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Le voiage d'Alexandre de Rennes à Brest, et son retour de Brest à Rennes
Il n'est pas tard ? à la bonheur,
Il faut donc avant que je meure
Satisfaire à tous mes amis
Qui m'ont expressément commis
De réduire en vers le voyage,
Le chemin, le pèlerinage,
La route, les tours, et détours,
Que j'ay fait depuis plusieurs jours,
Je dirois bien plusieurs semaines
Avec les travaux, et les penes
Qu'ont en hyver les voyageurs
Ecoutez tous mes auditeurs
Ce fut le vintiême décembre
Que je quittay convent, et chambre,
Supérieur et Religieux
Jettant des larmes par les yeux,
(un homme qui a le cœur tendre
ne scauroit jamais s'en deffendre)
Des amis en firent autant
Voyans Alexandre sortant
Ce pauvre Carme faire gille
De son convent, et de sa ville,
Froc en teste, baston en main,
Par bonheur d'âme, et de corps sain,
Ce que n'a pas toute personne,
Qui ne l'a pas, Dieu le luy donne.
Bon pied, bon œil, bon appétit,
Mais d'autre part argent petit,
Ma disposition estoit belle
[4] Quand je vins le soir à Mordelle ;
Tout le chemin une forte eau
Passa de ma robbe à ma peau,
Le feu donc m'estant nécessaire
Fut ce que d'abord je fis faire
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Puis à l'ardeur de ce fagot
S'allonge gigot, à gigot,
Je présente mes mains, ma teste,
Et les restes qu'il n'est honneste
De nommer, mais doit estre tû
Suffist que sa rime est en u ;
À demy chauffé je me coûche
Je ne dors pas, qu'une escarmoûche
Tant de rats, rattons, que souris
Ne viennent troubler par leur cris,
L'un sort d'une vieille muraille,
L'autre se foure dans la paille,
Celuy-cy veut se mettre au lit,
Celle là ronge mon habit,
Pendant qu'un autre me dérobe
Ce que je porte sous ma robbe,
Je veux dire un de mes chaussons
Malheureux en toutes façons
Je me mets du lit en la place ;
[5] Le matin venu, je déplace,
J'arrive à Plélan à midy
(Il est vray comme je le dy)
J'y disnay chez le sieur La Vigne
Qui fut à mon égard très digne
Ne Présentant de son bon vin,
Disner fait, je pousse chemin,
[6] J'arrive à Baignon de belle heure
J'y choisis mon giste, et demeure,
Je me coûche, je dors sans bruit
Réparant la dernière nuit ;
Sur les six heures je m'éveille,
Je frotte l'une, et l'autre oreille,
Ma teste avec ses deux yeux
Puis, comme bon religieux
Devant mon Dieu je m'humilie
Mes genoux en terre je plie
Pour adorer mon souverain
Qui m'ayant formé de sa main,
Gardoit sa pauvre créature
De tout mauvaise avanture ;
Mes prères faites je boy
Un coup vous scavez bien de quoy [7]
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Ce coup bu, je graisse mes botes
Pour me sauver parmy les crotes
[8] Qui sont de Baignon à Ploermel,
J'arrive au convent du Carmel ;
Un prieur noble, et magnifique
Me receut d'un air extatique,
Je dis bien, ravissanmant bien,
Ah ! que ce prieur n'est-il mien,
Puisque je perds celuy de Rennes
Mais ne parlons point de mes peines,
Disons seulement que huict jours
Je vis l'objet de mes amours,
Ce prieur qui sur tous mérite ;
Les huict jours passés, je le quitte,
Je monte sur un animal
Qu'on appelle en français cheval,
Pour arriver cette journée
La dernière de l'année
[9] Dans nostre convent du Bondon
Que je chante convent du bon
Depuis que le grand père Claude
Dont je veux faire icy les laudes
En est estably le prieur ;
Où trouver un homme meilleur ?
Mieux né, d'une humeur plus civile
plus vertueuse, ou plus habile ?
Ah que ne puisse par mes vers
L'honorer par tout l'univers !
Heureux commancemant d'année,
Qu'elle ne seroit fortunée
Si j'estois dans un tel convent !
Mais il faud aler plus alant,
Adieu donc prieur trop aymable
Un provincial peu traitable
M'envoye malgré le temps fascheux
Où il veut, et non où je veux ;
[10] Faud quitter le Bondon et Vannes
Pour aler un mois à Sainte Anne,
J'y suis tout le mois de janvier,
J'en sors le huict de février
Aprez avoir fait mes prières,
Et demandé graces, lumières
Par cette sainte à nostre Dieu
Dans ce tout miraculeux lieu,
Je fais à tous la révérance
Avant de quitter leur présence
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Un pied derrière, un pied devant
Soulier poussé, soulier suivant ;
Le prieur d'âme libérale
Me donna combien de réale ?
Vingt et quattre, ny plus, ny moins,
S'il faud prouver j'ay des tesmoins ;
Ce peu d'argent mis dans ma bource
Je me mis à prendre la course,
[11] J'arrive tard au fort Louis
De quoy tous mes amis ravis,
Le gouverneur et capitaines
Me font des chères à douzaines,
Ils me retiennent dans le fort
Quelque travail, et quelque effort
Que je face pour ma retraitte
L'on me régale, l'on me traitte
Quatre ou cinq jours consécutifs,
Les valets, soldats sont actifs,
Un châcun s'aquitte du service,
Ces messieurs saluent ma santé,
Je boy post, s'ils boivent anté,
Le poisson est en abondance
Et ce poisson est d'importance
Hardy sur tous fut généreux
Ce capitaine valeureux,
Me fournit son lit, et sa table,
Jamais huguenot plus aimable ;
[12] Quittant ces braves un bateau
Me mène à Hennebont par eau,
J'y reste jusqu'au dix septiême
Des mois de l'année le deuxiême,
Le prieur illustre Renois
Homme civil, homme courtois
Dans ma réception m'oblige,
Mais dans ma sortie je m'afflige ;
Je m'afflige avecque sujet
J'ay un raisonnable regret
De perdre un sûprieur qui m'ayme
Autant qu'un chat ayme la crême ;
[13] Je vins le soir à Quimperlé
Bien plus humide que gelé
Mais les enfans de Dominique
Me préservent de colique
Faisant grande chère, bu feu,
J'en rends un véritable âveu
Le clerc, Raillant, Prioul, et autres
Qui portent tiltre d'amis nostres
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Trois jours firent tout ce que peut
Faire un amy qui traiter veut,
Puis une beste chevaline
Qui beaucoup mieux qu'homme chemine
[14] Me rendit le vingt à Quimper,
Quimper que j'aymeray semper
Quimper où j'ay veu tant de braves
Quimper où sont les bonnes caves,
Aussi bien que les bons amis,
Je croy qu'il me sera permis
D'en parler avec avantage
Et tout au long, et tout au large.
