1809 - Campagne de calomnie contre le desservant François Le Pennec
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- | Autres lectures : {{Tpg|François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810)}}{{Tpg|1809 - Ponction du coffre de Kerdévot par le conseil municipal *}}{{Tpg|François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon}}{{Tpg|Jérôme Crédou, maire (1812-1815 1816-1820)}}{{Tpg|Jean-François de La Marche (1729-1806), dernier évêque de Léon}} | + | Autres lectures : {{Tpg|François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810)}}{{Tpg|1809 - Ponction du coffre de Kerdévot par le conseil municipal *}}{{Tpg|1807 - Reprise de la chapelle de Kerdévot par la fabrique et la paroisse}}{{Tpg|François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon}}{{Tpg|1804 - Affermage et conservation provisoire du presbytère}}{{Tpg|Jérôme Crédou, maire (1812-1815 1816-1820)}}{{Tpg|Jean-François de La Marche (1729-1806), dernier évêque de Léon}} |
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==Présentation== | ==Présentation== | ||
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- | La première lettre du desservant <ref name=Desservant>{{K-Desservant}}</ref> François Le Pennec démarre par la liste des reproches exprimés par ses délateurs, sur lesquels il veut se défendre auprès de son évêque <ref name=Dombidau>{{PR-Dombidau}}</ref> : « <i>Les voici comme ils sont restés imprimés dans ma mémoire : | + | Le Concordat de 1801 de Napoléon était censé être la réconciliation de l'Etat français et de l'Eglise catholique, après la rébellion d'une Église réfractaire qui avait refusé de prêter serment à la Constitution civile du Clergé pendant la Révolution. En Bretagne, le nombre de prêtres et évêques insermentés fut plus important qu'ailleurs et nombre d'entre eux s'exilèrent. Derrière le pape les évêques furent prompts à se réconcilier avec le pouvoir laïc. Mais la période du concordat fut probablement un changement social plus difficile pour les prêtres de paroisse, à l'exemple de notre premier desservant <ref name=Desservant>{{K-Desservant}}</ref> concordataire d'Ergué-Gabéric. |
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+ | La première longue lettre de 5 pages très denses écrites par François Le Pennec à son évêque <ref name=Dombidau>{{PR-Dombidau}}</ref> démarre par la liste des reproches exprimés par ses délateurs contre lesquels il veut se défendre : « <i>Les voici comme ils sont restés imprimés dans ma mémoire : | ||
1°. j'ai toujours manqué de faire l'instruction les dimanches et fêtes. | 1°. j'ai toujours manqué de faire l'instruction les dimanches et fêtes. | ||
2°. je les fais mal. | 2°. je les fais mal. | ||
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7°. j'ai fait des acquisitions</i> ». | 7°. j'ai fait des acquisitions</i> ». | ||
- | Le style du recteur est un peu ampoulé et daté, l’orthographe empreint du 18e avec ses imparfaits se terminant en -oit. Mais les propos libres, les arguments développés et sa spontanéité un peu naïve apportent un éclairage très intéressant sur les liens sociaux de cette période concordataire et post-révolutionnaire dans nos campagnes bretonnes. | + | Le style du recteur est un peu ampoulé et daté, l’orthographe empreinte du 18e siècle avec ses imparfaits se terminant en -oit. Mais les propos libres, les arguments développés et sa spontanéité un peu naïve apportent un éclairage très intéressant sur les liens sociaux de cette période concordataire et post-révolutionnaire dans nos campagnes bretonnes. |
