Le voyage en Bretagne d'Henriette Marie, reine déchue d'Angleterre, La Gazette 1644 - GrandTerrier

Le voyage en Bretagne d'Henriette Marie, reine déchue d'Angleterre, La Gazette 1644

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Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.

Récit par Guy Autret de l'arrivée à Brest d'une reine d'Angleterre [1] et son voyage breton dans les numéros des 6 et 31 août de la Gazette de Renaudot [2].

On trouvera ici les facsimilés de ces deux numéros, l'un de la Bibliothèque municipale de Lyon, l'autre de la BnF-Gallica, ainsi que leurs numérotations exactes, leurs transcriptions intégrales, les évocation épistolaires sur cette publication dans les lettres de l'auteur à son correspondant Pierre d'Hozier [3].

Autres lectures : « Lettre du 29 août 1644 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XXI) » ¤ « Guy Autret, seigneur de Missirien et de Lezergué (1599-1660) » ¤ « 1644-1645 - Deux lettres de Guy Autret évoquant l'épistolière Marquise de Sévigné » ¤ « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

L'auteur gabéricois évoque le double reportage de la Gazette dans une lettre qu'il adresse à son correspondant Pierre d'Hozier [3] depuis sa résidence de Lezergué : « J'ay receu la vostre du 14 de ce mois & je vois par l'article qui est dans la Gazette que vous avés prins la paine de montrer ma relation à Renaudot. Je vous aye envoié une seconde plus ample du depuis, laquelle aura encore peu servir au dit Renaudot » (publiée par le comte de Rosmorduc page 83 dans son ouvrage de 1899 sur ses correspondances).

Les gazettes ont été créées en 1631 par Théophraste Renaudot [2] avec l'appui du ministre d'État Richelieu. Les deux articles sont publiés respectivement les 6 et 31 août 1644, le premier dans les pages Gazette n° 93, le second dans l'Extraordinaire n° 103. La Gazette fait en principe 8 pages au total avec une quinzaine d'informations brèves de quelques paragraphes chacune. Les Extraordinaires, par opposition aux Nouvelles ordinaires qui sont le troisième type de gazette, incluent deux à trois comptes rendus beaucoup plus longs. Contrairement aux Extraordinaires qui ne contiennent aucun décor hormis la lettrine de début de texte, les titres des Gazettes et des Nouvelles ordinaires incluent une vignette avec respectivement les lettres stylisées G et N.

En 1644 les gazettes sont généralement datées du samedi et envoyées aux abonnés, avec quelques numéros complémentaires en semaine. La pagination et la numérotation des gazettes, suivant leur nature, se font chaque an en démarrant par le n° 1 au début de janvier. Ainsi le 6 août 1644 deux numéros, le n° 92 et le n° 93 de l'année 1644, sont publiées aux pages 629-632 et 633-640, l'un pour les Nouvelles Ordinaires, l'autre pour la Gazette. Pour cette dernière la vignette est estampillée d'un G et de cette maxime : « guidée du ciel, j'adresse et par mer et par terre ».

Le texte de Guy Autret pour le 1er article du 6 août donne bien le contexte historique de ce voyage : « De Brest, le 26 Juillet 1644. La Reine d'Angleterre est aujourd'hui arrivée en cette ville sur un vaisseau Holandois, monté de quarante pièces de canon : contre lequel le Vice-Amiral du Parlement de Londres a tiré 80 coups de canon ». En effet, Henriette, sœur de Louis XIII, mariée avec le roi anglais Charles Ier, est en fuite avant que son époux ne soit exécuté lors de la première révolution anglaise menée par Oliver Cromwell.

La reine d'Angleterre vient d'accoucher d'une fille à Oxford avant d'embarquer : « Elle est tellement incommodée de ses couches ». La légende, non rapportée par Guy Autret dans la Gazette, dit aussi que, face aux canons ennemis des Parlementaires anglais, elle demanda à son capitaine : « Quand vous ne pourrez plus me défendre, tuez-moi. ». En tout cas, la gazette précise que, débarquée grâce à une chaloupe de Dinan, elle n'est pas vraiment rassurée dans un premier temps : « Toute la coste estant en armes, l'obligea de faire mettre un mouchoir au haut d'un baston. »

Dans le deuxième article du 31 août, après un rappel de l'accostage très mouvementé, c'est un véritable article « people » que nous produit avec force détails Guy Autret, à savoir la tournée d'une star internationale qui « fut fort bien receue par toute la Noblesse & le peuple »:

  • à Brest, par la Damoiselle de Rohan, ses Officiers, et René de Rieux.
  • à Chateaulin, par l'évêque de Cornouaille et les députés de Quimper.
  • à Quimper, par les sieurs de Kerharo, de Talhoet et du Botilieau, ainsi que Julien Furic, sieur du Run, qui lui fit une « belle harangue ».
 