Le premier jour que j'y entre
Je ny avois jamais esté,
Je n'estois connu de personne
Mais celuy qui de tout ordonne
Ce Dieu tout sage, et tout puissant,
Eut soing d'un pauvre languissant
Le soulageant dans sa fatigue
Par une merveilleuse intrigue :
Trois cousines de Hennebont
Sachans mon voiage me font
Toutes trois chacune une lettre
Je ne dis ce qu'il leur plût metre,
Suffist que leur escrit valut,
Et fist que lors que l'on le pût,
Je fus receu d'une manière
Qui doit tenir place première
En fait de recevoir les gens
(nommons un peu ces obligeans)
Despinel et sa demoiselle,
Le Despinel, la Despinelle,
Furent ceux chez qui les premiers
Je pris pentoufles pour souliers,
Une chemise, et chausses blanches,
Cette chemise avoit des manches,
Et ces manches servoient de bords
Aux deux bras qui sortent du corps ;
Bref, de la teste aux pieds, je change,
Changé de tout, de tout je mange,
Car tout ce que l'on me servit
Estoit bien apresté, bien cuit,
Je dors aprez comme une souche
Dans la plus ravissante couche
Que jamais fut mis corps humain
Fust-il malade, fust-il sain,
Le matin levé, je desjeune
Aprez je pousse ma fortune
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Et pousse droit au pont l'Abbé,
[15] Ce fut là que je fus gabé
Par le révérend père Estienne
S'il est en bon lieu qu'il s'y tienne,
Le pauvre Launay Ravily
De plusieurs mal accueilly
Quant à moy comme il est mon père
Et supérieur, je le révère,
Je luy porte honneur et respect,
Quoique son cœur ne soit suspect,
Ne doutant fort s'il a du tendre
Pour moy qu'il m'apppelle Alexandre,
Puisqu'il veut que j'aille à St Paul,
Mais ce n'est pas là qu'est mon vol
J'ayme bien mieux rester à Rennes :
Laissons toutes ces choses vaines
Et poursuivons nostre chemin ;
Je sors du pont de grand matin
Le mesme jour que frère Estienne
Monta sur une beste sienne
Qu'il poussa tousjours en avant
[16] Jusqu'à l'autre prochain convent ;
Pour moy je me range bien viste
À Kimper dans mon ancien giste,
J'y passe trois ou quattre jours,
Durant que les pluies ont leur cours,
Car il est bien fou, qui se presse
De sortir ; quand la pluie ne cesse
Quand il est chez un hoste tel
Que le sieur marchand Despinel,
Qui fait grande chère, bon visage ;
Le deux de mars je fais voiage
[17] Et marche droit à Trohanet,
Je me trompe c'est un bidet
Du sieur Despinel qui m'y porte,
Arrivant, je trouve à la porte,
Justemant ceux que je cherchois
Deux gas qui n'estoient pas de bois,
Notre vieil amy Gabetière
Auquel je fais le pied derrière,
Puis aprez au chevalier
Qui est véritable troussier
Brave, illustre, comme son frère
Excepté qu'il n'est pas tant père,
Néanmoins n'en parlons pas tant
Je n'en serois pas bon garant ;
Le mary veu je voy la femme,
Je rends mes respects à Madame
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Qui me receut d'un air charmant
Tout de mesme qu'auparavant
Car je tire honneur, et fais gloire
D'avoir une heureuse mémoire
Que je suis humble serviteur
Tant de largeur que de hauteur
De la famille Gabetière
Il y a moult année entière ;
Je salüe le petit Joson
Le fils aisné de la maison,
Puis ensuitte mademoiselle
De toutes les beautés la belle,
Et la petite Crecholein
Esprit délicat, et malin,
J'entends parler de la malice
Qui sert à l'entretien d'épice,
Car pour l'avoüer franchemant
Jamais on n'a pû ouir enfant
Parler avec tant de justesse
Ny qui eust en plus de finesse ;
Ma cour faite deux coups je boy
Qui estoient bons, j'en dy ma foy
Et ne crains pas d'estre parjure,
Estant une chose très sûre
Que chez Troussier à Trohanet
On boit, rudement, sec, et net
À proportion qu'on y mange
Les mets que sur table l'on range,
Aussi depuis le vendredy
J'y passay jusqu'au mercredy,
Sans chagrin, sans inquiétude,
Mais avec une multitude
De plaisirs, et contenans
Quoyque messieurs furent absans
Du dernier jour de la sepmaine
Jusqu'au jeudy presque huictaine
Qu'ils passèrent toux à Carhais
Le chevalier de La Crochais,
Le marquis de Névet, Gabtière,
Son frère, tous portans rapière,
Tous nobles, braves cavaliers
Autant en bottes qu'en souliers,
C'est pour cette raison que je dy botte
Car je veux qu'en passant en notte
Qu'ils arrivèrent trois vottez
Dont deux sont cy devant cottez,
Et L'Esconvel est le troisième,
À Trohanet le jour tantiesme
Id est le trois, qu'aprez dîner
Ils se mirent à cheminer
Quattre à Carhais, à Quimper l'autre,
Revirons maintenant la peautre
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J'avois donc dit qu'à Trohanet
J'eus du plaisir tout pur et net
[18] Ce qui est vray, poussons l'histoire
Pendant que nous avons mémoire,
Je rentrez à Quimper mercredy
Où je fus jusqu'au samedy,
J'y disnay à mon arrivée
Avec la compagnie trouvée
Chez Lancelin le Cavalier
Le séneschal fut le premier
Auquel je fis la révérance,
Puis heureux dans ma connoissance
J'y vy, ah ! l'illustre que c'est
Jan de La Marche, arrest, arrest,
Quoique j'en parle dans la suitte
Il ne faud pas que je le quitte
À ce moment sans l'embrasser,
Je t'embrasse sans me lasser
Mille et mille fois mon La Marche
Tu auras bien part en ma parche,
Mes vers rendront ton nom connu
Lorsque le temps sera venu,
Mais pour à présent je te quitte
Je m'envas faire une cisite
À la Cordiale Belair.
Vit-on jamais de jour plus clair
Que cet angelique visage
Qu'entoure un ténébreux veûvage ?
Son éclat est presque pareil
Aux nuées que perce un bau soleil,
Et ce n'est rien que ce visage
Au prix de son noble courage,
De son cœur fort et généreux,
De son esprit tout lumineux,
Et de l'admirable innocence
Qui brille de sa conscience,
Je passe chez elle trois jours
Trois jours que je trouvay très cours
À raison de la grande chère
Qui procédoit d'un cœur de mère ;
Elle fait pour m'entretenir
Son cousin des marests venir
Homme aussi civil et honneste
Que soit aucun qui porte en teste,
Bonnet, carapouse, ou chapeau,
En deux mots, il est bon, et beau ;
Le samedy venu je fille
Du jeu de paume dans ville,
Je prie le sieur de Lancelin
De me prester un guiledrin
Pour me porter chez un noble homme,
J'eus ce cheval, tout ainsi comme
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Si je l'eusse bien mérité,
(belle vertu que charité !)