De 1787 à 1791, après avoir été procureur, il est l'un des directeurs du petit séminaire de Plouguernevel : « <i>Moi qui il y a 24 ans fut jugé digne d'occupé une place de directeur dans un séminaire, place alors si respectée dans le diocèse et qu'on ne donnoit qu'à des personnes choisies</i> ». Il y côtoya Alain Dumoulin, futur recteur d'Ergué-Gabéric avant son exil, qui occupa également le poste de directeur. | De 1787 à 1791, après avoir été procureur, il est l'un des directeurs du petit séminaire de Plouguernevel : « <i>Moi qui il y a 24 ans fut jugé digne d'occupé une place de directeur dans un séminaire, place alors si respectée dans le diocèse et qu'on ne donnoit qu'à des personnes choisies</i> ». Il y côtoya Alain Dumoulin, futur recteur d'Ergué-Gabéric avant son exil, qui occupa également le poste de directeur. | ||
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Dès le 5 octobre 1790, avec son supérieur Hervé Le Coq et trois autres directeurs, il signe la protestation contre la constitution civile du clergé, adressée au procureur général du Finistère. En 1791 ils sont quatre à devoir émigrer en Espagne où le supérieur décéda (un des directeurs se réfugia sur l'île de Jersey) <ref>Cf « <i>Le Petit Séminaire de Plouguernével depuis sa fondation jusqu'à la période révolutionnaire</i> », M. le Chanoine Chatton, Imprimerie René Prud'homme, St-Brieuc, 1896.</ref>. | Dès le 5 octobre 1790, avec son supérieur Hervé Le Coq et trois autres directeurs, il signe la protestation contre la constitution civile du clergé, adressée au procureur général du Finistère. En 1791 ils sont quatre à devoir émigrer en Espagne où le supérieur décéda (un des directeurs se réfugia sur l'île de Jersey) <ref>Cf « <i>Le Petit Séminaire de Plouguernével depuis sa fondation jusqu'à la période révolutionnaire</i> », M. le Chanoine Chatton, Imprimerie René Prud'homme, St-Brieuc, 1896.</ref>. | ||
- | En 1801, le préfet du Finistère cite François Le Pennec dans un rapport au Ministre de l'Intérieur dans sa « <i>Liste des prêtres du département du Finistère qui, par leurs talents et leur moralité, méritent le plus la confiance du Gouvernement et jouissent de l'estime publique</i> » <ref>Cité dans « <i>Le clergé breton en 1801 d'après les enquêtes préfectorales de l'an IX et l'an X conservées aux Archives nationales</i> », Emile sevestre, Annales de Bretagne, tome 29, numéro 3, 1913, pp. 503-512. La lettre et l'enquête se trouvent aux Archives nationales F19 865.</ref>. Il dit de lui : « <i>Il n'a fait aucune soumission, 50 ans. Il est encore déporté en Espagne, il n'attend que la pacification religieuse pour revenir ; <u>beaucoup de talents et de moralité</u></i> ». Suite à cette enquête il fut nommé par l'évêque Mgr André <ref name=Andre>{{PR-André}}</ref> comme desservant à Ergué-Gabéric. | + | En 1801, le préfet du Finistère cite François Le Pennec dans un rapport au Ministre de l'Intérieur dans sa « <i>Liste des prêtres du département du Finistère qui, par leurs talents et leur moralité, méritent le plus la confiance du Gouvernement et jouissent de l'estime publique</i> » <ref>Cité dans « <i>Le clergé breton en 1801 d'après les enquêtes préfectorales de l'an IX et l'an X conservées aux Archives nationales</i> », Emile Sevestre, Annales de Bretagne, tome 29, numéro 3, 1913, pp. 503-512. La lettre et l'enquête se trouvent aux Archives nationales F19 865.</ref>. Il dit de lui : « <i>Il n'a fait aucune soumission, 50 ans. Il est encore déporté en Espagne, il n'attend que la pacification religieuse pour revenir ; <u>beaucoup de talents et de moralité</u></i> ». Suite à cette enquête il fut nommé par l'évêque Mgr André <ref name=Andre>{{PR-André}}</ref> comme desservant à Ergué-Gabéric. |
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+ | Malgré ces preuves de bonne moralité, à Ergué-Gabéric certaines personnes l'accuse d'être indolent et malhonnête : « <i>Il me tarde de déposer mes sentimens dans le sein d'un père. Cette persécution n'est pas récente, je me rappelle qu'une fois Mr Colcanap <ref name=Colcanap>{{PR-Colcanap}}</ref> ayant été à Quimper me dit : nous sommes veillés de bien près. Je lui répondis : tant mieux, celui qui fait son devoir ne peut pas y perdre</i> ». | ||
