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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Modifications récentes : [Journal des MàJs] Anciens billets hebdos : [Actualité, archives] Les anciennes affichettes : [À la une]


1 Bulletin d'un été gabéricois

Billet du 16.07.2016 - Il annonce des chaleurs extérieures, après des recherches trimestrielles un peu venteuses et pluvieuses, et sera expédié illico aux adhérents depuis un petit village finistérien retranché, le cachet de la poste faisant foi.

Ce bulletin démarre par la photo en couverture de la statue de saint André réalisée en 1930 par Laouic Saliou, un artiste sculpteur gabéricois, et ce dossier est détaillé en 4e de couverture et dernières pages, ainsi que l’inventaire des statues multiséculaires de la chapelle de St-André qu’il s’agirait aujourd’hui de restaurer, car sinon le risque est de perdre à jamais ce patrimoine inestimable.

Les autres sujets d’histoire, de mémoires d’anciens et de patrimoine sont aussi au rendez-vous ce trimestre :

Image:Right.gif Les 500 ans du Bourg, avec ce fragment de vitrail daté de 1516, cette belle statue mise en carte postale par Gusti Hervé, et enfin la liste des 47 habitants chefs de familles roturières du bourg en 1720.
Image:Right.gif L’hommage aux résistants disparus, Jean Le Corre et Hervé Bénéat, par la publication de témoignages inédits.
Image:Right.gif La découverte des pages originelles publiées d’un cantique en langue bretonne datant de 1712.
Image:Right.gif La visite des héritiers papetiers de René Bolloré à l’usine d’Ecusta en Caroline du Nord, et le voyage du fondateur en Cochinchine en 1845.
Image:Right.gif Des aveux et la reconnaissance régionale de certains titres de noblesse aux 16e-17e siècles.
Image:Right.gif L’enregistrement de l’inhumation en l’église St-Sulpice en 1660, son épitaphe et deux lettres inédites de Guy Autret, histo-rien érudit de Lesergué.
Image:Right.gif Les invectives de Jean-Marie Déguignet à l’encontre d’Ernest Renan, avec l’aide du protestant David Strauss.

Et bien sûr, les recherches et aventures grand-terriennes se poursuivent cet été, qu’il fasse beau ou pas !

Le bulletin en ligne : « Kannadig n° 34 Juillet 2016 »

 

2 Un petit jésuite breton défroqué

Billet du 10.07.2016 - « Dès la première page de cette fameuse Vie de Jésus, je vis que mon compatriote Ernest Renan était resté jésuite, mais un jésuite plus malin, plus roué que tous ses collègues de Saint-Sulpice », L'Intégrale de Déguignet, p. 277.

Déguignet le qualifiait de « petit jésuite breton » ou de « défroqué ». Renan a certes baigné dans les milieux jésuistiques, formé au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et ensuite celui de St-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux (et non l'église parisienne à l'architecture dite jésuite). Mais dans son essai "L'Avenir de la science", il écrira lui-même : « Les Jésuites ont fait de l'éducation une machine à rétrécir les têtes et à aplatir les esprits, selon l'expression de M. Michelet ».

Quand « La vie de Jésus » d'Ernest Renan est publiée en 1863, cela provoque un véritable scandale. Il ose soutenir que la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et que la Bible doit être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Le pape Pie IX, très affecté, le traite de « blasphémateur européen », et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprima son cours. Mais la posture de Renan n'est pas suffisante pour l'anti-clérical Jean-Marie Déguignet qui entreprend de le critiquer violemment.

Déguignet veut démontrer que Renan est resté jésuite, prêt à tenir habilement deux thèses contradictoires : « Quand il eut fini de rouler ses lecteurs avec son Jésus nouveau modèle, il leur a dit comment que ce fameux Jésus de Nazareth n'a jamais existé et pour combler la mesure de la moquerie il termine en disant : "À moins qu'on en trouve la preuve dans l'Épître de Paul aux Hébreux et dans l'Apocalypse." Ça, c'est leur dire, voilà mes pauvres ignorants comment les jésuites froqués ou défroqués savent rouler les imbéciles avec rien du tout. »

Et donc la thèse de Déguignet est que Renan ne va pas assez loin en excluant les évangiles apocryphes : « comme le Protévangile de Jacques, l’Évangile de Thomas l’Israélite. Cet évangile diffère tant des synoptiques. Si Jésus parlait comme le veut Mathieu, il n’a pu parler comme le veut Jean. » Et sa « Vie de Jésus » n'est finalement qu'un énième évangile qui le présente comme un héros : « Après l'avoir porté aux "plus hauts des sommets", Renan va jusqu'à dire que c'était un bel homme et un joli garçon ».

 

Par contre Déguignet n'a rien à dire contre « La Vie de Jésus » du protestant alllemand Davis Strauss (1808-1874) : « une vie beaucoup plus véridique ou du moins plus conforme aux récits évangéliques » qui présente comment le personnage du nouveau testament est bâti exclusivement sur des mythes.

Ernest Renan avait également lu cette somme : « La critique de détail des textes évangéliques, en particulier, a été faite par M. Strauss d'une manière qui laisse peu à désirer. Bien que M. Strauss se soit trompé dans sa théorie sur la rédaction des évangiles, et que son livre ait, selon moi, le tort de se tenir beaucoup trop sur le terrain théologique et trop peu sur le terrain historique. »

Le livre de Strauss a scandalisé son époque en montrant un Jésus historique et non divin et par sa vision des évangiles comme récit inconscient des premières communautés chrétiennes. Après la publication de cet ouvrage, David Strauss fut révoqué et vécut désormais comme professeur de lycée et homme de lettres dans sa ville natale de Ludwigsbourg.