pendant qu'on donne de l'avoine
Au cheval, à cause du moine,
Jusqu'au revoir je prens congé
De tous ceux chez qui j'ay mangé,
Ou qui m'ont fait quelqu'autre grâce,
De ville sur le quay je passe,
Je voy mon hoste Despinel
Qui me fait tousjours accueil tel
Qu'il m'a fait souvent par avance
(Dieu vûeille estre sa récompance)
On m'ameine là mon cheval
Qui ne me porta pas tant mal
Jusques chez nostre gentilhomme,
Il vaut autant que je le nomme
[19] C'est le cher monsieur de Molien
Lequel ne se portoit tant bien,
Mais estoit sur son lit malade
Par bonheur son mal rétrograde
Il se porte mieux à présant,
J'y suis jusqu'au lundy suivant
Que madame fort généreuse
Belle de corps, l'âme pieuse
Me donna l'un de ses chevaux
[20] Pour me porter jusqu'à Lanvaux
Où le passage difficile
Un peu trop excita ma bile,
Quoyque nous passâmes bien prest
[21] Du dit Lanvaux jusques à Brest
Un archer, et un capitaine ;
Ce capitaine estoit en peine
À raison de quatre soldats
Qui du Roy estoient apostats,
Mais du périgordin la peine
Ces quattre soldats ne rameine ;
Ah ! à propos de déserteur
Entrant dans Brest, sur la hauteur
Qu'est du costé de Recouvrance
J'en vy un, pendu à la potance
Quoiqu'il ne tombast pas de haut
Ce pauvre homme mourut du saut
Que luy donna le misérable
Qui des humains n'est pas aymable,
Je laisse ce pendant pendu
Car je ne serois pas rendu
Si j'entreprenois l'épitaphe
De ceux qui ont pareille agraphe ;
J'arrive aux Carmes dechaussez
Où mes vœux furent exaucez
Car pour relever ma poitrine
On me servit une chopine
De vin vermeil et délicat
Ce vin avoit un goust muscat ;
Donnons à un chacun la gloire
Le prieur dit père Magloire
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Est très vertueux, très civil,
D'un esprit percant et subtil,
N'ayant pas un lit trop commode
Il a soing qu'on m'en accommode
Un tout vis à vis du convent
Chez de Launay qui du vin vent,
Pour enseigne il a la croix blanche
Qui pour moy fut auberge franche,
Car tous les jours des cavaliers
Qui dans ce pais sont à miliers,
Des commandans, des capitaines,
Des lieutenans, des porte-enseignes
Soit de la marine, ou du fort
Me donnoient favorable abort ;
Je ferois grand tort à ma muse
Si dans ces vers n'estoit incluse
La liste de ces généreux
Travaillons donc un peu pour eux.
Béthune, illustre de Béthune
Que ta gloire n'est pas commune,
Et que nostre prince scait bien
Qu'il a dans toy un grand soustien ;
Il ne faud qu'un pareil illustre
Pour que nos ennemis on frustre
De leurs présomptueux desseins,
Car quand Béthune a mis les mains,
Et a pris le soin d'un navire
Il n'en est point qu'il ne dévire,
Qu'il ne brise, et ne coule à fond.
De Béthune je fais un bond,
Jusqu'à un autre capitaine,
Que l'on ne prend pas sans mitaine,
Comme son nom est fort connu,
Son cœur n'est pas un inconnu,
Valbel mon généreux, mon brave,
C'est à vous que je fais la salue,
C'est de vous dont j'entends parler
Que ne puis-je vous signaler,
Mais un petit poete de crotte
Prez de tels poussins ne se frotte ;
Rosmadec puissant chevalier, [22]
Je serois fou jusqu'à lier
Si j'avois marqué de vous rendre,
Ce qu'un tel que vous doit prétendre
Pousse donc muse d'un haut ton
La gloire d'un fameux breton,
Qui s'est fait connoistre en la guerre,
Soit sur la mer, soit sur la terre,
Que son esprit sage, prudent,
A fait choisir pour commandant ;
Ne diray-je rien d'Arbouville
Ce commandant qui tousjours brille ?
J'en parlerois, mais son éclat
Met ma muse, et mes vers à plat.
Grand des ardans, fort chef d'escadre
Mon stile à ta valeur ne cadre,
Je ne fais que de foibles vers
Soit de droit fil, soit de travers
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Et ta valeur partout le monde
Paroist à nulle autre seconde,
Des ardans ne se met à bas
Ny par le haut, ny par le bas,
Un coup de canon luy emporte
Une jambe, mais son cœur porte
Ce coup de foudre, dont l'effort
Eust pour des ardans à pié ferme
Il pousse tousjours vers son terme,
Il n'eut la gloire du combat,
Une jambe deux en-abat,
Et son capitaine La Brousse
Qui receut pareille secousse,
Au bras, que des ardans au pié
Ne paroist point estopié
Quand il est question de combattre
Il fait tousjours le diable à quattre ;
Mille autres j'aurois à nommer
Qu'on pouroit plutost assommer
Que de les voir dans la retraitte
Avant d'avoir mis en deffaitte
Les ennemis de leur grand Roy
Mais il n'appartient pas à moy
D'en faire icy tout le partage
À une autrefois d'avantage.
Approchons de nostre Intendant,
Voyons cet esprit surveillant,
Admirons sa rare conduitte,
Sa raison qui de tout instruire
Agist tousjours incessamment,
Est toysjours dans le mouvement ;
Tantost l'arsenal il fréquente,
Tantost les vaisseaux il augmante,
De là, il vient voir les mestiers
Sculpteurs, armuriers, serruriers ;
Tost aprez il passe en reveüe
Les compagnies, et leur recrüe,
Bref pour servir sa majesté
Son esprit est tout arresté,
Le jour, et la nuit il travaille,
Il n'est point de lieux où il n'aille ;
En un mot l'intendant du Soleil
Tient, à Brest place du soleil ;
Ce Soleil me fist une grâce
Qu'il n'est possible que je passe,
Connoissant l'extrême désir
De voir ces vaisseaux admirables,
Et tous les lieux considérables,
De Brest, ce bau, ce fameux port
Aussitôt il appelle à bort
Et fait amener sa chaloupe
Disant à la petite troupe
De matelots, menez partout
De l'un jusques à l'autre bout
Ce révérend père Alexandre ;
Nous alasmes d'abord descendre
§ Page 12
Ou bien mieux monter au Soleil,
Ce vaisseau n'a point de pareil
Pour sa grandeur, et sa sculpture,
Largeur, hauteur, force, dorure,
Aussi pour un grand admiral
Il faud un vaisseau sans égal ;
Du soleil ma troupe me meine
Dans le second nommé La Reine,
La Reyne admirable vaisseau
Aprez le Soleil le plus beau ;
Le Saint Philippe est le troisiême,
Le Tonant est le quatriême ;
Ces quatre veus, je fus contant,
Donc à la sortie du Tonant,
L'on me conduisit à Recouvrance,
Pour y voir la magnificance,
L'ordre de ce grand arsenal
Qu'on peut nommer lieu principal,
À raison de la scimétrie
Dont est rangée l'artillerie,
Du grand nombre de mousquetons
Pistolets, espées, et canons,
Piques, lances, boulets, et poudre,
Lieu dis-je principal du foudre,
Que Louis le plus grand de nos rois
Fait gronder sur les hollandois,
Et sur tous ceux qui ont l'audace
D'ozer luy résister en face ;
L'on augmante de jour en jour
Ce lieu, l'objet du bel amour
Des âmes nobles, généreuses,
Fortes, constantes, courageuses,
De ces héros, ces grands guerriers
Qui sous la charge des lauriers
Prennent leur plaisir, et leur ombre ;
Ceux qui s'entendent dans le nombre
Disent que sans exagérer
On peut facilement ranger
Plus de trente mille en bataille ;
Jugez combien faud de ferraille ;
Cet arsenal si bien muny
Est, ce dit-on, orné, fourny
Tout comme celuy de Renise
Qui l'aura veu, qu'il authorise,
Pour moy qui ny ay pas esté
Je croy ceux qui me l'ont testé.