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+ | Et il ajoute, sûr de sa foi : « <i>Je dis par sentiment intime je connois ma religion. Je n'ai jamais donné de preuve de l'avoir méconnue ni avant ni pendant, ni depuis la révolution</i> ». | ||
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+ | Sur l'affaire du presbytère qui était propriété du maire, lequel bien était loué à la commune pour héberger son curé, François Le Pennec accuse son propriétaire Salomon Bréhier (franc-maçon de surcroit) de faire de la spéculation immobilière : | ||
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- | Malgré ses preuves de bonne moralité, à Ergué-Gabéric certaines personnes l'accuse d'être indolent et malhonnête. | + | « <i>Il faut remarquer 1° que <u>le presbitère n'est pas à la paroisse</u>. J'y suis comme l'oiseau sur la branche ... Depuis 4 à 5 ans je fais au presbitère toutes les réparations grandes et petites sans recevoir un sol. Mr Brehier n'en demandoit d'abors à la commune que 100 louis. ensuite il demande 300 l et acte sous signe privé fut passé à Lezergué, pour une somme de 3000 l ... L'année évolue et les réparations faites Mr Brehier exige 200 l. de ferme et 4000 l. pour le fond, et peut-être bientôt il exigera 5000 l.</i> ». |
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- | Sur l'affaire du presbytère qui était propriété du maire de la commune, lequel était loué à la commune pour héberger son curé, François Le Pennec ne mâche pas ses mots : « <i>Il faut remarquer 1° que <u>le presbitère n'est pas à la paroisse</u>. J'y suis comme l'oiseau sur la branche ... Depuis 4 à 5 ans je fais au presbitère toutes les réparations grandes et petites sans recevoir un sol. Mr Brehier n'en demandoit d'abors à la commune que 100 louis. ensuite il demande 300 l et acte sous signe privé fut passé à Lezergué, pour une somme de 3000 l ... L'année évolue et les réparations faites Mr Brehier exige 200 l. de ferme et 4000 l. pour le fond, et peut-être bientôt il exigera 5000 l.</i> ». | + | Comment s'étonner, dans ce contexte, que le prêtre engage ses économies dans une petite tenue agricole à Kergaradec près du bourg ? Un « <i>oiseau sur la branche</i> » qui ne sait plus sur quel pied danser et qui n'a dorénavant ni revenu ni domicile assuré pour héberger ses proches : « <i>j'ai sur les bras 2 mineurs avec leur mère ma soeure et veuve, ce me semble totalement ruinés par la nation, ils n'ont pas un sol sous le ciel</i> ». |
- | Comment s'étonner, dans ce contexte, que le prêtre engage ses économies dans une petite tenue agricole à Kergaradec près du bourg ? | + | Et fallait-il ponctionner le revenu des offrandes de Kerdévot pour faire les réparations du cimetière d'une part, et d'autre part dégager une portion pour le séminaire diocésain ? L'évêque <ref name=Dombidau>{{PR-Dombidau}}</ref>, connu pour sa poigne et son autoritarisme, prend carrément le contre-pied de son desservant et écrit au maire, en utilisant le nom déformé de la commune avec sans doute un accent d'ostracisme : « <i>Si Mr le <u>desservant du grand terrier</u> vous avait communiqué mon ordonnance approuvée par un décret impérial, vous auriez vu qu'il m'est impossible d'approuver l'emploi que vous désirez faire des offrandes perçues dans la chapelle de Kerdévot.</i> ». |
- | Et fallait-il ponctionner le revenu des offrandes de Kerdévot pour faire les réparations du cimetière d'une part, et une portion d'autre part pour le séminaire diocésain ? L'évêque prend le contre-pied de son desservant et écrit au maire (en utilisant le nom déformé de la commune ! ) : « <i>Si Mr le <u>desservant du grand terrier</u> vous avait communiqué mon ordonnance approuvée par un décret impérial, vous auriez vu qu'il m'est impossible d'approuver l'emploi que vous désirez faire des offrandes perçues dans la chapelle de Kerdévot.</i> ». | + | De plus, outre le manque de support de son supérieur hiérarchique, le pire des détracteurs de François Le Pennec parmi ses paroissiens se nomme Jérome Crédou, futur maire et deuxième fabricien de Kerdévot, et le recteur n'hésite pas à dénoncer son comportement : « <i>D'ailleurs le second membre de la fabrique (Jérôme Crédou qui avoit acheté la chapelle, dit-on, <u>avec les deniers des paroissiens</u>) s'oppose à tout et ne se trouve à aucune assemblée</i> ». |
