune artiste méconnue aux initiales A.C. Bien sûr l'allure des ruines du manoir actuel n'a vraisemblablement rien à voir avec celle de l'époque de Guy Autret, car le chateau fut reconstruit en 1771-72 par François-Louis de La Marche. En savoir plus : « Croquis et peintures du manoir de Lezergué aux 19e-21e siècles »

[modifier] 4 Contre le travail du dimanche

« Si vous voulez achever de déchristianiser vos usines, vous n'avez qu'à y installer le travail du dimanche ; dans quelques mois vous m'en direz des nouvelles. Libre à vous d'assumer une telle responsabilité. Quant à moi, je ne veux y prendre aucune part », abbé Le Goff, novembre 1937.

Vous avez certainement noté que, sur le GrandTerrier, les nouveaux articles sur les mémoires papetières se faisaient plus rares, ce pour raison de préparation d'un ouvrage documentaire sur le village de la papeterie de N. Le Marié et de R. Bolloré. Certes des pièces inédites seront incluses dans le livre, mais de temps en temps on vous présentera ici quelques pépites, la présente étant un dossier conservé aux Archives Diocésaines de Quimper et incluant des échanges vifs au sujet des dimanches travaillés.

Dans la première lettre à Marie Amélie Thubé, veuve Bolloré, l'abbé Yves Le Goff, aumônier de l'usine à papier d'Odet, ne mâche pas ses mots : « Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes » ; « Je puis affirmer que votre défunt mari ne l'aurait pas toléré, lui qui chassait à coups de pied les ouvriers qui travaillaient le dimanche » ...

Son argumentation est simple : « Il n'est question que de la fabrication de quelques dizaines de bobines supplémentaires. Le salut éternel de plusieurs centaines de familles chrétiennes vaut, vous l'avouerez, infiniment davantage. » Et il met même sa démission dans la balance : « Le jour où vous aurez supprimé le dimanche à Odet, je n'aurai plus rien à y faire ».

Le fils ainé Bolloré est carrément accusé par l'aumônier d'Odet d'avoir empêché l'arrivée d'un syndicat chrétien (la C.F.T.C.) dans l'entreprise : « La C.G.T. qui a été prônée et imposée par votre fils, René Guillaume Bolloré, à l'exclusion de tout autre syndicat, a déjà commencé à produire ses funestes effets. » Manifestement la C.G.T. s'est prononcée pour l'introduction du dimanche travaillé moyennant des indemnités pour les ouvriers.

Après la prise de position musclée de l'abbé Le Goff, la Direction des Papeteries demanda officiellement à l'évêque de travailler un dimanche sur deux. Le corps ecclésiastique dut capituler : « il n'a pas à juger de la solution donnée au sujet du travail du dimanche, et la chose étant décidée ... ». Et on adapta le rythme des messes dominicales à la chapelle de l'usine d'Odet : 8H et 10H les dimanches non travaillés, 8H et 12H les dimanches travaillés. La messe de 8H est importante car elle permet « à l'équipe venant prendre le travail le dimanche matin, d'y assister avant d'entrer à l'usine ».

Après 13 années de service dans la paroisse, notamment auprès des jeunes et du bulletin paroissial « Kannadig Intron Varia Kerzevot », l'abbé Le Goff quittera Ergué-Gabéric et son poste d’aumônier papetier en 1939, soit environ un an après son acte d'opposition aux dimanches travaillés.

Dans les textes de défense du projet du travail le dimanche par la Direction de la Société des Papeteries, on note aussi quelques informations intéressantes sur le développement du groupe Bolloré, notamment aux Etats-Unis à Ecusta et à Troyes en Champagne.

En savoir plus : « 1937 - L'abbé Le Goff contre le travail le dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec » Billet du 06.12.2014

Nota: Avez-vous remarqué que le site Internet GrandTerrier est entré dans la cour des .bzh ?

[modifier] 5 Complément d'enquête en 1908

« Jeter la soutane aux orties », exp. : renoncer, abandonner par inconstance au départ, signifie abandonner scandaleusement l'état monacal, puis par extension, abandonner l'état ecclésiastique, par extension encore abandonner par inconstance ; source : dictionnaire en ligne Reverso.

Présentée brièvement sur le site Internet Quimper.Bzh dans la rubrique Mémoires des Archives Départementales de Quimper, cette pièce publiée cette semaine sur GrandTerrier est extraite des comptes rendus d’enquête du commissaire Judic et constitue un véritable morceau d'anthologie.

On y découvre les détails d'une affaire de mœurs qui, s'il ne s'agissait pas d'un religieux, n'aurait peut-être pas constitué un délit d'outrage public: « Le mardi 21 avril, dans l'après-midi le sieur Sergent, Frère des Écoles Chrétiennes, est allé se promener dans la commune d'Ergué-Gabéric en compagnie de la jeune Pxxx Jeanne, âgée de 16 ans ... Ils se couchèrent l'un près de l'autre dans un champ. Le bon Frère dégrafa le corsage de la jeune fille, lui retira son corset pour être plus à l'aise et se mit en devoir de l'embrasser. Ce qui se passa ensuite, on le devine. »

Les frères des écoles chrétiennes ou lasalliens formaient un institut religieux laïc de vie consacrée, de droit pontifical, fondé à Reims en 1680 par saint Jean-Baptiste de La Salle, et voué à l'enseignement et à la formation des jeunes, en particulier des plus défavorisés. Bien qu'ayant formulé les vœux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, les Frères n'avaient pas le statut de prêtres, mais portaient néanmoins une soutane noire non boutonnée avec un large rabat blanc, et ils étaient familièrement surnommés les « Frères quatre bras » à cause de leur grand manteau à manches flottantes.

Le lendemain, un des trois vicaires de la paroisse d'Ergué-Gabéric alla rencontrer le témoin principal de l'affaire, à savoir le charron et débitant de boisson Yaouanc, et lui déclara qu'il « s'agissait certainement d'un civil déguisé en Frère ». Avec sans doute l'intention de supprimer les preuves, le vicaire récupéra un des objets subtilisés par les témoins avant la fuite des amoureux, le chapeau du frère. Les autres pièces à conviction furent conservées pour l'enquête : « le parapluie du Frère, le chapeau, le corset, le tour de cou et le parapluie de la jeune fille ». Et cette dernière avoua les faits lorsqu'elle fut interrogée par le commissaire Judic.

Le commissaire Pierre Judic était une véritable personnalité connue de tous les quimpérois de cette période 1906-1922, comme le montre les nombreuses coupures de presse locale relatant ses enquêtes. Il était de toutes les affaires en région cornouaillaise, accompagnant les forces de l'ordre lors des opérations d'inventaire des biens de l'Église, interrogeant tous les accusés et témoins, et parlant même couramment la langue bretonne, ce qui lui était bien utile pour comprendre les dessous de certains faits divers.

Que devint le frère Sergent ? Sans doute fut-il muté loin du lieu de ses méfaits, ou alors il préféra « jeter sa soutane aux orties » ...

En savoir plus : « 1908 - Un scandale clérical à Ergué-Gabéric dévoilé par le commissaire Judic » Billet du 29.11.2014

[modifier] 6 Un jeune sorcier bas-breton

« On peut supposer que beaucoup de Bretons, dont le père n'avait pas mille francs de rente, à l'époque de leur naissance, croient un peu à la sorcellerie », Henri Beyle, alias Stendhal, Mémoires d'un touriste, 1838

Stendhal, lecteur assidu de la « Gazette des Tribunaux », tira son célèbre personnage de Julien Sorel du « Rouge et Le Noir » d'une affaire réelle. De même, pour illustrer son assertion sur les sorciers bretons dans ses « Mémoires d"un touriste », l'écrivain voyageur nous a fait découvrir la présentation dans cette Gazette du procès d'Yves Pennec, prétendu magicien d'Ergué-Gabéric.

Nous n'avions pas, jusqu'à présent, vérifié le texte original de la Gazette. Chose faite, on se rend compte que la retranscription de Stendhal est incomplète, le titre "UN SORCIER - MOEURS BRETONNES - CE QUE VAUT UNE FILLE" n'a pas été repris, et quelques paragraphes ont été tronqués ou omis.

La valeur d'une fille fait notamment référence aux échanges sur une prétendue dot : « il prétendit qu'il avait jusqu'à la concurrence de mille écus », l'écu - en breton skoed, représentant une somme de 3 francs. Le père répondit qu'il n'attendait pas plus de 1500F. Le maire a même confirmé que ce type d'échange lui semblait normal : « C'est vrai ce que dit le témoin ; une fille vaut cela dans notre commune ».

Norbert Bernard a publié en 2005 une étude très documentée sur le dossier des procédures du procès, et il y confirme que le surnaturel ne masquait que partiellement le côté prosaïque d'une affaire de vol. Sur les conseils d'Annick Le Douget, nous avons consulté le compte-rendu du président de séance Le Minihy dans la série BB20 des Archives Nationales.

Contrairement au compte-rendu de la Gazette des Tribunaux et de Stendhal, le rapport du juge ne présente pas non plus l'accusé comme un héros « enfant de l'Armorique à l'épaisse chevelure » et les allégations de sorcellerie ne sont pas vraiment prises au sérieux. Les faits révélés par le procès montrent plutôt des scènes typiques et récurrentes d'une société rurale au 19e siècle : Image:Right.gifImage:Spacer.jpgDépendance alcoolique et jeux de cartes ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe poids social de la parole du maire ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes voix et les légendes bretonnes ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLa valeur de l'argent dûment gagné ... Quant à la somme du trésor qu'Yves Pennec prétend avoir trouvé, à savoir « 300 francs en pièces de 6 livres et de cinq francs », sa décomposition est intéressante et nous renseigne sur les pièces en circulation en 1839. En effet, normalement, depuis la Révolution, il n'existait plus que des francs en circulation, et les pièces de 5 francs étaient devenues courantes. Par contre il est également question ici de pièces dites « écu de 6 livres » qui en fait avait en 1838 une valeur d'échange de 5 francs et 80 centimes. Norbert Bernard avance quant à lui cette hypothèse : « La mention de ce type de pièce, ainsi que de leur change, confortent l'idée d'un trésor qui aurait donc pu être enterré avant ou pendant la Révolution ».

En savoir plus : « 1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier » et « Un sorcier - Moeurs bretonnes - Ce que vaut une fille, Gazette des Tribunaux 1838 » Billet du 23.11.2014

DU ROMAN AUX ARCHIVES - Suite au billet de la semaine dernière sur la parution du tome 2 du « Chevalier Kerstrat », quelques échanges avec l'auteur nous ont permis de compléter le dossier et la biographie du chouan noir gabéricois: « Marie-Hyacinthe de Geslin, chouan, seigneur de Pennarun et de Quimperlé », « PEYRON Paul - La chouannerie dans le Finistère », « BERNARD Daniel - Recherches sur la chouannerie dans le Finistère »

[modifier] 7 Gélin de Pennarun, chouan noir

« — Mais où as-tu pêché tous ces renseignements ? Ce n'est quand même pas dans ta campagne d'Ergué ! — Apprenez, mossieu, que notre pays d'Ergué n'est pas aussi perdu dans la basse Bretagne que ces pays arriérés de . . .  ».

Cette semaine, le deuxième tome des aventures du chevalier Kerstrat de Bernard Baffait est enfin publié par l'éditeur breton Pascal Galobé. On l'attendait avec impatience, et c'est avec fierté qu'on l'a dévoré, car la commune d'Ergué-Gabéric y est à l'honneur.

Dans le premier tome, Jean-Hyacinthe Tréouret de Kerstrat évoluait parmi des compagnons animés par un idéal et un code de l'honneur. Dans le deuxième récit, le désastre de Quiberon a semé le découragement parmi les combattants du roi. Des chefs de guerre vont continuer cependant le combat, en pratiquant des trafics profitables, des chantages et des assassinats.

Et parmi eux Marie-Hyacinthe de Geslin du château de Pennarun en Ergué-Gabéric, dont la légende disait qu'il était resté en résistance sur ses terres familiales : « Il commande une bande de Chouans ; la rumeur dit qu’il a la main lourde. Il impose des prélèvements aux agriculteurs, un impôt aux gens de la ville, et gare à celui qui cherche à se défiler ! Il aurait du sang sur les mains ».

L'histoire commence en octobre 1795 par l'évasion imaginée du héros Kerstrat qui allait être fusillé à Brest par un peloton d'exécution suite à sa condamnation pour avoir « fait par­tie du Rassemblement armé contre la République ». Cet épisode nous permet de vivre avec lui les affrontements entre les Républicains et les Chouans noirs de la région d'Ergué-Gabéric, Briec et Gourin :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgTout d'abord, le point central du livre est situé sur Ergué-Gabéric, à proximité du manoir de Pennarun, l'habitation historique des Gélin, et d'où sont lancées les expéditions punitives contre les « patauds », les curés constitutionnels et les acheteurs de biens nationaux et, ce à Langolen, Querrien, Coray, Elliant ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe personnage de Gélin et son rôle de chef de division y sont précisément détaillés : « un homme proche de la trentaine, vêtu de hauts de chausse – ces culottes bouffantes qu’affectionnaient les paysans bretons – et d’une veste longue ouverte sur une chemise d’un blanc écru » ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes lieutenants et associés de Gélin ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes autorités républicaines de Quimper ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt enfin les « tommerien » ...

Manifestement la série du chevalier Kerstrat de Bernard Baffait est une évocation très bien argumentée de la période révolutionnaire : ce n'est pas un roman historique de plus, c'est un véritable récit historique délicatement romancé. Tous les détails, les personnages, les situations y sont crédibles, au cœur de ce pays bas-breton, en contexte de guerre, de terreur, d'émigration et de chouannerie ...

En savoir plus : « BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouans noirs » Billet du 16.11.2014

Profitons du lieu pour publier un billet humoristique du « Progrès du Finistère » de 1908 : « Le sieur C.S, qui tenait la tête, dérapa, et son ingrate bécane l'abandonnant, il s'en fut à droite, décrivant une belle trajectoire, piquer une tête dans le fameux et tant redouté "Toul-ar-C'hemener" ». En savoir plus : « Une belle pelle à vélo dans la côte de Pennarun, Le Progrès du Finistère 1908 »

[modifier] 8 Mister Breizh-Izel en 1839

« BB 20/103, 3e trim 39, Aff Hervé Kerluen, domestique laboureur d’Ergué Gabéric, 21 ans, vol domestique de grains, acquitté grâce à sa beauté ».

Annick Le Douget, pendant la préparation de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale, publiée sous le nom évocateur de « Violence au village », avait repéré cette pièce ainsi dans ses notes de recherche.

En effet Théophile Le Meur, président juge de Quimper, note dans son compte-rendu d'assises (conservé aux Archives Nationales) : « Tous ont été touchés de la jeunesse, du physique remarquable de Kerluen, qui est l'un des plus beaux hommes de la basse bretagne, et il a été acquitté à sept voix contre cinq, d'après ce que j'ai appris plus tard, malgré sa culpabilité évidente, à mes yeux du moins. »

Les circonstances du délit : un jeune domestique est surpris par son maître à subtiliser des gains de seigle, qu'il met dans un sac qu'il compte vendre le lendemain à Quimper.

Sa ligne de défense : Hervé Kerluen voulait profiter du fruit de cette vente pour se rembourser d'un prêt que le domestique aurait consenti à son patron pour qu'il puisse s'enivrer au cabaret le jour du baptême du fils de la ferme, « un peu, mais pas de manière à perdre la raison.  », le tout en toute discrétion vis-à-vis de la patronne. Dans les débats il est aussi question d'autres vols récents pour lesquels le domestique avait été soupçonné.

Comme cela était coutumier en Basse-Bretagne au 19e et même au siècle suivant, le jeune homme (et sans doute d'autres témoins) fut interrogé par un traducteur auxiliaire de justice, car il ne savait «  ni lire ni écrire ... ; ne parlant que le breton ».

Cette affaire constitue une photo des relations sociales qui se nouaient entre les domestiques et leurs employeurs cultivateurs, le pouvoir d'autorité n'étant pas unilatéral, le domestique pouvait être amené à prêter de l'argent à son patron, et exercer une pression sur lui. Les autres composantes sociologiques sont le matriarcat (les hommes avaient peur des femmes, leur cachant leurs petites affaires), l'alcoolisme (les cabarets étaient dans la commune d'Ergué-Gabéric), et la religion (le baptême d'un tout nouveau né rassemblait tout le monde au bourg). Et enfin on a un maire cultivateur qui ne prit pas vraiment parti entre ses administrés, allant jusqu'à exprimer ses doutes sur la culpabilité d'un électeur potentiel.

En savoir plus : « 1839 - Acquittement d'Hervé Kerluen, un des plus beaux hommes de Basse-Bretagne »

Billet du 08.11.2014 - La semaine prochaine on poursuivra les chroniques judiciaires du 19e siècle par une revue réactualisée du procès d'Yves Pennec, celui que Stendhal avait évoqué dans ses mémoires de touriste : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... ».


NEWS - KELOÙ AR VRO - En cette veille du 11 novembre, le second tome de la saga des Gabéricois de 1914-1918 est disponible sous le titre « Cornouaillais dans la Grande Guerre », où une vingtaine d’itinéraires de Poilus sont retracés, toujours grâce aux travaux de collecte et de recherche de Jean-François Douguet. On l'a commandé (formulaire sur le site Internet d'Arkae), et on en fera la revue complète sur le site Grandterrier dès réception.

SUITE DU DERNIER BILLET - Suite à l’évocation d'une jeune institutrice à l'école communale des filles du bourg en 1893-98, un correspondant nous a communiqué une merveilleuse photo de jeunes élèves de cette même école, 37 ans plus tard : « 1935 - Classe de l'école Communale des filles au Bourg ». Par rapport à aujourd'hui, les abords de cette école avaient un autre charme en ce temps-là !

[modifier] 9 Une institutrice "bonne et douce"

« Marie Le Capitaine, née en 1873 à St-Ségal d'un père "poseur de voies ferrées", premier poste d'institutrice au bourg d'Ergué-Gabéric en 1893  »

Billet du 01.11.2014
Billet du 01.11.2014

Son dossier de suivi conservé aux Archives Départementales du Finistère, contient, pour sa période de 5 ans à l'école communale des filles du bourg, d'une part sa fiche d'affectations, et d'autre part les trois visites des inspecteurs primaires Journin en 1895-1896 et Creantulo en 1898.