En savoir plus : « Déguignet invective le jésuite Ernest Renan en l'opposant au protestant David Strauss »

Nota: on avait déjà signalé qu'un e-book des Mémoires de Déguignet prêtait à confusion sur Amazon, une version partielle de la Revue de Paris de 1905 qu'on peut confondre avec la version complète éditée par Arkae/an Here en 1998. Aujourd'hui ces éditions normalement gratuites se sont multipliées, on en trouve sept à 0,99 - 2,27 euros. Par contre la traduction complète en anglais de Linda Asher aux éditions Seven Stories Press est disponible en e-book pour 13,33 euros. À notre avis, l'association éditrice Arkae devrait aussi publier sa version électronique française pour contrecarrer les contre-façons !


 

3 Guido Autretius, Lesergayus

Billet du 03.07.2016 - « Avril - 4. Convoy et le 5 inh. de Guy Autret chev Sgr de Missirien, et de la Sergue » » / "Convoi le 4 avril et le 5 inhumation de Guy Autret chevalier Seigneur de Missirien et de Lesergué (Ergué-Gabéric)", Registres Mortuaires de St-Sulpice, Paris.

La découverte de ce registre disponible sur Internet sur le site Gallica de la BNF nous a conduit à construire un espace réservé à Guy Autret, ce qui permettra d'y inscrire ses innombrables lettres et publications, rangées année par année, jusqu'en 1660 année de sa mort.

En commençant par deux lettres de 1655 à son ami parisien Pierre d'Hozier. Dans la première il montre son attachement familial au catholicisme en édifiant une chapelle dédiée à St-Joachim, et en même temps il déclare son admiration aux huguenots.

Dans la deuxième lettre transcrite, comme quelques initiés de ce milieu de 17e siècle, il découvre cette toute nouvelle plante médicinale : « Monsieur du Hamel m'avoet envoië de Beleme une drogue nomée du thé, qui est une feille qui vient des Indes, l'ordonance porte qu'il en faut prendre en un bouillon, le matin, le pois d'un escu ».

Le corps de Guy Autret a été convoyé et exposé le 4 avril 1660 en l'église de St-Sulpice et inhumé le lendemain. On peut voir aujourd'hui encore dans les cryptes de cette église des monuments et plaques funéraires dont certains datant du 17e siècle : de Montmorency en 1690, Blondel Nicolas-François en 1686, Marolles Michel en 1681, Olier Jean-Jacques en 1657 ...

C'est une opération chirurgicale, l'opération de la pierre, qui provoqua sa mort, car il souffrait depuis de nombreuses années de calculs ou lithiase urinaire. Le 15 septembre 1655 il se posait déjà la question d'une opération chirurgicale : « mon mal, qui est une carnosité au spinter et prostats, ne guerira jamais sans une opération manuele ».

Il est probable que Guy Autret, lors de ce dernier séjour à Paris, était hébergé au 56 rue Saint-André des Arts, plus exactement qui était à cette époque l'hôtel de Lyon. Ainsi en témoigne l'inventaire des dépenses occasionnées par son inhumation: « laquelle some a esté trouvée dans les coffres de deffun Mr de Missirien après son decebz ... Fait à Paris, à l'hotel de Lyon, rue Saint-André des Arts », ce document des archives finistériennes E 227 ayant été communiquées par Daniel Bernard.

 

Le 10 avril suivant, la veuve de Guy Autret, Françoise Le Borgne présida une messe en sa mémoire, à laquelle assistèrent de nombreux amis quimpérois et les habitants d'Ergué-Gabéric. Julien Furic du Run, avocat et jurisconsulte réputé, y prononça un éloge en latin qui fut imprimé comme une affiche mémoriale : « HIC IACET GUIDO AUTRETIUS, MYSSIRENIUS, LESERGAYUS, EQUES TORQUATUS, LAUTHECHII fortunâ dignus, non minus propriâ Virtute, quàm alianà Clarus ».

L'épitaphe se termine en langue française : « C'EST EN VAIN QU'UN PINCEAU TRAVAILLE A TA MEMOIRE, TES BEAUX ESCRITS (AUTRET) MENENT DROIT A LA GLOIRE ».

En savoir plus : « Espace Guy Autret (17e) », « Mort et inhumation du chevalier Guy Autret de Lezergué en 1660 », « Lettre du 31 janvier 1655 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XL) », « Lettre du 19 may 1655 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XLI) »
Nota: le bulletin trimestriel Kannadig est en cours de préparation, avec comme objectif une distribution dans une quinzaine.


 

4 Histoire et patrimoine d'Annam

Billet du 25.06.2016 - « une petite chapelle consacrée à une déesse, ... on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de pardons », Rochers de marbre, Da Nang / Tourane, Cochinchine

Il s'agit d'abord d'un évènement historique en 1845 observé par deux marins, le chirurgien breton Jean-René Bolloré et le commandant Fornier-Duplan, tous deux sur la corvette à voiles l'Alcmène, en campagne militaire dans un royaume nommé à l'époque Cochinchine, en incluant sa partie Nord en pays d'Annam où réside son empereur de la dynastie Nguyen.

Le journal de bord du commandant de l'Alcmène a été publié en 1907-1908 dans les tomes 29 et 30 du Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort. Celui du chirurgien Bolloré a été édité en 1979 par son arrière petit-fils Gwenn-Aël et la Société Finistérienne d'Histoire et d'Archéologie.

Le 1er décembre 1842, la corvette de guerre, l'Alcmène, est affrétée à Rochefort et va entamer une campagne de 4 ans en longeant les côtes africaines et fait halte au Brésil à Rio-Janeire. Le voyage se poursuivra au large du Cap, puis près de l'île de France (île Maurice) où ils prêtent secours aux marins d'un navire marchand anglais qui sombre devant eux. Il fera ensuite des escales à Singapoor, en Malaisie et en Chine.