Cecy veu, je voy la grand forge,
Le feu qui des fourneaux degorge
Rend ces malheureux forgerons
Noirs et ardans comme démons,
Une toute seule chemise
Leur est tout à peine permise,
Encore a-t-elle les couleurs
De celles des vieux ramoneurs
§ Page 13
Ces ancres sortantes des flâmes
Font trembler les plus fortes âmes,
Et leur éclat ferme les yeux
À ces estrangers curieux,
Quant à moy, foy du sieur Saint Georges,
Si je rentre jamais en forge
Où l'on face un semblable bruit,
Où l'on voie le feu dans la nuit,
Où des forgerons effroiables
Paroissent moins hommes que diables,
Je veux que l'ancre du fourneau
Quitte l'enclume, pour ma pau
Pour qu'à mes despers elle apprenne
Combien c'est une chose vaine
D'aler se gaster les deux yeux
À voir des objets furieux ;
Et prodiguer ses deux oreilles
À entendre coups à merveilles
Qui ne font que nous estourdir ;
Quant à moy, je vas m'égaudir
Sortant du pais de Recouvrance
À venir faire révérance
À cet homme de bien, d'honneur
De Cintré royal gouverneur ;
Heureusement je le rencontre,
Luy rencontré, tout il me montre,
La place d'armes, les rampars,
Contrescarpe, éprons, boulevars,
Que cette place est admirable !
Le donjon en est imprenable ;
Une belle colation
Fut la fortification
La meilleure, et la dernière,
Ce gouverneur me fist prière
D'en manger, aussi j'en mangé
Graces rendües, je me rangé
Chez mon hoste, proche les Carmes
Je fis avant coucher des armes
Sans estre blessé, ny blesser,
On laissoit doucement passer
Ces charmans coups de la Gascogne
Qui font souvent la rouge trogne ;
Me disant ne jugez pas mal
Où vous serez un animal
Ce que j'ez dis n'est que pour plaire
Car je ne pris que l'ordinaire
Et me couché modestement
Puis me levay comme devant
Le soleil frappant ma fenestre
Adieu Brest je ne puis pas estre
Plus long séjour à t'admirer ;
Je pouvois en deux traits tirer
Le pourtrait de la corderie
Sans qu'elle sert en penderie
Et qu'à plusieurs pauvres humains
Et à pié le col, et mains
Faillant qu'un meschant bout de corde
Empesche qu'un homme ne morde
Outre que, cordiers sont caquins
Et les caquins sont des coquins
Que je serois plus fou qu'un yvre
De mettre coquins dans mon livre
§ Page 14
[23] Je vas donc à Losulien
Voir le baron de Pestivien
Que la mort par la maladie
De ce bas monde congédie,
Je le trouve sur son grabat
Où le poux foiblement luy bat,
L'appercevant de cette sorte
Je le prie, conjure, et exhorte
De penser puissammant aux cieux
Que c'estoit le temps prétieux
D'une éternité bienheureuse
Où d'une âme bien malheureuse
Que Dieu l'attendoit à pardon ;
Je vy madame du Cludon
Proche du lit de son bau frère
Elle comme nous désespère
De la santé de ce gizant
Qui paroist un agonizant ;
Je passe avecque cette Dame
Pour nourir l'estuit de mon âme
Dans un cabinet tout prochain
De la chambre de ce malsain ;
Disner fait ma robbe je trousse
[24] Robbe troussée, tout droit je pousse
À Keréon voir Coetmara
Qui receut fort bien le mara,
J'y saluay Dame sa mère
Et les deux sœurs de ce grand frère,
L'on soupe, souper fait, l'on dort,
Du dormir éveiller, l'on sort,
Aprez toutefois qu'à nostre aise
Nous eusmes ne nous en déplaise
Desjeuné de belle façon ;
Coetmara suivy d'un garçon
Vat à Morlaix pour quelque affaire
De laquelle je veux me taire,
Moy j'avance le long de l'eau
Vers la ville de Landerneau,
Quand à un port prez du passage
[25] J'y fais rencontre d'un visage
Du noble marchand Crecbiguet
Qui dist sans rabattre d'un et
Il faud que nous vuidions bouteille
De couleur blanche, et de vermeille ;
Cet aymable de Kersoson
Avoit pour lors dans sa maison
Du poisson en grande abondance ;
Dieu ! que l'on trouve quand j'y pense
Par les chemins de bonnes gens
Qui nourissent à leurs despens
Ceux qui d'une manière affable
Ils convient de prendre leur table ;
Je croyois n'estre qu'un momant
Et le soleil estoit couchant
Quand de ce lieu je desampare ;
Monsieur ordonne qu'on prépare
Le plus promptemant un bateau
[26] Pour me conduire à Landerneau ;
Il est un peu tard quand j'arrive,
Je descends tout droit sur la rive
Quy est vis à vis sainct Francois
Où je vas montrer mon minois
§ Page 15
À la porte je porte un frère
Qui me dict bon soir
Je repris, mon frère bon soir
Daigner un carme recevoir,
Je luy donne l'obédience
Que du gardien la révérance
Me renvoyer, priant l'excuser
S'il vouloit librement user
En se dispensant de descendre
Vêu qu'il vouloit ce soir apprendre
Un sermon pour le lendemain,
(Cecy me parut fort humain)
L'on me conduit dans une chambre
Où l'on sert du jus de septembre,
Puis ils font promptement du feu
Le reste que j'eus fut très peu,
Mais tousjours avec bon visage,
Je croy qu'ils n'avoient davantage ;
Tout chaud j'eusse assez bien dormy
Si sur mon sommeil à demy
Un grand lutin de frère à soque
Qui tout le dortoir porte choque,
Criant frères il est minuit
Ne m'eust éveillé par son bruit
Depuis ce temps, ou que je meure
Je dormy tout comme à cette heure,
Éveillé comme un chat de mars
Dès le plus beau matin je pars
Néanmoins le gardien m'avise
Qu'avant sortir je gargarise
Ma bouche d'un bon coup de vin
De l'en croire, je fus plus fin
Car le plus souvent qui reffuze
Dit le proverbe, aprez il muze
À l'église saint Hovardon
J'y vint entendre le sermon,
Le sermon dit, j'entends la messe,
La messe finie, je me presse
D'aler manger d'un bon morceau
Avec un amy tout nouveau
De Keroman homme de chère
Oncle de Raphael le père,
Cet amy nouveau vaut de l'or
Aussi tient-il le Lyon d'or
Qui est, je dis sans flatterie
Une très bonne hostelerie ;
Comme j'eus finy ce repas,
Par la ville je fais deux pas,
Je rencontre un très digne prestre
Que j'avois l'honneur de connoistre,
Depuis Brest, c'estoit le premier
Du vice admiral aumosnier,
D'abord des deux bras il m'embrasse
Me prenant tout droit à la face,
De ma part, je semblois voler
Ouvrant mes bras pour l'accoler
Tant nostre joye estoit sensible
Il me fut du tout impossible
De me séparer d'avec luy
Aux 3 marchands je le suivy
§ Page 16
Où il avoit mis pied à terre,
Nous y vuidâmes quelque verre,
Puis nous dismes jusqu'au revoir
Il vat chez son orfèvre voir
Comme la lampe l'on avance
Que l'on donnoit en conséquence
D'un vœu que le vive admiral
Fist quand il se trouva très mal
Au momant que la reyne cingle
Vers les costes de la Flesingue,
De Brest les Carmes dechaussez
Auront ce fruit des gens faussez ;
Revenant le soir chez mon hoste
À des messieurs mon chapeau j'oste
Par retour tous de leurs costez
Me salüent à chapeaux ostez,
Un d'entr'eux brave capitaine
J'enrage qu'il ne me souvienne
De son nom, comme de son cœur,
Me dist, faites moy la faveur
Que nous mangions ce soir ensemble
Cet honneur mérite ce semble
Que j'aille avec luy de plein gré,
Nous montons tous deux le degré,
J'appercois la mélancolie
Qui de ce brave le front plie,
Je luy demande ce qu'il a
Il me respond, c'est qu'il ya
De mes meilleurs soldats malades,
Que ce mot qui rime à razades
Me plaist, luy dis-je en l'embrassant
Ce mal n'est rien qu'un mal passant,
Parlons de manger et de rire
S'ils meurent voulez vous les suivre ?