Ils ne sont vraiment pas tendres ces fonctionnaires de l'Instruction Publique, et pourtant :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgElle doit diriger et animer une classe de plus de soixante élèves réparties sur plusieurs niveaux d'âges.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQuelques appréciations positives : « Bonne et douce jeune fille » ; « Beaucoup d'ordre ; aptitude marquée pour le travail manuel. » ; « Melle Capitaine a de la bonne volonté ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgMais les critiques tombent très vite : « elle manque d'ardeur et de savoir faire » ; « Peu, très peu de résultats » ; « Note : 9 / 20 ».

En cette fin du 19e siècle, quels sont l'état général et le fonctionnement de la première école publique communale, mise en service en 1854-55 :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgIl y a deux classes en ces années 1890, pour un total de 116 élèves, et l'école est sous la direction de Melle Rolland, institutrice de la première classe.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgIl manque de la lumière dans la 2e classe et le logement de l'institutrice stagiaire est étriqué, comme l'indiquent ses vœux : « Je désirerais une classe plus claire, mieux aérée et un logement plus convenable. »

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEn 1898, il est noté que l'état de la porte de la salle de classe laisse à désirer : « La classe est assez propre mais la porte est délabrée ». Pour le mobilier de la classe et son côté rudimentaire, on peut aussi se référer au devis de construction de cette première maison d'école à Ergué-Gabéric en 1854 : « 5 tables et bancs, 1 table pour le maitre, 1 tableau noir et chevalet, un poële en fonte avec tuyau, 25 encriers en plomb ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe niveau scolaire des jeunes filles gabéricoises n'est pas très élevé, la fréquentation étant par ailleurs passable ou assez bonne : « La majorité des élèves n'a retiré aucun fruit des exercices faits aujourd'hui. 5 ou 6 sur 20 ont compris le problème donné, les autres ne l'ont pas compris.  » ; « Les élèves ne sont pas suffisamment exercées à parler, elles ne s'expriment pas toujours correctement. ».

Bien que cela n'est pas noté par l'Inspecteur, on peut supposer que l'usage de la langue française est concurrencé par la pratique locale du breton dans la vie quotidienne, cela expliquant certaines difficultés d'expression : « Dans les exercices de langage, on doit habituer les élèves à répondre par de petites phrases et non par des mots seulement. ».

En savoir plus : « 1893-1898 - Inspections de la classe d'une institutrice stagiaire au bourg » et « 1886 - Ouverture de l'école communale des filles dans la maison d'école du Bourg »

[modifier] 10 Une malle d'anciennes photos

« La photographie est une pratique d'envoûtement qui vise à s'assurer la possession de l'être photographié. », Le Roi des Aulnes (1970), Michel Tournier

Les collectionneurs de vieilles photos pratiqueraient-ils aussi l'envoûtement vaudou ?

En tout cas, nous en connaissons qui, au contraire, sont avides de partager leurs trouvailles, de connaître ou de faire connaître la vie des personnes qui sont passées au début du 20e siècle dans les studios des photographes quimpérois Joseph-Marie Villard et Etienne Le Grand, ou dans les années 1970 devant les flashs des reporters des « Actualités Photographiques Parisiennes »

Témoins ces clichés de sujets gabéricois à faire défiler ci-contre, lesquels nous été communiqués récemment par des spécialistes de la brocante :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgDeux couples de mariés, tous les quatre en habits bretons photographiés par Etienne Le Grand, et où les deux frères arborent une discrète moustache. Ne les ayant pas encore identifiés, un appel est lancé, au travers du concours initié il y a quelques mois « 1880-1940 - Les plus beaux couples gabéricois en costumes bretons », pour leur donner noms, prénoms, dates, lieux de vie ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgUne photo du couple formé par Jean Le Dé de Boden et de Josephe Nédélec de Lezergué, photographiés en 1911 par Joseph-Marie Villard. La mariée est la tante de celui qu'on surnommait Jean Lezergué, dernier « chatelain » agriculteur du manoir du même nom.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt enfin six photos d'un studio parisien où l'on voit les membres du bagad « Ar Re Goz » en costumes traditionnels, invités au palais de l’Élysée par M. et Mme Giscard d'Estaing pour le 14 juillet 1976. On y reconnait entre autres le penn-talabarder gabéricois Pierre Roumégou, mais qui nous dira qui sont les 20 autres musiciens retraités et les 3 jeunes belles filles aux trois coiffes différentes ?

 

CouplePhLeGrand-50B.jpg

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ArReGoz-1976-C.jpg

En savoir plus : « Deux couples de mariés non identifiés », « 1911 - Les mariés Jean Le Dé de Boden et Josephe Nédélec de Lezergué » et « 1976 - Le bagad Ar Re Goz invité au palais de l'Elysée »                                              Billet du 25.10.2014

[modifier] 11 Intron Varia an Aerouant Kerzevot

« AEROUANT, masc., (a)erevent : démon, dragon, & (br-kr.) ennemi, monstre, (& loc.) météore, nuée ardente. », dictionnaire Francis Favereau

Billet du 18.10.2014
Billet du 18.10.2014

Près de l'entrée sud de la chapelle, face à la légendaire statue de Notre-Dame de Kerdévot en compagnie de ses angelots, une autre mystérieuse Vierge à l'Enfant foulant un démon-poisson de son pied gauche.

Dans un billet récent de son blog « lavieb-aile.com », Jean-Yves Cordier nous décrit la particularité méconnue de cette statue : « un coup d'œil trop rapide passerait à coté de la Bête écrasée sous son pied. Pourtant, elle n'est pas morte, l'infecte ophioïde aux écailles puantes, l'anguipède à la queue entortillée par les spasmes du vice : elle vous fixe de ses yeux rouges. On en admire que mieux la splendide maîtrise avec laquelle Marie, regard fier et serein, tient son Fils préservé du vert maléfice. »

Dans son livre sur les démones bretonnes, la japonaise Hiroko Amemiya, spécialiste des contes et tradition orale, en fait cette description : « Couché sur le côté, sous le pied gauche de la Vierge. Gueule légèrement ouverte. Yeux rouges. Le corps, vert foncé, est couvert d'écailles sculptées. »

Mais est-ce un démon de sexe féminin, une « démone » que Louis Le Thomas et Amemiya Hiroko ont si bien décrite dans leurs ouvrages respectifs ? La bête de Kerdévot n'est pas représentée comme une femelle, car ses possibles mamelles sont cachées dans les plis de la robe rouge de la Vierge. Par contre, suivant la classification de Louis Le Thomas (démon-poisson et démon serpent), on peut penser, du fait des écailles sur la queue, qu'il s'agit d'un animal aquatique et non d'un serpent terrestre.

Au delà de cette description que sait-on de ce type de statuaire typiquement bretonne ? Quelle est la signification de sa présence à Kerdévot ? Quel était son nom en breton : « Intron-Varia an Erc'h » (neige) ? "« IV an Nec'h » (angoisse) ? « IV an Trec'h » (victoire) ou « IV an Aerouant » (démon ou dragon) ?

Sur GrandTerrier on propose cette dernière variante « Intron Varia an Aerouant » (N.-D. du Démon), dont la première syllabe est plus proche de « Nec'h » ou « Erc'h ». Le terme breton « Aouerant » indique généralement un dragon, mais peut également désigner un démon, un ennemi, un monstre, une météore, une nuée ardente ... De quoi alimenter un imaginaire auréolé de la légende de la peste d'Elliant.

En savoir plus : « Une Vierge à l'Enfant et au Démon-Poisson à Kerdévot » et « AMEMIYA Hiroko - Vierge ou Démone »

[modifier] 12 Âmes fières et esprits valeureux

Frédéric Morvan, né à Brest en 1965, est spécialiste de l'histoire de la Bretagne du XIIe au XVe siècle. Après avoir été chercheur, il enseigne aujourd'hui dans le secondaire dans le Finistère nord et anime le « Centre d'Histoire de Bretagne / Kreizenn Istor Breizh ».

Billet du 11.10.2014
Billet du 11.10.2014

Ce livre « Les Bretons - L'esprit valeureux et l'âme fière (1870 - 1970) », édité par Édouard Boulon-Cluzel chez Michel Lafon, fait sa sortie en librairie jeudi prochain le 16 octobre.

Un grand livre-objet magnifique - en l’occurrence l'adjectif n'est pas galvaudé, croyez-nous ! - retraçant les 100 ans qui ont façonné la Bretagne que nous connaissons aujourd'hui, avec une trame textuelle rédigée par un grand historien, et plus de 500 documents iconographiques dont certains sont reproduits à l'identique et tirés à part, pour le plaisir - et une émotion réelle - de pouvoir toucher des objets témoins de notre histoire.

Outre les sujets développés par Frédéric Morvan, des « Oubliés de Conlie » jusqu'au dernier titre « Avenir et héritage », ce qui nous émeut le plus, ce sont bien sûr les pièces concernant la commune d'Ergué-Gabéric :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 17 : chapitre « Une aristocratie influente », citation des mémoires de J.-M. Déguignet, extrait du récit des élections législatives d'octobre 1877 à Ergué-Armel.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 21 : quatre pages de deux carnets manuscrits d'Anatole Le Braz à propos du décès de son "protégé" Jean-Marie Déguignet pour le chapitre « Encore un tiers état ? ». Le CRBC de Brest, le conservateur de ces cahiers, en a fourni la copie numérique, et sa reconstitution glissée dans son étui intercalaire, avec sa couverture et son papier quadrillé, est d'une authenticité incroyable. Le texte complet est retranscrit en fin d'ouvrage page 92.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 36 : la description de la commune d'Ergué-Gabéric par le préfet, alors que le candidat républicain Louis Hémon se bat contre le conservateur Jean-René Bolloré. Les photos de la fiche préfectorale et du tract électoral en breton servent d'illustrations au chapitre « Le ralliement à la République ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 47 : chapitre « La restauration industrielle » : témoignage de J.-M. Déguignet, suite à sa visite à la papeterie Bolloré d'Odet : « j'entrevis trois ou quatre individus, les bras croisé sur la poitrine à la manière des paysans bretons. Ils étaient là comme des fantômes, les yeux fixés sur les machines, ne bougeant, ni parlant. ».

Au-delà de ces quatre pièces gabéricoises, les nombreux objets insérés dans le livre-objet, venant de tous les pays de Bretagne, sont tous très instructifs et édifiants. Achetez donc le bel ouvrage pour votre bibliothèque personnelle, et ... si possible offrez-en d'autres exemplaires à vos proches et amis chers !

En savoir plus : « MORVAN Frédéric - Les Bretons (1870-1970)»

[modifier] 13 Le pardon de Pierre Roumégou

« Les femmes mariées dans l'année portaient la statue de Sainte Anne lors de la procession, tandis que les jeunes filles de 17 ans portaient celle de la Sainte Vierge (elles étaient parées de costumes bretons richement brodés) »

Pierre Roumégou, quand il fut mis, en 1962, en retraite de la marine et du bagad de Lann-Bihoué qu'il avait fondé, consacra son énergie à sa commune et sa paroisse d'Ergué-Gabéric.

Il était fabricien de Kerdévot, et dans les années 1970-1980 il a été le correspondant local du journal du Télégramme. À ce double titre, il a montré qu'il avait une affection particulière pour la chapelle de Kerdévot. C'est d'ailleurs en cet endroit, devant le calvaire, que la photo familiale de ses noces d'or avec Marie Gourmelen sera prise en 1986.

Et en 1980 il composa, de sa très belle écriture, un article manuscrit sur les us et coutumes autour de la chapelle de Kerdévot au début du siècle. Cet écrit devait être inclus dans un bulletin de la Commission Extra-municipale de Recherches Historiques, mais ne fut pas publié faute de place. On découvre dans cet article sa pleine connaissance des chemins et voies de traverses communales qui étaient empruntées par les pardonneurs de Kerdévot.

Pour son métier de journaliste local, son atout était de connaitre toute le monde et d'avoir un bon sens de l'observation : « Toutes les personnes désignées pour porter une enseigne donnaient un pourboire au recteur, ceci se faisant dans la sacristie. Ceux qui, pour une raison quelconque, n'avaient pas pu assister au pardon n'étaient pas oubliés : ils recevaient des bonbons achetés aux Romanichels ». Comme Pierre était également conseiller municipal, l'autre correspondant vedette du journal Ouest-France, Laurent Quevilly, lui dédicaça en 1986 son premier dessin d'une série de caricatures d'élus : «  Et celui-là, nul n'est besoin de le présenter ! ».

Dans les colonnes du Télégramme, Pierre Roumégou a régulièrement fait des compte-rendus des pardons de Kerdévot de début septembre. Celui de 1979 en est un exemple, un peu développé. Et cette fois, le journaliste a bien pris des photos, il n'a pas oublié de mettre une pellicule dans son appareil, comme cela arrivait assez souvent, parait-il !

Et cette année 1979, les traditions bretonnes furent bien respectées : « Puis, ce fut la grande procession très suivie par la majorité des personnes présentes et dans laquelle nous avons remarqué, parmi les porteurs d'enseignes et de croix, des femmes et des hommes portant le costume breton, carence qui avait été tant déplorée l'an dernier. »

En savoir plus : « Souvenirs du pardon de Kerdévot par Pierre Roumégou », « Pierre Roumégou (1910-1996), penn-talabarder et correspondant local », « Articles dans Le Télégramme»

Billet du 04.10.2014


À signaler : un très bel article, sous le titre « Les bannières, c'est comme les papillons. Le Grand Pardon de Kerdévot », signé Jean-Yves Cordier, sur son blog « lavieb-aile » qui porte si bien son nom. On peut y admirer toutes les magnifiques bannières de procession, faces avant et arrière, qui ont été déployées lors du dernier pardon.

[modifier] 14 Kannadig ar c'hozh-amzer 2014

« Souvenirs, souvenirs, De nos beaux jours de l'été, Lorsque nous partions cueillir, Mille fleurs, mille baisers ... On dit que le temps vous emporte, Et pourtant ça, j'en suis certain, Souvenirs, souvenirs, Vous resterez mes copains », Johnny Halliday

La chanson de Johnny résonne certainement dans vos têtes. Et les anciens élèves de l’école communale du bourg ont sans doute eu aussi cette nostalgie lorsqu’ils ont échangé leurs souvenirs d’après guerre sur le site GrandTerrier.

Ce sujet scolaire est donc le tout premier article du nouveau bulletin automnal. Ce dernier est toujours au format réduit A4, introduit juste avant l’été pour les raisons suivantes :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe coût croissant d’impression et de publi-postage.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe poids limite en tarif économique imposé par la Poste.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe désir de s'aligner sur l’étymologie de Kannadig,
le « petit  (–ig) bulletin » (kannad).

La première livraison en demi A4 n’ayant pas été optimale pour les lecteurs à la vue sensible, on a essayé cette fois d’améliorer la taille des polices et le positionnement des images.

La page de couverture a été allégée, la table de matières déplacée au recto, avec ajout d'une photo énigme à identifier et localiser (cf ci-contre).

Et on a même pu ajouter quatre pages supplémentaires pour un poids toujours en « -ig ». C'est l'occasion unique de citer le fameux « Small is beautiful ! » en breton : « ar pezh a zo bihannig a zo brav ! ».

Sommaire complet :
1. L’école communale des garçons du bourg en 1946
2. Le ruisseau de Douric Piriou et le Pont-Banal
3. Arrivée des conseillers républicains en 1912
4. À la recherche des traces de Sainte-Appoline
5. La violente et sidérante affaire Le Jaouanc
6. La carte aux trésors du moulin de Kerfors,

7. Plus de six cents poilus gabéricois partirent
8. Les traces des ruines du manoir de Kerfors
9. Les biens du prêtre déporté Alain Dumoulin
10. Les fameuses crêpes légendaires de Kerdévot
11. Médaille présidentielle d’honneur agricole en 1896
12. Jean-Marie Déguignet et l’alcoolisme breton
13. Le GrandTerrier d’Erc’hié-Vrâz par Auguste Brizeux

En savoir plus : « Kannadig n° 27 Septembre 2014 »

Billet du 27.09.2014

Addendum : en lien avec le dernier article, on vous propose un petit exercice phonétique : traduisez Vras/Vrâz en français, mettez ce terme « Grand » devant « Erc’hié », et prononcez le à voix haute …

[modifier] 15 Jean-Marie il est malade

« Jean-Marie il est malade, Il lui faut le médecin (bis). Le méd'cin dans sa visite Lui a interdit le vin. Refrain : Moi qu'aimais tant... tant, tant, tant ! Moi qu'aimais tant Jean-Marie (bis) », traditionnel breton

Dessin de Vincent Rif - - - - - Billet du 13.09.2014

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQuel regard portait Jean-Marie Déguignet sur l'alcoolisme dans ses mémoires de paysan bas-breton  ?

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgÉtait-il lui même atteint de la même dépendance toxicomaniaque que celle observée chez ses contemporains ?

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt comment se démarquait-il par rapport à son ennemi Anatole Le Bras dans la lutte anti-alcoolique ?

À la deuxième question, l'ethnographe Philippe Carrer a déjà répondu ainsi : « Notre héros échappe, dans l'ensemble, au danger toxicomaniaque. Il n'y a guère que pendant la période assez brève où il place des assurances qu'il mentionne une nette surconsommation. »

C'est surtout en tant qu'observateur d'une société rurale du 19e siècle que les écrits du paysan bas-breton sont intéressants. La consommation d'alcool y était bien ancrée que ce soit lors d'évènements comme les élections et les pardons, mais aussi dans la vie familiale et professionnelle.

Au pardon de Kerdévot, il observe une consommation généralisée de boissons fortes : «  L'esplanade était entièrement couverte de débits et de longues tentes blanches, lesquelles étaient remplis de gens buvant des camots et demi-camots, c'est-à-dire de l'eau noircie mêlée de la plus mauvaise eau-de-vie ».

Dans sa vie familiale, Jean-Marie Déguignet a été très éprouvé par la chute de sa femme dans une dépression alcoolique dévastatrice. Profitant de sa situation de débitrice de boissons, Maryvonne « était en train de gaspiller stupidement tout l'argent qui nous restait », et favorisait la consommation de ses clients, « toujours fière et glorieuse, et toujours entre deux vins, elle ne faisait pas faute de leur en servir à bon compte ».

