L'hermine passante des ducs de Bretagne à la chapelle de Kerdévot - GrandTerrier

L'hermine passante des ducs de Bretagne à la chapelle de Kerdévot

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Catégorie : Patrimoine
 Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.
Au-dessus du porche principal de la chapelle de Kerdévot, à la base de la chambre des cloches, on peut admirer une pierre sculptée en bas relief représentant une hermine passante accolée de la jarretière flottante de Bretagne, et constituant l'emblème des ducs de Bretagne.

Que sait-on des origines de ce symbole ? Quelle est la signification de sa présence à Kerdévot ?

Autres lectures : « La chapelle de Kerdévot » ¤ « KERDÉVOT 89, Association - Kerdévot, livre d'or du 5e centenaire » ¤ « La maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot » ¤ « La maîtresse-vitre de la Passion de l'église St-Guinal » ¤ « La sacristie de Kerdévot » ¤ « Eléments classés et inscrits du patrimoine de la commune d'Ergué-Gabéric » ¤ « La chapelle de Kerdévot, excursion en 1910 * » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Les mémorialistes, historiens et passionnés d'archéologie du 19e et 20e siècle ne l'ont guère mentionnée dans leurs inventaires : ni Paul Peyron et Jean-Marie Abgrall dans leur notice de la paroisse d'Ergué-Gabéric, ni René Couffon et Alfred Le Bars dans leur répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et du Léon, ni Louis Le Guennec dans son histoire de Quimper Corentin et son canton. À croire que l'ouvrage était très haut perché et qu'il fallait de bons yeux pour l'apercevoir.

Par contre Anatole Le Braz avait bien remarqué le bas relief le 29 juin 1899 : « Venu ce soir à Kerdévot. Remarqué l’hermine ailée qui est sculptée au fronton de la Tour ». L'aile en question est la représentation de la bannière ducale ornée de mouchetures d'hermine que l'animal porte comme une écharpe. On a donc ici deux variantes de l'hermine :

Image:right.gif La « moucheture » classique sur la bannière ou jarretière.

L'écu « d'hermine plain », c'est-à-dire entièrement blanc et tacheté de mouchetures noires, fut adopté au début du règne de Jean III le Bon (1312-1341). Cette fourrure héraldique était constituée des peaux de l'animal cousues côte à côte et alternées en hauteur ; et les queues à l’extrémité toujours noire étaient posées en quinconce au centre de chaque peau et attachées par trois petites agrafes.

Image:right.gif L'animal dénommé « hermine passante » en héraldique.

Ses premières utilisations datent de la fin du 14e siècle, sur les pièces de monnaie bretonnes, et sur le collier de l'ordre de l'Hermine, ordre militaire et honorifique institué par le duc Jean IV.

Le duc Jean IV, entre 1380 et 1385, fit également construire le château de l'Hermine à Vannes pour renforcer l'enceinte de la ville et y créer la résidence des ducs de Bretagne jusqu'au milieu du XVe siècle. Les armoiries de la Vannes avec une représentation d'une « hermine passante cravatée d'hermine doublée d'or » sont attestées depuis le 15e siècle.

Par ailleurs, les deux navires qui permirent au Malouin Jacques Cartier de découvrir le Canada avaient pour nom la Grande et la Petite Hermine. Et la ville de St-Malo a également adopté une « hermine passante » dans la composition de son blason.

 

Quant à Ergué-Gabéric la présence de l'emblème ducal est manifeste sur la maitresse-vitre de l'église paroissiale. Et également, comme dit en introduction, à la chapelle de Kerdévot, sur le bas-relief du clocher, mais également sur la charpente du chœur sous la forme d'un écu plein de Bretagne, peut-être sur un blason sculpté (aujourd'hui martelé) au-dessus du porche principal, et enfin sur une sablière de la nef sur un écu ducal en alliance avec les fleurs de lys du roi de France (Note: des clichés photographiques de ces écus seront ajoutés prochainement au présent article).

Ce dernier blason, daté par son alliance dans les années qui suivirent le premier mariage royal d'Anne de Bretagne, en 1491, amène l'hypothèse de travaux sur la couverture de la nef plus tardifs que ceux du chœur du fait que le vitrail porte la date de 1489.

Il est vraisemblable que le bas-relief de l'hermine passante devait était là en cette fin du 15e siècle. Certes le clocher a été reconstruit après sa chute en 1702 (avec l'ajout de tourelles latérales), mais la pierre ducale ancestrale a du être replacée à l'identique en sa place privilégiée. La position en hauteur de l'hermine et du blason voisin des Lopriac (également présent sur la sacristie) leur a permis d'échapper aux opérations de martèlement à la Révolution à la différence des blasons juste au-dessus du porche.

