La chapelle de Kerdévot - GrandTerrier

La chapelle de Kerdévot

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Catégorie : Patrimoine
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§ E.D.F.
« Setu aze ur chapel vrao », on trouvera dans le présent article quelques infos utiles sur cette chapelle cornouaillaise, dénommée « Intron Varia Kerzevot » en breton :
  1. un article avec un résumé historique et descriptif de la chapelle, rédigé par Jean Louis Morvan, ancien recteur d'Ergué-Gabéric.
  1. un diaporama iconographique de photos et croquis de la « cathédrale de campagne » et de ses atours patrimoniaux.

Autres lectures (sélection partielle) : « Le 15e siècle gothique et renaissant de la chapelle de Kerdévot » ¤ « BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle » ¤ « BONNET Philippe - Historique et description de la chapelle de Kerdévot » ¤ « MORVAN Jean-Louis - La chapelle de Kerdévot » ¤ « Monuments Historiques classés et inscrits de la commune d'Ergué-Gabéric » ¤ « 1855 - Décret impérial pour l'érection de Kerdévot en chapelle de secours » ¤ « La chapelle de Kerdévot, excursion en 1910 * » ¤ « La maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot » ¤ « La sacristie de Kerdévot » ¤ « L'hermine passante des ducs de Bretagne à la chapelle de Kerdévot » ¤ « Toponymie » ¤ « Géolocalisation » ¤ 

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[modifier] 1 Une chapelle pour un retable

(article de Jean Louis Morvan, ancien recteur d'Ergué-Gabéric, Bulletin municipal de Janvier 1980 : « MORVAN Jean-Louis - La chapelle de Kerdévot » ¤ )

A 4 km du bourg la chapelle de Kerdevot attire en été quantité de touristes. Chaque année s'y déroule, le dimanche qui suit le 8 septembre, le pardon le plus renommé et le plus fréquenté des environs de Quimper. Son origine est difficile à préciser. La tradition dit que ce fut à la suite de la peste qui, au 6-ème siècle, fit des ravages en Armorique, notamment à Elliant.

Ce fléau a été popularisé par la publication dans « Barzaz Breiz » de la ballade bretonne, très ancienne, la « peste d'Elliant ». C'est la chanson lugubre d'une femme traînant dans une charrette vers le cimetière le corps de ses neuf fils pendant que le père, pris d'un accès de folie, suit en sifflant le triste convoi. Notre-Dame arrêta le fléau sur les confins du Grand-Ergué et les habitants, en reconnaissance, lui érigèrent ce sanctuaire.

Vue arrière de la chapelle
Vue arrière de la chapelle

La chapelle actuelle, qui a dû succéder à une plus ancienne, est un grand et bel édifice du 15ème siècle, de style gothique. Le clocher, abattu par la foudre, a été refait en 1702. Sa flèche est gothique. L'intérieur est remarquable par la hauteur de sa nef (13 m.), par ses colonnes rondes et ses 2 grosses piles qui soutenaient l'arc triomphal et par sa merveilleuse architecture.

Ce qui fait la richesse de Kerdevot, c'est le splendide retable anversois du 16-ème siècle, renfermant 4 panneaux consacrés à la vie de la Vierge ; 2 autres panneaux ont été ajoutés au 17-ème siècle. Il forme un tableau de 6 panneaux, mesurant 3,12 m sur 1,70 m. L'ensemble est si étrange et saisissant qu'on a voulu y voir le résultat d'une œuvre mystérieuse : celle d'un jeune paysan, ou d'un jeune marin travaillant en secret dans la cale de son bateau.

 
Ergué-Gabéric - Chevet de la chapelle Notre-Dame de Kerdévot (Bigot)
Ergué-Gabéric - Chevet de la chapelle Notre-Dame de Kerdévot (Bigot)

Le vrai mot est que c'est là un travail des ateliers d'Anvers, dont on ne trouve que deux exemplaires en France : à la cathédrale de Rennes et dans l'église St-Germain-l'Auxerrois à Paris, et un exemplaire à Cracovie en Pologne. La tradition orale raconte que cette pièce fut amenée par mer au port de Quimper.

Les 4 tableaux primitifs montrent la naissance du Christ, la mort de la vierge, ses funérailles, son Couronnement. Les deux autres concernent l'adoration des mages et la Présentation de Jésus au Temple.