Dans sa vie professionnelle d'agent d'assurance, Déguignet avoue une consommation personnelle et collective lors de ses visites en milieu agricole, laquelle consommation semble coutumière : « Nous restâmes longtemps là car le cidre et le café fortement carabiné avaient délié toutes les langues.  », « nous ne pourrions jamais retourner au bourg, rapport à la neige et aussi rapport à la boisson que nous n'avions cessé d'ingurgité depuis le matin. »

Si Déguignet est effrayé par les désastres du fléau alcoolique, ce n'est pas pour autant qu'il approuve les anti-alcooliques moralisateurs comme Anatole Le Braz. Ce dernier faisant une conférence sur le sujet à Quimper en 1901, il s'insurge : « Mais que diable a pu dire ce jésuite au sujet de l'alcool qui n'aît pas été dit et redit cent fois par les déments de l'antialcoolisme !». Sa conférence fut une litanie d'anecdotes sur des cas d'alcoolisme contemporains, tout en faisant une allégorie d'une Bretagne mythique : « La Bretagne ne peut aspirer à ce grand rôle ... qu'à une condition ; c'est de dompter dès maintenant, quand elle peut encore en avoir la force et la volonté, ce terrible fléau qui la tue : l'alcoolisme. »

Mais Déguignet cite des extraits des célèbres « Légendes de la Mort en Basse-Bretagne », toute en apportant une contradiction empreinte de lutte de classes ...

En savoir plus : « Déguignet et l'alcoolisme en Bretagne au 19e siècle » et « CARRER Philippe - Ethnopsychiatrie en Bretagne »

Billet du 20.09.2014

[modifier] 16 Le Grand-Terrier d'Erc'hié Vrâz

« La version que je donne ici, et qui offre d'assez grandes différences avec celle de Brizeux, m'a été dictée, le 17 mai 1868, par Iann Floc'h, fossoyeur de la paroisse de Beuzec-Conq. », Louis-François Sauvé

Billet du 13.09.2014.
Billet du 13.09.2014.

Auguste Brizeux (1803-1858) est un poète romantique breton né à Lorient. Né en Bretagne bretonnante, Brizeux parlait le breton cornouaillais, et publia notamment un recueil de proverbes en 1845 : « Furnez Breiz » (Sagesse de Bretagne). Et dans cette œuvre poétique on peut lire une triade de Cornouaille : « Trivéder Kerné » :

« Person Kemper a zô skolaer,
  Ann hini Erc’hié-Vrâz marrer,
  ...
 »

Le recteur de Quimper est instituteur, Celui du Grand-Ergué, écobueur, ...

Que nous apprend cette triade cornouaillaise en breton sur notre commune ? Peut-être tout d'abord une autre façon de prononcer son nom en langue bretonne, mais sans doute aussi et surtout la réputation et le caractère de ses habitants au travers du métier fictif de son recteur.

En effet, le deuxième vers de la triade (« trivéder » en breton) est consacré à Ergué-Gabéric (ou Grand-Ergué) sous l'orthographe « Erc’hié-Vrâz », et non pas « Erg(u)e Vras » (et son g dur), le « c'h » étant prononcé ici par un son sourd et "enroué". On n'est finalement pas loin phonétiquement du « Grand-Terrier » de Cassini !

Ensuite le métier annexe supposé et emblématique du recteur gabéricois est en breton « marrer », c'est-à-dire écobueur (*) ou défricheur. À comparer avec le « skolaer » quimpérois (instituteur ou donneur de leçon ?), ou le « gourenner » scaërois (lutteur ou bagarreur ?). D'ailleurs François Pennec, recteur concordataire d'Ergué-Gabéric, s'étant fait accusé en 1810 de « devenir fermier et de s'occuper au labourage », on peut se demander si ces successeurs au presbytère n'en ont pas fait autant.

Louis-François Sauvé a publié une version un peu différente et bien plus complète dans la Revue Celtique de 1872. Une version où l'on retrouve la même orthographe précédente, ce pour les deux communes Ergué voisines, petite et grande :

« Personn Erc'hie-Vras a zo falc'her,
  Personn Erc'hie-Vihan a zo minuzer ...
 »

Le recteur du Grand-Ergué est faucheur.
Celui du Petit-Ergué menuisier ...

À l'instar de son recteur « faucheur », la paroisse d'Ergué-Gabéric du 19e siècle a, avant tout, la réputation d'être rurale et ses champs y sont soigneusement fauchés pour servir de litière aux nombreuses vaches pie-noires.

En savoir plus : « BRIZEUX Auguste - Furnez Breiz, Trivéder Kerné » et « SAUVÉ Léopold-François - Lavarou koz a Vreiz-Izel »


(*) L'écobuage consistait à arracher la couche végétale des landes et pâtures en friche et une fraction de la terre superficielle que l'on faisait brûler après séchage et dont on répandait la cendre sur la parcelle même que l'on avait écobuée.

[modifier] 17 Médaille présidentielle agricole

« Suivant l'excellente tradition bretonne, M. Guyader avait voulu que les pauvres eussent leur part des réjouissances. Lundi matin, 150 indigents se sont assis à la table hospitalière de Squividan. », Le Finistère 1892

Billet du 06.09.2014.
Billet du 06.09.2014.

Alors que, 3 ans plus tôt, Sadi Carnot dut renoncer à son voyage à Quimper pour raison de santé, cette fois-ci pendant l'été 1896 le président de la République Felix Faure fait un grand voyage dans toute la Bretagne.

À son arrivée à Quimper dans l'après-midi du 8 août, le président est chaleureusement accueilli  : « À 6h. 7, le train fait son entrée en gare de Quimper ... Aux paroles de bienvenue du maire, le président répond : En venant ici, je savais y trouver une population patriote et républicaine. C'est vous dire qu'il y a déjà des liens entre nous. »

Dans le cadre de cette visite présidentielle, le préfet organise une remise de médailles industrielles et agricoles récompensant des ouvriers et des aide-agriculteurs des différentes communes de la région quimpéroise. Pour Ergué-Gabéric, un ouvrier agricole de 63 ans est sélectionné : Alain Le Berre, travaillant depuis 1865 à la ferme de Kerellou de Louis Le Roux.

Pour valider la nomination d'Alain Le Berre, le préfet Victor Proudhon demande son avis à Louis Guyader, agriculteur républicain à Squividan. Le préfet connait bien l'agriculteur, notamment pour avoir assisté au grand mariage de sa fille Perrine. De par son influence et engagement politique, Louis Guyader se substitue en quelque sorte au maire conservateur de l'époque.

La réponse est bien sûr positive : « Je soussigné, Guyader Louis, propriétaire à Squividan, certifie, connaitre parfaitement le sieur Le Berre Alain, aide-cultivateur, depuis plus de trente ans chez Mr Le Roux, Louis, à Kerellou, qu'il a toujours servi avec beaucoup de zèle, qu'il a été, à plusieurs reprises, l'objet de récompenses de la part des pouvoirs publics, et qu'il n'y a rien qui empêche qu'il lui soit attribué la récompense dont il est parlé ci-contre.  »

Mais malheureusement, quelques jours après la cérémonie, Alain Le Berre est victime d'un accident dans le cadre de son travail, lors d'un charroi de bois.

En savoir plus : « 1896 - Felix Faure remet la médaille d'honneur agricole à Alain Le Berre de Kerellou »

On savait que le républicain Louis Guyader avait marié sa fille en grandes pompes en 1892, les noces étant même relatées dans le quotidien national « Le Petit Journal ». En publiant aujourd'hui l'article détaillé sur ce mariage dans le journal « Le Finistère », nous découvrons que le repas fut servi dans l'école communale du bourg (évoquée dans le billet de la semaine dernière) : À l'heure du repas, la plupart ont trouvé place dans les salles de l'école communale, où de longues tables avaient été dressées pour la circonstance ». Et la fête fut très appréciée : « Pendant toute l'après-midi, les gavottes et les jabadaos se sont succédé dans la cour de l'école, si admirablement placée au sommet d'une colline qui domine les environs de Quimper. Impossible de souhaiter un cadre plus pittoresque à cette fête comme on en voit peu.  », et se prolongea tard dans la nuit. Le lendemain les pauvres furent invités au festin à la ferme de Squividan : « Suivant l'usage traditionnel, l'épousée les a servis elle-même. On a tué un bœuf à cette occasion. »

En savoir plus : « Un grand mariage breton à Squividan, Le Petit Journal et Finistère 1892 »

[modifier] 18 Skol Vorc'h an Dourig Piriou

« La voiture de notre maître Monsieur Autret, une Peugeot, était restée sur cale pendant la guerre dans le garage attenant aux logements des instituteurs. En 1946 ou 47, un ouvrier était venu la remettre en état. Je le vois encore taper sur le réservoir démonté pour en détacher la rouille »

Billet du 30.08.2014.
Billet du 30.08.2014.

Cette chronique d'après guerre a démarré par cette réflexion : « En consultant hier les dossiers du "Grand Terrier", je suis tombé sur les photos d'écoles ; à ma surprise il n'y en a pas de l'école municipale de garçons du Bourg. »

Et se poursuivit naturellement par un riche échange autour d'une superbe photo datant de 1946-47 avec 56 jeunes écoliers devant le grand escalier de l'école :

Image:Right.gif «  Nous avons tous conservé la photo de cette classe, mais nous ne nous voyons quasiment plus. Il est dommage que nous n'ayons pas pensé faire une amicale des anciens élèves de la communale du bourg que, pour ma part, j'ai quittée à onze ans et il y a 66 ans de cela.  »

Image:Right.gif « On n'a pas attendu Internet et cet e-mail pour identifier les anciens élèves de l'école du bourg. C'est FN qui, sachant que j'avais la photo, m'avait demandé de le faire et de lui communiquer les noms, il y a quelques années de cela. La seule correction qu'il m'ait faite concernait le nom du petit blond qui se trouve au premier rang (3ème, à partir de la gauche) qui était hébergé pendant la guerre chez un voisin de son cousin, René Duvail de Kéroué.  »

Image:Right.gif « C’est la dernière année que j’ai passée au bourg, dans la classe de l’ancien directeur, Pierre Autret (et aussi Madame Autret), un homme à qui je suis redevable de la base de ma formation intellectuelle et morale ». « C'est avec beaucoup d'émotion que je vois cette photo-portrait des époux Autret, des "pros" de l'enseignement ! »

Image:Right.gif « À l'époque la cour n'était bien sûr pas goudronnée. Sous les tilleuls, côté sud, se trouvaient l'emplacement des jeux: Quatre trous aux sommets d'un carré d'environ 1m20 x1m20 plus un cinquième au milieu. Sur le sol nu, soigneusement nettoyé on lançait les billes tenues entre le pouce et l'index de trous en trous, puis au centre quand on avait terminé le tour. »

En savoir plus et/ou compléter avec d'autres souvenirs : « 1946-1952 - Ecole communale des garçons au bourg »

Cette école étant aujourd'hui rue du Douric, nous nous sommes également interroger sur les origines du ruisseau proche, et du pont qui l’enjambe à l'entrée nord du Bourg. Un pont « banal », donc peu commun, avec une aura moyenâgeuse : « Je me rappelle que pour "illustrer" sa leçon sur le Moyen Age et plus précisément sur les impôts que percevaient les seigneurs, dont les "banalités" qui ressemblaient un peu aux droits d'octroi qui, eux, ont perduré, Monsieur autret nous avait parlé de Pont-Banal. Pour lui ce pont sur le ruisseau du Douric en bas du bourg se trouvait à la limite des seigneuries de Lézergué et de Pennarun et c'est là que l'on percevait le fameux impôt "banal" sur les personnes qui le franchissaient. » Mais est-ce la bonne explication toponymique ?

Articles toponymiques : « Pont Banal » et « Douric, Dourig Piriou »

[modifier] 19 Crêpes légendaires de Kerdévot

« Krampouezh gwinizh ha laezh-tro, Matañ traoù a zo er vro. » (crêpes de froment et lait caillé, meilleures choses qui soient au pays).

Billet du 23.08.2014.
Billet du 23.08.2014.

Un texte de légende, où un page d'Anne de Bretagne est étrangement nommé Pierre de Kerdévot et associé à la promotion de la crêpe bretonne. Pour l'histoire du Kerdévot gabéricois, ce serait un scoop, mais le scepticisme est de mise. Voici donc ce texte qu'on retrouve souvent sur Internet, comme le résultat d'une chaine de nombreux copier/coller :

« En 1490, la duchesse Anne réalise son "Tour de Bretagne" (Tro Breizh) pour mieux connaître et aider ses sujets. Elle est contrainte avec sa suite, de s'abriter de l'orage chez un pauvre bûcheron Pierre Le Faout dans la région de Gourin. La fille de celui-ci Anne, prépare le repas et ajoute différents ingrédients aux pâtes de farine de blé noir et de froment. Elle crée ainsi les premières crêpes qui bientôt seront célèbres.

L'un des pages, Pierre de Kerdévot, sous le charme, demandera un an plus tard à sa duchesse devenue Reine de France par son mariage en 1491 avec Charles VIII, la permission d'épouser la jeune fille rencontrée dans la cabane. Anne la pauvre devint comtesse de Kergalen.

Le fils né de cette union Yves de Kerdévot, introduisit l'usage de la crêpe à la cour du Roi François Ier. Depuis cette histoire véridique, il y a 512 ans, la crêpe bretonne a gagné ses lettres de noblesse, et depuis le Traité d'Union avec la France (1532) s'est découvert une nation de fins connaisseurs et le village de Gourin prit son titre de "ville".  »

Dans le livre « La Bretagne pour les nuls » de Jean-Yves Paumier, la légende fait l'objet d'un encart, mais les noms et prénoms du page ne sont pas précisés, seuls le prénom Yves du fils et le titre de comtesse de Kergalen accordé à la crêpière sont mentionnés.

Quels sont les éléments qui nous font douter des fondements anciens de cette légende :

  • La date de 1490 : c'est l'année du tout premier mariage d'Anne de Bretagne, par procuration, à Rennes. Il n'y eut point de tro-breizh cette année-là.
  • Son tour de Bretagne eut lieu de juin à septembre 1505, mais elle ne passa pas par la région de Gourin.
  • Le nom Kerdévot semble avoir été ajouté tardivement ; on trouve même une variante « Kervelot » (et pourquoi pas le Camelot du roi Arthur ?). On brulera un cierge le jour où on découvrira un page royal nommé Kerdévot.

De même, pourquoi cumuler avec le titre de Kergalen (de Plovan ? où il n'y eut pas de comté) ? Sans doute pour la proximité avec le personnage Yves de Kerguelen. Il faut dire aussi qu'une série TV intitulée « L'affaire Kergalen » a un certain succès. Il paraît même aussi que Jon Snow, un héros de la série « Game of Thrones » (Le Trône de fer), va mourir à Kerdévot en mangeant une crêpe empoisonnée dans le prochain tome à paraître en 2015.

En savoir plus : « ANONYME - La légende des crêpes de Pierre de Kerdévot, page d'Anne de Bretagne »

Prochain billet : il sera question de photos de classe de l'école des garçons au bourg. En avant première, voici l'article en préparation, afin que vous puissiez le compléter avec vos anecdotes, suggestions ou autres photos  : « 1946-1952 - Ecole communale des garçons au bourg »

[modifier] 20 Les biens du déporté Alain Dumoulin

La poursuite d'un voyage dans le temps, celui de la Révolution française et de ses effets ressentis dans une commune de basse-Bretagne.

Le déménagement du Clergé, Gravure, Musée Carnavalet
Le déménagement du Clergé, Gravure, Musée Carnavalet

On savait les paroissiens d'Ergué-Gabéric solidaires de leur curé non assermenté : en 1791 le maire demandait son maintien, en 1795 une quete est organisée pour l'achat collectif de la chapelle de Kerdévot. Et dans un nouveau document inédit de 1793, on découvre que certains d'entre eux ont rassemblé les biens de leur recteur pendant sa fuite à Prague.

En effet, ces biens étaient normalement confisqués immédiatement et revendus comme « Biens nationaux » par les autorités révolutionnaires. Par contre avant de mettre les effets d'Alain Dumoulin sous séquestre, il a fallu procéder à des perquisitions chez les citoyennes de la Salle-Verte et de Poulduic où les meubles du prêtre avaient été manifestement cachés en toutes connaissances de cause.

La paroissienne de la Salle-Verte explique : « il a été transporté chez elle depuis près de deux ans trois charretés de meubles appartenant audit Dumoulin ». À la question relative à son silence vis-à-vis des enquêtes communales, elle se justifie : « elle va souvent à la messe à Quimper et qu'il est possible que cette loi a été publiée lorsqu'elle était à Quimper et qu'elle n'en a eu aucune connaissance ». Elle dénonce quand même les coupables qui l'ont mis dans l'embarras : « l'une des charrettes appartenait à Jean Le Guyader de la métairie de Lezergué sur la ditte commune et qu'il accompagnait sa charrete ; que Guénolé Kergourlay du manoir de Lezergué paraissait avoir la conduite des dits meubles ».

Les biens retrouvés à Ergué-Gabéric sont vendus dans la foulée à des acquéreurs quimpérois. Et ensuite, un an après, Marie-Anne, la sœur du prêtre en exil à Prague, entame une procédure de contestation et demande la restitution complète des titres de propriété. Pour traiter la demande et la levée des séquestres, l'administration se pose une question : Alain Dumoulin était-il émigré (peine encourue par les anti-constitutionnels notoires) ou déporté (décision individuelle de départ ultérieur) ?

Quelle fut, d'après vous, la réponse officielle, et à quelle date le prêtre quitta la France ?

En savoir plus : « 1793-1796 - Cache, vente et restitution des biens d'Alain Dumoulin, prêtre simple déporté »   Billet du 16.08.2014.

[modifier] 21 Les ruines du manoir de Kerfors

« Ces jardins ont été nivelés et établis en terrasses, dans le cours du XVIIe siècle. Chaque petit seigneur voulait avoir son petit Versailles et imiter de loin les splendeurs de son parc. Kerfors eut donc ses pièces d'eau et ses bassins. », Jean-Marie Abgrall, 1889

au pied des arbres, les terrasses de jardins et le talus empierré
au pied des arbres, les terrasses de jardins et le talus empierré

Les gabéricois connaissent au moins l'existence des ruines du château de Lezergué dont la façade est toujours debout et qui a été reconstruit juste avant la Révolution grâce aux pierres du manoir voisin de Kerfors.

Pour en savoir un peu plus, on a voulu rechercher les traces des anciennes ruines de Kerfors telles qu'elles sont décrites dans les documents datant de la Révolution. Bien sûr on n'a pas retrouvé le souterrain qui, d'après la légende, rejoignait les deux manoirs, mais on a des pistes sur l'origine de certaines pierres de Kerfors.

Les documents révolutionnaires de 1793 et 1795 relatifs aux ruines de Kerfors sont conservés aux Archives Départementales du Finistère sous les côtes 1Q319 et 1Q326-148, le premier était un rapport de « prisage et mesurage » par des experts et le deuxième un procès-verbal de vente et d'adjudication.