Extraordinaires de la Gazette datées du 31 août 1644
Extraordinaires de la Gazette datées du 31 août 1644
Henriette de France (1636-1638), Musée d'art de San Diego
Henriette de France (1636-1638), Musée d'art de San Diego
  • à Rosporden, par René de Rieux, ancien évêque de Leon.
  • à Hennebont, Vannes et Nantes, par le marquis de Molac, gouverneur de Quimper et de Dinan.

À chaque étape de nombreux carrosses accueillent la Reine et sa cour, et le marquis de Molac met à sa disposition un « carrosses à six chevaux ». Le voyage se poursuit hors la Bretagne, en passant par Angers, Saumur, Amboise et Tours, jusqu'à Bourges où l'attend le prince de Condé.

Henriette restera en France, ne reverra plus jamais le roi son mari, et se retirera au couvent de la Visitation de Chaillot où, après sa mort, Bossuet prononcera une de ses plus célèbres oraisons.


[modifier] 2 Transcriptions

La gazette du 6 août 1644


De Brest, le 26 Juillet 1644

La Reine d'Angleterre est aujourd'hui arrivée en cette ville sur un vaisseau Holandois, monté de quarante pièces de canon : contre lequel le Vice-Amiral du Parlement de Londres a tiré 80 coups de canon, qui ont si for escarté les vaisseaux qui portoyent les chevaux & le bagage de Sa Majesté Britannique, que l'on ne sçait ce qu'ils sont devenus : Elle est tellement incommodée de ses couches, qu'elle a mandé qu'on lui envoyast promptement des personnes entenduës pour la traiter.

A Paris, du Bureau d'Adresse, le 6 Aoust 1644. Avec Privilège.


B. Les extraordinaires du 31 août 1644

§ Autres originaux (Bibliothèque de Lyon)

Les honneurs rendus à la Reine d'Angleterre, à son arrivée en France

Bien que vous ayez desja sceu quelque chose du voyage de la Reine d'Angleterre en France : sa qualité & les honneurs que la Reine lui a déferez sont trop considérables, pour ne vous en donner point un recit particulier.

 

Aussi tost qu'elle fut accouchée d'une fille à Oxford, elle fut conseillée pour sa santé de faire un voyage en France, aux eaux de Bourbon, & s'embarqua à cette fin le 25 du passé à Falmouth, dans le Vice-Amiral Holandois, du port de luit cents tonneaux, bien armé & accompagné de trois ramberges Royales d'Angleterre, & d'une chaloupe de la ville de Dinan, qu'elle trouva au port de ladite ville de Falmouth. Son dessein estoit d'aborder à la coste de Bretagne : mais se trouvant vers S. Malo elle en fut empeschée par le vent contraire, & par un vaisseau Parlementaire qui attaqua si rudement le sien, qu'il receut huit coups de canon, dont l'un coupa un cordage & l'autre le perça à fleur d'eau. Sad. M. aborda neantmoins en la dite province sur les costes de l'Evesché de Léon : où estant descendue dans la chaloupe de Dinan, elle mit pied à terre en un lieu nommé Aber Idant à trois lieues de Brest. Toute la coste estant en armes, l'obligea de faire mettre un mouchoir au haut d'un baston. Elle fut fort bien receue par toute la Noblesse & le peuple ; & de là conduite à Brest le 28, avec la plus grande partie de sa suite qui estoit lors d'environ deux cents personnes. Elle en partit le premier de ce mois pour aller coucher à Landerneau dans la principauté de Leon, qui appartient à la Damoiselle de Rohan, dont les Officiers la receurent & logèrent avec beaucoup de soin. Le 2, elle arriva à Chasteaulin, où elle receut les compliments de l'Evesque de Cornouaille, & des Députez de la ville de Kimpercorentin qu'on avoit envoyez au devant d'elle. Elle arriva le 3 audit Kimpercorentin, ville capitale de la basse Bretagne & Siège de l'Evesché de Cornouaille, où sa Majesté Britannique fut receue à plus d'une lieue par 60 Gentilshommes, conduits par le sieur de Kerharo, en l'absence du Marquis de Molac qui en est Gouverneur , & à demie lieue, par huit cents hommes sous les armes, qui firent leur décharge à son abord : & hors la porte de Medart, par le sieur de Talhoet Scindic : lequel accompagné des principaux habitans lui présenta les clefs dans un bassin d'argent, & un poile de velours cramoisi en broderie & crespine d'or aux armes de France et d'Angleterre. Le sieur du Run Furic lui fit une belle harangue, à laquelle, comme à tous les autres complimens, ayant répondu fort gracieusement, Sadite Majesté entra dans la ville, dont les rues estoyent tapissées, précédée de cette infanterie, & suivie de la cavalerie. Estant arrivée à la porte de l'Eglise Cathédrale de S. Corentin, elle descendit de sa litière, & le poile que quatre des principaux habitans portoyent devant elle, fut mis sur sa personne. Lors elle fut saluée des Officiers du Présidial en Corps, par la bouche du sieur du Botilieau Président, en robe rouge ; & à l'entrée de l'Eglise, par l'Evesque en habits pontificaux, suivi de tout son Clergé, qui la conduisit au Choeur sous un dais de velours, où ayant assisté au Te Deum, qui y fut chanté en musique ; elle fut menée en la maison du Marquis de Molac qu'on lui avoit préparée.