La facture des personnages, tous mobiles, l'expression des visages et des attitudes, le ton des draperies, dont l'apprêt spécial donne un brun imitant le bronze doré, la douleur des apôtres lors des funérailles de la Vierge, la naïveté de certains traits (tels ces soldats juifs qui ont voulu profaner en le touchant le corps de Marie, voient leurs mains se détacher de leurs bras et se fixer au brancard et qui se tordent de douleur), tout cela ajouté à la minutie dans les détails, témoigne avec quel soin et quel talent ce travail a été réalisé dans les ateliers du Moyen age.

Ce chef-d'œuvre de la sculpture sur bois, avec ses personnages en or patiné, est l'un des plus beaux joyaux du diocèse de Quimper, et sa visite seule mérite le déplacement. La description des tableaux dans ce bulletin serait sans grand intérêt : il faut les voir pour se rendre compte de leur valeur. Sur place, un carton contenant une description détaillée de chaque tableau aide à mieux les comprendre et les apprécier.

Statuaire, sacristie et calvaire


Une Pieta du 17-ème siècle. Adossée à une de ces piles, la statue de N.-D. de Kerdévot, du 17-ème siècle, attire les regards. Elle est assise comme une reine sur un trône d'une grande richesse architecturale, entouré de colonnettes, de pilastres ornementés que surmontent des anges musiciens.

Le Christ en croix entre la Vierge et Saint Jean, modèle absolument analogue à celui de l'église paroissiale, qui devait se trouver sur le jubé, sous l'arc triomphal, entre les deux grosses piles de pierres.

Saint Théleau, en chape, mitre et crosse, à cheval sur un cerf : statue restaurée en décembre dernier par M. Saliou.

N.-D. des Neiges. Cette appellation est fausse. L'expression de la Vierge, angoissée, indique qu'il s'agit plutôt de N.-D. de l'Angoisse. Le mot breton « erc'h » peut dire indifféremment angoisse et neige.

La lampe du sanctuaire en argent est du 17-ème siècle.

La sacristie, postérieure à la chapelle, possède une toiture en forme de carène de navire renversé, une corniche à médaillons et trois lucarnes, dont deux en œil-de-bœuf.

Dans le placître se trouve un très beau calvaire du 16-ème siècle, à base rectangulaire, qui a été très endommagé à la Révolution. Les statues placées dans 12 niches creusées dans les 4 faces ont disparu.

 

Sur la plate-forme se dressent la Croix du Christ et celles des larrons ; aux côtés du Sauveur se trouvent la Sainte Vierge et Saint Jean.Deux anges recueillent le précieux sang coulant des plaies des mains et du côté. Contre le fût Véronique tient le voile de la Vierge, et plus bas le groupe de N.-D. de pitié. Au revers on voit une Vierge-Mère, deux statues adossées à celles de la Vierge et de Saint Jean, puis Saint Michel terrassant le dragon, et enfin un « Ecce Homo ».

Le jour du pardon le podium supportant l'autel est adossé à ce calvaire : les fidèles s'assemblent tout autour, dans le placître et sous les frondaisons des arbres de l'enclos. A 300 m. à l'est dans un champ se trouve la fontaine de N.-D., abritée sous un édicule gothique. L'ensemble, chapelle et enclos, est classé par les Beaux-Arts.

Une fontaine sacrée de procession


Cette fontaine de Notre Dame de Kerdévot est située dans un champ à 300 m à l'est de la chapelle. Elle a aussi sa légende et son histoire. La fontaine est abritée par un édifice gothique supportant une statuette de la Vierge à l'Enfant, accosté de deux pinacles. Sur un des côtés, il y a une tête d'homme sculptée dans la pierre. Devant la fontaine, deux vasques carrées qui devaient servir pour les ablutions.

Jadis, les Quimpérois se rendaient en foule au pardon de Kerdévot qui avait lieu, comme aujourd'hui, le deuxième dimanche de septembre. Ils s'y rendaient par dévotion mais aussi pour faire «ripailles» après la messe sous les frondaisons. L'usage était si ancré qu'on donnait à ce pardon le nom peu orthodoxe de «Kerfricot». Ajoutons que ces agapes ne compromettaient pas l'équilibre des pardonneurs: la seule boisson admise était l'eau de la fontaine de Notre Dame.

Selon la tradition, ses eaux guérissaient du catarrhe (inflammation des muqueuses) et de la fièvre. De plus, lorsqu'une jeune maman ne pouvait allaiter son enfant, elle se rendait à la fontaine, la vidait, la nettoyait. En reconnaissance de ces soins, N.D. de Kerdévot lui accordait assez de lait pour nourrir deux bébés. Le champ s'appelait «pré aux bœufs»; les deux bœufs qui transportèrent à Kerdévot le fameux retable y éliront domicile et servirent aux paysans d'alentour pour leur labour jusqu'au soir où l'un d'eux voulut les faire travailler après le coucher du soleil... et où ils disparurent mystérieusement.