- | La fin de sa deuxième lettre de François Le Pennec est terrible : « <i>D'après cet exposé que Monseigneur décide de tout dans sa sagesse. Je sais que je ne demande qu'un châtiment, mais entre deux maux il faut choisir le moindre</i> ». Ce qui veut dire en clair qu'il préfère affronter l'autoritarisme de son évêque que d'accepter d'être calomnié par le pouvoir laïc de certains de ses paroissiens et personnages publics municipaux. | + | La fin de la deuxième lettre de François Le Pennec est terrible : « <i>D'après cet exposé que Monseigneur décide de tout dans sa sagesse. Je sais que je ne demande qu'un châtiment, mais entre deux maux il faut choisir le moindre</i> ». Ce qui veut dire en clair qu'il préfère affronter l'autoritarisme de son évêque que d'accepter d'être calomnié par le pouvoir laïc de certains de ses paroissiens et personnages publics municipaux. |
- | Toujours est-il qu'il fut remplacé à Ergué-Gabéric par Le Bescou, nouveau desservant dès 1810. Où allèrent François Le Pennec, sa sœur et ses neveux mineurs ? En tous cas ce ne fut pas Audierne sa destination forcée comme il le pensait. | + | Toujours est-il que la pétition envoyée à l'évêque début janvier et signée par 47 paroissiens chefs de familles (cf document ci-dessous) ne suffit pas pour que ses supérieurs maintiennent François le Pennec dans sa paroisse. Il fut remplacé au presbytère d'Ergué-Gabéric par Le Bescou, nouveau desservant dès 1810. François Le Pennec, sa sœur et ses neveux mineurs n'allèrent pas à Audierne, sa destination proposée initialement : il sera nommé recteur de Plomodiern et décèdera le 9 février 1822 <ref name="Manuscrits">{{ManuscritBoissière}}</ref> |
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==Transcriptions== | ==Transcriptions== | ||
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Il me tarde de déposer mes sentimens dans le sein d'un père. | Il me tarde de déposer mes sentimens dans le sein d'un père. | ||
- | Cette persécution n'est pas récente, je me rappelle qu'une fois Mr Volcanap ayant été à Quimper me dit : <u>nous sommes veillés de bien près</u>. Je lui répondis : <u>tant mieux, celui qui fait son devoir ne peut pas y perdre</u>. Une autre fois, il me dit : <u>nous avons des ennemis, nous sommes taxés de négliger l'instruction</u>. Je lui dis : <u>he bien, vous savez le contraire. Nous n'y manquons presque jamais. Qu'avez-vous dit à Monseigneur</u> <u>J'ai répondu</u>, dit-il, <u>que celui de nous qui chante la grande messe, prône toujours</u>. Je pansai bien dans le tems que c'était moi que la calomnie poursuivait. Ce qui m'affligeoit ; mais comme mes supérieurs ne me disaient rien, je ne crus pas devoir me défendre sans être attaqué directement dès lors, si j'eus eu le malheur d'avoir négligé mes devoirs, j'aurais pris une autre marche, mais je ne l'ai pas négligé ni jusques alors ni depuis mon entrée dans cette paroisse, je m'y suis tenu cloué, et ma raison principale, quoyque non la seule, était que plusieurs par affection humaine | + | Cette persécution n'est pas récente, je me rappelle qu'une fois Mr Colcanap <ref name=Colcanap>{{PR-Colcanap}}</ref> ayant été à Quimper me dit : <u>nous sommes veillés de bien près</u>. Je lui répondis : <u>tant mieux, celui qui fait son devoir ne peut pas y perdre</u>. Une autre fois, il me dit : <u>nous avons des ennemis, nous sommes taxés de négliger l'instruction</u>. Je lui dis : <u>he bien, vous savez le contraire. Nous n'y manquons presque jamais. Qu'avez-vous dit à Monseigneur</u> <u>J'ai répondu</u>, dit-il, <u>que celui de nous qui chante la grande messe, prône toujours</u>. Je pansai bien dans le tems que c'était moi que la calomnie poursuivait. Ce qui m'affligeoit ; mais comme mes supérieurs ne me disaient rien, je ne crus pas devoir me défendre sans être attaqué directement dès lors, si j'eus eu le malheur d'avoir négligé mes devoirs, j'aurais pris une autre marche, mais je ne l'ai pas négligé ni jusques alors ni depuis mon entrée dans cette paroisse, je m'y suis tenu cloué, et ma raison principale, quoyque non la seule, était que plusieurs par affection humaine |