Les armoiries des Lopriac « De sable ; au chef d'argent, chargé de trois coquilles de gueules » sont la marque de Guy-Marie de Lopriac, comte de Donges, maréchal des camps et armées du Roi, seigneur de Botbodern en Elliant, qui finança les travaux de restauration du clocher et de construction de la sacristie en 1702-1705 ; sur le clocher l'écu est entouré de palmes et timbré d'une couronne comtale.

Roger Barrié, spécialiste reconnu des chapelles cornouaillaises et de leurs vitraux, a analysé les raisons économiques et culturelles de la présence ducale (cf texte ci-après) dans les campagnes bretonnes dès le 15e siècle : les nombreux voyages des ducs dans tout le pays, leurs programmes d'aide à la constructions de sanctuaires au 15e siècle, et les exonérations de charges pour accélérer les chantiers ... En contrepartie les chapelles portaient les emblèmes de leurs donateurs.

[modifier] 2 Albums photos


[modifier] 3 Présence ducale

Texte de Roger Barrié (pages 39-40 de l'ouvrage collectif « KERDÉVOT 89, Association - Kerdévot, livre d'or du 5e centenaire ») :

Il convient de remarquer qu'un poinçon de la charpente dans le chœur porte l'écu plein de Bretagne qui se retrouve, mais en alliance avec France, sur la sablière nord de la première travée de la nef.

L'emplacement de ces blasons confirme l'avancement du chantier tel que le montre l'analyse architecturale : le chœur, seul, est couvert durant le règne du duc François II dont le décès en 1488 est contemporain de l'exécution d'un vitrail du chœur sur lequel est peinte la date de 1489. Ce n'est qu'après le premier mariage royal d'Anne de Bretagne, en 1491, et sans que l'on puisse mieux préciser, que la couverture de la nef fut entreprise puisque le blason sur la sablière à l'ouest indique cette alliance.

Malheureusement, la baie axiale et l'oculus ne conservent aucune trace du blason ducal à la différence de la maîtresse vitre de l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric, datée 1516, ou de celle de Locronan qui est légèrement antérieure.

Ces blasons indiquent l'intérêt du pouvoir ducal pour la construction de Kerdévot. On connaît les voyages des divers ducs à travers la Bretagne ; on sait aussi qu'ils s'investirent dans la construction des sanctuaires au XVe siècle.

Jean V appuie le démarrage de la façade de Quimper et contribue aux chantiers du Folgoët, de La Martyre, de Kernascléden ; ses successeurs continuent cette politique de mécénat, au besoin par des libéralités, par des mesures d’exonération fiscale comme à Locronan ou encore à Lambader en Plouvorn où le produit de l'impôt sur les vins n'est pas perçu par le duc mais est gardé localement au bénéfice de l’œuvre ; elle leur permet d'asseoir, par des investissements tangibles liés à des cultes réputés, leur autorité et leur suprématie sur les grands féodaux du royaume.

 

Il faut, pensons-nous, interpréter dans ce sens les écus du porche occidental ; ils ont été bouleversés par les reprises du XVIe siècle et même de 1702 ; ils ont été martelés à la Révolution ; mais un seul, qui devait dominer les autres, est posé sur une bannière à deux pointes horizontales qui pourrait indiquer le blason ducal comme au chevet de Saint-Fiacre du Faouët ; cependant, il y manquerait les tenants qui présentent habituellement l'écu ducal.

En revanche, la lecture d'une pierre sculptée en bas relief et remployée, lors des travaux de 1702, en haut de ce pignon est claire : il s'agit de l'animal emblématique du duc, une hermine passante, ornée d'une sorte d'écharpe légèrement déployée au dessus d'elle. L'iconographie de cet emblème et son maintien en supériorité au XVIIIe siècle permettent de conclure à la présence ducale à Kerdévot.

Enfin un entrait [1] du chœur porte la tiare papale ; il n'est pas impossible d'imaginer qu'il y ait eu conjonction de facteurs ; on connaît l'habitude de Rome de favoriser, par le moyen d'une bulle exceptionnelle, la construction des édifices religieux.

Sur les instances de l'évêque de Quimper et à l'initiative du duc qui lui-même aurait accordé des exemptions d'impôts, la papauté a pu exonérer les paroisses de certaines charges afin d'accélérer le chantier, le tout assorti d'indulgences plénières pour favoriser la dévotion individuelle des familles et celle des populations.

Il faut reconnaître qu'aucun document archivistique ne confirme encore cette hypothèse ; elle a le mérite de prendre en compte des figurations et des dispositions peu remarquées à ce jour et qui situent la construction de Kerdévot dans le cours même de la politique ducale en Bretagne à la fin du XVe siècle.

[modifier] 4 Annotations

  1. Entrait, s.m. : terme de charpentier, pièce principale d'un comble, après la poutre, celle qui soutient le poinçon et empêche l'écartement des arbalétriers, dans chacun desquels on trouve assemblée une des extrémités de l'entrait. Source : Littré. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]


Thème de l'article : Descriptif et origine d'éléments de patrimoine

Date de création : septembre 2012    Dernière modification : 20.04.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]