Dans le document d'expertise, on a une mystérieuse description des ruines : « En l'endroit, et au lieu où a existé le manoir de Kerfors une issüe sous vieillons et sans cloture formant des monticules désignants (les) amas d'attraits donnant du couchant sur la futaye voisinne ditte Kerfors duquel côté l'issue a édifices contenant sous fond dix neuf cordes ».

Comment lire ces lignes ? Le manoir, suite à sa démolition, est devenue une issue, c'est-à-dire une place commune de village, qui en l’occurrence n'est pas entretenue car sous « veillons », et les restes du manoir y forment des monticules formant des amas d'attraits, terme utilisé en géologie minière. Le tout sur une surface d'environ 1100 m2 (19 cordes ou 11,55 ares).

D'autres mentions suivent : «  Au midy de l'issüe une maison en simple brossage ouvrant au nord sur l'issüe  » ; « L'allée menant à l'issüe de Kerfors et au levant d'icelui » ; « Derrière l'emplacement du château au couchant d'icelui, un verger s'étendant depuis le four jusqu'à la longueur de l'emplacement » ; « Vieux jardin inculte et à deux terres au nord de l'issue, terrassé et taludé au millieu aujourd'hui sous foins ou herbe fénable » .

Deux questions se posent : ce vieux jardin terrassé était-il celui qui existe encore aujourd'hui et dont on dit qu'il incluait l'ancien château ? les jardins en terrasses étaient-ils alimentés en eau comme au château de Versailles ?

Les habitants du lieu-dit remarquent encore de nos jours que « quand on est dans les jardins en terrasse, on a une impression bizarre que ces lieux ont eu leur histoire ancienne et qu'il y a eu de la vie à cet endroit ». On peut évoquer en effet le poème « Le voiage du P. Alexandre de Rennes à Brest, et son retour » composé en 1659 et dans lequel le Père Alexandre évoque avoir dit la messe à Kerfors « à une ou deux lieues de Quimper, chez un gentilhomme appelé M. de la Marche ».

En savoir plus : « 1794-1795 - Procès verbaux d'expertise et de vente des ruines de Kerfors »   Billet du 10.08.2014.

[modifier] 22 Plus de six cents partirent ...

« Lancement : mercredi 30 juillet 2014 à 18H. Prix : 20 euros. Points de vente : local d'Arkae et le mercredi à Kerdévot ; Leston'Café ; Tabac-Presse Le Havane ; Librairie Ravy à Quimper.  », http://arkae.fr

Dans ce livre, Jean-François Douguet, passionné de l'histoire glazik et melenik, nous fait partager son plaisir de chercheur : trouver des pièces d'archives et des témoignages sur le passé de nos communes cornouaillaises. En 2014, grâce à lui, c'est naturellement la Grande Guerre qui fait l'actualité gabéricoise.

Ce premier tome donne un aperçu d'ensemble de l'impact du départ des mobilisés sur le front, que ce soit dans les activités quotidiennes de ceux qui sont restés, dans les effets « psychologiques » provoqués par l'éloignement de leur paroisse et famille.

Mais aussi les efforts pour l'aide et le soutien des soldats (quêtes et marraines de guerre), le rôle des femmes, l'implication des journaux, les actions menées localement pour la réinsertion des survivants, la préservation du souvenir (décorations, commémorations, monument aux morts, bannières, ...), et aussi le temps de l'oubli.

Tout ceci avec des documents inédits, de belles illustrations et nombreuses photos recueillies auprès des familles gabéricoises.

Le livre contient également une analyse statistique et démographique intéressante basée sur des éléments de recensement. En résumé, 668 soldats ont été mobilisés, soit un habitant d'Ergué-Gabéric sur 4 ; 123 d'entre eux ont été tués, soit presqu'un sur 5 ou un sur 23 habitants de la commune.

Même si les Gabéricois, comme la plupart des paysans, écrivaient relativement peu, les lettres échangées entre les familles et les poilus constituent un témoignage humain et historique incontournable. En janvier 1915 la famille Nédélec de Lost-ar-Guilliec recevait un courrier de leur cousin Hervé Bacon : « Vivement que cette terrible ci (cette guerre) finisse, pour qu'on aura encore le plaisir de retourner dans sa chère famille, mais d'après ce que je vois, ça n'a pas l'air de finir encore tout de suite. Il faut tout de même espérer que Notre-Dame de Kerdévot préservera toujours ses chers paroissiens. »

Le 11 novembre prochain ( « si l'imprimeur respecte les délais ! » ), paraîtra le second tome, sans doute plus épais, avec une compilation de notices individuelles pour chaque ancien gabéricois ayant succombé ou participé à la Grande Guerre de 1914-18.

En savoir plus : « DOUGUET Jean-François - Ergué-Gabéric dans la Grande Guerre T1 »   Billet du 01.08.2014.

[modifier] 23 La carte aux trésors de Kerfors

« Le moulin de Kerfors chome depuis plusieurs années, mais il avait son étang et cet étang qu'il avait, lui appartient encore », J.-H. de La Marche

On pourrait penser que l'image ci-contre est le plan du trésor du Kerfors enfoui dans l'étang de Kervreyen alimentant le moulin noble des de La Marche, après leur exil et départ en Guadeloupe en pleine Révolution.

C'est en fait une des 71 pièces d'un épais dossier contentieux entre deux propriétaires de biens issus des biens nationaux, l'un d'une famille noble gabéricoise, l'autre membre de loge maçonnique quimpéroise.

Et il s'agit du plan de localisation de l'étang dressé par le dernier des fils de La Marche qui a conservé la propriété du moulin et qui voudrait également la jouissance de l'étang qui a été englobé dans la métairie voisine. A noter qu'il a également perdu la propriété des ruines de l'ancien manoir familial de Kerfors, et qu'il habite la ville de Quimper (tout comme les acquéreurs, négociants pour la plupart, des biens nationaux).

Les deux parties font appel à l'arbitrage préfectoral pour le titre de propriété de l'étang, et le conflit est réglé administrativement en désignant un expert et en notifiant au sieur de La Marche qu'il doit payer les frais du rapport Brehier, et donc qu'il donne raison au nouveau propriétaire de la métairie voisine qui s'était approprié l'étang.

A la lecture du dossier, on peut douter a posteriori de l'équité du jugement, car le propriétaire de la métairie est un négociant franc-maçon qui appartient à la même loge maçonnique que l'expert avoué Salomon Bréhier, et que ce dernier, chargé des estimations et expertises des biens, est nommé maire d'Ergué-Gabéric de 1808 à 1812.

Néanmoins Joseph Hyacinthe de La Marche, qui signe ses courriers « Lamarche » conduit son combat avec une ténacité courageuse, allant même, lorsqu'il s'adresse aux autorités préfectoral, jusqu'à utiliser la formule « Salut et respect ». S'il avait gagné sa requête, il aurait sans doute écrit « Salut et fraternité »

En savoir plus : « 1809-1811 - Contentieux sur l'étang de Kervreyen bien noble du moulin de Kerfort »   Billet du 28.07.2014.

Nota : il y a 15 jours, pour l'article sur Ste-Appoline, nous n'avions pas encore publié le document d'expertise des domaines nationaux : « La dite chapelle sans issues ni dépendances, sans couverture ni boiserie et absolument ruinée, à la longueur à deux longères cinquante deux pieds, de largeur seize et en hauteur huit ». En savoir plus : « 1794-1795 - Procès verbaux d'expertise et de vente de Sainte-Appoline »


[modifier] 24 La sidérante affaire Le Jaouanc

« Le rituel d'une justice rendue par un tribunal communautaire, mêlant les domaines spirituel et temporel, l’accommodement et le pardon », Le Douget

Billet du 19.07.2014.
Billet du 19.07.2014.

Cet ouvrage très documenté, publié en mars 2014 aux Presses universitaires de Rennes, est issu de la thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale par Annick Le Douget, docteur en Celtique et chercheur associé au CRBC de Brest.

Outre l'éclairage sur les liens et les rejets entre les structures villageoises et familiales d'une part et les institutions de justice d'autre part, le grand apport de l'ouvrage est de dévoiler la richesse des chroniques judiciaires conservées aux Archives Nationales sous la cote BB 20.

Et notamment le document BB 20/63 concernant l'affaire gabéricoise Le Jaouanc en 1829-32. Page 174, le chapitre intitulé « Le tribunal communautaire » nous dévoile ce fait-divers d'une tentative de viol où le présumé coupable, Jean Le Jaouanc, sera jugé par un conseil organisé au presbytère en charge de procéder à un « arrangement » avec pardon et compensation financière au profit de la victime, Marie-Anne Le Corre, tailleuse de son état.

Si la victime n'avait pas porté plainte trois ans après, l'affaire n'aurait pas laissé de traces, car le président de la cour d'assises n'aurait pas fait ce rapport en 1832 : « Le maire de la commune devant lequel Marie-Anne Le Corre forma plainte, ne trouvant pas assez de preuves, lui conseilla un arrangement. Tous les notables de la commune s'en mêlèrent, et dans une réunion qui eut lieu au presbytère, à laquelle fut appelé Le Jaouanc, on lui fit promettre qu'il serait huit années consécutives sans s'enivrer, que jamais il le lui arriverait d'insulter Marie-Anne Le Corre. Cette promesse fut faire à genoux et en demandant pardon à Dieu. Marie-Anne Le Corre, qui avait prétendu à une indemnité de 1 500 francs, ne fut que très faiblement satisfaite d'un pareil arrangement. Cependant elle y donna bon gré mal gré son consentement. Bientôt elle devint un objet de mépris dans le pays, une chanson fut faite contre elle, personne ne voulut plus de ses services et elle fut obligée, pour gagner sa vie, d'aller demander de l'ouvrage dans d'autres communes. »

À la fin de l'été, à la faveur d'une visite aux Archives Nationales à Pierrefitte-sur-Seine, nous donnerons les détails des autres compte-rendus contradictoires de cette affaire symptomatique d'une commune de basse-Bretagne à la veille des émeutes dites des « Trois Glorieuses »

En savoir plus : « LE DOUGET Annick - Violence au village »


[modifier] 25 Foennec ar chapel santez Apolina

Une chapelle disparue peu après la Révolution et qui reste virtuellement présente dans les mémoires des habitants de l'ancienne trève de Sulvintin.

Billet du 13.07.2014.
Billet du 13.07.2014.

Au départ de la recherche du champ de Ste-Appoline, il y avait ce croquis de Michel Le Goff, originaire de Sulvintin, où il avait marqué l'emplacement présumé de la chapelle et de la fontaine de ses souvenirs d'enfant. Retrouver cette prairie avec son dessin fut très aisé, plus facile même qu'avec le support d'un plan cadastral ou d'une carte d'état-major.

Nous avons consulté a postériori le vieux cadastre de 1836 pour vérifier la cohérence des informations ; seul un déplacement de la route entre Sulvintin et Kervéady est notable (cf le chapitre cartographie). Et la prairie indiquée est exactement celle qui sous le n° 415 porte le nom de « Foennec ar chapel » (la prairie de la chapelle) ; on ne peut pas être plus explicite.

Comme on peut le voir sur les photos et la vidéo, l'endroit forme encore aujourd'hui une jolie pente, en surplomb d'un ruisseau, et était assurément un lieu idéal pour abriter une petite chapelle de campagne. Malheureusement, signalée en ruines dès 1804, ses pierres ont complètement disparu.

À la fin du 18e siècle, « St. Apoline », avec un seul p et un seul l, apparait par contre sur les cartes de Cassini, entre Sulvintin et Kerdudal, à partir de relevés fait entre 1750 et 1790. En 1795 la chapelle est confisquée à l'Eglise et vendue au plus offrant : c'est une citoyenne de Quimper, Marie Madeleine Merpaut, seule enchérisseuse, qui emporte la mise pour le prix modique de 85 livres.

Au delà de ces rares documents, un tas de questions se posent : que sont devenues les pierres de la chapelle ? d'où vient le bénitier de Sulvintin, et le socle de la croix de Tréodet ? qu'est devenue la fontaine du bas du champ ? Anatole Le Braz s'est-il trompé sur sa localisation ? a-t-on des photos de cette fontaine ? et qui était sainte Appoline ?

En Bretagne, elle est fêtée le 9 février et vénérée pour la guérison des maux de dents et singulièrement lors de la pousse douloureuse des premières dents chez le nourrisson. Le beau retable du 17e siècle de l'église paroissiale témoigne de sa popularité locale : elle y est représentée par une magnifique et grande statue, portant d'énormes tenailles impressionnantes et montrant une dent arrachée dans sa main gauche. Au passage, cette dent s'étant égarée, tout indice permettant de la retrouver sera le bienvenu !

En savoir plus : « L'ancienne chapelle de Sainte-Appoline près de Sulvintin », « Santez Apolina », « 1794-1795 - Procès verbaux d'expertise et de vente de Sainte-Appoline », « Cartographie du village de Sulvintin »


[modifier] 26 Turben ar mair n'a po quet

Au-delà des invectives émaillées de vers bretons et de bretonnismes, on découvre le rôle surprenant de l'instituteur du « hameau » de Lestonan.

Billet du 06.07.2014.
Billet du 06.07.2014.

Les deux journaux « Le Progrès du Finistère » et « Le Finistère » se sont étripés en mai et août 1912 pour ces élections où pour la première fois six conseillers républicains vont cohabiter avec les élus conservateurs. Il faut dire que jusqu'à présent, depuis plus de trente ans, la mairie est dirigée exclusivement par des conservateurs dits réactionnaires.

Les correspondants locaux de ces journaux s'invectivent sous des pseudos et des qualificatifs choisis. Du côté des Réactionnaires, le journaliste conservateur du Progrès se présente comme le « Goaper », c'est-à-dire le « moqueur », et qualifie le camp opposé de « Gugusses ». Le journaliste républicain du Finistère se cache quant à lui derrière le collectif « groupe d'électeurs libres » ou le pseudo « Le véridique » et utilise généralement du terme « cléricaux » pour désigner ses adversaires.

Outre des bretonnismes comme « tailler les chupens », la langue bretonne est aussi un support pour lancer des attaques, comme ces vers composés par les conservateurs, traduits en français par les républicains, avec semble-t-il une approximation sur le sens du mot « turben » désignant l'écharpe tricolore du maire :

« Radicalet lipet ho peg, (Radicaux, léchez votre bouche)
Turben ar mair n'a po quet. (Le turban du maire vous n'aurez pas.)
Taïllet vo deoc'h guiz eo gloat (On vous taillera comme vous est dû)
Bebet chupen deuz en hed » (Une veste de votre longueur !)

Mais le clou des échanges les plus vifs est l'affaire de l'instituteur de Lestonan. La situation de départ est décrite par le correspondant du Progrès : « Tout un quartier de la commune était mécontent du maintien d'un instituteur de hameau auquel les pères de familles ne peuvent ou ne veulent pas confier leurs enfants. On m'a dit qu'il n'avait que 5 élèves, alors que son école aurait pu en compter 70 à 80. »

Les coupures de presse sont édifiantes sur la façon dont chaque parti se positionne sur le cas de l'instituteur Godet, interprète les intentions du parti adverse, jusqu'à faire dire au républicain « Le Finistère » : « Les Républicains continueront leur marche en avant. L'instituteur ne sera sans doute plus là, mais mort ou vivant il sera sans dans leur pensée et avec eux il criera : "Vive le Grand-Ergué républicain ! " ». Aux élections municipales suivantes, en 1919, quelles que soient leurs sensibilités réactionnaires ou républicaines analysées par les services préfectoraux, les élus des deux bords se porteront candidats sur une liste unique d'Union.

En savoir plus : « Les premiers conseillers municipaux républicains, Le Progrès et Le Finistère 1912 », « 1919 - Liste d'Union Réactionnaire et Républicaine aux municipales », « 1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet »


[modifier] 27 Le petit Kannadig des vacances

« Comme ces marins qui n'ont pu se déshabituer de faire le quart, et qui, au fond de leurs propriétés bretonnes, se lèvent et s'habillent à l'heure règlementaire pour surveiller la nuit terrienne », Le Grand Meaulnes (1913)

Le titre de ces chroniques grand-terriennes, « Vacances nature à Odet ou à Madagascar ? », mérite un décodage, n’est-il pas ? En effet, la question posée en cette veille de vacances fait référence aux deux photos de couverture :

Image:Right.gif la grotte des nains d’Odet dont nous avons retrouvé la trace, exploré les souvenirs, et comparé aux autres grottes avoisinantes.

Image:Right.gif la carrière dite de Madagascar que l’on peut encore visiter du côté de St-Chéron dans le département de l’Essonne, et dans laquelle de nombreux gabéricois sont allés travailler entre 1870 et 1920.

Hormis ces deux premiers sujets, vous trouverez bien sûr les thèmes inédits que nous ont réservés ces trois derniers mois d’investigations en tous genres.

Au sommaire : « • Exploration et réhabilitation de la grotte des nains • Pavés et bagnes italo-bretons de Saint-Chéron • Une veuve Elisabeth Bolloré très entreprenante • Notes historiques sur les papeteries finistériennes • La Bretonne Pie Noir patrimoine communal • Le ruisseau du Guic, au centre de la commune • Un trésor de bannières religieuses de procession • Des calomnies concordataires au GrandTerrier • Les voix bretonne et normandes des esclaves • Restitution d’une chapelle en nom collectif • Procès des apaches de la bande de l’as-de-pique • Arsène Lupin réfugié dans une grotte du Stangala • Souvenirs gabéricois de fin de guerre 1944-45 • Reconnaissance des FFIs pour la cause de la résistance »

Et une nouveauté, pour que les exemplaires imprimés puissent facilement se ranger dans un sac de plage ou une musette, le format est désormais en A4 plié, plus petit donc mais avec un même contenu, ce qui permettra dans l'immédiat de faire quelques économies d'encre, de papier et de timbres, et dans le futur de pouvoir ajouter des pages et du contenu.

Téléchargement et lecture en ligne du bulletin : « Kannadig n° 26 Juin 2014 »

Billet du 28.06.2014.


[modifier] 28 Les carrières ne s'éteindront pas

«  La nouvelle édition du livre "Quand Saint-Chéron vivait au rythme des carrières" est désormais disponible », Le Républicain de l'Essonne 20.03.2014

Ce magnifique travail de mémoire publié initialement par leurs trois auteurs en 1990, sous l'égide du Club des Amis de la Nature et de l'Environnement de Saint-Chéron, est réédité par Jean-Pierre Locard en 2014 avec le support de la ville de l'ancien département de Seine-et-Oise.