Pour l'épisode cochinchinois, le journal de J.-R. Bolloré est plus descriptif que celui du capitaine, des notes manuscrites rédigées plus tard ayant été manifestement ajoutées lors de la publication. Il développe notamment les origines de la présence missionnaire en Cochinchine, et propose une leçon d'histoire et de généalogie de la dynastie des empereurs : « Migues-Man, fils illégitime de Gya-Long , monta alors sur le trône. Dès lors, la puissance des Français tomba en décadence. »

Le chirurgien est également attentif aux coutumes locales et à la beauté des lieux, notamment les cinq montagnes de marbre de Danam / Tourane avec ses magnifiques pagodes boudhistes. C'est un véritable guide touristique qui pourraient intéresser les touristes d'aujourd'hui : « Le hasard encore nous servit à souhaits, car nous vîmes la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles... C'est en montant que nous vîmes cette inscription : grotte du ciel, de la terre et de la mer ... une demeure pour les Bonzes et une pagode où ils font leurs cérémonies ... Tel est le petit voyage que j'ai fait aux rochers de marbre, et dont le souvenir me sera toujours très agréable. »

Il exprime par ailleurs une critique du comportement des missionnaires chrétiens en Cochinchine qui ne sont pas attentifs aux volontés locales : « Toutes deux sont par trop partiales, et ne parlent uniquement que de tout ce qui serait possible de faire pour améliorer le sort des Missionnaires, et faire tolérer le christianisme en Cochinchine. M. Chamaison va même jusqu'à dire que, à cause de l'arrestation de Monseigneur Le Fèvre, ipso facto, dit-il, on pourrait menacer l'Empereur de la Cochinchine d'une guerre avec la France. »

 

Néanmoins, la campagne de l'Alcmène a constitué une mission de paix avec les échanges de lettres entre le Commandant et les mandarins (grands commis) de l'Empereur de Cochinchine, les cérémonies de négociations à bord ou à terre dans les pagodes du village voisin, les remises de cadeaux cochinchinois, et enfin l'arrivée du prisonnier libéré, l'évêque missionnaire Dominique Lefèvre (dont il fait un portait peu amène).

Cela ne suffira malheureusement pas pour éviter la guerre : en 1857, le nouvel empereur d'Annam Tự Đức fit mettre à mort deux missionnaires catholiques espagnols. En septembre, un corps franco-espagnol débarqua à Tourane (l'actuelle Da Nang) et la guerre s'enlisera jusqu'en 1862. Quant à Jean-René, il est de retour au pays breton depuis 1846 et préside aux destinées de la papeterie familiale d'Odet.

En savoir plus : « La libération d'un missionnaire au royaume d'Annam, journaux de bord de l'Alcmène 1845 »,
« BOLLORÉ Jean-René - Voyages en Chine et autres lieux » (cartes de navigation jointes)

5 Un patrimoine multiséculaire

Billet du 18.06.2016 - « Il est de la responsabilité de tous de veiller à ce que les nouveaux moyens de diffusion de l'information se traduisent par un enrichissement, et non un appauvrissement du patrimoine culturel mondial », Pierre Joliot / La Recherche passionnément.

Les statues anciennes et les autels-retables de la chapelle de St-André constituent un élément remarquable du patrimoine gabéricois et mériteraient d'être restaurées rapidement avant que leur état ne se dégrade encore plus.

Ce n'est pas un retable qu'il y a dans cette petite chapelle, mais trois, un pour chaque pan du chevet. Et plus est, il s'agit de retables d'origine lavalloise. Le retable lavallois est une forme particulière à l'origine d'une école et figure parmi les plus originaux de France du début du 17e siècle : le retable de tuffeau et de marbre qui fera la renommée des architectes lavallois dans tout l'Ouest de la France.

Bien que classé aux Monuments Historiques depuis 1992, l'ouvrage finistérien de St-André est plus modeste que les majestueux retables-autels de Mayenne ou d'Ille-et-Vilaine, mais nos trois retables gabéricois ont un certain charme, et gageons qu'une future restauration leur donnera un peu plus d'éclat. Les têtes d'angelots qui ornent les retables de saint André sont très expressifs, et les figures avec boules et sarments de vigne donnent une beauté indéniable à l'ensemble.

Quant aux vieilles statues à restaurer on peut les diviser en trois groupes distincts :

I. La seule statue conservée en tuffeau, un saint Pierre qu'on a souvent confondu avec saint André. On voit toujours la partie inférieure d'une clef dans sa main droite. Il y avait également un saint Paul de même facture, lequel s'est brisé au sol dans les années 1960.

II. Le deuxième groupe regroupe quatre très vieilles statues en bois polychrome, datées du 17e siècle, à savoir les 3 évangélistes saints Marc, Mathieu et Luc, et la martyre sainte Barbe.

L'état de ces statues est très préoccupant : le bois est rongé par endroit, il manque des bouts de membres (pouce ou main), et des marques de vrillettes ou de moisissures sont apparentes. Quand pourra-t-on redonner des mains et une belle figure à sainte Barbe ?

III. Le troisième groupe est constitué d'un Christ en croix, entouré des statues de la Vierge et de saint Jean, et accompagné d'un ange aux ailes déployées. Ces statues sont certes abîmées et méritent restauration, mais moins que le second groupe. Et quand un vrai toit sera posé sur la chapelle, on pourra placer ce groupe de statues au dessus des colonnes et frontons surmontant les retables nord et central.

 

Dans l'article, chacune de ces statues est présentée par une fiche explicative et quelques clichés. Rappelons aussi que les deux statues réalisées en 1930-50 par Laouic Saliou pour la chapelle (billet du 28.05.2016), à savoir un saint André et un saint Jacques, n'ont pas vraiment besoin d'être restaurées, contrairement aux retables et statues multiséculaires.

