1786-1787 - Rapports médicaux sur le traitement de l'épidémie de dysenterie
Un article de GrandTerrier.
| En 1786 et 1787 les médecins font des rapports circonstanciés sur les résultats contre l'épidémie de dysenterie qui a touché de nombreuses personnes en basse Bretagne, document qui nous apporte de précieux renseignements sur la manières de traiter les épidémies en cette fin du 18e siècle.
Autres lectures : « Pierre-Alain Denys, recteur (1785-1787) » ¤ « 1790 - Un recensement inédit à Ergué-Gabéric » ¤ « 1908-1921 - Epidémies de grippe, rougeole, dysenterie et teigne dans les écoles » ¤ « 1927 - Epidémie de teigne tondante parmi les pupilles de l'oeuvre Grancher » ¤ « 1877 - Pierre Nédélec, guérisseur de la rage, condamné pour exercice illégal de la médecine » ¤ « Evolution démographique à Ergué-Gabéric » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Les documents sont conservés aux Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine dans une liasse incluant des rapports et tableaux sur l'évolution d'une pandémie dans les autres communes de Cornouaille, à savoir notamment Quimper, Briec, Plogonnec, Douarnenez. Le dossier démarre par une lettre datée de septembre 1786 du subdélégué Le Goazre La maladie épidémique déclarée à Ergué-Gabéric et Briec est vraisemblablement la dysenterie qui est une maladie infectieuse grave se traduisant par des diarrhées et crampes abdominales, et une mortalité importante. Le nombre d'habitants de la paroisse est d'environ 1500 âmes. Si le nombre de morts en 1786-87 est de 200 sur 2 ans, le plus grand pic de décès annuels reste l'année 1779 : 159 morts, soit plus du double d'une année normale et plus de 10% de la population totale (cf. étude démographique dans le chapitre suivant). Dans la lettre du subdélégué il est question aussi de la fin de l'épidémie sur la paroisse de Briec, laquelle s'est propagée à Ergué-Gabéric où des secours sont demandés : « Les malades pauvres de Briec se rétablissent, le cour du mal est arrêté et je n'y vois plus que quelques malheureux qui aient besoin de secours, ... À peine le mal cesse-t-il d'un cotté qu'il se reproduit d'un autre (au Grand Ergué). ... le peuple de cette paroisse a réellement bezoin de secours, et que la présence du chirurgien y est d'autant plus nécessaire que M.M. les prêtres sont eux-mêmes grabataires. ». Les remèdes utilisés par les médecins et chirurgiens sont faits exclusivement de « miels, syrops et vinaigre ». Les sirops et les boissons vinaigrées sont accompagnés de produits à base de plantes et préparations diverses dont un rapport donne précisément la quantité précise délivrée à Ergué Gabéric pendant le passage du chirurgien Kerjean Les paiements des honoraires du médecin (celui qui établit le traitement) et du chirurgien (celui qui applique le traitement) sont déclenchés par l'intendant de Bretagne, au vu des rapports et certificats. Le tarif journalier est différent : 6 livres pour le chirurgien et 15 pour le médecin. Les pièces de 1786 concernant Ergué-Gabéric incluent également un rapport sous forme de tableau, adressé à la subdélégation |
En septembre-octobre 1786 sur Ergué-Gabéric, on décompte 87 personnes guéries, 94 attaqués de la maladie, mais aucun mort récente. On trouvera dans le rapport la liste des personnes traitées, toutes qualifiées de pauvres et réparties en deux catégories, la première classe L'intendant En avril 1787 le chirurgien Kerjean Le sentiment du chirurgien Yves-Marie Kerjean |
[modifier] 2 Démographie du 18e
L'épidémie de 1786 est la dernière d'une série qui n'a cessé de décimer les populations bretonnes tout au long du 18e siècle, et à Ergué-Gabéric en particulier. Pour preuve la pyramide des âges dressée grâce au recensement de la population d'Ergué-Gabéric en 1790. On remarque que les nombres recensés par tranche d'âge sont très variables d'une année à l'autre, la courbe est très grignotée. Ce n'est pas pour autant que les années de dysenterie (1779, 1786) soient marquées d'un creux très net, car la mortalité ne touchait pas que les naissances de l'année, et les nourrissons nourris au sein maternel étaient un peu protégés des contagions. |
La courbe de mortalité annuelle obtenue par les tables de répartition des décès constituées par le Centre Généalogique du Finistère est plus parlante. On y repère très nettement les années épidémiques à Ergué-Gabéric : 1720, 1739, 1759, 1768-69, 1772, 1779, 1783, 1786-87. L'année 1779 fut terrible pour toute la Bretagne qui connut un grave déficit démographique. Les années et le siècle suivants, la courbe de mortalité reprit une pente normale et stable. Si le nombre de morts à Ergué-Gabéric en 1786-87, 200 sur 2 ans, le plus grand pic de décès annuels reste l'année 1779 : 159 morts, soit plus du double d'une année normale et plus de 10% de la population totale. |
[modifier] 3 Transcriptions
Lettre du subdélégué
Rapports de 1786
|
Tableau de 1786
Rapports de 1787
|
[modifier] 4 Originaux
Lieu de conservation :
|
Usage, droit d'image :
|
![]() | |||||
![]() | |||||
![]() | |||||
[modifier] 5 Annotations