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J'aurais désiré, Monsieur le maire, qu'il m'eut été possible de faire ce que vous vous êtes proposé dans la délibération du conseil municipal du 24 octobre. | J'aurais désiré, Monsieur le maire, qu'il m'eut été possible de faire ce que vous vous êtes proposé dans la délibération du conseil municipal du 24 octobre. | ||
- | Je vous prie, Monsieur le maire, d'être persuadé de ma considération dustinguée, + p. v. évêqiue de Quimper. | + | Je vous prie, Monsieur le maire, d'être persuadé de ma considération distinguée, + p. v. évêque de Quimper. |
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Version actuelle
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Ces longues lettres d'un prêtre gabéricois illustrent les difficultés des prêtres bretons, en grand majorité insermentés à la Révolution, à s'intégrer dans l'institution catholique au moment du Concordat. Cet ancien directeur du petit séminaire de Plouguernével, exilé en Espagne, doit affronter l'autorité de son évêque, mais également les rumeurs lancées par certains de ses paroissiens. | |||||||
Autres lectures : « François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810) » ¤ « 1809 - Ponction du coffre de Kerdévot par le conseil municipal * » ¤ « 1807 - Reprise de la chapelle de Kerdévot par la fabrique et la paroisse » ¤ « François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon » ¤ « 1804 - Affermage et conservation provisoire du presbytère » ¤ « Jérôme Crédou, maire (1812-1815 1816-1820) » ¤ « Jean-François de La Marche (1729-1806), dernier évêque de Léon » ¤ |
1 Présentation
Le Concordat de 1801 de Napoléon était censé être la réconciliation de l'Etat français et de l'Eglise catholique, après la rébellion d'une Église réfractaire qui avait refusé de prêter serment à la Constitution civile du Clergé pendant la Révolution. En Bretagne, le nombre de prêtres et évêques insermentés fut plus important qu'ailleurs et nombre d'entre eux s'exilèrent. Derrière le pape les évêques furent prompts à se réconcilier avec le pouvoir laïc. Mais la période du concordat fut probablement un changement social plus difficile pour les prêtres de paroisse, à l'exemple de notre premier desservant La première longue lettre de 5 pages très denses écrites par François Le Pennec à son évêque Le style du recteur est un peu ampoulé et daté, l’orthographe empreinte du 18e siècle avec ses imparfaits se terminant en -oit. Mais les propos libres, les arguments développés et sa spontanéité un peu naïve apportent un éclairage très intéressant sur les liens sociaux de cette période concordataire et post-révolutionnaire dans nos campagnes bretonnes. De 1787 à 1791, après avoir été procureur, il est l'un des directeurs du petit séminaire de Plouguernevel : « Moi qui il y a 24 ans fut jugé digne d'occupé une place de directeur dans un séminaire, place alors si respectée dans le diocèse et qu'on ne donnoit qu'à des personnes choisies ». Il y côtoya Alain Dumoulin, futur recteur d'Ergué-Gabéric avant son exil, qui occupa également le poste de directeur. Dès le 5 octobre 1790, avec son supérieur Hervé Le Coq et trois autres directeurs, il signe la protestation contre la constitution civile du clergé, adressée au procureur général du Finistère. En 1791 ils sont quatre à devoir