La maîtresse-vitre de la Passion de l'église St-Guinal
Un article de GrandTerrier.
|
Suite à la découverte récente d'un article dans le Bulletin de l'Association Bretonne de 1849 où Philippe Lavallée Les autres spécialistes qui nous ont laissé des travaux sur cette grande verrière sont Paul Peyron et Jean-Marie Abgrall (1908) Les photographies des scènes, arcs supérieurs et blasons ont été prises en mai 2010. Autres lectures : « 1516 - Inscription millésime en minuscules gothiques sur le vitrail de St-Guinal » ¤ « La maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot » ¤ « GATOUILLAT et HÉROLD - Corpus Vitrearum, les vitraux de Bretagne » ¤ « BARRIÉ Roger - Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle » ¤ « Eléments classés et inscrits du patrimoine de la commune d'Ergué-Gabéric » ¤ « 1634-1639 - Acte prônal, lettres patentes du Roi, registres du Parlement et prééminences » ¤ |
[modifier] 1 Origine et spécificités
Sous la 4e lancette de la verrière (panneau d1), une inscription en écriture gothique porte la date millésime de 1516. L'épaisseur du joint en ciment recouvre malheureusement la dernière ligne, laquelle était encore partiellement discernable sur des clichés de 1948 de Louis Grodecki (1910-1982)
Philippe Lavallée fait mention de l'année 1528 qui, d'après lui, était visible sur les arcs supérieurs. Couffon mentionne quant à lui l'année 1728 qui correspondrait à une restauration. Mais Roger Barrie y voit une transcription abusive du sigle IHS (Iesus Hominum Salvator) sur deux cartouches supérieurs. Sur l'arrêté de classement Monuments Historiques de 1898, la maitresse-vitre de la Passion est indiquée comme exécutée vers 1520, alors que la verrière également classée de saint François et sainte Marguerite date de 1571. Roger Barrié, dans son mémoire « Etude sur le vitail en Cornouaille au XVIe siècle », en comparant avec les verrières voisines de la même époque (Plogonnec, Penmarc'h, Guengat), pense que celle d'Ergué-Gabéric a été réalisée par un atelier indépendant de sculpteurs autonomes qui ont privilégié le tiers point |
[modifier] 2 Lancettes - Vie du Christ
La très haute baie axiale de St-Guinal présente la Vie du Christ en douze scènes développées de gauche à droite sur les quatre lancettes, et de bas en haut sur les trois registres superposés. Les descriptions générales ci-dessous sont extraites des travaux des chanoines Peyron et Abgrall a1 Nativité La Sainte Vierge et saint Joseph, à genoux, adorent l'Enfant Jésus ; au-dessus de la tête de saint Joseph brille l'étoiles des Mages. Autour du berceau d'osier, la Vierge en prière et saint Joseph dans l'attitude de l'émerveillement se détachent devant une masure ruinée, couverte de chaume ; on ne voit que les têtes de l'âne et du bœuf. L'étoile se détache sur un fond rouge damassé. b1 Circoncision La Sainte Vierge tient l'enfant Jésus sur une table ; le grand prêtre, vêtu d'un manteau rouge et coiffé d'une mitre, accomplit le rite. La Vierge présente l'enfant dénudé, sur un autel couvert d'une nappe, au mohel A la fin du Moyen Age le thème est contaminé par celui de l'imposition du prénom, d'où le registre ouvert, ainsi que par celui de la présentation au temple, ce qui explique l'assimilation du mohel au vieillard Siméon et la présence de la prophétesse Anne. Sur le galon de la manche gauche de la dalmatique, on lit VICTORIAC... ; et sur ceux de la fente latérale, AVIDE..AUYNX et CA. c1 Baptème Le Saint Esprit descend sur le Christ sous la forme d'une colombe. Sain Jean verse l'eau baptismale avec une cruche sur la tête du Christ immergé et recueilli pendant qu'une colombe se penche au-dessus de sa tête. d1 Entrée à Jérusalem Entrée triomphale du Christ sur un âne. Le Christ, monté sur l'ânon et suivi des apôtres dont on voit trois visages, est acclamé à la porte des remparts par un groupe de quatre hébreux ; des deux premiers, adolescents en tunique courte, selon le texte de l'Évangile apocryphe de Nicodème "pueri Hebraeorum", l'un bat des mains et l'autre tient un rameau ; au fond, un personnage adulte se décoiffe. a2 Cène Le Christ communie avec les apôtres. Le Christ debout tient un calice et présente l'eucharistie à saint Pierre agenouillé au premier plan ; huit têtes d'apôtres sont étagées à sa droite. Une table, recouverte d'une nappe blanche damassée, avec dentelles, en occupant le centre de la scène comme la Circoncision, sépare les protagonistes et donne de la profondeur à une composition délicate. Le calice est figuré comme une pièce d'orfèvrerie gothique à pied et nœud polygonaux. b2 Jardin des Oliviers Le Christ s'adresse à son Père, dont on voit la figure dans un nimbe lumineux ; les trois apôtres sont endormis : saint Pierre serre la poignée de son épée. |