- Subdélégué, s.m. : sous l'Ancien Régime, la personne qui aide un intendant à administrer une généralité ; il y a généralement plusieurs subdélégués par généralité; source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] Le subdélégué de Quimper en 1783 est François-Marie-Hyacinthe Le Goazre de Kervelegan. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4]
- Intendant, s.m. : sous l'Ancien Régime, les intendants étaient les personnages centraux de l'administration royale dans les provinces ou généralités ; source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]. En 1796, l'intendant de la généralité de Bretagne à Rennes est Bertrand de Molleville, successeur de Dupleix de Bacquencourt. [Ref.↑ 2,0 2,1]
- Le recteur de la paroisse fut de 1784 à 1787 Pierre-Alain Denys, licencié en théologie, ancien professeur de théologie aux collèges de Lyon et de Quimper. [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2 3,3]
- Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, cote C 1375, extrait cité par Antoine Dupuy dans les Annales de Bretagne de 1886, Les épidémies en Bretagne au XVIIIe siècle, p. 115-140 et 290-308, 1887 p. 20-49 et 190-226. [Ref.↑]
- Yves-Marie Kerjean est né le 13 juillet 1755 à Quimper Saint-Julien. Initié franc-maçon dès 1776 à la loge La Parfaite Union où il est maître bleu, puis chevalier d'Orient et orateur de sa loge. Reçu chirurgien de l'amirauté de Quimper en 1785, il s'installe rue Kéréon. Suspecté de girondisme il doit s'exiler sur l'île de Jersey en 1794. Source : « Etude sur les francs-maçons quimpérois de Brunon Le Gall et Jean-Paul Péron ». [Ref.↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4]
- Manne, s.f. : suc extrait de l'arbre du frêne. Cette substance a une propriété purgative (elle stimule l’appareil digestif et favorise le transit intestinal) et peut être indiquée dans le traitement de la constipation. Autrefois utilisé comme purgatif lors d'épidémie de dysenterie. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 6,0 6,1]
- Séné s.m. : petit arbuste utilisé comme plante médicinale laxative, proche de l'aloès et de la rhubarbe dont les principes actifs sont des dérivés naturels de l'anthraquinone qui augmentent les mouvements péristaltiques du côlon. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 7,0 7,1]
- Sel de plomb, g.n.m. : appelé encore sel de saturne, ou sucre à cause de sa saveur sucrée, et par les chimistes acétate de plomb. Utilisé pour de nombreuses maladies, en autres la gonorrhée, mais également pour les hémorragies et la dysenterie. [Ref.↑ 8,0 8,1]
- Sel de nitre, g.n.m. : nitrate de potassium utilisé comme un diurétique, appelé aussi "salpètre". Historiquement, il a été utilisé comme un remède qui englobe tout pour les maux d'estomac, la douleur arthritique et de nombreuses autres conditions. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 9,0 9,1]
- Crême de tartre, g.n.f. : bitartrate de potassium, utilisé en médecin pour ses effets laxatifs. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 10,0 10,1]
- Semen contra, s.m. : plante médicinale "Artemisia cina" dont la propriété vermifuge est reconnu et recommandé pour éliminer le ver solitaire. Le nom commun « semen contra » vient du latin « semen contra vermes » ou « graine contre les vers ». Ce végétal est utilisé en syrop pour sa vertu digestive. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 11,0 11,1]
- Jalap, s.m. : poudre purgative tirée des tubercules du jalap tubéreux (Ipomoea purga), elle contient de la jalapine. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 12,0 12,1]
- Jean-Baptiste Laurent Le Breton siège au Directoire du District de Quimper. Sa fonction de docteur en médecine de Quimper le met en charge des épidémies de la subdélégation ; il atteste par exemple les traitements délivrés par le médecin-chirurgien Kerjean. Le Breton est également membre de la loge maçonnique "La Parfaite Union" de Quimper, il en est le Vénérable en 1784. [Ref.↑ 13,0 13,1 13,2]
- Les pauvres de la première classe sont ceux que leur dénuement autorise à recevoir des soins gratuits, mais qui peuvent se nourrir à leur frais. Source : C. Nougaret-Chapalain, La lutte contre les épidémies dans le diocèse de Rennes au XVIIIe siècle, Bibliothèque de l'école des chartes, Année 1982, Volume 140, Numéro 2, p. 215-233. [Ref.↑ 14,0 14,1 14,2]
- Les pauvres de la dernière classe vivent dans une misère extrême ; ils ne paient pas l'assistance médicale et alimentaire qu'on leur fournit. Source : C. Nougaret-Chapalain. [Ref.↑ 15,0 15,1]
- Gué, s.m. : milice, obligation des paroisses de fournir un contingent d'hommes qui peuvent être appelés à se battre pour défendre les frontières terrestres du pays. La milice de chaque paroisse est commandée par un capitaine, un lieutenant et un enseigne, tous trois élus. Source : AD Finistère, glossaire des cahiers de doléances. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Sans doute Guillaume Le Gall de Kerlaviou, recensé en 1790. [Ref.↑]
Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Date de création : Décembre 2009 Dernière modification : 6.03.2020 Avancement : |