Pour moy ce n'est pas mon advis
Ces mots furent d'un ris suivis,
Il me dist sans vous mon cher père
J'estois accablé de misère
Mais maintenant je suis joyeux,
Mangeons de tout à qui mieux mieux ;
On nous sert, saumon, bar, et truittes
Ces truittes dans la poesle frittes
Estoient bonnes ; mais le saumon
Estoit meilleur, ou bien plus bon ;
Pour ce souper en deux mots dire
Très souvant on peut estre pire,
Mais pour mieux, j'en douterois fort,
Monsieur tout fatigué s'endort
Il se coûche, moy qui sommeille
Me mets au lit à la pareille,
Ses soldats dès le point du jour
Viennent luy dire le bonjour,
Et entre tous ces six malades
Luy font quantité de gambades
Tesmoignans qu'ils se portent mieux,
Et bien monsieur le sourcilleux
Luy dis-je lors par raillerie
Faud-il se mettre en fascherie,
Il n'est que de joindre les mains
Pour rendre les malades sains ;
C'estoit le jour du saint dimanche
Qu'un châcun s'arme d'une branche
§ Page 17
Où disons en termes plus beaux
C'estoit le dimanche aux rameaux [27]
Des messieurs qui tard arrivèrent
Le soir ; le matin me prièrent
De dire promptemant la messe
Nous avons voiage qui presse
La messe dite on mangera
De tout ce qui se trouvera,
Je fais tout ce qu'ils me demandent,
Je dis la messe qu'ils entendent,
De là nous vinsmes au Lyon d'or
Dépancer un bau louis d'or,
Pour moy je ne fais que l'escrire
Mais Penanvern poura le dire,
Du Douarin, Keroudio, Launay
Et autres que très bien je scay
Voilà ce que je vous rapporte ;
[28] De Landerneau passont la porte
Pour aler à vespre à Daoulas
Où l'un chanoine le trespas [29] [30]
Le fait mettre ce soir en terre.
Ainsi la mort nous fait la guerre
Lorsque nous y pensons le moins
Heureux qui met ses plus grands soins,
Pour que cette laide cruelle
Ne l'attrape hors sentinelle.
[31] Ce corps mort étant enterré
À Keranhoat je me serré [32]
J'y fis une chère incroyable
Tois bons jours sans estre contable,
Puis ravy de l'honnesteté
De la douceur, et sainteté
De Monsieur, et de sa compagne [33]
[34] Mercredy je prends la campagne
Passant Daulas l'abbé Lanvet
[35] J'y vy ; puis à Trounenezec
Je vins voir la charmante dame
qui de son mary estoit femme,
Je ly estoit, car à présant,
Dequoy c'est pourtant grand dommage
[36] Car elle mérite un hommage ;
Chez le baron de Kerliver
Je vins rapprochant de Kimper
C'est un gentilhomme très digne
Du tiltre, et de son nom insigne [36]
J'y passay le temps doucement
Puis en sorty dévotement
Le mercredy sainct de belle heure
Sans gouster à pain ny à beure,
Car quand on n'eut un jour jeusner
[37] Le matin ne faud desjeuner ;
Au Faou ville très remarquable
Dont un châcun est redevable,
Peintres, musiciens, sur tous
Qui sont peu sages, baucoup fous
L'on aloit commancer l'office
Du Dieu qui nous fut si propice
De ce Jésus mourant en croix,
Je l'adoray de vive foy
§ Page 18
Mon cœur pouvoit se complaire
Que sur le sainctement du calvaire
Un appellé monsieur Bigeault
Riche nantois fort gras et hault,
Mais habitant de cette ville
Me prévient de façon civile,
Et prie de venir prendre part
De ce qu'on auroit par hazart
Accommodé dans sa cuisine ;
Crainte de mourir de famine
J'accepte son offre hardimant
Sans faire plus long complimant ;
Je blesserois dame justice
Si je ne contois le service
Qu'on me fist dans cette maison
Suivant le temps, et la saison :
Ah ! noble salade d'anchoie
Que tu cause à mon cœur de joye,
Pour le poisson je n'en dy rien,
Je laisse à deviner combien ;
La liqueur est incomparable ;
Aprez disner je veux partir,
Monsieur m(empesche de sortir ;
Mademoiselle aussi dévote
Qu'en fut jamais sous la calote
Des cieux ; me dist vous nous ferez
Cette grâce, et vous resterez
Ce jour est un des plus célèbres ;
J'y consens ; alors à ténèbres,
J'y fus, on me prie de chanter
Je la dis d'un air pytoiable
Qui approchait de l'effroiable ;
Estant au logis de retour,
Monsieur et moy faisons un tour
Au jardin pendant qu'on appreste
Une colation fort honneste.