émigrer en Espagne où le supérieur décéda (un des directeurs se réfugia sur l'île de Jersey) En 1801, le préfet du Finistère cite François Le Pennec dans un rapport au Ministre de l'Intérieur dans sa « Liste des prêtres du département du Finistère qui, par leurs talents et leur moralité, méritent le plus la confiance du Gouvernement et jouissent de l'estime publique » Malgré ces preuves de bonne moralité, à Ergué-Gabéric certaines personnes l'accuse d'être indolent et malhonnête : « Il me tarde de déposer mes sentimens dans le sein d'un père. Cette persécution n'est pas récente, je me rappelle qu'une fois Mr Colcanap Et il ajoute, sûr de sa foi : « Je dis par sentiment intime je connois ma religion. Je n'ai jamais donné de preuve de l'avoir méconnue ni avant ni pendant, ni depuis la révolution ». Sur l'affaire du presbytère qui était propriété du maire, lequel bien était loué à la commune pour héberger son curé, François Le Pennec accuse son propriétaire Salomon Bréhier (franc-maçon de surcroit) de faire de la spéculation immobilière : |
« Il faut remarquer 1° que le presbitère n'est pas à la paroisse. J'y suis comme l'oiseau sur la branche ... Depuis 4 à 5 ans je fais au presbitère toutes les réparations grandes et petites sans recevoir un sol. Mr Brehier n'en demandoit d'abors à la commune que 100 louis. ensuite il demande 300 l et acte sous signe privé fut passé à Lezergué, pour une somme de 3000 l ... L'année évolue et les réparations faites Mr Brehier exige 200 l. de ferme et 4000 l. pour le fond, et peut-être bientôt il exigera 5000 l. ». Comment s'étonner, dans ce contexte, que le prêtre engage ses économies dans une petite tenue agricole à Kergaradec près du bourg ? Un « oiseau sur la branche » qui ne sait plus sur quel pied danser et qui n'a dorénavant ni revenu ni domicile assuré pour héberger ses proches : « j'ai sur les bras 2 mineurs avec leur mère ma soeure et veuve, ce me semble totalement ruinés par la nation, ils n'ont pas un sol sous le ciel ». Et fallait-il ponctionner le revenu des offrandes de Kerdévot pour faire les réparations du cimetière d'une part, et d'autre part dégager une portion pour le séminaire diocésain ? L'évêque De plus, outre le manque de support de son supérieur hiérarchique, le pire des détracteurs de François Le Pennec parmi ses paroissiens se nomme Jérome Crédou, futur maire et deuxième fabricien de Kerdévot, et le recteur n'hésite pas à dénoncer son comportement : « D'ailleurs le second membre de la fabrique (Jérôme Crédou qui avoit acheté la chapelle, dit-on, avec les deniers des paroissiens) s'oppose à tout et ne se trouve à aucune assemblée ». La fin de la deuxième lettre de François Le Pennec est terrible : « D'après cet exposé que Monseigneur décide de tout dans sa sagesse. Je sais que je ne demande qu'un châtiment, mais entre deux maux il faut choisir le moindre ». Ce qui veut dire en clair qu'il préfère affronter l'autoritarisme de son évêque que d'accepter d'être calomnié par le pouvoir laïc de certains de ses paroissiens et personnages publics municipaux. Toujours est-il que la pétition envoyée à l'évêque début janvier et signée par 47 paroissiens chefs de familles (cf document ci-dessous) ne suffit pas pour que ses supérieurs maintiennent François le Pennec dans sa paroisse. Il fut remplacé au presbytère d'Ergué-Gabéric par Le Bescou, nouveau desservant dès 1810. François Le Pennec, sa sœur et ses neveux mineurs n'allèrent pas à Audierne, sa destination proposée initialement : il sera nommé recteur de Plomodiern et décèdera le 9 février 1822 |
2 Transcriptions
Lettre à l'évèque - 24.04.1809
Lettre au maire - 09.1809
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Lettre à l'évèque - 10.09.1809
Pétitions de paroissiens - 08.01.1810
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3 Originaux
Documents conservés aux Archives Diocésaines de Quimper et Léon sous la cote 1P-Ergué-Gabéric.