Ce qui nous intéresse au premier chef dans le livre saint-chéronnais, ce sont les témoignages soulignant la présence des expatriés gabéricois qui, à la fin du 19e et début du 20e siècle, sont venus si nombreux s'établir comme ouvriers dans les carrières de grès de Saint-Chéron :

  • « Mon oncle était venu ici pour travailler à la carrière, parce qu'ils étaient dix enfants dans la famille : il n'y avait pas assez de travail pour eux à Ergué-Gabéric (à six kilomètres à l'est de Quimper). Après, il a fait venir mon père, en 93, et ma mère est venue quelques mois après. Et je suis né à St-Chéron. »
  • « En Bretagne, il suffisait d'un, qui venait d'un pays, qui trouvait du travail. Alors, il écrivait à ses frères, beaux-frères, parce qu'en Bretagne, il n'y avait rien à faire »
  • « Il y avait un coin qu'ils avaient appelé "Madagascar", et puis un coin, c'était le "Transvaal", l'autre c'était "Cayenne". C'était un travail non pas de forçats si vous voulez, mais enfin, c'était dur. » (on connait bien sûr le bagne de Cayenne, un peu moins celui de Nosy Lava à Madagascar, et dans les mines d'or et de diamants du Transvaal les noirs étaient exploités comme des bagnards).
  • « Mon père, lorsqu'il est arrivé de Bretagne, il était pensionnaire à Mirgaudon. Ils étaient trois ou quatre, ils se mettaient dans une pièce, et puis ils partageaient les frais. Ils versaient dix-sept sous par jour. Il y avait un qui fournissait le pain une semaine, et l'autre la viande. La viande c'était du porc, du porc gros sel. C'était la viande de tout le temps. » (on reconnaît là le « kig-sal », en breton littéralement la "viande salée").
  • « À Mirgaudon, on parlait trois langues : le français, l'italien et le breton »

On trouvera aussi dans l'article des photos prises en juin 2014 à la carrière dite de Madagascar, un magnifique site naturel.
Et à (re)consulter également l'article et l'enquête menée en 2008 par Henri Chauveur sur le phénomène migratoire vers St-Chéron.

En savoir plus : « GAYE G. et A. & LOCARD J.P. - Quand Saint-Chéron vivait au rythme des carrières » et « CHAUVEUR Henri - Les pavés de Saint-Chéron »

Billet du 21.06.2014.


[modifier] 29 La Libération d'Ergué-Gabéric

«  C'est grâce à des communes comme Ergué-Gabéric que la résistance put s'organiser et faire œuvre utile. M. Le Menn a le droit de s'enorgueillir d'être maire d'une commune qui fit preuve d'un tel patriotisme. », L-C. Berthaud

Comment a-t-on vécu dans notre commune les jours qui ont suivi le débarquement ? Les anciens, bien souvent, n'osent aborder le sujet, sans doute dans la peur de raviver des souvenirs douloureux. Voici quelques premiers témoignages et des faits piochés dans les journaux et documents d'archive.

I. Tout d'abord le récit du passage de chars américains conduits par des GIs noirs, le long de la route de Coray. Quelques 70 ans après, Michel Le Goff se rappelle la vision depuis son observatoire de Stang Kerluen entre Lenhesq et L'Hôtel : « Tout à coup, un soldat du char de tête, de mon côté, dont je ne distingue que le casque, tourne la tête vers moi, m'aperçois, sort son bras et fait des signaux ! Horreur, la colonne s'arrête : des deux premiers chars jaillissent quatre soldats fusils braqués dans ma direction. Ce sont de grands noirs, ... et, vus en hauteur par-dessous, ils paraissent d'une taille immense ... Je suis pratiquement sûr que tous les équipages du seul groupe que j'ai pu voir du milieu des fougères étaient des noirs ; ce qui parait en contradiction avec l'affirmation qui dit que, au débarquement, toutes les troupes combattantes étaient composées de blancs, et les divers services auxiliaires réservés aux noirs . » On pourra comparer cette description avec les témoignages respectifs de René Le Reste et de Guillaume Kergourlay qui ont assisté à une scène similaire, respectivement à Garsalec et Croaz-Menez-Brizh, à savoir du passage de la 6e division blindée US, surnommée la « Supersixth », le 10 septembre 1944.

II. Ensuite une coupure de presse du Télégramme de Brest datée du 23 décembre 1945, faisant état d'une cérémonie officielle à la mairie pour la remise de diplômes d'honneur des FFIs à un forgeron (Louis Yaouanc de Kernévez) et deux agriculteurs (Michel Le Goff de Sulvintin et René Danion de Kerhamus), lesquels « s'étaient signalés par leur aide aux maquisards et le dévouement qu'ils avaient apporté à la cause de la résistance ». Et le journal signale aussi la remise à titre posthume de la croix de guerre avec étoile d'argent au résistant Fanch Balès qui succomba lors des combats de Telgruc, et qui fut un des principaux instigateurs du casse du STO de Quimper.

III. Et enfin le rapport d’un responsable de secteur « Turma Vengeance » du Finistère, qui relate les dernières journées de l'occupation allemande dans la région Quimpéroise, et nous apprend que la grande ferme de Kerélan, aujourd'hui au cœur du Rouillen, était réquisitionnée par les FFIs pour l'organisation des manœuvres et combats de libération.

En savoir plus : « Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff »,
« Trois diplômes d'honneur des F.F.I. et une croix de guerre, Le Télégramme 1945 »,
« NICOLAS Gabriel - Des quimpérois dans la résistance 1943-1944 »

Billet du 14.06.2014.


[modifier] 30 La terre de France du 6 juin 44

« Des hommes sont allongés, morts ou blessés, parmi les entonnoirs de bombes, les chevaux de frise et les obstacles antichars. Il y a, pêle-mêle, unis à leurs camarades anglais, plusieurs compatriotes, les uns geignant, les autres figés dans des positions inattendues. », G-A. Bolloré

Hier les commémorations du 6 juin 1944 ont tourné en boucle sur nos postes de télévision. À Ergué-Gabéric, quand on évoque cette journée là, on pense naturellement à Gwenn-Aël Bolloré qui faisait partie des 177 français qui ont débarqué sur la plage de Ouistreham avec le commando n° 4 du bataillon des Fusiliers marins du commandant Kieffer.

Dans son livre « Nous étions 177 » écrit en 1963, réédité plus tard sous le titre « Commando de la France Libre », il écrit ses premières impressions : « Serrer les dents et arriver ... Arriver ... La plage. Le sol semble monter, c'est bon signe. Soudain, une gerbe liquide à peine à un mètre : peut-être un obus de mortier. Heureusement, l'eau atténue les éclats ... Serrer les dents ... Voici la grève. »

Il avait 18 ans et avait une mission de 1ère classe infirmier : « Les instructions sont formelles : ne pas s'occuper des blessés sur la plage et suivre la vague d'assaut. ... j'aperçois le commandant Kieffer, étendu et blessé. Juste le temps, en attendant que Thubé ait fini son travail, de m'en occuper. Un coup de ciseau dans le pantalon de son battle dress et je vois qu'il s'agit d'un éclat dans la cuisse. Un pansement, une piqûre de morphine ...  ».

En complément du livre, on peut visionner cette vidéo postée sur Dailymotion qui est un plan de 6 minutes extrait d'une série d'émissions historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1970, et plus précisément de l'émission « La Bataille de Normandie » du 06/06/1969 (durée : 1h 29min, disponible en dvd).

On y voit des images d'archives, le texte lu d'un combattant français du commando Kieffer, les explications filmées du général Lord Lovat (ami de Gwenn-Aël, et ayant préfacé son livre) s'exprimant en langue française près du pont de Bénouville, la performance musicale du joueur de cornemuse présent lors du débarquement, et enfin une interview de Gwenn-Aël Bolloré sur la plage de Ouistreham : « Quand la flotte est arrivée, nous étions à fond de cale, et au petit jour on nous a fait monter sur le pont, il y avait un silence absolu, alors là nous avons vu, à l'horizon, la terre de France. Et ça, ça a été, pour nous tous, vraiment quelque chose de très poignant. »

En savoir plus : « Gwenn-Aël Bolloré, 25 ans après, sur la plage du débarquement du 6 juin 1944 »,
« BOLLORÉ Gwenn-Aël - Nous étions 177, Commando de la France Libre, 6 juin 1944 »

Billet du 07.06.2014.

Nota : la semaine prochaine nous évoquerons les temps de l'après-débarquement à Ergué-Gabéric, et notamment le souvenir de soldats noirs américains et de leur colonne de blindés en arrêt sur la route de Coray.


Si vous n'avez pas la possibilité d'aller sur les plages de Normandie ce week-end, rendez-vous lundi 9 à 15H à la Chapelle du Saint-Esprit à Quimper, en haut de la rue Étienne Gourmelen.

En effet, après une fermeture de plus de 30 ans, cette ancienne chapelle du grand séminaire, puis de l'hospice civil de Creac'h-Euzen, et enfin de l'hôpital Laennec, sera exceptionnellement ouverte le lundi de Pentecôte 9 juin de 9 heures à 18 heures.

À 15 heures, Pierrick aura le grand plaisir de raconter la vie de l'hospice et des enfants trouvés, exposés au tour de l'hospice et qui, pour la plupart, y furent baptisés, et de dédicacer son livre « Les exposés de Créac'h-Euzen ».


[modifier] 31 Gentleman cambrioleur et apaches

« Il faisait de ses exploits une description si pittoresque, empreinte d'une satisfaction si sauvage, que le secrétaire du commissariat l'interrompit soudain et s'écria : — Mais ce sont là de vrais procédés d'Apaches. », Le Petit Journal illustré 1910

Tout d'abord une information de journaliste, « sous les plus expresses réserves, naturellement », datée d'août 1909 : « le célèbre Arsène Lupin, le gentilhomme cambrioleur si connu, est installé avec toute sa bande à Ergué, pour la saison, dans les cavernes de Bec-ar-Gripp, au Stangala ».

Quand on sait que le voleur justicier est un personnage de fiction, publié en 1907, on en mesure l'enjouement populaire quand on lit cette rumeur comme quoi, d'après le journal du « Progrès du Finistère », il se serait réfugié dans les grottes d'une commune de Basse-Bretagne !

Sinon, ce même été, pour une affaire bien plus réelle et plus dramatique, le même journal et son concurrent républicain « Le Finistère » relatent le cambriolage raté à la ferme de Kerourvois par deux jeunes « Apaches ».

D'où vient tout d'abord ce terme d'apache ? Les Apaches étaient un gang du Paris de la Belle Époque composé de très jeunes membres de moins de vingt ans. En 1902, deux journalistes parisiens, Arthur Dupin et Victor Morris, nomment ainsi les petits truands et voyous de la rue de Lappe et marlous de Belleville, qui se différencient de la pègre et des malfrats par leur volonté de soigner leur apparence vestimentaire (bottines, pantalon patte d'éph et casquette à pont).

Pour notre affaire, le qualificatif d'apaches se justifie par l'origine urbaine des délinquants (Douarnenez et Brest), leur âge et leur allure : « Il n'était âgé que de 20 ans », « Deux individus, paraissant âgés de dix-huit à vingt ans, assez bien vêtus et parlant français », « C'est un petit jeune homme assez bien vêtu ».

Et bien sûr les apaches formaient de dangereux gangs, et nos jeunes voyous bretons avaient aussi cet instinct grégaire : « Tous deux sont des apaches qui font partie de la bande de " l'As de Pique " », « la tristement célèbre bande brestoise de " l'As de Pique " ».

Et toute cette affaire gabéricoise se termine par un suicide et une condamnation aux travaux forcés. À cette époque la répression de tels méfaits se voulait expéditive.

En savoir plus : « Arsène Lupin et sa bande au Stangala, Le Progrès du Finistère 1909-1910 »,
« Le procès des apaches de la bande de « l'As de Pique », Le Progrès et Le Finistère 1909 »

Billet du 31.05.2014.


[modifier] 32 Une chapelle en nom collectif

« 15 mai 2014, échec de la souscription des habitants de Venise pour la protection de l'île de Poveglia par mise aux enchères en private leasing », AFP

En 1794 les habitants d'Ergué-Gabéric réussirent leur souscription et acquisition de la chapelle de Kerdévot, laquelle leur fut vendue aux enchères suite à la confiscation des biens du clergé. Et l'édifice fut restitué à titre gratuit à la commune en 1804.

Pendant longtemps on a cru que cet acte de protection était l'affaire d'un seul homme, Jérome Crédou. Mais un premier document découvert en septembre 2010 dévoila les dessous de l'affaire : c'est bien l'agent de tous les habitants qui fut collecté pour préserver son patrimoine.

Une déclaration authentifiée de l'ancien maire Jean Le Jour atteste de l'opération de levée des fonds : « a déclaré qu'il est à sa connaissance qu'en l'an trois il fut fait une quette en ladite commune d'Ergué-Gabéric, ... Dans ce moment, à raison d'un individu par parcelle, à effet de se procurer les fonds nécessaires pour l'acquisition de la chapelle de Kerdevot et pour la payer des prix de l'adjudication, ..., et que le montant d'icelle fut remise au dit Jerome Credou ».

Depuis, nous avons retrouvé plusieurs autres documents qui confirment cette belle initiative collective :

  • En 1807 le desservant Le Pennec s'interroge sur la nature exacte de l'acte de restitution de 1804 : « si c'est une pure donation ou un contrat de vente ». S'il s'agissait d'une vente, le recteur serait obligé d'impliquer son propriétaire donateur dans la gestion des revenus et des réparations de la chapelle, en tant que fabricien adjoint. Comme il s'agit en réalité d'un don, cela annule en quelque sorte la détention de nature privée pendant 10 ans.
  • Dans une lettre de septembre 1809 à son évêque, François Le Pennec sera encore plus explicite sur le fait que Jérome Crédou fut un prête-nom et que le financement de l'acquisition de la chapelle fut collectif : « D'ailleurs le second membre de la fabrique (Jérôme Crédou qui avoit acheté la chapelle, dit-on, avec les deniers des paroissiens) s'oppose à tout et ne ne se trouve à aucune assemblée ».
  • Nicolas Louboutin, vicaire réfractaire de Guengat, expulsé en Espagne à la Révolution, a témoigné aussi sur les circonstances de l'acquisition : « Ouelques communes, lors de la liberté, ont chassé leurs intrus. D'autres ont acheté des chapelles pour les sauver et empêcher le Constitutionnel d'y dire la messe. Ergué-Gabéric s'est bien montré pour la chapelle de Kerdévot. »

En savoir plus : « 1804 - Cession et don de la chapelle de Kerdévot à la commune », « 1807 - Reprise de la chapelle de Kerdévot par la fabrique et la paroisse », « 1809 - Campagne de calomnie contre le desservant François Le Pennec », « 1809 - Attestation de quête pour l'acquisition de la chapelle de Kerdévot », « François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810) »

Billet du 24.05.2014.


[modifier] 33 Les voix des esclaves au 19e

« Même si je ne suis plus Gabéricois physiquement, je le reste de cœur et je serais ravi de partager avec vous mes recherches menées depuis 3 ans »

Laurent Quevilly, journaliste ex-gabéricois, publiant en mai 2014 un livre sur le baron de Vastey, fils d'expatrié normand de Jumièges et la voix des anciens esclaves libres de St-Domingue, et une loi française récente venant de déclarer l'esclavage crime d'état en adoptant le 10 mai comme date de commémoration de son abolition d'autre part, nous avons recherché les passages où Jean-Marie Déguignet donne dans ses mémoires sa vision de la fin de l'esclavage au 19e siècle.

Les définitions et visions de l'esclavage sous plusieurs formes ne manquent pas dans les Mémoires de Jean-Marie Déguignet :

  • Le leitmotiv de son œuvre : « C’étaient là toutes les pensées des Bretons de ce temps. On était heureux d’être pauvre et de souffrir : on suivait ainsi le chemin suivi par Jésus lui-même ».
  • La condition ouvrière : « Tant qu'ils seront dix ouvriers à courir après le même patron, ils ne peuvent espérer que l'esclavage et la misère ».
  • La guerre de Sécession : « Ce professeur de langues ... recevait des correspondances secrètes des Etats-Unis. Là-bas, la guerre venait de se terminer d'une façon très heureuse entre le Nord et le Sud, au profit des esclaves. L'union fait la force, là la force fit l'union ».
  • La révolte des esclaves de St-Domingue : « Victor Hugo, un de ces grands romanciers, fabriqua, dit-on, un roman en huit jours, et cela parut un prodige alors. J'ai même lu ce fameux roman intitulé Bugle Jargal ... ».

Laurent Quévilly, correspondant local d'Ouest-France pour Ergué-Gabéric dans les années 1980, a participé activement au succès de librairie que fut la redécouverte des manuscrits de l'anarchiste bas-breton.

Aujourd'hui, depuis la Normandie de son enfance autour de l'abbaye de Jumièges, il récidive avec un scénario presque identique : pendant trois ans il a mené une enquête sur l'histoire d'un paysan de Jumièges expatrié en 1768 comme colon sur l'île de St-Domingue (aujourd'hui Haïti), retrouve par miracle des lettres échangées avec la famille restée en Normandie, découvre que le fils mulâtre du colon normand aura un rôle très important pendant et après la révolte des esclaves, qu'il prendra le titre de baron et qu'il éditera de nombreux livres pour critiquer le système colonialiste français.

En mai 2014, le livre publié par Laurent, « Le baron de Vastey », présente l'horreur de l'esclavage, la vie quotidienne d'un planteur de Saint-Domingue et apporte un éclairage inédit sur la révolution haïtienne. Quand on compare les citations respectives du paysan bas-breton et du baron haïtien, la ressemblance de ton est frappante ! Mais si on y regarde de plus près le premier a manifesté plus de constance, alors que le second n'a pas toujours eu les mêmes positions tranchées de sa fin de vie.

En savoir plus : « Citations de Jean-Marie Déguignet et du baron de Vastey sur l'esclavage au 19e siècle », « Site officiel du baron de Vastey » et « Facebook La voix des esclaves ». Livre à commander sur chapitre.com ou fnac.com

Billet du 17.05.2014.


[modifier] 34 Le Concordat du Grand Terrier

« Je dis par sentiment intime je connois ma religion. Je n'ai jamais donné de preuve de l'avoir méconnue ni avant ni pendant, ni depuis la révolution »

Le Concordat de 1801 de Bonaparte était censé être la réconciliation de l’État français et de l’Église catholique, après la rébellion d'une Église réfractaire qui avait refusé de prêter serment à la Constitution civile du Clergé pendant la Révolution. En Bretagne, le nombre de prêtres et évêques insermentés fut plus important qu'ailleurs et nombre d'entre eux s'exilèrent. Derrière le pape, les évêques furent prompts à se réconcilier avec le pouvoir laïc. Mais la période du concordat fut probablement un changement social plus difficile pour les prêtres de paroisse, à l'exemple de notre premier recteur-desservant concordataire d'Ergué-Gabéric.