Le visage du Père, tel un reflet de celui du Fils, apparaît au Christ en prière pendant que les trois apôtres dorment : le lieu est symbolisé par un arbre et une clôtures de branches tressées. Alors que Jacques et Jean dorment la tête dans la main ouverte et appuyée sur l'avant-bras dressé, c'est-à-dire dans la position traditionnelle du sommeil depuis l'art romain au moins, Pierre est couché de tout son long en travers de la scène, enveloppé dans un grand manteau rouge qui couvre même la tête et d'où ne dépassent que le profil, la garde du glaive et les pieds nus. Sol parsemé de plantes à tiges. c2 Arrestation Baiser de Judas : saint Pierre vient de couper l'oreille de Malchus. Le Christ recolle l'oreille de Malchus assis à terre avec lanterne et hache pendant que Judas l'embrasse en cachant sa bourse et que Pierre rengaine son glaive. Deux soldats à droite, dont l'un en armure avec hallebarde. Les cimeterres de Malchus et du soldat sont sur le même modèle, avec fourreau damasquiné, comme celui du Portement de croix. d2 Flagellation Le Christ est flagellé, c’est-à-dire lié à une colonne où il est frappé avec un fouet aux lanières. Un des bourreaux porte des grelots aux oreilles. Il convient d'intervertir cette scène avec la suivante au registre supérieur pour conserver la cohérence du récit. Les bas de chausses du bourreau de droite sont tombés au cours de l'effort ; l'autre bourreau tient la corde qui attache le Christ à la colonne par la taille ; il porte un bonnet enfoncé jusqu'à l'oreille au lobe de laquelle pend un grelot. Ces détails pittoresques relèvent de l'iconographie courante du 15e siècle, principalement dans l'art flamand. Pavage du sol constitué de cercles et losanges alternés comme dans la scène du Christ devant Pilate. a3 Christ devant Pilate Pilate se lave les mains ; le Christ est emmené par les soldats. Carton exactement identique à ceux de Plogonnec. On distingue bien ici la décoration florale sculptée sur le dossier du trône. Deux lignes de lettre sur la panse de l'aiguière : "VOEAIVRE" ; sur le galon de la tunique courte du serviteur on lit : "E...OR...V..." et sur le camail : "NDREIOV". b3 Portement de croix Le Christ, chargé de sa croix, monte au Calvaire. Composition inversée par rapport à celui de Plogonnec ; le sol est jonché de cailloux. c3 Crucifixion Longin perce le côté du Christ de sa lance ; la sainte Vierge et saint Jean au côté droit ; à la gauche le centenier à cheval ; d'autres personnages à l'arrière-plan. Carton exactement identique à celui de Plogonnec. d3 Résurrection Le Christ se lève du tombeau, vêtu d'un manteau rouge et tenant ne croix triomphale ; son tombeau est ornementé dans le style 15e siècle. Carton exactement identique à celui de Plogonnec ; mais le sépulcre est ici orné de curieuses baies trilobées inscrites dans des ouvertures rondes. Le tout comme déformé par un rendu maladroit de la perspective. |
détails des scènes | |||||
[modifier] 3 Tympan - Blasonnement
Dans le tympan de la grande verrière de l'église St-Guinal d'Ergué-Gabéric, on distingue 9 blasons qui ont été étudiés notamment par Roger Barrié De haut en bas, et de gauche à droite, tout d'abord un blason supérieur avec couronne et entouré du collier jaune de l'ordre de saint Michel (comme le sont aussi les 6 blasons inférieurs), puis deux blasons timbrés de la couronne ducale : 1. écu écartelé au 2 et 3 Bretagne, au 1 et 4 France (les fleurs de lys aient été remplacées par des morceaux de verre bleu), le blason de Claude de France (1499-1524), reine et épouse de François 1er ; 2. écu mi-parti France et Bretagne, le blason d'Anne de Bretagne (1477-1514), duchesse et mère de Claude ; 3. écu « D'hermine plain », blason des ducs de Bretagne de 1316 au 16e siècle Au-dessous, deux blasons encadrent une scène figurative du "Père éternel et crucifié" : entourées du collier de saint Michel, ils sont posées sur un listel ; sur celui de droite on déchiffre : "DEVM" ; 4. écu "de gueules à 3 épées d'argent, garnies d"or, les pointes en bas, rangées en bande" qui est de Coatanezre, famille possédant la seigneurie de Lezergué dans cette paroisse et fondue en 1532 dans Autret, ce qui donne un terminus ante quem pour dater le vitrail. Ces seigneurs semblent y avoir possédé les prééminences après la Couronne. 