En savoir plus : « Les retables lavallois et les statues anciennes de la chapelle St-André »

Erratum : dans le billet d'il y a 15 jours, il était question d'une supposée annexion du manoir de Kerstrat en Chateaulin par le domaine noble de Lezergué. Après interrogations et recherches collectives, un manoir de Kerstrat a été localisé au 17e siècle sur le territoire d'Ergué-Gabéric. Cet été nous organiserons une chasse aux trésors pour retrouver ses traces.

6 Une juveignerie de ramage

Billet du 12.06.2016 - « Juveignerie, s.f. : avantage accordé en droit féodal à un puîné par rapport à l'aîné, en Bretagne et en Poitou. Les puînés devaient tenir leur héritage comme "juveigneur en ramage de l'aîné", c'est-à-dire comme faisant partie de la même famille. »

Le comte de Rosmorduc a effectué un énorme travail de transcription des arrêts de la Chambre de réformation du Parlement de Rennes : « C’est pour refouler dans les rangs de la bourgeoisie les nombreux intrigants, qui voulaient se faufiler dans le corps de la Noblesse, que Louis XIV ordonna, en 1668, une recherche générale pour toute la France. En Bretagne, une commission, qui reçut le nom de Chambre de la Réformation, fut désignée pour procéder à la vérification de la noblesse ; elle se composait des personnages suivants, qui appartenaient tous au Parlement de Rennes.  »

Pour Ergué-Gabéric une famille noble résidente pendant 7 générations, les Kersulgar ou Quersulgar, bénéficient d'un arrêt de maintenue ; l'origine du patronyme Kersulgar est mystérieuse, mais leur domaine bien réel, centré sur le manoir aujourd'hui disparu de Mezanlez en Ergué-Gabéric.

En 1668, le fils aîné François de Kersulgar fournit un nombre important de papiers familiaux pour prouver sa noblesse et la Chambre le conforte dans son titre d'écuyer, premier niveau de l'ordre : « le gouvernement noble et advantageux, sans avoir degeneré ny faict aucunne action de rotture, et ont aussu tousjours pris les quallites de nobles et escuyers ».

Les sept générations de Kersulgar, aînés ou puînés, et leurs alliances :

Les documents d'archives fournis et apportant des preuves de noblesse sont les suivants :

  • réformation des nobles de 1426 (Allain I), montre militaire de 1480-81 (Yvon) et réformation de 1536 (Allain II).
 
  • les actes de mariages avec enrichissements par alliance : le premier mentionné d'Yvon et Beatrix de Kervezaout en 1448, celui de Jan et Marye de Kerourfil en 1616 ...
  • les actes de partages entre héritiers, frères et soeurs, à chaque génération : entre « Yvon et Henri Quersulgar, freres germains » en 1479, ... , entre Jan et ses 3 sœurs juveigneures « à charge de tenir les heritages mentionnes audict partage et assiette à ramage dudidt de Quersulgar » en 1611 ...

Ce qui est récurrent, c'est la protection des puîné(e)s en cas de succession par le système spécifiquement breton de la « juveignerie ». La règle appliquée en cas de partage est rappelée : « sçavoir les deux parts à l’aisné et le tiers aux juveigneurs  ». Mais les biens du domaine noble de Mezanlez ne seront pas éclatés pour autant car « la marque et juveigneurye de ramage » ont été maintenues à chaque succession et partage, le mot « ramage » rappelant que les différents biens sont gérés comme faisant partie d'un tout familial.

En savoir plus : « 1668 - Reconnaissance de l'antienne extraction noble de François de Quersulgar »

7 Foy hommage et patibulaires

Billet du 05.06.2016 - « Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief  » ; « Fourches patibulaires, s.f.pl : colonnes de pierre dotées d'une traverse de bois où les condamnés à mort sont pendus et exposés à la vue des passants »

Norbert Bernard aimait bien ce registre « A 85 » conservé aux Archives Départementales du Finistère, intitulé « Extraict des adveux de l'inventaire de Quimper-Corentin. Actes des XVe et XVIe siècles, transcrits au XVIIIe (Quelques copies intégrales anciennes). Table sommaire pour chaque paroisse ». Pour la paroisse d'Ergué-Gabéric, cela fait 78 folios détaillés pour deux siècles d'histoire, de 1454 à 1646, avec un tas d'anecdotes encore inédites sur la vie quotidienne dans chaque « lieu noble » de nos campagnes.

En 1997, en annexe de son mémoire « Chemins et structuration de l'espace en Cornouaille du Ve siècle à la fin du XVIIe siècle. Exemples autour de la commune d'Ergué-Gabéric », Norbert proposa un index des aveux d'Ergué-Gabéric. Pour compléter ce travail, nous avons publié les clichés originaux d'un tiers des actes, complété l'index gabéricois et publié les six actes de 1540 à 1646 consacrés à Lesergué.

Les trois premiers actes de 1540 à 1618 peuvent se résumer par les formules : « prochement noblemement » ; « foy et hommage et rachapt est deub au roy au jour de la chandeleur. Droits de la Terre : colombier, moulin ». Le domaine de Lesergué détenu par les Coatanezre, puis par les Autret, est centré sur son manoir et dépendances, sa rabine, ses bois, son colombier et son moulin.

Les «  collombier et fuye à pigeons », bâtis non loin du manoir, constituent un droit réservé aux nobles, interdits aux roturiers et au clergé, qui apportait un revenu non négligeable à son propriétaire qui bénéficie ainsi de la chair tendre, de la fumure de fiente et des œufs produits par ses pigeons.

Le domaine de Lesergué relève de la juridiction du roi, contrairement à certaines autres propriétés gabéricoises dépendant de l'Evêché de Quimper. Ce qui veut que le seigneur propriétaire doit « foy et hommage » et paiement de rente à la Chandeleur à son seigneur supérieur royal. Et à chaque décès d'un sieur ou dame Coatanezre ou Autret, la succession devait être déclarée avec paiement du « droit de rachapt ».