 

Un retable flamand légendaire


Enfin le voilà revenu, le 18 avril dernier, le célèbre Retable anversois réintégrait sa chapelle après une absence de 6 ans, après avoir été bourlingué de la «fournaise» du grenier du presbytère où il avait perdu toutes ses dorures à la sacristie de Kerdévot où, par temps de pluie, le sol était recouvert d'eau, puis au musée de Quimper et enfin à l'atelier de M. Paul Hemery du Faouët. Celui-ci, deux ans durant, s'est penché sur ce chef d'œuvre pour qu'il retrouve son éclat d'il y a 400 ans Quand on arrive devant le Retable, on ne peut qu'être ébahi par tant de beautés l'éclat de l'or qui recouvre certains personnages, la finesse des sculptures, l'expression des visages et l'on arrive à se demander quel artiste il faut admirer le plus, ou bien l'artiste inconnu qui créa ces merveilles à partir de petits bouts de chêne ou Monsieur Hémery qui a réussi à pénétrer dans la «peau» de son prédécesseur, s'est amoureusement penché sur ces malheureuses statuettes mutilées par les vandales ou défraichies par les siècles et réussi à nous donner le Retable tel qu'il était au XVe siècle, à ressusciter l'expression de chaque visage et le mouvement des personnages que tant d'admirateurs ont pu contempler au fil des siècles.

Le retable
Le retable

Le revoici donc dans « sa » chapelle, à la place qu'il occupa jusqu'après la guerre, sur le maître autel devant la grande verrières spécialement dessinée et décorée pour lui

Le revoici à Kerdévot cette merveilleuse cathédrale gothique perdue dans la nature, dont l'origine est incertaine La tradition rapporte que la peste fit, au XIVe siècle, de grands ravages à Elliant Les habitants d'Elliant firent le vœu d'aller en procession à Kerdévot ou déjà on vénérait la Vierge, au moment où ils arrivèrent à la jonction d'Ergué-Gabénc, sur le ruisseau qui sépare Rubernard de Niverrot, la peste cessa A cet endroit, il y avait sur le ruisseau un pont appelé «Pont ar Vossen» (le pont de la peste), et près du pont une pierre sur laquelle on voyait la trace d'un pied de femme (« troad ar Verc'hez », pied de la Vierge) et celle d'un pied de cheval (« troad ar vossen », pied de la peste) C'est là que la Vierge a écrasé la peste et sauvé Ergué-Gabéric. Belle légende qui témoigne de l'imagination fertile de nos ancêtres et de leur dévotion envers la Vierge En reconnaissance, les Elliantais et les Ergué-Gabéricois érigèrent un sanctuaire à N.D.de Kerdévot, humble bâtisse dont il ne reste aucune trace.

Le Retable mesure 3 m 12 x 1 m.70 et a été exécuté en 2 époques. Les quatre panneaux consacrés à la vie de la Vierge (les 3 du bas : Nativité du Christ, mort de la Vierge, ses obsèques et celui du milieu en haut : couronnement de la Vierge) datent de la fin du XVè siècle. Les deux autres (adoration des pages et présentation de Jésus au Temple) ont été ajoutés au XVIe ou au début du XVIe le siècle.

L'ensemble de ces sculptures est tellement étrange, le caractère de scènes et de chacun des personnages tellement saisissant, que le merveilleux s'y est attaché et que l'on a voulu y voir le travail d'un artiste mystérieux : Les uns disent que c'est l'œuvre d'un jeune garçon campagnard, les autres l'ouvrage d'un jeune marin travaillant en secret dans la cale de son navire. Il aurait été amené au port de Quimper par ce navire naviguant sans un seul homme.

Chaque paroisse de Quimper s'y rendit en procession pour l'acquérir. Mais chaque fois le navire s'écartait du rivage. Quand vint la procession d'Ergué-Gabéric, le bateau ne bougea pas. On mit le Retable sur une charrette tirée par deux bœufs trouvés sur la place, qui s'arrêtèrent à Kerdévot. Ces deux bœufs élirent domicile à la fontaine de Notre Dame (celle-ci existe toujours comme le montre la photo de la couverture avec sa légende). Les paysans pouvaient s'en servir pour leurs travaux, mais à condition de les libérer dès le coucher du soleil. Un paysan, un jour, les garda plus tard dans la nuit : on ne revit plus jamais les bœufs.