Nous publions deux longues lettres de 5 et 4 pages très denses écrites par François Le Pennec à son évêque. Cela démarre par la liste des reproches exprimés par ses délateurs contre lesquels il veut se défendre : « Les voici comme ils sont restés imprimés dans ma mémoire : 1°. j'ai toujours manqué de faire l'instruction les dimanches et fêtes. 2°. je les fais mal. 3°. j'ai manqué d'être exacte à écouter les personnes qui se présantoient au tribunal de la pénitence. 4°. j'ai manqué d'aller aux malades quand on m'y appelait. 5°. j'ai jetté cette corvée sur mon vicaire. 6°. devenu fermier, je m'occupe au labourage ou cela me divertit de mon devoir essentiel. 7°. j'ai fait des acquisitions ».

Le style du recteur est un peu ampoulé et daté, l’orthographe empreinte du 18e siècle avec ses imparfaits se terminant en -oit. Mais les propos libres, les arguments développés et sa spontanéité un peu naïve apportent un éclairage très intéressant sur les liens sociaux de cette période concordataire et post-révolutionnaire dans nos campagnes bretonnes.

La fin de la deuxième lettre de François Le Pennec est terrible : « D'après cet exposé que Monseigneur décide de tout dans sa sagesse. Je sais que je ne demande qu'un châtiment, mais entre deux maux il faut choisir le moindre ». Ce qui veut dire en clair qu'il préfère affronter l'autorité de son évêque que d'accepter d'être calomnié par le pouvoir laïc de certains de ses paroissiens et personnages publics municipaux.

L'évêque, le baron Pierre-Vincent Dombidau-de-Croiselles, connu pour sa poigne et son autoritarisme, prendra carrément le contre-pied de son desservant et écrira au maire, en utilisant le nom déformé de la commune avec sans doute un accent d'ostracisme : « Si Mr le desservant du grand terrier vous avait communiqué mon ordonnance approuvée par un décret impérial, vous auriez vu qu'il m'est impossible d'approuver l'emploi que vous désirez faire des offrandes perçues dans la chapelle de Kerdévot ».

En savoir plus : « 1809 - Campagne de calomnie contre le desservant François Le Pennec », « François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810) »

Billet du 10.05.2014. Nota: la semaine prochaine on publiera une troisième lettre de François Le Pennec sur un sujet connexe.


[modifier] 35 Bannières religieuses historiques

« Nous arrivons à Kerdévot la veille du pardon ... J'ai assisté à vêpres ... les bannières droites dans la balustrade ... Une autre bannière de velours écarlate représente St Corentin en rouge et en jaune ... Au dessous, dans un cartouche, Tonkin, 1885 », Anatole Le Braz, 1899

. . . . . . . . . . . . Billet du 02.05.2014 . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . Billet du 02.05.2014 . . . . . . . . . . .

En référence de notre article il y a une enquête documentaire récente de Jean-Yves Cordier sur son blog lavieb-aile.com, lequel propose chaque semaine plusieurs visites inédites d'éléments méconnus du patrimoine finistérien :

« La paroisse d'Ergué-Gabéric (Finistère) possède de belles bannières de la fin du XIXe-début XXe siècle et consacrées à la Vierge et à saint Michel, mais dont l'une, peut-être unique en France, porte la mention Tonkin 1885 : une petite énigme pour les esprits curieux ».

On a rassemblé une sélection de photos de ces bannières de procession prises en 2008 et précédemment, ainsi que le résumé des travaux du bloggeur au regard émerveillé et érudit, et quelques compléments d'information.

Onze bannières de procession ont été recensées, lesquelles sont habituellement exposées dans l'église paroissiale St-Guinal. Autrefois elles étaient de sortie plusieurs fois dans l'année pour les fêtes religieuses locales, notamment au pardon de Kerdévot, mais aussi à l'occasion des pardons bretons voisins où la paroisse devait être représentée.

Elles sont toutes faites de velours épais, rouge, bleu ou vert, ou d'une soie plus légère pour l'une d'entre elles, avec une broderie or ou argent. La datation des plus anciennes est rendue possible par l'analyse des blasons des papes et des évêques, et par la description du mémorialiste Anatole Le Braz. On peut aussi remarquer un motif récurrent, le monogramme marial avec les lettres A et M entrelacées.

Par ailleurs, qui sont exactement les donateurs gabéricois qui ont donné leurs économies pour offrir une bannière à la paroisse aux 19e et 20e siècles ? Pour quels motifs l'ont-ils fait ?

Et dans quelles conditions de jeunes soldats bretons ont été engagés pour l'expédition lointaine du Tonkin en 1883-1885 et pour laquelle le compositeur quimpérois Mikeal Queinec publia un chant catholique en breton « « Brezel an Tonkin hag ar Chin » » (la guerre du Tonkin et de Chine) sur feuille volante ? Le journal républicain « Le Finistère » présentait les choses différemment : « La médaille du Tonkin (sera) de nature à intéresser nos vaillantes populations maritimes, tous ces braves Bretons qui ont été au Tonkin soutenir l'honneur du drapeau français, et se sont montrés sourds jusqu'à la fin aux lâches suggestions de ceux qui n'ont pas craint, en déconsidérant cette expédition, de déconsidérer leurs services ».

En savoir plus : « Les bannières paroissiales de saint Guinal, ND de Kerdévot, Tonkin, saint Michel et Fatima »


[modifier] 36 Le Guic au centre de la commune

« Avant leur intervention, le ruisseau était bordé et envahi de broussailles et branchages qui l'obstruaient partiellement », Le Télégramme, 16.04.2014

. . . . . . . . . . . . Billet du 27.04.2014 . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . Billet du 27.04.2014 . . . . . . . . . . .

L'association des jardins familiaux de Pen-Carn créée en 2009 a pour objet la « pratique de la culture familiale de potagers ». Et cet hiver, comme le rapporte le correspondant du Télégramme, les jardiniers bénévoles se sont attelés à aménager les rives attenantes du ruisseau du Guic, lequel coule le long de la route de Coray jusqu'au vallon de Pennervan, avant de rejoindre l'Odet aux serres de Pont-Patra.

Le président n'est pas peu fier du travail accompli : « Le déblaiement fait place à un passage qui permettra aux promeneurs de randonner sur un tracé inaccessible jusqu'alors. Ensuite nous nous occuperons de l'affluent du Guic, un ru qui remonte en direction du terrain de football de Lestonan ».

Mais que veut donc dire « Guic » ou « Gwig » ? Le terme désigne généralement le centre habité d'une paroisse, du vieux breton guic emprunté au latin vicus "village, hameau ; quartier d'une ville", et cela se prêterait très bien à la source du ruisseau située près de Pen-Karn Lestonan, c'est à dire au centre géographique de la commune d'Ergué-Gabéric.

Le jardin et le ruisseau sont en contrebas du village de Munuguic dont le nom s'est écrit également Munudic et dont la signification toponymique a souvent intrigué. Mais en 1445 et 1493 on note les orthographes Menanguic et Menesguic, ce qui laisse supposer un préfixe « Menez », soit la "montagne du Guic". Quant au « Guic » en tant que cours d'eau, Albert Deshayes donne, dans son dictionnaire des noms de lieux bretons, le ruisseau du Guic à Guerlesquin, employé seul et non pas en composition, comme relevant de l'explication de « Gwig » "centre de paroisse". Ce ruisseau s'écoule jusqu'au Belle-Isle-en-Terre pour former le Leguer.

La belle initiative de Pen-Carn est l'occasion d'entamer l'inventaire des ruisseaux gabéricois. La difficulté est de nommer les petits cours d'eau, car ils sont souvent désignés par le ou les villages traversés. À ce jour nous n'avons identifié que quatre ruisseaux avec leurs noms propres transmis oralement : le Bigoudic, le Ster-Ven, le Guic, le Patra. Pour chaque ruisseau important, nous avons le projet de créer un article séparé incluant une galerie photo et des témoignages.

En savoir plus : « Remise en valeur du Guic près des jardins familiaux, Le Télégramme 2014 », « Rivières, ruisseaux et cours d'eau d'Ergué-Gabéric », « Le Guic, ruisseau de Pen-Carn à Pont-Patra »


[modifier] 37 Loc'h ar c'horiked, bois d'Odet

« Un amoncèlement de rochers. certains branlants et en promontoire, d'autres plus enfoncés dans la terre. Il y avait une sorte de souterrain fait de larges et sombres anfractuosités », France du Guérand

. . . . . . . . . . . . Billet du 19.04.2014 . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . Billet du 19.04.2014 . . . . . . . . . . .

Où est donc cette « grotte des nains » d'Odet qui a aiguisé l'imaginaire et les jeux de plusieurs générations d'enfants d'Odet et de Stang-Venn ? Nous l'avons recherchée, photographiée, et compilé les témoignages et souvenirs sur ce lieu de légendes que les anciens appelaient « Loc'h ar c'horiked ».

Voici un jeu de piste pour retrouver aujourd'hui la grotte des nains d'Odet : garer votre voiture à Stang-Venn près du restaurant de l'Orée du Bois, montez jusqu'à l'endroit où étaient les anciens jardins ouvriers des papetiers, au nord-ouest de la résidence rentrez dans le bois pour repérer un arbre avec une double peinture du GR 38 (le chemin passait par là autrefois et menait jusqu'à la maison de Marjan et Fanch Mao, cf photos), et là descendez la pente vers l'Odet, vous verrez les rochers et l'entrée carrée de la grotte orientée à l'ouest, la petite entrée étant sur le plateau supérieur.

Au départ de notre quête, il y avait ce témoignage exprimé par de nombreux anciens du village de Stang-Venn : « On allait souvent jouer à la grotte des nains du bois d'Odet. C'est là que René Bolloré père avait l'habitude d'amener ses clients avec de la nourriture, il demandait discrètement à un gamin de se cacher dans la grotte, et une petite main prenait l'eau et le pain placés à l'entrée de la grotte, sous le regard étonné des visiteurs. »

Marianne Saliou avait une version un peu différente : « Quand on était gosse, on allait jouer à la grotte des nains. Il paraît qu'y avait des nains et qu'il fallait leur faire à manger au moulin du Moguéric. Tous les jours, on leur faisait une soupe. Mais un jour, on a oublié et les nains sont partis. »

France du Guérand, dans son livre « Il fut un temps ...  » préfacé par Henri Queffelec, décrit joliment les lieux et nous donne sa version personnelle de la légende des nains.

Cette réhabilitation était nécessaire face à la concurrence du « Toul ar Veleien » (le trou des prêtres) du Stangala et de la « grotte aux nains » de Keranguéo. Au fait, cette dernière est-elle la vraie ou un double de celle d'Odet ? Tout témoignage, autre souvenir ou explication supplémentaire seront naturellement les bienvenus.

En savoir plus : « Exploration et réhabilitation de la véritable grotte des nains d'Odet », « DU GUÉRAND France - Il fut un temps ... »


[modifier] 38 La Bretonne Pie-Noir ou BPN

« Mes Bretonnes : aussi longtemps qu'il m'en souvienne, petites, trapues, avec une jolie frange de frisure entre les cornes en forme de lyre, ivoire à la base et noires vers leurs pointes acérées comme leur caractère », Angèle Jacq

. . . . . . . . . . . . Billet du 12.04.2014 . . . . . . . . . . .
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De notre point de vue, la vache bretonne pie-noir devrait être considérée comme une marque historique de notre patrimoine communal.

Un livre récent de Pierre Quéméré en retrace l'histoire et cite des éleveurs gabéricois. En 1886, dans le tout premier registre généalogique ou herd-book (*) on recense les 5 vaches de l'un d'entre eux, Louis Guyader de Squividan, et bien sûr les coupures de presse et les photos apportent des illustrations de cette période 1850-1960 où la vache pie-noir était sacrée à Ergué-Gabéric.

Mais, tout d'abord, quelques règles d’orthographe s'imposent. Le terme « pie » avec un e final est correct, car il ne vient pas du tout du mot « pis » avec un s, désignant la mamelle de la vache. « Pie » est un adjectif invariable évoquant l'oiseau au ramage blanc et noir. La terminaison « noir » sans e, accolée par un trait d'union, devrait aussi respecter la même règle d'invariabilité, et donc, contrairement à un usage assez fréquent, ne pas s'accorder au féminin et au pluriel.

En fait la race « Bretonne Pie-Noir » n'est mentionnée sous cette forme qu'au cours du 19e siècle. Avant la Révolution, pour désigner la vache locale aux taches noires, on préférait la désignation de « gare noire  » (d'où l'adjectif bigarré), comme on peut le lire dans les documents de successions de fermes à Ergué-Gabéric.

En initiant cet article, on a aussi l'espérance de compléter notre collection de vaches aux taches noires. Si vous en avez dans vos cartons, n'hésitez-pas. Et connaissez-vous « Fakir », le taureau BPN, transplanté en région de Chalosse près de Pau ?

En savoir plus : « Les vaches bretonnes pie-noir bretonnes gabéricoises, marques du patrimoine cornouaillais », « SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE - Herd-Book de la race bretonne pie-noire », « Louis Guyader (1842-1920) de Squividan, agriculteur républicain »

ACTUALITÉS *** CET APRÈS MIDI 12.04.2014 *** « Café Histoire » de l'association ARKAE
Conférence de Pierrick Chuto « Les exposés de Creac'h Euzen, Samedi 12 avril, 15h 30 - salle Ty-Kreis, Croas Spern, Ergué-Gabéric. Ces enfants en nourrice ou placés dans la commune rurale d'Ergué-Gabéric au 19e siècle ont certainement côtoyé des vaches BPN !

(*) : Herd-book, s.m. : de « herd », troupeau, et « book », livre, anglicisme désignant un registre généalogique d'espèces bovine et porcine, pour servir de référents et de pedigree à leurs descendants.


[modifier] 39 Une veuve Bolloré entreprenante

« Après quelques années de tâtonnements et de collaboration, l'aîné des trois fils, toujours M. René, prit seul en main la direction ... », abbé André-Fouet

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. . . . . . . . . . . . Billet du 05.04.2014 . . . . . . . . . . .

Elisabeth Bolloré (1824-1904) était une femme de caractère et une personnalité incontournable de la saga papetière de la famille « Le Marié-Bolloré » à Odet :

  • sa mère Marie-Perrine était née Le Marié, sœur de Nicolas fondateur en 1822 du moulin à papier d'Odet ;
  • son père Jean-Guillaume, dit « Bolloré aîné », patron d'une chapellerie à Quimper, fut appelé à codiriger l'entreprise dans les années 1855-60 ;
  • son mari, cousin germain (donc Bolloré également), Jean-René, appelé aussi René, d'abord médecin dans la Marine, dirigea la papeterie de 1861 jusqu'en 1881 ;
  • son fils René-Guillaume devint en 1891 le propriétaire de l'entreprise familiale, après une période où, veuve, elle fut aux affaires.

À la mort de son mari, elle assurera la direction administrative de l'usine d'Odet. Certes son fils aîné René-Guillaume était impliqué dans les activités de production, ce bien avant son décès.

Mais la veuve continuera à gérer pendant plus de dix ans tous les problèmes de secrétariat, de relations avec les fournisseurs, de courriers aux autorités administratives et religieuses. Elle adopte même un papier à entête qui mentionne son statut de veuve, la médaille de bronze à l'Exposition universelle de 1878, et d'un dépôt domicilié à Paris, au 60 rue St-André des Arts chez Maître E. Lair.

En 1891, dans une lettre inédite conservée aux Archives Diocésaines de Quimper dont l'original est publié cette semaine, elle écrit à son évêque et lui annonce son intention de se retirer des affaires et laisser faire son fils aîné René-Guillaume.

En savoir plus : « 1891 - Lettre à l'évêque d'Elisabeth Bolloré mère », « Elisabeth Bolloré (1824-1904), nièce, fille, épouse et mère de fabricants de papier »

Sujet connexe : les débuts de la papeterie du temps de Nicolas Le Marié. On connaissait l'étude d'Henri Bourde de La Rogerie sur les origines de la papeterie en Bretagne, écrite en 1912 et qui mentionne : « Une usine beaucoup plus importante et qui était destinée à prendre un grand développement venait d'être fondée à Odet (Ergué-Gabéric) ... ». La relecture de ses notes et la mention d'une publication d'Armand du Chatellier en 1837 nous ont amené à la BNF pour dénicher ces fameuses « Recherches statistiques » et y lire ceci  : «  3.° La chapellerie du sieur Bolloré aîné ; 5.° Deux papeteries, l'une à Kerfeunteun, l'autre en Ergué-Gabéric ; la première ayant une cuve, la seconde trois ...  ».

Fiches bibliographiques : « BOURDE DE LA ROGERIE Henri - Notes sur les papeteries des environs de Morlaix », « CHATELLIER Armand (du) - Recherches statistiques sur le Finistère »


[modifier] 40 Un bulletin Kannadig printanier

« War an hent evit eun bloavezh laouen ha kaer ! » Et c’est parti pour une belle année 2014 ! À Erge-Vraz, on dirait même plutôt « Trao' ba'n hent ! »

Et oui, déjà trois mois depuis le début de l'année, et depuis le dernier bulletin. En ce week-end ensoleillé - et studieux pour l'éditorialiste -, le 25e numéro des chroniques du GrandTerrier est là pour vous.

Dans l'éditorial, vous trouverez le bilan de 7 ans d'existence, et nos bonnes résolutions pour toute l'année 2014 : le billet hebdomadaire, la Grande Guerre, les photos « mémoriales », un bulletin embelli, et l'édition documentaire (en collaboration avec Arkae pour le livre sur la papeterie d'Odet).