Mais le domaine de Lesergué ne se limite pas à son manoir et de ses dépendances proches. Les aveux donnent la liste de tous les autres manoirs et villages qui ont été acquis et rattachés au domaine principal. Et pour la plupart de ces villages ou « convenants  » les détenteurs doivent payer annuellement une « chef-rente » de quelques deniers au seigneur de Lezergué. Et bien sûr si un couvenancier ou domanier vient à mourir, son héritier doit généralement payer un droit de « rachapt ». Parmi les manoirs secondaires rattachés à Lesergué on en dénote de nombreux sur le territoire de la commune dont un mystérieux, disparu aujourd'hui, celui de Kerstrat situé près de Sulvintin.

 

Quant aux villages dispersés, ils sont aussi nombreux et leurs terres chaudes (cultivées) et froides (pauvres) sont mesurées en journaux. Un certain nombre de communs de villages, terres vaines et vagues, sont derrière le terme de « frostages ».

Les prééminences ecclésiales de Lesergué, c'est-à-dire les tombes au sol, les bancs d'églises, les « tombe prohibitive » (à usage exclusif) et « élevée » (c'est-à-dire surélevée et creusée dans un mur d'église), et les « droits à enfeu » de Lesergué sont mentionnés dans les derniers actes présentés par Guy Autret et concernent quatre églises et chapelles, dont deux à Quimper et deux à Ergué-Gabéric. L'enfeu « prohibitif au coeur de l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric » est bien mis en valeur : « tombe prohibitive au coeur de l'église dudit Ergue Gaberic du costé de l'évangile, armoirie des armes de sa dite seigneurie ».

Les aveux de 1634 et de 1646 présentés par Guy Autret revendiquent également des « droits de haute, basse et moyenne justice ». Et pour ce faire il est question de fourches patibulaires que le seigneur de Lesergué pouvait dresser sur les hauteurs de Lestonan, lieu proche du manoir et y exposer les condamnés à pendaison.

En savoir plus : « 1454-1646 - Tous les adveus d'Ergue-Caberyc dans l'inventaire ADF-A85 de Kempercorantin » et « 1540-1646 - Adveus de Lesergué extraicts de l'inventaire de Kempercorantin »

8 Saint André monument historique

Billet du 28.05.2016 - « À Saint-André en Ergué-Gabéric, André a les deux mains appuyées sur un des bouts de son X, dans l'attitude d'un guerrier qui se repose sur le pommeau de son épée », Victor-Henry Debidour, La sculpture bretonne.

Comment et pourquoi cette œuvre relativement récente du sculpteur ébéniste Laouic Saliou en 1930 a été inscrite officiellement aux Monuments Historiques en tant que statue de sa chapelle éponyme en Ergué-Gabéric ?

Grand merci à Gaelle Martin responsable du patrimoine communal de nous avoir éclairés sur le trésor des statues de la chapelle de Saint-André, et nous avoir permis de proposer une réponse, à savoir l'erreur d'identification en 1909 par les chanoines Peyron et Abgrall d'une autre statue plus ancienne dans cette chapelle Saint-André.

En effet, cinq objets inscrits aux Monuments Historiques d'avril 2003 ont été versés en 2016 dans la base Palissy pour du mobilier et statues de la chapelle St-André. Parmi elles : « Saint André ; bois : taillé, peint (polychrome) ; saint André se tient debout, ses mains reposant sur sa croix ». Pour la datation « 17e siècle », on notera un petit écart par rapport à la réalité.

C'est bien Laouic Saliou qui a réalisé cette statue en 1930, comme en atteste l'inscription au pied de la sculpture. Guillaume Saliou est un sculpteur très doué, né en 1909 à Ergué-Gabéric, ayant été en apprentissage à l'atelier d'ébénisterie Autrou à Quimper à partir de 1924, et domicilié à Keranna-Bigoudic jusqu'à sa mort en 1990. Sa statue de saint André est bien en bois peint et sa hauteur de 1,12 m e pour 0,25 m de largeur.

Le vieillissement de la statue est certainement du à l'inventaire des chanoines Peyron et Abgrall en 1909 qui mentionne un saint André en tuffeau. L'identification de ce saint André a ensuite été recopié dans l'inventaire de Couffon & Le Bars en 1958. Jean-Louis Morvan, recteur d'Ergué-Gabéric, fait complèter ainsi en 1978 : « Au sommet de colonnes, il y avait 2 petites statues de pierre blanche ; il en reste une, l'autre s'est brisée en tombant : sans doute saint Paul (brisé) et saint André ».

Or, à y regarder de plus près, la statue restante n'est pas un saint André, mais un saint Pierre. Sa main droite brisée tient une clef dont le haut est manquant. Sa tunique est de couleur bleue, alors qu'un saint André est généralement habillé de rouge.

Si la statue de saint Pierre est ancienne, mais pas forcément du 17e siècle, l'unique statue de saint André est bien du 20e siècle. La Croix est l'attribut symbolique de saint André, le 2e disciple de Jésus (le deuxième n'est pas nommé), celui qui va rallier Simon-Pierre, et qui sera supplicié sur cette croix en forme de X.

 

Avis aux fonctionnaires du Patrimoine français : votre erreur de datation n'est pas une raison de vouloir éliminer la belle statue locale de la liste des objets inscrits aux Monuments Historiques ! L'artiste Laouic Saliou mérite votre reconnaissance.

Prochainement nous nous intéresserons au vieux retable en tuffeau et aux autres statues de la chapelle St-André, qui mériteraient d'urgence une opération de restauration, et la pose d'une couverture plus esthétique en remplacement de la toiture actuelle prévue comme temporaire !