Lettre à l'évèque - 24.04.1809 | |||||
L'évèque au maire 09.1809 | |||||
Lettre à l'évèque - 10.11.1809 | |||||
Pétition 08.01.1810 | |||||
4 Annotations
- Desservant, s.m. : ministre du culte qui assure, à titre transitoire ou permanent, le service religieux d'un lieu de culte ou d'une communauté ; source : TRLFi. Dans les paroisses bretonnes le desservant est le principal prêtre, responsable des vicaires et autres prêtres, et le terme de recteur lui sera préféré au cours du 19e siècle. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Le baron Pierre-Vincent Dombidau-de-Croiselles, né à Pau en 1751, fut sacré en 1805 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris pour sa nomination à l'évêché de Quimper et Léon. Il meurt à Quimper en 1823. Il exprime son admiration pour Napoléon et encourage les jeunes conscrits à rejoindre leurs drapeaux [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3]
- Cf « Le Petit Séminaire de Plouguernével depuis sa fondation jusqu'à la période révolutionnaire », M. le Chanoine Chatton, Imprimerie René Prud'homme, St-Brieuc, 1896. [Ref.↑]
- Cité dans « Le clergé breton en 1801 d'après les enquêtes préfectorales de l'an IX et l'an X conservées aux Archives nationales », Emile Sevestre, Annales de Bretagne, tome 29, numéro 3, 1913, pp. 503-512. La lettre et l'enquête se trouvent aux Archives nationales F19 865. [Ref.↑]
- Claude André, né en Bresse en 1743, est un homme d'église qui a connu la Révolution et le Concordat. Le 9 mai 1802, suite au Concordat, il est sacré à Paris, dans l'église Saint-Roch, pour sa nomination d'évêque de Quimper. En 1804 il donne sa démission à la suite de quelques démêlés qu'il eut avec le préfet du Finistère et d'autres désagréments relatifs à son autorité épiscopale. [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Jean-Marie Colcanap, né à Quimper le 29 Mars 1766, fut ordonné prêtre à Jersey en 1792, avant d'être vicaire d'Ergué-Gabéric de 1804 à 1808 et ensuite recteur de Plomelin. Il mourut à la grande mission de Plonévez-Porzay au début de Juin 1817. [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2]
- Articles « Manuscrit de M. Boissière, Secrétaire (1773-1790) de Mgr Conen de Saint-Luc Evêque de Quimper » publiés dans le Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie de 1919 à 1924. [Ref.↑]
- « Ut minus sapiens dico » : "pour parler comme un insensé", Aux Corenthiens 12-22, Ancien Testament. [Ref.↑]
- La Quasimodo est une fête religieuse ayant lieu le premier dimanche après les Pâques chrétiennes [Ref.↑]
- Terres chaudes, s.f.pl. : terres cultivables, par opposition aux terres froides ; exploitées en rotation triennale, soit blé noir, seigle, avoine (Jean Le Tallec 1994). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Fabrique, s.f. : désigne, avant la loi de séparation de l'église et de l'état, tantôt l'ensemble des biens affectés à l'entretien du culte catholique, tantôt le corps politique spécial chargé de l'administration de ces biens, ce au niveau de l'église paroissiale ou d'une chapelle. Les paroissiens trésoriers membres de ce corps étaient les « fabriciens », les « marguilliers » ou plus simplement jusqu'au 18e siècle les « fabriques » (s.m.). Les fabriques sont supprimées par la loi du 9 décembre 1905 et remplacées par des associations de fidèles. Source : site Internet restarhorniou. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Date de création : Mai 2014 Dernière modification : 29.04.2019 Avancement : [Développé] |