Et comme d'habitude, on a mis dans le bulletin tous les articles publiés sur le site Internet dans le trimestre :

  • Les boites R.Bolloré pour les fumeurs poilus de tranchée
  • Les plus beaux couples gabéricois en costumes
  • La grande crue et tempête historique de 1924-25
  • Le paysage rural antique de Squividan
  • Carnet d’un héros mort pour la France en 1918
  • Un sermon en 1904 pour la retraite des jeunes conscrits
  • Retraite religieuse de jeunes hommes en 1931
  • Les triches électorales de Déguignet en 1877
  • La vie de travailleuse de Marjan Mao
  • Le docteur Bolloré, candidat anti-républicain breton
  • La fontaine de Saint-Conogan à Penn-a-Min
  • L’assaut meurtrier du 25 septembre 1915 à Tahure
  • Conduite de Gre-noble au crocheteur socialiste
  • Score de 64% aux élections municipales de 1904

Le bulletin fait désormais 28 pages couleurs au total, comme pour la dernière livraison de décembre dernier, A3 plié et piqué par deux agrafes. Pour les expéditions postales, en même temps que le bulletin imprimé, il y aura le "reçu fiscal des donateurs". « Trao' ba'n hent ! »

Téléchargement et lecture en ligne du bulletin : « Kannadig n° 25 » Billet du 30.03.2014


[modifier] 41 Élections municipales de 1904

Dès lundi prochain, dans l' « Espace des maires » nous publierons les résultats des élections municipales 2014 à Ergué-Gabéric, quels qu'ils soient : « Le GrandTerrier ne fait pas de politique ! »

Cela nous donne l'idée de remonter le temps, 110 ans en arrière : le 1er mai 1904, après six mandatures du maire conservateur Hervé Le Roux, Ergué-Gabéric doit élire sa nouvelle équipe municipale. Les journaux « L'Action Libérale de Quimper » et « Le Courrier du Finistère » se réjouissent du scrutin à 64 % des voix exprimées : « Les 21 conseillers sortants libéraux ont été réélus par 345 voix contre 194. C'est un magnifique résultat. L'ancien Conseil a obtenu une écrasante majorité ».

Par contre le journal républicain « Le Finistère » revient sur le déroulement de cette élection : « Pendant toute la semaine électorale, on n'a vu sur les routes d'Ergué-Gabéric que le recteur et ses deux vicaires, faisant ouvertement métier d'agents électoraux ». Et plus grave : « Dans telle ferme, ils sont allés racoler à haut prix des distributeurs de bulletins ».

Outre la liste de toutes les manœuvres des membres du clergé (menaces de licenciement, interventions auprès des épouses, ...), on sent dans les attaques du correspondant républicain les grandes bagarres politiques des années 1902-1906 autour du thème de la Séparation des Églises et de l’État. A Ergué-Gabéric cela donnera lieu à la fermeture très contestée de l'école privée du bourg en 1902, la mutation du vicaire François Nicolas (suite à dénonciation sur ces agissements en fin d'année 1904), à la lutte acharnée des paroissiens contre les Inventaires des biens de l'église en 1906.

Aux journaux de 1904, nous avons joint ceux de 1906 relatant le décès d'Hervé Le Roux, car les articles nécrologiques de « L'Action Libérale de Quimper » donnent un éclairage sur une mandature locale très importante : maire pendant 25 ans, élu à 34 ans en 1982, 7 élections successives. Le journaliste ne tarit pas d'éloges : « En plus d'un homme pondéré, il avait cette foi profonde et solide qui menace de s'amoindrir, hélas, de nos jours, même en Bretagne, et qui le fit mener cette vie patriarcale et si digne qu'elle peut servir d'exemple à tous ses administrés ».

L'article donne également l'appréciation du préfet, républicain de par sa position et des institutions : « Il serait à désirer que tous les maires de mon département fussent comme M. le Maire d'Ergué-Gabéric car jamais il ne m'a créé de difficultés ».

En savoir plus : « Elections municipales du 1er mai 1904, L'Action Libérale de Quimper et autres journaux » et « Espace des maires »


Nota : Le bulletin Kannadig de la fin mars 2014 est en cours de fabrication. Qu'on se le dise ! Billet du 22.03.2014

[modifier] 42 Boite du fumeur poilu de 1914

« Il était nippé en soldat et de pied en cap. Il avait mis l'énorme roupane, la godailleuse à deux boutons, les coins relevés en cornet de frite. Képi, pompon vert et grimpants garance assortis ... », Céline, Mort à crédit.

Lorsque nous avions étudié les cahiers de papiers à cigarette Bolloré pour la période d'avant 1939, et donc aussi avant l'apparition des papiers O.C.B., nous avions signalé qu'il existait précédemment, avant 1914, une boite « R. Bolloré, Odet, Quimper » pour les fumeurs afin qu'ils puissent conserver au sec leur papier à rouler.

Aujourd'hui nous avons recensé quatre exemplaires de ces boites qui mesurent exactement 7,4 cm x 4 cm x 6 mm, trois à Ergué-Gabéric dont une en excellent état, et une quatrième un peu plus usagée en provenance de Toulon, et cela méritait que nous publions de nouvelles photos.

Ces boites portent une très belle illustration colorée d'un soldat fantassin français au clairon et capote « gris de fer bleuté », pantalon rouge « garance », képi rouge et bleu, brodequins et jambières en cuir, ceinturon « à plaque » pour les cartouchières, paquetage de campagne, fusil à baïonnette « Rosalie ». Très visible de loin, l'uniforme garance était totalement inadapté aux nouvelles armes qu'étaient les mitrailleuses ennemies, les soldats se faisant abattre en grand nombre à distance. Il deviendra entièrement « bleu horizon » fin 1915

Le dos de la boite apporte un élément de datation, à savoir les trois drapeaux anglais, français et belge qui y sont représentés. Ce n'est certes pas les trois drapeaux de la Triple Entente (comme nous le pensions au départ car le premier dessin était effacé), le 3e pays étant la Belgique et non la Russie impériale. Mais il est très vraisemblable que les boites métalliques faisaient néanmoins partie du paquetage des soldats de l'armée française en 1914-15.

En effet la Belgique, qui depuis son indépendance de 1831 avait signé un contrat de neutralité, lors de son invasion en 1914 par les troupes allemandes, se lia de fait avec les Franco-Britanniques en menant des combats acharnés à Liège, Namur et Anvers. Et l'engagement populaire des français et des anglais pour défendre l'intégrité du territoire belge a marqué le début de la Grande Guerre 1914-18.

Quelles sont les circonstances exactes qui ont permis à l'entrepreneur René Bolloré de distribuer ses boites à papiers de cigarette au sein de l'armée française, avec comme illustrations un poilu et les 3 drapeaux alliés, et la marque de son usine à papier d'Ergué-Gabéric près de Quimper ?

Sur les conseils d'une personne avisée, nous nous apprêtons à aller consulter les archives militaires du SHD (Service Historique de la Défense) de Vincennes. Va-t-on découvrir que la boite R. Bolloré était une alternative commerciale à la marque « Le Zouave » du concurrent Zig-zag d’Angoulême ? À suivre donc ...

En savoir plus : « La boite métallique du fumeur poilu en uniforme garance de 1914 »


Nota : À l'occasion du centenaire de la Grande guerre, Jean François Douguet et l'association Arkae préparent un livre sur la mémoire de la Grande Guerre. À ce jour, loin d'avoir tout recensé sur cette période clé du XXe siècle ils nous/vous invitent à faire connaître tous les documents et objets provenant de gens habitant Ergué-Gabéric. Pour l'accueil et les copies de documents, une permanence est organisée au local d'Arkae pendant le mois de mars, tous les matins, exceptés les vendredi et dimanche (2e étage, 3 rue de Kerdévot, au bourg, tel 02 98 66 65 99, email contactat.gifarkae.org).

Billet du 15.03.2014

[modifier] 43 Fontaine St-Conogan à Penn-Min

« La statue était en bois, et la crosse de l'évêque avait du être changée, car elle avait sans doute pourri. Les propriétaires précédents, avant l'arrivée de mes parents à Lannurien en 1935, l'avait remplacée par une statue en faïence qu'ils avaient fait faire à Locronan », Germaine Laudrein, 03.2014.

Au départ de son enquête pour retrouver la fontaine disparue de Lannurien en Coray, Goulven Peron, spécialiste des légendes et des traditions populaires du Poher, n'avait qu'une vague photo où l'on devinait à peine la statue d'un saint évêque, et une information incertaine comme quoi la fontaine avait été déplacée près de Kerdévot il y a environ 25 ans.

À force de persévérance, la fontaine a été retrouvée et sa mémoire enrichie : le 18 décembre 1989 lorsque Jos et Germaine Landrein ont pris leurs retraites d'agriculteurs, attachés affectivement à leur fontaine, ils avaient soigneusement renuméroté les pierres, qu'ils ont mis dans une remorque et remontés près de leur maison rénovée à Penn-ar-Menez en Ergué-Gabéric.

Germaine se rappelle : « Quand on est arrivé à Penn-Min, il y avait tant à faire. Mon mari Jos a mis un an à aménager l'ancienne petite grange. Et la fontaine qui était abandonnée dans le temps dans le talus de la prairie de Lannurien a trouvé sa place. On l'avait déjà déplacée de Foennec-ar-Zant dans la cour derrière la maison de Lannurien en 1973, car beaucoup de gens à l'époque couraient les campagnes pour enlever des pierres de fontaine comme celles-là. En 1989 on s'est arrangé avec notre successeur ; on a refait le remontage à Ergué et on l'a mise en valeur avec d'autres pierres de talus  ».

Le vallon où se trouvait la fontaine s'appelait « Foennec ar Zant » (la prairie du saint), à côté d'une autre parcelle dénommée « Parc ar Zant ». Cet endroit est semble-t-il plein de mystères, car c'est aussi de Lannurien que provient le curieux « autel » gallo-romain que l'on voit près de l'église de Coray. L'existence ancienne d'une chapelle est parfois évoquée mais personne n'a retrouvé sa mention dans les fonds d'archives.

Le saint en question, saint Conogan, a donné son nom à la fontaine et était représenté autrefois par une petite statue de bois. Fêté le 15 octobre, c'est un saint mythique en Bretagne. Moine d'origine irlandaise, on le retrouve au 6e siècle au Cap-Sizun et non loin de Landerneau, sur les bords de l'Elorn, à Beuzit-Conogan. Disciple de saint Guénolé à Landévennec, successeur de saint Corentin, il est le 2e évêque de Quimper, et mourut le 15 octobre 456.

Si une partie du mystère autour de la fontaine s'est éclaircie, l'enquête continue sur les lieux d'origine du vallon enchanteur de Lannurien, et les témoignages sur l'existence passée ou présente de la statue sont les bienvenus.

En savoir plus : « À la recherche de la fontaine perdue de saint Conogan »

Billet du 08.03.2014

[modifier] 44 Un crocheteur socialiste unifié

« Les crocheteurs se mettent à défoncer la porte de la sacristie ; pendant ce temps, le tocsin sonne ; on chante des cantiques dans l'église et dans le cimetière », Le Courrier du Finistère, mars 1906.

Il y a 5 ans, nous avions publié la carte postale d'un gendarme qui faisait partie de la troupe accompagnant l'Inspecteur qui procéda à l'inventaire des biens de l'église à Ergué-Gabéric le 2 mars 1906. Cette fois-ci nous avons le témoignage du commissaire de police Judic, et celui d'un crocheteur, Jean Gourlay, ouvrier tailleur de pierres.

Le document inédit qui est un courrier du commissaire au préfet nous révèle qu'en juillet 1907 le candidat socialiste Gourlay, affrontant en triangulaire le républicain Soudry et le conservateur de Servigny aux élections du Conseil général, avait déjà fait ses armes à Ergué-Gabéric un an plus tôt : « Gourlay était un des crocheteurs que j'ai employés pour briser les portes de l'église de cette commune ».

Dans ce courrier, le commissaire pronostique un accueil très hostile à Jean Gourlay sur le territoire communal : « Comme il y est parfaitement connu, je ne serais pas étonné qu'on lui fit une conduite de Grenoble ». L'expression imagée veut dire conspuer, huer, chasser, mettre à la porte, pourchasser ... (cf le jeu ci-dessous).

Dans un autre rapport au préfet, le même commissaire de police détaille ses prévisions électorales dans le canton de Quimper, en estimant qu'à Ergué-Gabéric « Soudry (candidat républicain) perdrait car les cultivateurs et les ouvriers de Bolloré, réactionnaire, voteraient pour un réactionnaire ». Et il ne donne aucune chance non plus au candidat socialiste unifié.

Nous en profitons aussi pour publier les nombreux récits des évènements de 1906 tels que relatés dans la presse conservatrice et républicaine : « Une des plus belles protestations faites dans toute la Bretagne contre les inventaires a eu lieu à Ergué-Gabéric ».

En savoir plus : « 1907 - Rapport de police sur la campagne d'un crocheteur socialiste », « Résistance contre l'inventaire des biens religieux à Ergué-Gabéric, journaux divers 1906 », « 1906 - Inventaire au Bourg et à Kerdévot par la gendarmerie »

Billet du 03.03.2014

Un petit jeu : quelle est d'après vous l'origine de l'expression « faire une conduite de Grenoble » ? - 1. Une rixe non datée entre unions compagnonniques.
- 2. Un écrit insultant du grammairien Richelet. - 3. Une attaque aux pierres d'un régiment de Louis XVI. - 4. La journée des Tuiles en 1788.

[modifier] 45 L'assaut du 25 septembre 1915

« La tenue des officiers et de la troupe est une capote avec deux bidons remplis de café additionné d’eau-de-vie, deux musettes contenant deux jours de vivres de réserve, deux grenades, un jour de vivres du jour, 250 cartouches et deux grenades par homme » J.M.O. 25.9.1915 du 116e RI.

Cette semaine dernière la chaîne de télévision Arte diffusait le splendide film de Stanley Kubrik « Les Sentiers de la gloire », avec des scènes inoubliables de tranchées et d'un impressionnant assaut mortifère et malheureusement très réaliste.

Cela nous a rappelé que quatre jeunes soldats gabéricois avait péri le même jour lors du premier assaut de la seconde bataille de Champagne, dans un secteur de deux ou trois kilomètres, entre Souain, Perthes-lès-Hurlus et la butte de Tahure.

Le généralissime Joffre, chef de l'armée française, en lançant les grandes batailles de Champagne contre les forces ennemies allemandes, se justifiait par une formule : « Je les grignote ». Cette stratégie eut comme conséquence un bilan humain terrifiant : plus de 320.000 morts du côté français.

Nous avons publié les informations biographiques de ces quatre poilus dans un espace réservé à la Grande Guerre, avec y compris pour l'un d'entre eux une photo familiale prise juste avant son départ au front, et retranscrit les rapports militaires de cette journée du 25 septembre trouvés dans les Journaux des Marches et Opérations de leurs Régiments respectifs :

  • 116e Régiment d'Infanterie : « À 9H15, le signal est donné et brusquement dans un élan magnifique, une marée humaine, précédé de tirs de batterie, se dresse, sort des tranchées, se soude, marche sans hâte, sans crainte, sûre du succès et aborde la première tranchée allemande qu'elle submerge et dépasse pour aborder ensuite les deuxième et troisième tranchées distantes les unes des autres de 50 à 100 mètres ».
  • 2e Régiment d'Infanterie Coloniale : « À 9 h. 15, les vagues sortent des tranchées, franchissent les ouvrages du Palatinat et de l'entonnoir de Souain, les groupes de nettoyeurs de tranchées dégagent les ouvrages. Une lutte homérique s'engage ».
  • 64e Régiment d'Infanterie : « Tout le régiment a fait superbement son devoir et n'a été arrêté que par l'obstacle infranchissable des fils de fer dont la valeur est démontrée par les pertes sévères que nous avons subies : 34 officiers et plus de mille hommes ».

En savoir plus : « Espace des Poilus de la Grande Guerre », « Jean-Marie Le Bras (1894-1915), soldat du 64e RI », « René-Marie Le Bihan (1888-1915), soldat du 2e RIC », « Corentin Le Gall (1893-1915), soldat du 116e RI », « Jean-Louis Bihannic (1890-1915), soldat du 116e RI »

Billet du 23.02.2014

[modifier] 46 Harz ar Bleiz an trede Republik

« Aotrounez ha kenvroiz ke. N'em euz ket clasket kaout an henor da veza Depute ... » (Messieurs et chers concitoyens. J'accepte, sans l'avoir recherché, l'honneur d'une candidature à la Chambre des Députés), Doctor Bolloré.

Le titre « Hars ar Bleiz » de ce pamphlet politique ne peut pas être traduit par « gare au loup », mais par un « halte au loup » plus énergique et entreprenant, l'animal désignant le républicain menaçant les forces politiques monarchistes, conservatrices et catholiques.

Le pamphlet a été utilisé comme instrument de propagande lors des campagnes électorales finistériennes de la 3e République, tout particulièrement pendant les législatives de 1876, et aussi dans celles qui ont suivi en 1877 suite à la dissolution de la Chambre. Localement, dans le secteur de Quimper, le candidat conservateur Jean-René Bolloré, élu conseiller général, s'est battu deux fois contre des adversaires républicains, et utilisa dans ses tracts et tribunes éditoriales l'argumentaire développé dans le « Hars ar Bleiz ».

Telle qu'on peut le lire dans la presse conservatrice et catholique, à savoir « L'Océan de Brest » et « L'Impartial du Finistère » et dans le journal républicain « Le Finistère », la stratégie électorale du candidat Bolloré était la proximité, linguistique notamment, et l'ordre moral.

Lors de sa candidature de 1876, il s'adresse personnellement en breton à ses électeurs dans le journal quimpérois (« L'Impartial ») : « O veza ne garan ket ar revolutionou, e talc'hinn bepret d'an urs vad ha d'ar peoc'h, evit ma c'helloc'h al labour, al labourou all hag ar c'honvers mont en dro evel ma'z eo dleet. » (Ennemi des révolutions, je veux l'ordre et la paix, garanties essentielles de la prospérité de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, qui ont tous les droits à mon dévouement).

Comme il se présente en 1876 dans la circonscription maritime de Quimper, il précise : « O veza ma'z oun ganet etouez tud a vor em euz bepret eun garantez vraz evit ar seurt tud-se, hag e vezinn prest ato, a greiz va c'haloun, da ober vad dezo » (Né au milieu de populations maritimes - son père était marin à Douarnenez -, je conserve pour elles une vive sympathie et je défendrai, de tout cœur, leurs intérêts.), et il signe « Doctor Bolloré » (avant de diriger l'entreprise de papier d'Odet il était chirurgien dans la Marine).

En octobre 1877, le journal « Le Finistère » se réjouit de la très nette défaite du conservateur dans la 1ère circonscription de Quimper, et décrit ainsi sa courte victoire dans sa commune : « À Ergué-Gabéric, M. Bolloré n'a pas craint de se constituer lui-même agent électoral dans sa propre commune. Il s'est tenu aux abords de la salle du vote pendant une partie de la journée. Cet acte de mendicité électorale ne lui a pas rapporté qu'une aumône de 19 voix de majorité (239 contre 220 à M. Hémon) ».