En savoir plus : « La statue de saint André, oeuvre d'un artiste gabéricois et objet inscrit aux M.H. »

9 Le papier Bolloré aux Etats-Unis

Billet du 22.05.2016 - « Ecusta jumped from scratch to No. I position in the U.S. because Mr. Straus was able to pour around $4.000.000 into it. Part of the capital came from his own well-lined purse, part from his two French companies (Société Nouvelle des Papeteries de Champagne and R. Bolloré) »

Grâce au numéro d'avril 1940 (avec Mussolini en couverture) de cette revue prestigieuse « Time Magazine » en langue anglaise, on en sait un peu plus sur le démarrage de l'usine de fabrication du papier à cigarette sur le sol américain en 1939-40 : la légion d'honneur du fondateur, l'aide financière de l'entreprise Bolloré et des Papeteries de Champagne, la première bobine de papier le jour de la déclaration de la guerre.

Et en feuilletant le bulletin interne « The Echo » de cette usine Ecusta, on découvre le départ des experts français mobilisés sur le front contre l'Allemagne nazie et les cahiers O.C.B. qui font tourner la tête des ouvrières américaines, et on découvre même en photos les deux jeunes héritiers Bolloré (Michel et Gwenaël).

Ecusta, à l'origine un nom indien Cherokee qui signifie « cascade d'eau », est le lieu dépendant de la ville Brevard et du domaine naturel de Pisgash Forest où en 1938, entre Greenville (Michelin) et Asheville, un industriel d'origine allemande a lancé la construction d'une gigantesque usine de fabrication de paper à cigarette. La première bobine sera produite le 3 septembre 1939 : « Là, le jour où l'Angleterre et la France a déclaré la guerre à l'Allemagne nazie, son entreprise papetière d'Ecusta a produit sa toute première bobine de papier. »

L'usine d'Ecusta est l'oeuvre d'un grand industriel américain, Harry Hans Strauss, qui avait dans la période d'entre guerre consolidé l"industrie papetière française. Anticipant le blocage des exportations du fait de la guerre en Europe, et voulant développer le virage technologique de la pâte à papier à base de lin en remplacement des chiffons, il construit de toutes pièces une immense usine grâce à ses fonds propres, mais aussi pour moitié avec l'apport de l'entreprise R. Bolloré et de la Société Nouvelle des Papeteries de Champagne.

La revue d'Ecusta « Les Echos » était un vrai outil de communication entre les ouvriers et la direction. Tous les mois on y traitait la vie quotidiennes avec un tas d'anecdotes et de plaisanteries. Le papier OCB de couleur noire très flashy n'échappait pas aux quolibets :

 

« May 1940. One girl asked another in the M.B.D. is she was still cutting OCB papers. She said why yes, can’t you tell by looking at my eyes. What do you think is a drunk. » (Une fille demanda à une autre à la M.B.D. si elle était à la découpeuse du papier O.C.B.. Elle répondit "oui pourquoi, ne ne vois-tu pas à mes yeux. Comment est quelqu'un de saoul, d'après toi ? )

Le premier bulletin « Les Echos » de février 1940 nous confirme que des experts papetiers ont participé activement aux débuts d'Ecusta : « Départ des experts français. Le 9 décembre le clairon de la République Française a appelé sous les drapeaux cinq membres du groupe des français qui étaient parmi nous depuis huit mois ».

Ensuite l'usine d'Ecusta sera très vite auto-suffisante pour alimenter plus de 50% du marché des fabricants américains de cigarettes, et bien sûr les exportations françaises vont cesser pendant la guerre et ne seront plus nécessaires après-guerre car Ecusta va produire de plus en plus de papier.

Mais les liens entre les Bolloré et l'usine d'Harry Straus ne seront pas pour autant rompues, car la direction et les ingénieurs Bolloré y feront encore des visites amicales et professionnelles dans les années 1950-70.

En aout 1947, c'est le cadet des Bolloré, Gwenaël, qui pose dans le bulletin « Les Echos », au côté d'André Soulas, illustre chirurgien français. Il est précisé que « Gwennael Bollore a déjà passé quelques mois à Ecusta quand il étudiait les méthodes modernes de fabrication de papier à cigarettes. La famille de M. Bolloré a fabriqué du papier à cigarettes et autres papiers minces en Bretagne (France) pendant plus de 100 ans. » En mai 1950 c'est le tour de Michel Bolloré accompagné de son oncle Jacques Thubé et de son épouse Monique Follot.

En savoir plus : « O.C.B. et papetiers Bolloré en Caroline du Nord, The Echo et Time Magazine 1940-50 »

10 Cantique tricentenaire spirituel

Billet du 15.05.2016 - « Notre cantique se trouve parfaitement daté, et c'est lui même qui nous dit qu'il fut composé onze ans après l'accident du 2 février 1701 : donc il est clair qu'il est de 1712 », Antoine Favé, vicaire d'Ergué-Gabéric, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, XVIII, 1891

Ce qui suit est une trouvaille du service Archives du Diocèse de Quimper et Léon publiée dans ses collections numérisées sous le titre “E Kerdevot ez eus Induljançou quer bras - Air Santes Genovefa”.

Il s'agit de la version originale imprimée des 2 premières pages (18 strophes sur 56) du cantique de 1712, et des dernières pages 7 et 8 incluant deux additions dont Antoine Favé avait indiqué l'existence sans en fournir le texte.