5. écu mi-parti inconnu "de gueules à trois barres d'argent et d'azur à trois bandes d'or" (peut-être de composition moderne). Au-dessous, quatre blasons avec collier et listel, présentées par des anges dont les têtes sont toutes anciennes : 6. écu "de gueules à la croix potencée d'argent cantonnée de quatre croisettes de même" qui est Lezergué, seigneurie de la paroisse, et détenu par la famille Cabellic aux 13e et 13e siècles. 7. écu mi-parti de Coetanezre et de Lezergué, sur le listel : "CREA" ; 8. écu écartelé au 2 Coetanezre, au 4 Lezergué et au 1 "fascé d'argent et d'azur de 10 pièces", armes de Jean Autret, époux de Marie de Coetanezre qui lui apporta Lezergué. |
9. écu mi-parti Coetanezre et "de gueules à 3 fers d'épieu d'argent" qui est de Lescuz, timbré d'un casque taré montrant une grille à barreaux verticaux et sommé d'un cimier à plumes ; le timbre indique le titre de marquis ; c'est le seul blason d'origine. Il s'agit de Jean de Coetanezre et de Catherine de Lescuz. Au dessous des blasons, on a regroupé sans cohérence quatre figures avec des morceaux de provenances diverses : I. saint Bartholomé, en manteau blanc à bordure d'or ; II. mosaïque de pièces anciennes où se détachent une tête masculine et la palme du martyre (Philippe Lavallée III. saint Michel terrassant le démon qui est en verre rouge très léger ; tête du sain du 19e siècle ; IV. saint André, de la même série que le premier, mais le visage a disparu. |
blasons | |||||
saints des arcs supérieurs | |||||
[modifier] 4 Annotations
- Cf fiche bibliographique « LAVALLÉE Philippe - Essai sur les vitraux du canton de Quimper ». A noter le texte de Lavallée fut repris respectivement par M. André dans une étude de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine en 1878, et par Edouard Vallin dans son Voyage en Bretagne de 1859. [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Cf fiche bibliographique « PEYRON et ABGRALL - Notices sur les paroisses de l´évêché de Quimper et de Léon » [Ref.↑ 2,0 2,1]
- Cf fiche bibliographique « COUFFON et LE BARS - Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper » [Ref.↑]
- Cf fiche bibliographique « BARRIÉ Roger - Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle » [Ref.↑ 4,0 4,1 4,2]
- Cf article de Norbert Bernard dans le bulletin de la Société Archéologique du Finistère « Guy Autret et l'église d'Ergué-Gabéric, défense de ses prééminences » [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Louis Grodecki (1910-1982) est un historien d'art d'origine polonaise. Spécialiste du vitrail et d'architecture religieuse. Collection de clichés du vitrail de St-Guinal au 1/10 citée dans l'étude de Roger Barrié sur le vitrail de Cornouaille au 16e siècle. [Ref.↑]
- Tiers-point, s.m. : terme d'architecture, point de section au sommet d'un triangle équilatéral. Courbure des voûtes ogivales composées de deux arcs de cercle. Une voûte élevée au-dessus du plein cintre se nomme une voûte en tiers-point. Source : Le Littré, 1880. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Plein cintre, s.m. : terme d'architecture, figure en arc de cercle. Voûte, arcade en plein cintre, ou, substantivement, le plein cintre, voûte, arcade formant un demi-cercle. Se dit par opposition à l'ogive, qui caractérise le style gothique. Source : Le Littré, 1880. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Le mohel est la fonction de celui qui exécute la Brit milah selon la tradition juive, c'est-à-dire la circoncision rituelle d'un enfant mâle au huitième jour après sa naissance. [Ref.↑]
Thème de l'article : Richesses patrimoniales communales Date de création : Décembre 2009 Dernière modification : 14.12.2019 Avancement : [Développé] |