En savoir plus : « Jean-René Bolloré candidat député, L'Océan L'Impartial et Le Finistère 1876-1877 » et « YANN Mab - Harz ar Bleiz, cuzul evit an electionoù » Billet du 16.02.2014

[modifier] 47 Ciné-club et café Histoire Arkae

« Labourat 'm eus e ti Bolloré abaoe 41 bloaz, etre 1920 ha 1961. Ganet on e 1902. Pa oan aet e 1920, e oamp 54 maoues er "chiffonnerie" ... », Marjan

En 1982, Bernez Grall et Bernez Rouz réalisèrent pour FR3 un reportage de 27 minutes entièrement en breton sur la vie d'ouvrière de Marjan Mao à la papeterie Bolloré. Marjan qui a travaillé pendant 41 ans à l'usine d'Odet était une femme exceptionnelle qui respirait la bonté ; elle aimait et comprenait ses prochains, avec une simplicité déconcertante.

Outre les évocations de souvenirs de Marjan et son mari Fanch dans leur pennti de Stang-Odet, la vidéo comprend l'interview de Marjan par Bernez Rouz dans l'usine d'Odet, des extraits de films du début du 20e siècle avec des séquences de travail à l'usine à papier, une performance de l'acteur Goulc'hen Kervella en tant que prédicateur breton, sans oublier les scènes historiques de la fête du centenaire de la papeterie en 1922.

En ce samedi après-midi 8 février, l'association ARKAE organise à la salle Ty-Kreis à 16h un « Café Histoire » consacré à Marjan, et y seront projetées les scènes d'interview de ce film, pour la première fois sous-titré en langue française. Les plans successifs seront :

  • Marijan et Fanch à table dans leur cuisine de Stang-Odet en pleine discussion et faisant des commentaires sur leur repas du soir.
  • Marijan à la papeterie avec sa canne, arpentant les lieux familiers entre la rivière et les bâtiments d'usine.
  • Marjan à l'entrée de la salle des bobineuses expliquant comment les ouvrières y travaillaient.
  • Marjan dans sa cuisine de Stang-Odet en pleine journée de la 1ère séquence, évoquant son travail à la chiffonnerie.
  • Fanch fendant son bois dans le loch de son pennti, l'apportant au fourneau, et Marjan réactivant le feu.
  • Marjan marchant sur la route de Ty-Coat et se rappelant de la fête du centenaire pendant laquelle elle avait gagné la course à pied des femmes.
  • Marjan à Stang-Odet évoquant les missions, reconstitution d'un sermon d"un prédicateur utilisant des « taolennoù ».
  • Marjan et Fanch à Stang-Odet, racontant les grèves et le rôle des syndicats ...
  • Marjan faisant son ménage en chantant, Fanch aux courses à vélo à la boulangerie et à la boucherie de Lestonan, Marjan au téléphone, Fanch bêchant son jardin, et enfin tous les deux en promenade à Croas-ar-Gac ...

Pendant ce café histoire sera aussi projeté le très beau film « Kerdévot vu du ciel » d'Hervé Thomas, réalisé en novembre 2013 grâce à une caméra embarquée sur un drone télécommandé.

En savoir plus : « GRALL Bernez - Kan al labour, ur vuhez a vicherouzez, Mari Jan Mao »
et « Un drone au-dessus de la chapelle de Kerdévot, Le Télégramme 2013 »
Billet du 07.02.2014


[modifier] 48 Triches électorales en 1877

« Mais quoi qu'il arrive, dans la lutte actuelle, je ferai mon possible pour le triomphe de ceux qui se disent républicains ... », Jean-Marie Déguignet.

Dans les Mémoires du paysan bas-breton, il y a un récit des élections législatives d'octobre 1877 qui constituèrent un tournant de la IIIe République. Cela se passe après le vote de février 1876 qui fut une victoire des Républicains et la dissolution de la chambre des députés de mai 1877.

Ce récit a récemment été cité et commenté dans deux ouvrages historiques et sociologiques. Le premier est le livre de Philippe Madeline et Jean-Marc Moriceau « Les paysans 1870-1970 » (page 100). Le second ouvrage écrit par un historien gallois contient une fine analyse du contexte et des positions de Déguignet lors du vote républicain.

Pour Déguignet, la possession du pouvoir était la question centrale : « Les nobles et les jésuites nous ramèneraient certainement quatre ou cinq siècles en arrière, au bon vieux temps où les paysans et les ouvriers étaient considérés et estimés à dix-sept degrés au-dessous des bêtes de somme et des chiens ». Et pour assurer la victoire aux républicains, il joua un tour aux monarchistes locaux, c'est-à-dire aux châtelains et à l'ancien maire, en laissant ces derniers distribuer argent, alcool et bulletins conservateurs, ayant au préalable convaincu les paysans électeurs de cacher dans leur gilet un deuxième bulletin de vote, républicain celui-là.

L'histoire se déroule à Ergué-Armel où était domicilié Déguignet, mais elle est transposable aux communes voisines et à d'autres régions françaises rurales. À Ergué-Gabéric des scènes similaires s'y déroulèrent. De plus le candidat conservateur, non nommé dans le récit de Déguignet, est l'entrepreneur propriétaire des papeteries d'Odet : « un gros industriel, plusieurs fois millionnaire, clérical et monarchiste jusqu'au bout des doigts, ayant pour l'appuyer toute l'administration, les nobles, les curés et confrères ».

Outre les manipulations et trafic d'influence le jour du vote, avec tournée générale et distribution de bulletin, l'auteur nous explique aussi le rôle des médias conservateurs : « Les amis et protecteurs du candidat officiel avaient fait distribuer des brochures en français et en breton dans lesquelles la République et les républicains étaient flétris et maudits sur tous les tons. Le pauvre candidat républicain y était traité et caricaturisé de toutes les façons : en diable, en loup, en renard et en âne ».

A Ergué-Armel le dépouillement des bulletins fut sans appel : « Le scrutin ne fut pas long, ne portant que sur deux noms et sur cinq cents électeurs. Quand les bulletins furent tous extraits et comptés, il se trouvait qu'il y avait 450 pour le candidat républicain et seulement 34 pour le candidat clérical ».

Au premier abord, Déguignet semble se réjouir des résultats du vote. Toutefois, il commente comme suit l'action du gouvernement qui en était issu : « Mais le malheur était que parmi les représentants de cette république démocratique, il n'y avait pas un seul démocrate ... ». La force des récits de Déguignet est certainement dans l'expression de ces nuances.

En savoir plus : « Déguignet s'oppose au candidat Bolloré lors des élections législatives de 1877 »
et « GEMIE Sharif - La nation invisible, Bretagne 1750-1950 »
Billet du 01.02.2014

Nota : la semaine prochaine, nous retracerons le déroulement des élections législatives de 1876 et de 1877, avec un focus sur Ergué-Gabéric et le candidat Jean-René Bolloré, ce grâce aux journaux conservateurs « L'Océan », « L'Impartial du Finistère », et républicain « Le Finistère ». Nous présenterons notamment ces libelles de propagande en langue bretonne et notamment le fascicule de 35 pages intitulé « Harz ar bleiz » (Gare au loup).


[modifier] 49 Jeunes conscrits en 1904/31

« J'ai déjà fait cet appel aux jeunes gens qui doivent aller au service, et je les prie d'y venir le plus nombreux possible. Cette retraite leur fera grand bien. On vous a montré, pères et mères de famille, les dangers qui attendent nos enfants à la caserne pour l'âme et pour le corps ... », abbé F. Nicolas.

Une photo inédite où 120 jeunes gens ayant l'âge de la conscription militaire posent devant l'école de filles de ND de Kerdévot. On l'a soumise à quelques anciens gabéricois, et déjà quelques têtes sont reconnues : Pierre Le Bihan, René Quéré, Laouic Saliou, Corentin Coîc ... Peut-être avez-vous d'autres noms à proposer ?

Ce cliché nous renvoie à une époque où l'emprise de l'église dans la vie publique pouvait donner lieu à des conflits et des plaintes de la part des consciences républicaines. Et notamment en 1904, où l'organisation de la retraite des conscrits donna lieu à un formidable pataquès. Nous l'avions déjà signalé en 2010 sur la base d'une citation dans le livre « La séparation de l'Église et de l'État dans le Finistère » de Jean-Paul Yves Le Goff.

À l'époque nous n'avions pas encore épluché le dossier, c'est chose faite aujourd'hui, et le jeu en valait vraiment la chandelle, tellement il s'agit d'une représentation symbolique du climat qui régnait en ces années troublées par l'introduction de la loi de séparation des Églises et de l'État.

Le dossier conservé contient des pièces à charge et à décharge : après réception de la plainte contre un vicaire qui a agressé un paroissien, le préfet fait procéder à une enquête par un commissaire, notamment le plaignant Balès et des témoins voisins, il en fait un résumé et adresse une lettre motivée à l'évêque, celui-ci répond par la défense de son vicaire et une protestation signée de paroissiens de St-André (sans doute obtenue sous la menace de fermeture de la chapelle), le préfet fait procéder à une nouvelle enquête pendant laquelle les pro-républicains mettent en évidence les contradictions de la défense, le préfet renvoie sa demande de déplacement du vicaire, et l'évêque répond négativement en évoquant une possibilité de procédure pénale.

Ce qui est poignant et convaincant dans les déclarations des plaignants est la spontanéité et répétition des propos. De plus l'homme insulté est un Républicain « pratiquant », Louis Balès, en charge de la conservation et entretien de la petite chapelle de St-André, et qui « en sonne les cloches ». Jean Thomas, jeune charron de la Croix-St-André, précise même : « j'aurais été à la place de M. Balès je ne crois pas que j'aurais eu sa patience ».

Le sermon inquisiteur du vicaire François Nicolas a été délivré en breton, comme cela est relevé par le commissaire : « Dans ses sermons comme au catéchisme il fait exclusivement usage du langage breton ». Un qualificatif breton est même donné dans une déclaration : « C'est un malfaiteur (eun den fall) ». Pour se faire une idée, l’Évêque demande une traduction en bonne et due forme : « Abordons maintenant la partie incriminée de l'allocation ... La voici telle qu'elle a été traduite devant moi sur le manuscrit original ».

En savoir plus : « 1904 - Dénonciation par le préfet d'un sermon pour la retraite des conscrits » et « 1931 - Retraite religieuse de jeunes gens à l'école ND de Kerdévot » Billet du 26.01.2014


[modifier] 50 Carnet d'un héros de 1918

« Tout à coup, dans un trou de sape (*), Gueule qui, tour à tour les happe, Ils ont disparu, les poilus ! Seigneur, que sont-ils devenus ? », J. Le Bayon

Cette année 2014 naissante sera l'année du centenaire du début de la Grande Guerre. Dans ce contexte nous publions le carnet d'un poilu d'Ergué-Gabéric, un des trésors documentaires inédits visibles sur le portail Internet Europeana collectant les objets familiaux datés du conflit de 1914-18 de tous les pays européens impliqués, à savoir l'Angleterre, la France, la Belgique ... et naturellement aussi l'Allemagne.

Dans ce carnet Jean-Marie-Joseph Le Roux a noté tous ses déplacements, il y a mis un premier titre : « La grande guerre de 1914, puis il a ajouté avec un crayon différent « 15, 16 », et enfin en rouge « 17 et 18 ».

Les 32 pages faites de notes courtes couvrent toutes ses opérations de Champagne et de Belgique avec son 28e Régiment d'Artillerie depuis le 1er août 1914 jusqu'au 23 mars 1917. Nous en donnons ici une première transcription. Il est promu sous-officier, c'est-à-dire « maréchal des logis », le 13 octobre 1914, et sera nommé « chef de section » la veille de son décès.

Les jours de canonnades et de repos sont précisés, les lieux-dits de cantonnement et villages traversés, les liaisons entre les batteries de tir et leurs échelons de combat, ainsi que les horaires de train lors des rares permissions dans la ferme familiale du bourg d'Ergué-Gabéric, sans oublier ses blessures soit en déplacement à cheval, soit lors d'une canonnade en 1916. Sur la dernière page du carnet quelqu'un a ajouté : « Ici finit le carnet d'un héros qui a été tué le 7 avril 1918 ».

En complément le capitaine Aubry qui a constaté le décès a écrit au frère de Jean-Marie et à sa mère pour leur expliquer les circonstances du décès : « Il a été pris sous l'éboulement d'une sape (*) avec un canonnier. Ce dernier, qui était près de l'entrée, a pu être dégagé à temps, tandis que votre frère, plus éloigné de cette entrée, avait cessé de vivre quand il a pu être retiré au bout d'un quart d'heure ».

Une carte de sa campagne, avec tous les lieux traversés, est en cours de préparation. Et nous publierons tout au long de l'année d'autres portraits de poilus gabéricois.

En savoir plus : « Jean-Marie Le Roux, maréchal des logis mort pour la France en 1918 » Billet du 19.01.2014

Sape, s.f. : galerie souterraine exécutée dans une guerre de siège ou une guerre de tranchées pour s'approcher à couvert d'une position ennemie.
"Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur qui forment le front de l'armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses: tranchées, boyaux, sapes"
(Barbusse, Feu, 1916, p. 32).


[modifier] 51 Un paysage rural antique

« Les vestiges gallo-romains constituent le principal apport de cette opération de diagnostic. L'élément structurant est le cheminement reliant la rive gauche de l'Odet aux hauteurs de Squividan », J.-F. Villard

Quand vous empruntez la route du Rouillen à Quélennec, et que vous passez devant le chantier de la nouvelle zone d'activité de Squividan-Kerhamus, saviez-vous que des fouilles archéologiques y ont récemment mis au jour des vestiges qui datent de -5000 avant JC (néolitique ancien), de -3000 (âge du bronze) et de l'Empire romain ?

Pour preuve un résumé du rapport final d'opération de Jean-François Villard, archéologue auprès de l'INRAP. L'un des apports de l'étude est la découverte de cette voix antique secondaire vers le nord, relié perpendiculairement au sud à l'axe de la voie romaine Quimper-Carhaix et vers l'ouest au site gallo-romain de Tréodet qui était sans doute une voie de franchissement de l'Odet.

L'autre particularité du site de Squividan est la reconstitution de deux fours antiques rubéfiés qui servaient à sécher les grains.

S'il y avait besoin d'une preuve supplémentaire de ces travaux inédits, on peut consulter la somme encyclopédique réalisée par le Centre de Recherche Archéologique du Finistère sous la direction de Jean-Paul Le Bihan : « Archéologie de Quimper, matériaux pour servir l'Histoire. Tome 2, Au temps de l'empire romain , Cloître, Saint-Thonan, 2012, ISBN 2-35002038-9 ».

L'ouvrage de 846 pages et pesant plus de 5kg aborde successivement le réseau des voies de communications, les traces de vie antique à Locmaria, le domaine des morts de Creac'h-Maria, les sanctuaires du Mont Frugy, et les sites péri-urbains de Roz-Vael, Kerveguen, du Moustoir ...

C'est à propos du 1er (les voies antiques) et du dernier sujet (le monde rural) que le territoire gabéricois est mentionné au travers des sites de Ty-Nevez, Salverte, Tréodet et Squividan.

Les circonstances de la découverte du site de Ty-Nevez, avec croquis et photos, y sont notamment rappelées : « L'existence de vestiges de la voie antique Quimper-Carhaix fut signalée par la presse locale (Le Télégramme) en avril 1975, dans la propriété de Monsieur Ollu demeurant à Ty-Névez, route de Coray (CD 15), à Ertgué-Gabéric. Souhaitant aménager une aire de boules, ce dernier avait judicieusement exploité les structures de la voie ancienne. L'intervention archéologique se borna à une mise au net et au relevé des vestiges de voie partiellement mise au jour (Sanquer 1975e, fouille Jean-Paul Le Bihan). Dégagée ou franchement épierrée (zone A-B-C-D), elle laissait apparaitre deux coupes (A-B et C-D). En revanche, il fut impossible d'élargir les zones dégagées et de vérifier l'éventuelle présence de fossés latéraux ».

En savoir plus : « VILLARD Jean-François - Vestiges et paysage rural antique de Squividan » et « LE BIHAN Jean-Paul & VILLARD Jean-François - Archéologie de Quimper, tome 2 »

Billet du 12.01.2014


[modifier] 52 Bonnes résolutions annuelles

« Ur bloavez mat digant GrandTerrier, Avantur vat d'ar re yaouank, Prosperite d'ar re gozh, Ha d'an holl ar baradoz ARAOG fin ho puhe »

Le pont de Meil-Poul en 1902, avant la crue de 1925 / Vidéo de la passerelle de Meil-Poul le 27.12.2013 / Billet du 28.12.2013

Le 31 décembre 2013, à minuit, le cap des deux millions cinq cent mille visiteurs annuels a été dépassé sur le site GrandTerrier ! Une moyenne de 6856 visiteurs uniques par jour !

C'est énorme et c'est déjà un bout de paradis avant (« araog ») la fin de notre vie !

Cette confiance, en augmentation constante d'année en année - cliquer sur le graphique pour les détails statistiques -, nous amène à prendre des engagements pour l'année à venir :

  • En 2014 on continuera, avec un enthousiasme dédoublé, à enrichir le site avec au minimum un sujet nouveau dans le billet de fin de semaine.
  • Cette année étant l'année de la commémoration de la « Grande Guerre », on marquera l'évènement avec des documents et l'évocation de la publication attendue de Jean-François Douguet (Arkae).
  • La fréquence des sujets de type « mémoires », avec le support de vieilles photos du début du 20e siècle, sera renforcée de façon à vous permettre d'interagir sur des anecdotes, des identifications d'anciens et des témoignages familiaux.
  • L'édition des bulletins trimestriels sera améliorée et sous-traitée : ça supprimera les servitudes d'impression, pliage, reliure-agrafage ... Et pour éviter l'augmentation du prix du timbre-poste (1 euro 20 au lieu d'1,05 pour 100g), on va se déclarer comme éditeur de presse avec tarifs préférentiels.
  • En complément du site Internet, nous allons nous lancer dans l'édition d'ouvrages documentaires. Et notamment le projet d'un livre sur l'histoire de la papeterie d'Odet : on va combiner nos efforts avec ceux de l'association ARKAE. On vous tiendra au courant de l'avancement des travaux fin février, début mars.
  • Et rendez-vous la semaine prochaine, pour un voyage dans le temps néolithique et gallo-romain, avec les rapports de fouilles archéologiques du côté du village de Squividan et la découverte de fours à sécher le grain.

Billet du 01.01.2014