Le début est certes un peu sombre : « Tristidiguez a velan, allas ! pell so er bed, Quernez hon eus bet ivez commançet da velet. Assista a reomp bemdes en enterramanchou Demeus a dud hor c'hanton, hag en ho servichou. » (Je ne vois que tristesse depuis longtemps, dans le monde, La disette, nous avons commencé aussi à la voir. Nous assistons chaque jour à des enterrements De gens de notre quartier, ainsi qu'à leurs "services et messes")

Mais la fierté locale est de mise : « Eürus bras a cavan, habitantet Ergue, Da veza, dre preferanç dan oll dud ar c'hontre, Enoret demeus un Ilis quer caër ha quer santel, Mammen an oll miraclou ha graçou eternel.  » (Je vous trouve bien chanceux, habitants d'Ergué, D'être, plus que tous les gens de la contrée, Honorés d'une église si belle et si sainte, La source de tous les miracles et des grâces éternelles).

Et s'en suit une liste des miracles de Notre-Dame et d'évènements heureux, dont certains historisés.

Au delà de l'avis critique d'Antoine Favé, les strophes ajoutées à la fin du cantique pour la promotion des indulgences sont intéressantes, car elles sont l"illustration d'une vraie pratique populaire, et bien sûr dans une langue bretonne pleine de religiosité.

Les indulgences, « Induljançou », étaient la rémission devant Dieu de la peine temporelle encourue, c'est-à-dire du temps de purgatoire, pour un péché qui a déjà été pardonné lors d'une confession. Pour les mériter il fallait venir au pardon de Kerdévot reconnaitre ses péchés et communier.

Première strophe de la première addition : « Kerdevot a bell amzer E Rom a zo bruder, Ar Pab Santel d'ar pec'her En deus-en dizeleriet : Roet en deus Indulgeançou D'an nep a goesso Gant glac'har e bec'hejou, Hac a gommunio » (Kerdévot il y a très longtemps À Rome était célèbre, Le saint pape aux pêcheurs Qui n'ont pas mérité : Il est donné des indulgences À ceux qui arriveront Avec le regret de leurs péchés Et communieront.)

 

Quant à la partie mélodique chantée, l'air du cantique principal et de la première addition est celui de « Santez Mari », mais en 1712 était-il celui que l'on connait aujourd'hui par le cantique de Notre-Dame de Rostrenen ? Par contre l'air de la deuxième addition est celui de « Santez Genevofa », sainte Geneviève, la sœur de Saint Edern et fondatrice du monastère de Loqueffret au Xème siècle, et il existe bien encore aujourd'hui un célèbre « Kantik Santez Jenevofa ».

En savoir plus : « Cantic Spirituel e gloar an Itron Varia Kerdevot ha diou addition », « Les miracles de l'ancien cantique Itron Varia Kerdevot de 1712 »

11 Un hommage au(x) résistant(s)

Billet du 07.05.2016 - « Gloire à notre France éternelle ! Gloire à ceux qui sont morts pour elle ! Aux martyrs ! aux vaillants ! aux forts ! À ceux qu'enflamme leur exemple, Qui veulent place dans le temple, Et qui mourront comme ils sont morts  », Victor Hugo (Les chants du crépuscule)

Jean Le Corre est décédé le 1er mars 2016 à l'âge de 95 ans. Pour célébrer et protéger sa mémoire, nous aimerions partager trois contributions : un texte biographique écrit par Guy Le Gars, une video filmée et montée par Gwénaël Huitric, et enfin deux photos amateurs du groupe de jeunes résistants du bourg d'Ergué-Gabéric auquel Jean Le Corre appartenait.

La bio a été publiée en 2013 dans le recueil du centenaire de l'équipe de foot des Paotred Dispount. Elle présente un personnage attachant, un grand sportif, un résistant ayant connu l'épreuve de la captivité, et qui, jusqu'à un âge avancé, a été un témoin et un passeur de mémoire, surtout auprès des plus jeunes.

La vidéo a été postée sur le site des Paotred Dispount et sur Youtube. Elle reprend quelques rencontres récentes avec notamment l'évocation de son ami Hervé Bénéat. Nous avons retranscrit le texte des passages principaux.

Les deux photos amateurs, détenues par Jean Le Corre, le présentent avec ses jeunes amis inséparables du bourg d'Ergué-Gabéric, nés dans les 1920 avant que les évènements et le sort ne s'acharnent contre eux : Fanch Balès, Jean Le Corre, Hervé Bénéat, Pierre Le Moigne, René Poupon. Et peut-être également, si vous les reconnaissez, Jean Berri, Pierre Kéraval, Louis Huitric ...

Quant aux exploits à l'actif de ces jeunes résistants, il y a bien sûr le célèbre casse des papiers du STO de Quimper qu'ils ont ensuite brulés dans le four à pain de Fanch Balès.

Mais également, il y eut cet acte symbolique à la mairie d'Ergué-Gabéric, le 11 novembre 1940, fomenté par ce groupe, à savoir l'apparition d'un poème de Victor Hugo sur le tableau d'affichage, commençant par « Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie, / Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie ... »

 
En savoir plus : « Jean Le Corre (1920-2016), footballeur et résistant déporté » - « 1940-1945 - Groupes de jeunes résistants gabéricois » - « Rencontres filmées avec Jean Le Corre, ancien résistant et footballeur »

12 Capitation du bourg en 1720

Billet du 30.04.2016 - « La Taxe Par Teste. D'une taxe légère la douceur on compare / À un peuple tout prest d'en accepter la loy / Heureux sy lon pouvoit pour si modique chose / Achepter une Paix aux voeux de nôtre Roy » (Recueil de modes, "À Paris chez Le Roux a ljmage Ste Genevieve").

La capitation est un impôt touchant nobles, roturiers et clergé, qui a été créé par Louis XIV en 1695 pour financer la guerre d'Augsbourg, puis en 1701 pour la guerre de Succession d'Espagne, et maintenu jusqu'en 1791.

Le terme est emprunté du bas latin capitatio, « taxe par tête », dérivé de caput, -itis, « tête », car toutes les français devaient contribuer, ce en plus des « fouages » (taille réelle) et de la dime pour le Tiers-point. Seules étaient exemptés de la capitation les très pauvres, les femmes mariées et les enfants mineurs avec deux parents vivants.