Elle y demeura jusques au cinquième, que Sadite Majesté en partit sur les huit heures du matin, apres avoir oui dans sa chambre la Messe de l'Evesque de Cornouaille, & fut suivie des habitans en armes, qui ont tousjours fait garde à sa porte, pendant qu'elle a demeuré en leur ville, & conduite par la Noblesse jusques à Rospordin, qui est à quatre lieues de là, & par cet Evesque, accompagné de l'Evesque ancien de Leon, & de quelques Gentilshommes jusques à Kemperlé, qui sont les bornes du Diocèse, où elle coucha, y ayant receu les mesme honneurs. Le 6, elle se rendit à Hennebond, où se trouva le Marquis de Molac, qui suivit Sadite Majesté jusques à Nantes ; ayant fourni à ses Dames d'honneur un carrosse à six chevaux, pres duquel s'assambloit tousjours la Noblesse partout où elle a passé, jusques à cette dernière ville. Le 7, elle alla à Sainte Anne, pres de Vannes, suivie des Evesques de Leon & de Rieux, ce dernier ne l'ayant point quitée depuis qu'il la fut trouver à Brest. Son dessein estoit d'y faire ses dévotions : mais la lassitude l'ayant obligée à chercher du repos, elle entra dans la maison des Carmes Reformez, qui la receurent à l'entrée du Choeur : d'où, ayant baisé le Crucifix que le Prieur lui présenta, elle fut conduite dans la chambre qui lui avoit esté préparée, où elle disna. Elle y donna un accez si libre à tous ceux qui la voulurent voit, que tous furent ravis d'une si grande bonté. Estant descendue dans l'Eglise, on y chanta le Te Deum & l'Exaudiat, pour remercier Dieu de l'avoir délivrée des périls de son voyage : puis estant remontée dans sa litière, elle alla coucher à Vannes, où elle fut fort bien receue par l'Evesque, la Noblesse, le Présidial & quantité des principales Dames du païs. Le 9, Sadite Majesté en partit & alla disner à Musullac : où arriva en mesme temps le Commandeur de Souvray envoyé par Leurs Majestés pour la complimenter & donner ordre à sa conduite : & où estoit aussi peu auparavant arrivé le sieur Krack, qu'elle avoit envoyé en Cour pour donner avis de son arrivée. Elle coucha à la Rochebernard, où elle fut complimentée de la part du Baron de Pontchasteau, qui estoit fort malada, & qui lui envoya un carrose à six chevaux & quelques coureurs pour sa suite. Le dixième, elle fut traitée par les habitans de Nantes, en un lieu appelé Saultron, où la Comtesse de Chasteauneuf lui présenta grand nombre de Dames qui estoyent venues saluer en dix ou douze carrosses, qui l'accompagnèrent jusque à Nantes, où elle fut tres magnifiquement receue, tant par le grand nombre d'habitans qui estoyent en armes, que par les diverses harangues qui lui furent faites à son entrée, comme vous avez desja sceu. L'unzième, ayant disné à Pontchasteau, elle alla coucher au Maz, maison de la Comtesse de Chasteauneuf, laquelle fut deux lieues au devant de Sad. M. avec trois carrosses & cinquante gentilshommes. Le 12, l'ancien Evesque de Leon & le Marquis de Molac prirent congé d'elle pour se retirer : Mais la Comtesse de Chasteauneuf & plusieurs Dames l'accompagnèrent jusques à Mauve, où elle disna, pour aller coucher à Ensenis.

§ Suite et fin du voyage ...

A Paris, du Bureau d'Adresse, le 31 Aoust 1644. Avec Privilège.

[modifier] 3 Annotations

  1. Henriette Marie de France (26 novembre 1609 - 10 septembre 1669) fut une reine consort d'Angleterre. Fille du roi de France Henri IV et de la reine Marie de Médicis, elle épousa le roi d'Angleterre Charles Ier (1625). [Ref.↑]
  2. Théophraste Renaudot (1586-1653) est un journaliste, médecin et philanthrope français. Il est le fondateur de la publicité et de la presse française par ses deux créations du Bureau d'adresse (1629) et de la Gazette, journal hebdomadaire à partir de 1631. [Ref.↑ 2,0 2,1]
  3. Pierre d'Hozier (1592-1660) est un historien et auteur de généalogies des grandes familles françaises. Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV il fut juge d'armes et commis pour certifier la noblesse. Il a composé la « Généalogie des principales familles de France », ouvrage manuscrit de cent cinquante volumes. Il fut ami et correspondant de Théophraste Renaudot, le fondateur de la Gazette. Il fut inhumé dans l'église Saint-André-des-Arts à Paris. [Ref.↑ 3,0 3,1]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : juin 2010    Dernière modification : 18.04.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]