 

Tout cela est une légende, conservée encore de nos jours. Mais le vrai mot est que le Retable a été construit par un des ateliers d'Anvers, à qui on doit d'autres exemplaires similaires : à la cathédrale de Rennes, à l'église Saint-Germain d'Auxerrois à Paris, et à Cracovie en Pologne, la ville du Pape Jean-Paul II. Une dizaine de personnages portent, comme estampille, sur le sommet de la tête, une main coupée imprimée au feu rouge, qui est la marque de fabrique de l'école d'Anvers. Un mécène a dû acheter ce Retable, soit à Anvers même, soit plutôt au marché d'œuvres d'art de la Martyre, près de Landerneau, marché très florissant à l'époque comme le témoignent les nombreux chefs d'œuvres que contiennent les églises de la Vallée de l'Elorn.

La facture des personnages et surtout les sculptures décoratives qui surmontent chaque tableau permettent de dater les deux époques de la fabrication du Retable et témoignent de la différence de talents des deux auteurs : les 4 tableaux du XVe siècle sont entourés de colonnettes guillochées et de fines découpures gothiques moulurées et feuillagées, avec le M (Marie) comme motif.

Les deux tableaux postérieurs sont encadrés d'arabesques sculptées beaucoup plus lourdes. La facture des personnages, tous mobiles (ce qui a facilité le vol), l'expression des visages et des attitudes, le ton des draperies, la douleur des Apôtres à la mort et aux funérailles de la Vierge, la naïveté de certains traits (la punition des soldats dont les mains coupées se collent au brancard) tout cela, ajouté à la minutie dans les détails, témoigne avec quel soin et quel talent on travaillait dans les ateliers du Moyen age.

Le 6 novembre 1973, ce Retable a été cambriolé et saccagé par un gang «spécialisé» de Bruxelles. Après avoir brisé la vitre, ils ont enlevé 11 statuettes et dans leur précipitation mutilé plusieurs autres. Classé par les Beaux-Arts ce Retable a été restauré par Monsieur Hémery qui a repris les couleurs d'origine dont la dominante est l'or. Par respect pour l'artiste anversois, les statues volées n'ont pas été refaites. Deux ont été retrouvées : le petit ange du tableau de la Nativité et un soldat du tableau des funérailles de Marie.

Dans le tableau de la Nativité il manque : la Vierge avec l'enfant Jésus sculpté dans le manteau de Marie (une partie du corps de l'enfant Jésus est resté), Saint-Joseph, un joueur de cornemuse, une femme, du tableau de l'adoration des Mages, il manque deux rois mages. Enfin au tableau de la mort de la Vierge, il manque trois apôtres placés sur le devant de la scène. En même temps, les voleurs s'en sont pris à un autre retable au fonds de la chapelle, côté calvaire, représentant le Baptême du Christ. Une statue a été retrouvée (celle du Père éternel) et à d'autres statues plus récentes, œuvres de Guillaume Saliou de Bigoudic.

L'autre retable du fond de l'église représente une «Pietà». Il doit être restauré l'année prochaine et placé à gauche du retable anversois, tandis que le retable amputé) du Baptême du Christ sera placé à droite, tous deux encadrant harmonieusement la « merveille » de Kerdévot. Le vendredi 23 novembre 1979, 6 ans après le vol, M. Benjamin Le Fur, de Menez Kerdévot et auquel on peut s'adresser pour visiter la chapelle, le si fidèle et dévoué gardien de la chapelle, qui fait deux rondes quotidiennes matin et soir, constata que la porte de la sacristie avait été fracturée. Une nouvelle fois, les gangsters se sont rués sur notre Retable. Ils pénétrèrent dans la chapelle après avoir fracturé 5 portes, dont 2 en acier. Puis, à coup de masse, ils s'acharnèrent sur la vitre de protection blindée, mais ne réussirent qu'à l'égratigner. On suppose qu'ils ont dû être dérangés dans leurs «travaux» de démolition car d'autres statues (2 de la Crucifixion) avaient été descellées. Il suffisait de les prendre.

Espérons que les responsables des Beaux-Arts, après ce sérieux avertissement, comprendront combien il est urgent de protéger ce chef d'œuvre de valeur inestimable, par un système de sécurité et d'alarme. Celui-ci aurait dû être mis en place depuis un an, mais les tergiversations et les lenteurs administratives ont fait que notre Retable a, une nouvelle fois, failli disparaître pour de bon.

Jean-Louis MORVAN
Recteur

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    Thème de l'article : Richesses patrimoniales

    Date de création : Janvier 1980    Dernière modification : 23.08.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]