Nous la mangeons d'un appétit
En venant petit à petit
Hors de table au feu l'on propose
Certaine indifférante chose
Puis l'on va prendre son repos
Sur costez, sur ventre, ou sur dos ;
Le lendemain par avanture
J'eus une excellente monture
Les gens du baron Kerliver
[38] Menans des chevaux à Kimper
Pour ramener de la retraite
Le vicomte qui l'avoit faitte,
Le vicomte de Trouzilly
Qui s'estoit huict jours recueilly ;
Mais au bonheur, malheur de mesme
Pour un dernier jour de caresme
Jamais je ne fus si mouillé
Quand j'eusse esté tout dépouillé
Du froc, de robbe, de tunique
Comme les gueux le fils unique
J'eusse esté mieux, tout au moins l'eau
Eust coulé le long de ma peau
Sans me charger comme ma robbe
Si jour de ma vie l'on me gobbe
Par un si mauvais temps dehors
Que je sois de sergent retors
§ Page 19
Sans Despinel et Despinelle
Ah que j'eusse en la nuictée belle,
Ah autant leur bonté me plut
Comme en voie la pluie me déplut,
Ils m'envoyent droit au pont au change
Ils me mettent blanc comme un ange,
Chemise blanche, et canneçons,
Chausses blanches, et blancs chaussons,
Puis toute à pleine cheminée
Pour moy seulement destinée,
Ils font un feu, je dis un feu
Jamais vous ne vistes tel jeu ;
Il ne faud pas que je vous mente
Je craignois la flâme volante,
Et que ce feu trop agissant
À la suie s'alant unissant
N'eust causé quelque grand désordre
Au subjet d'un bon père d'ordre,
Mais par bonheur il ne fist rien
Qu'au pauvre Alexandre grand bien,
Qui tout séché, se mist à table
Prenant d'abord du vin potable
De l'eau il n'en avoit que trop
Quoiqu'il futs venu le galop,
Outre au'au vray sa nouriture
Ne s'appuie sur telle froidure ;
Aprez avoir bû, et mangé
Il se mis au lit tout changé
Je n'estois plus pour lors malade,
J'y suis capitaine ronflade
Dans le moment que j'entre au lit,
Je fais sans entendre du bruit,
Bref mon sommeil fut si extrême
Que je m'eveillay de carême ;
Pasques venu je saute à bas,
Puis je pouille ma robbe en suitte
Sans dire gare tout je quitte
Et m'en vais dès le grand matin
Faire pasque à Saint Corentin,
En sortant par bonne fortune
Je trouve un certain ou quelqu'une [39]
Qui dist si vous voulez m'aymer
Alons zest nous de caresmes
Jamais haran, jamais morüe
Ne fut mangée cuite ny crüe
Si gayement que ce guilvardon
J'en demande à mon Dieu pardon
Car pour dire vray mon envie
Estoit de quitter maigre vie,
Cecy ne commanca pas mal,
L'office dit le sénéchal
Dans ma rencontre me demande
Avez vous tasté de la viande ?
Ouy dis-je, et moy dit-il aussi,
Voulez vous sans tarder icy
Venir manger de nostre soupe
Hazard, sur mes pas je recoupe,
Nous montasmes tout deux à haut
Rien n'estoit froid tout estoit chaud
Hon. hbn ha ! quel odeur je flaire
Il me semble téter ma mère,
Ha hon, quelle odeur eust eu tort
Quiconque soit-il qui fust mort
|
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Page 20 :
Avant de flairer ce potage
Et eust perdu le nom de Sage [40]
Regarder qu'il est bien coiffé,
Qu'il est jolimant attifé,
Voyez vous sa figure ronde ?
C'est ainsi qu'est celle du monde
Aussi ce potage est chery
Du monde, et en est favory,
Pour faire nostre amour connaitre
Prenons l'enfant qui vient de naître,
Mangeons de chère ce poupon,
Venez çà mon petit bedon
Glisser nous sans qu'on nous écoute
Coulant dans mon sein goutte à goutte
Prenez garde mon séneschal
De faire au poupon aucun mal,
Car il n'est rien de plus aymable
En naissant il est serviable ;
En dieu mignon, le sénéchal
Aura de mon soing principal,
Je prie mon Dieu qu'il nous maintienne
Du moins jusqu'à l'année prochaine
Et nous tous en bonne santé
Agneau paschal bien augmanté
Par mes vers pour marquer l'estime
Que j'ay de nous mon cher minime
[41] J'espère pourtant qu'à Kerfors
C'est à grand regret que je sors
Chez nostre illustre de La Marche
Nous renoüerons nouvelle attache,
Ce lieu Kimper pour ces jours gras
Je croy que tu ne me voiras
Je seray tousjours chez La Marche
Du jus de ce bon patriarche
Qui passa sans boire les eaux
Nous prendrons, mangeant des agneaux
C'est ainsi qu'à Pasque on se traitte,
Bourgneuf qui sort de la retraite,
Le frère du sieur de Quilien
N'est empesché par aucun lien
De faire faire tout comme les autres
Trois beaux jours il fut un des nostres
Et s'en ala le mercredy
C'est le jour devant le jeudy ;
[42] Ce propre jour nous prist envie
D'aler passer un peu la vie
Chez Gabetière à Trohanet
La Marche et moy sur son bidet ;
Y entrant les portes ouvertes
Les testes furent découvertes,
Lorsque messieurs les habitans
Saluèrent les arrivans,
Et les arrivans saluèrent
Ces messieurs qui les abordèrent,
Après Madame on salüa
Pour le bon temps d'allélüa
Et à la belle Demoiselle
On souhaita la saison telle
Pour ce qui esr du cher Joson
Il estoit bridé comme Oyson
Un chien ayant pris de sa patte
De sa pêuve chair délicatte
Dont il emporta le morceau
Ce mal me fist verser de l'eau
Car j'ayme Joson Gabetière
Tout autant que mon âme entière
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Page 21 :
Mercredy, jeudy jusqu'au soir
Morbleu qu'il nous eust fait bauvoir ?
Les deux sieurs de la gabetière
Jan de La Marche, moy derrière
Verser, couler, vuider, trinquer
D'un jambon caresme morguer,
De ces chères je veux me taire
On scait bien qu'on ne peut pas faire
Mauvaise chère avecque ceux
De chez lesquels nous vinsmes deux
Le jeudy qu'il estoit basse heure
[43] À Kerfors dans nostre demeure
Nous passâmes les jours derniers
À faire comme les premiers
Excepté que, faute de poule
Nous mangions les œufs à la foule,
Jamais de la vie on ne vid
Ainsi que faisoit Jan mon hoste
Du fin matin tous il les oste
Et si je veux des œufs manger,
Je suis contraint pour menanger,
De les tirer de l'eau bouillante
Dans le temps que la gouvernante
Et maistre Jan ont dos tourné
Que j'en ay de mesme enfourné ;
Depechons, verons au dimanche
Le Dominica en comblis
La Marche prend son habit gris,
Et moy qui prens à l'ordinaire
Ce qui m'est le plus nécessaire
Pour ne devenir pas frilleux
C'est mon habit religieux,
Cela fait nous disons la messe
Car le pardon prochain nous presse
[44] Qui se tient dans le lieu dévot
Dit Nostre Dame Kerdevot ;
Quoique pressez, la messe ditte
La soupe faite, la chaire cuitte
Nous mismes à donner dessus
Sicut, Dom Jan à ses sanctus ;
Ah qu'une soupe de cuisine,
Fait un grand bien à la poitrine !
Quand on la prend de bon matin,
Pour moy, c'est mon meilleur festin,
Je ne trouve rien d'agréable
Comme estre le matin à table,
Pour le soir ne m'en parlez pas
Je ne fais jamais grand repas ;
Mais marchons vers cette chapelle.