Nous avons la chance d'avoir un rôle de 1720, partiellement nominatif, de déclarations de 457 contribuables gabéricois (à l'exclusion des nobles et des ecclésiastiques portés sur des rôles différents), avec leur rattachement à leur trêve et leur niveau de taxation. Grand merci à Daniel Collet qui nous a communiqué l'existence de ce document conservé aux Archives Dépar-tementales de Loire-Atlantique, à l'occasion de la publication de sa plaquette « Les Gabéricois aux XVIIe et XVIIIe siècles ».

Nous avons démarré le dépouillement du Rôle gabéricois de 1720, et comme cette année 2016 sera l'année des 500 ans du chef-lieu (cf billet de la semaine dernière), nous avons commencé par le bourg qui, en 1720, était bien plus modeste que de nos jours en terme de nombre d'habitants, et donc d'habitations, et aussi en diversité de métiers. Sur moins de 2 pages, sont répertoriés un total de 47 contribuables, ce pour le territoire englobant Pennarun et Tygaradec et au-delà, ce qui marque une faible densité de population.

Les professions sont essentiellement agricoles, réparties sur deux ou trois exploitations principales. L'une est celle d'Allain Le Roux avec au moins un valet. L'autre plus importante, avec ses grand et petits valets, et deux servantes, était peut-être celle de la métairie de Pennarun.

En professions non agricoles, on trouve un organiste, une « hotesse » (gérante d'hotellerie ou aubergiste) et enfin un « texier », c'est-à-dire un tisserand, nommé ou surnommé Le Sainct, domicilié à Tygaradec (Kergaradec aujourd'hui). L'organiste avait la mission d'entretien de l'orgue historique conçu et réalisé par le facteur anglais Thomas Dallam en 1680 pour l'église paroissiale.

 

Quant à l’hôtesse, on peut se demander si son auberge n'était pas le commerce qui sera tenu par Jacquette Le Porcher jusqu'en 1766. En comparant avec l'inventaire de 1790, on constate que 70 ans plus tard il y avait en plus un boulanger, un autre aubergiste et un maréchal. Mais il n'est pas impossible que ces métiers pouvaient être en 1720 un deuxième métier en complément de celui de métayer ou journalier.

Image:Right.gif « Le Bourg en 1720 - Pages 7 et 8 » - « 1720 - Rolle de répartition de la capitation du Tiers-Etat de l’évêché de Quimper »

13 Cinq-centenaire et une colombe

Billet du 23.04.2016 - A l'heure où l'on s'apprête à fêter 5 siècles d'histoire de l'église paroissiale, penchons-nous sur le morceau de verrière du 16e siècle, à moitié caché derrière un retable baroque, et signalons la très belle carte postale et photo signée Gusti Hervé d'une statue de fin de 17e siècle :
« Sainte-Trinité : le Père Éternel, en chape et tiare, posant un pied sur la boule du monde, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son Fils ; le Saint-Esprit, sous forme de colombe, plane au-dessus de l'épaule de Notre-Seigneur. » (Jean-Marie Abgrall).

Ce fragment de vitrail ci-dessus mérite qu'on le traite comme un véritable document d'archive en papier vélin à déchiffrer, transcrire et interpréter, afin de déterminer la date de « fabric » ou élévation de cette grande maitresse-vitre de St-Guinal.

En effet le millésime de 1516, « mil.Vcc.XVI », composé en minuscules gothiques, y est encore déchiffrable aujourd'hui. Une transcription reconstituée des 4 lignes est proposée par Roger Barrié dans son mémoire « Etude sur le vitail en Cornouaille au XVIe siècle » et par Jean-Marie Abgrall dans sa notice paroissiale :

Ceste.victre.fut.fecte.
(en).lan.mil.Vcc.XVI.et.
(esto)et.pour.lors.fabric
ue--jeh--al----

L'épaisseur du joint en ciment recouvre malheureusement la dernière ligne, laquelle était encore partiellement discernable sur des clichés de 1948 de Louis Grodecki (1910-1982), historien d'art d'origine polonaise.

Certes 1516 n'est pas la date de création de l'église paroissiale, mais seulement l'année d’élévation de la maîtresse-vitre. D'autres dates antérieures sont attestées comme marquant la fondation de l'église. Et notamment les dates relevées par Norbert Bernard : « Un acte prônal du 15 décembre 1503 établit le droit du seigneur de Kerfors à disposer d'une tombe à Saint-Guinal, accordé à Charles de Kerfors, seigneur dudit lieu ; une réintégrande de 1513 précise qu'il y avait tombe «enlevée», un enfeu et une tombe au sol ».

En savoir plus : « 1516 - Inscription millésime en minuscules gothiques sur le vitrail de St-Guinal »

Anatole Le Braz remarqua la statue du père, fils et colombe lors d'une visite de l'église paroissiale d'Egué-Gabéric en 1893-1895 : « À gauche de l'autel, une belle représentation de la Trinité, Dieu le Père, Christ en travers, St Esprit perché sur l'épaule de Christ.  »

 

La carte postale fait partie d'une collection consacrée au patrimoine religieux et est libellée « Trinité. Retable de l'église paroissiale d'Ergué-Gaberic, Finistère. © Editions MEDIASPAUL - Paris. Photo : Gusti Hervé. A 225 ».

Gusti Hervé, passionné d'art sacré et très grand photographe, recteur de Pleuven pendant de longues années, a eu l'occasion de mitrailler les éléments du patrimoine gabéricois grâce à l'amitié qui le liait à Jean-Louis Morvan recteur d'Ergué-Gabéric de 1969 à 1981.

En savoir plus : « Retable de la Sainte-Trinité d'Ergué-Gabéric, carte postale de Gusti Hervé »


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