La Marche prens ton alemelle
Et moy je prendray mon baston,
N'oubly de porter un teston,
Car en de pareille assemblée
Faut boire quelque coup d'emblée,
Allons d'abord nous prosterner
Devant la vierge et luy donner
Nostre cœur, la priant sans cesse
Qu'elle auprès de Dieu s'intéresse
Pour nous obtenir le pardon,
De tout c'est là le meilleur don ;
Un prestre la messe commance,
Nous augmantons son assistance.
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Page 22 :
La messe dite, nous sortons,
De ce lieu nous nous transportons
Pour voir ce grand amas de monde
Qui dans ce lieu ce jour abonde ;
Un nombre de processions
Font icy leurs incessions ;
Je me souviens de trois ou quattre,
Que je nommeray pour m'ébattre :
Ellian, et Landrevarzec,
Les deux Ergué, surtout Briec,
Qui vient enseignes déployées,
Tambour battant, cinq croix levées,
Est celle qui paroîst le plus.
Bref ce n'est qu'un flux et reflux
De processions qui arrivent,
De processions qui dérivent ;
Il est temps que nous alions voir
S'il ne pourroit point y avoir
Quelque morceau de boucherie
Dans une pauvre hôtellerie
Et goûter si le vin est bon,
À cecy tous disent bonbon,
Cinq ou six de la connoissance
De La Marche, font révérance
Et s'associent à nostre écot,
Disant vouloir donner leur pot ;
Nous nous fourrons dans une grange,
L'un de l'autre proche se range,
Guérot messager de Morlaix,
Prend proche de moy son relais,
Un autre près du sieur La Marche ;
Une pièce de bœuf l'on hache,
Aussi bien qu'un morceau de lard
Tirant par la queue le renard
Car vous scavez que telle viande
N'est pas ce que le cœur demande ;
Donc sortons de ce lieu sortons
Avecque l'hoste nous contons
L'escot n'est pas de conséquence,
La Marche en paye cette dépense,
La compagnie nous dit adieu,
Et à Dieu nous disons au lieu,
[45] À Kerfors nous nous rangeons viste
Apprenant qu'estoit dans ce giste
De Kimper l'illustre baillif [46]
Qui n'est ny poussif, ny vetif,
Homme de robbe, homme d'espée
Demander comme fut sapée
Une bouteille à prime abord
Si je voulois faire rappord
De la vie qu'à Kerfors on meine
Tout le long de cette sepmaine
D'un an je ne serois au bout
On mange, boit, joüe, somme tout,
Les deux illustre gabetières
Passent deux journées presqu'entières,
Lopau, Kerligny, Keraval
Y passent cinq jours pas tant mal
D'autres dont je n'ay pas mémoire
Furent de compagnies à boire
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Page 23 :
Jusques au vendredy bien tard
Que de Kerfors châcun départ,
Entre la sept, et huictiême heure
[47] Quattre viennent choisir demeure
Dans la rüe neûve au Lyon d'or
Néanmoins d'eux aucun ny dort
Mais seulemant y boit et mange
Puis des quattres châcun se range
À sa maison ; Lopau chez luy,
Avec sa femme Querligny,
De Queraval chez son frère,
De La Marche chez son compère
Et moy à Quimper samedy
Pour jamais adieu je luy dy,
[48] Je vas coûcher à la Boessière
Où je n'eus vin, cidre, ny bière
Mais de l'eau qui n'est pas mon fait,
Car par malheur de Keranstrait
Ny vint pas selon sa promesse,
Je tombe d'accord, je confesse,
Que quand il est à la maison
Il y fait meilleure saison,
Et que son cœur noble il signale
À faire à ses amis régale ;
Dès le point du jour je prends l'air
[49] Et pousse tout droit à Eder
L'on my dist d'abord pour nouvelle
Que la compagnie seoit belle,
Qu'un nouveau recteur ce jour là
Devoit ficher son baston là
Et prendre la place de l'autre
Qui s'en estoit alé au peautre
Je veux dire qu'il estoit mort
L'un prend place, quand l'âme sort ;
Le recteur mourant ne résigne
Jacques Tanguy abbé très digne
De qui la nomination
Dépend ; fait présentation
De cette parayse à un homme
Qui comme l'abbé se surnomme
Et s'appelle Dom Marc Tanguy
Sans flater jamais je ne vy,
Et je ne croy pas qu'on puisse estre
Plus que ce recteur digne prestre,
C'est un excellent naturel,
Un homme très spirituel
Scavant, posé, doux, raisonnable
Pulta paucis, il est aimable,
Il vient comme on me l'avoit dit,
Un notaire royal le suit
Qui ce jour là, de l'argent gaigneo ;
L'Abbé son oncle l'accompagne,
De Kerobezan, grand maison
Y sont aussi non sans raison
Estant proches parans du prestre
Qui n'eut se faire reconnaistre
De Sainct Ederne le recteur
Et le légitime pasteur,
Il ne dit qu'une basse messe
Le saignemant du nez le presse
|
§ Page 24
Puis il fist la procession
Entrant dans la posession
Avec la forme ordinaire,
Ce qu'il avoit déjà sceu faire
Une autrefois auparavant,
J'en parle comme homme scavant
Si je n'escrivois à nos maistres
Je dirois bien comme les prestres
Font en un rencontre pareil
Mais non, j'appercois le soleil
Qui dit qu'il faut que je me presse
De chanter une grande messe ;
Le service estant achevé
Au sieur abbé je dis avé
Et à toute la compagnie
Je fais humble cérémonie,
L'Abbé me présente un œuf frais
Duquel un seul morceau je fais
Puis, pour conserver ma noblesse
Un bon coup sur cet œuf je verse ;
L'Abbé devant que cheminer
Vers Kerobezan pour disner,
Dist venez avec nous mon père
Vous ferez à ce que j'espère
La meilleure chère qu'icy
Ne nous mettez pas en soucy
Montez seulement sur la beste
Que mon valet tient par la teste,
(C'estoit un très vaillant cheval
Sur lequel je n'eusse esté mal)
Kerobezan joint sa prière
Disant j'agis d'une manière
Sans façon, mon père venez
Cette satisfaction donnez
À ces messieurs qui nous souhaittent,
Non que ces messieurs me permettent
Puisque j'ay assez de bonheur
De rencontrer Monsieur Mesmeur,
De demeurer en sa présance
Pour pratiquer sa connoissance,
Sur le soir je m'honoreray
Et peut estre vous donneray
Ce que nostre grâce demande
Attendant je m'y recommande,
Adieu Messieurs, adieu Pater
Disent ils oubliant noster
Ils avancent, moy je demeure
Le sieur de Mesmeur à mesme heure
Demanda qui a (t)il au pot ?
L'hoste répond à demy mot,
Ma foy monsieur pas grande chose
De vous la présenter je n'ose
Ny entrer tousjours dist pour Mesmeur
Car j'ay disné, mais je suis ...eur
Que pour l'estomach plu bon père
Peu s'en faut qu'il ne désespère,
Apportez du moins un morceau
De lard, et un petit de veau,
Et qu'on nous tire une bouteille,
Monsieur dis je, sera merveille
Si ce jour, je mange beaucoup
Au moins pour boire un petit coup
Repartil, faud quelque chose
L'hostesse sur la table pose
§ Page 25
À l'instant un morceau de lard
Et de veau, qui fut mis trop tard
Au pot, car la viande estoit crüe,
Je me contentay de la veüe,
Mais deux œufs frais avec du pain
Firent du bien à mon corps sain ;
Des prestres qui estoient tout proches
Vivants sur la bource, et la coche
De Dom Marc leur recteur nouveau,
L'un d'eux vint ostant son chapeau
Prier d'aler où ils mangeoient
Nous fismes ce qu'ils désiroient,
Passant avec eux un moment
Monsieur de Mesmeur fist présent
À ces messieurs deux bouteilles,
Et ces messieurs à la pareille
Firent apporter de grand cœur
Une bouteille au sieur Mesmeur,
Moy de boire avec eux je cesse
Voyant que haute heure s'abaisse,
Je remercie mon cher traiteur
Qui me donna un conducteur
Pour aler suivant ma parole
[50] À Kerobezan où je vole
Tant je fais viste le chemin,
Dès que me vit la St Martin
Ils sont tous à Ste Cécile
S'écria cette bonne fille,
C'est une chapelle où ce jour
On vient de dix lieues autour,
Y a(t)il loing je luy demande ?
[51] Non la demie lieue n'est pas grande,
Donc laquais prépare un cheval
Et viens quérir cet animal
Afin que tous de compagnie
Cette assamblée estant finie
Nous venions tous nous divertir
Car on ne peut s'en garantir
Estant avec l'illustre Jacques
Qui fait cent mille micque-macques,
Cent singeries, et coupe sec
Nostre abbé de Landevenec,
Qui joint si bien Dieu et le monde
Par sa prudence sans seconde ;
Car est-il dans un sacré lieu
Il cherche, et ne panse qu'à Dieu,
Entretient-il quelque personne
Vous diriez que son cœur s'y donne,
[52] Mais chut ne vous y trompez pas
Tousjours il ne le donne pas ;
Or revenons ; je suis prophète
Autant que quelque saint qui pète
Car cette soirée se passa
À rire, si l'on ne pissa
Dans ses harres force de rire
Je ne vaux de ma vie escrire
Vous voyez pourtant que l'escris
Donc l'on pissa force de vis ;
Qui ne l'eust fait, un héraclite ?
De par ses dents je l'en depite
§ Page 26
On dist, on dist, bon dieu qu'on dit
Des choses que point on le list
Et qu'on ne lira pas encore
Car trop mon papier j'honore,
C'estoient de certains impromptus
Qui furent dits, et sont bien teus
Mais ils changeroient de nature
S'ils couloient par mon escriture
Devenans pièce à loisir,
Ailleurs vous en pouvez choisir,
Pour moy je poursuis mon histoire
Les bonnes gens pouront me croire ;
Ces messieurs sortent le lundy
Environ l'heure de midy
Moy qui crains tant et plus que liêvre
Par le chaud de gaigner la fiêvre
Ne me presse point de sortir
Attendant jeudy pour partir,
Ma belle âme est toute ravie
Quand je me rappelle la vie
Que je fis chez Kerobezan
Pour récompense avant un an
Je prie Dieu qu'il donne à mon hoste
D'Adam la plus aimaible coste
Un petit adjutorium
Dont le fertile grenium
Augmantant la dame nature
Luy donne quelque créature,
Quelque poupon, quelque vivant,
Et que ce joly mariage
Ne soit de ceux qu'un long usage
A fait nommer communémant
L'estat heureux pour un momant,
Mais que l'espoux et que sa belle
Se jurent ardeur éternelle,
Qu'ils gardent tous deux le serment
De ce premier engagement,
Et que de la paix domestique
Le temps ne rompe la pratique,
Que du futur, présent, passé
Ce couple ne soit point lassé.
Tout à propos de mariage
Faisant vers Trévarez voiage
J'entendis chanter le coucou
Qui chez luy le loge est un fou,
Sy la vilaine et sale beste
Elle fait caca sur la teste
Et dans le nid de ses voisins
Éloigner de nous tels cousins,
Et n'ayez jamais à loüage
Ny coucou, ny le cocuage ;
Mais hélas où connoist-on un
Qui de ce mal venu commun,
Ne puisse attandre l'infortune ?
Mais cette messe est importune
J'arrive donc au bourg de Laz
Gaillard, dispos sans estre las,
[53] Car en passant par bonne avanture
Chez Mesmeur, je pris sa monture,
Sa niepce la sainct Martial
N'a du tout rien de trivial,
Tout est charmant en cette fille,
[53] Un corps droit un esprit qui brille,
Descendant à Laz du recteur
Lalay me dira serviteur
§ Page 27
Ce seul mot sorty de ma bouche
Du brave recteur le cœur touche,
Il présente bouteille, et pui
Il eut ce merveilleux advis
De me faire son cheval prendre
[54] Pour mieux à Trevarez me rendre,
Rendu, je salüe le marquis
Luy disant monsieur nostre âquis
C'est le vieux marquis de La Roche
Qui de quatre vingt ans approche,
Car le jeune ny estoit pas
De son cher frère le trépas
La mort trop fâcheuse et trop promte
De son jeune frère le conte,
Et de son cousin de Carmé
L'avoient tellement consterné
Que pour cacher à son vieux père
Une fortune aussi sévère,
Il estoit en Léon alé ;
Assasinat trop signalé,
Sort malheureux, mort impreneüe,
Qui de larmes charger ma neüe,
Et jetter mon âme en langueur ;
Ô coup fatal quoy ta vigueur
Empesché à ma muse de dire,
Empesché à ma plume d'escrire
Les louanges d'une beauté
Qui passe toute nouveauté,
De la charmante de La Roche ?
Ouy je me tais, car le reproche
Que cette belle me feroit,
Trop ma juste envie plairoit ;
Sœur toute aimable toute amante
Crainte que ma muse n'augmante
Les excès de nostre douleur,
Je supprime ce grand malheur,
Nous priant néanmoins le belle
Qu'une mort sensible et cruelle
N'altère nullement le cours
De nos beaux ans, de nos baux jours.
Adieu maison trop affligée
Mon âme se sent obligée,
Pour se garantir du tourment
Que luy cause un tel accident,
D'aler au plutost en campagne
Je passe donc forest, montagne,
[54] Et me retire à Tronjoly. [55]
Arrivant je trouve madame
De ce seigneur la noble femme
[56] Une fille de Sainct Germain
Où j'arrivay le lendemain [57]
Un peu tard, ils estoient à table,
Madame la plus honorable
La plus digne et d'autant d'esprit
Dont j'ay parlé dans mon escrit
Sans faire tord à aucune autre
Car dans mes vers je n'en mets d'autre
Me receut d'un air si charmant
Que je doute fort si devant
En quelque lieu que j'ay peu estre
On n'a plus d'amour fait paraistre,
[58] Elle dist, je ne pensois pas
Vous posséder à ce repas
C'est pourquoy excusez mon père
Si je vous fais mauvaise chère
Comment madame dis-je alors
Nous railler vous, ou si je dors ?
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