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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

Un article de GrandTerrier.

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Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.

Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig.

Anciens billets hebdos : [Actualité, archives]

Les anciennes affichettes : [Accroches à la une]

Modifications d'articles : [Journal des MàJs]


Sommaire

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1 Première école communale

11.03.2023 - L'ouverture de la première "maison d'école communale" en 1854. Sources : Fonds Joseph Bigot aux Archives diocésaines de Quimper (ADQ) et délibérations du conseil municipal d'Ergué-Gabéric (CMEG). La semaine prochaine on complétera par l'évocation du premier instituteur de cette école.

Le 9 avril 1849, le préfet du finistère adresse une lettre à Joseph Bigot, architecte du département à Quimper, lui demandant de se rendre à Ergué-Gabéric pour l'estimation des travaux de construction d'une maison destinée « à la tenue de l'école communale et de la mairie ».

Début juin, le conseil municipal, qui a déjà depuis 1807 rejeté maintes fois l'idée d'une maison d'école pour raisons budgétaires, répond que « la lettre, dans son ensemble et eu égard à l'esprit qui paraît l'avoir dictée, constitue une atteinte à la dignité du conseil et à la liberté de ses délibérations ».

En mars et août 1851 l'opposition municipale est toujours argumentée : « une école au bourg d'Ergué-Gabéric ne serait point fréquentée, à cause des distances que les enfants auraient à parcourir » ; « l'imposition que cette commune paie pour l'insruction primaire continuerait à être payée lors même qu'elle aurait un institut ».

En octobre, retournement de situation, « le Conseil déclare ne plus s'opposer à l'établissement d'une maison d'école dans la commune  » et propose l'affectation d'une maison plutôt que de lancer une construction : « le sieur Le Roux qui possède au Centre du bourg une fort belle maison qui offre de l'avis de l'Inspecteur lui-même toutes les conditions désirables pour la création d'un pareil établissement ».

Le 16 janvier le conseil demande au préfet « d'envoyer un architecte pour faire un plan et un devy », lequel est toujours Joseph Bigot, architecte du diocèse et du département.

Un premier devis de l'ensemble des travaux est établi fin janvier, pour un montant de 5916 francs et 8 centimes. Il faudra attendre le 6 décembre 1853, pour que les affiches d'adjudication des travaux de construction de la première école communale gabéricoise soient apposées dans les lieux publics et que les travaux puissent démarrer.

Pour le mobilier de la classe unique, on peut noter son côté rudimentaire : « 5 tables et bancs, 1 table pour le maître, 1 tableau noir et chevalet, un poële en fonte avec tuyau, 25 encriers en plomb ».

 

A la mi-août 1854, le conseil municipal note l'arrivée d'un instituteur pour la première rentrée scolaire « en vertu de l'autorisation de monsieur le préfet en date du 3 août relativement au choix d'un instituteur, après avoir requis l'avis du conseil » et en profite pour voter afin qu'une institutrice soit aussi prochainement nommée « dans l'hypothèse qu'elle soit une école mixte » et « ce soit une sœur ».

Le 5 décembre 1856 le maire écrit à l'entrepreneur pour demander le remplacement du poêle qui n'est pas conforme aux plans et devis de l'architecte Bigot, sa puissance ne suffisant pas pour chauffer la classe qui, à cette date, est toujours unique.

En savoir plus : « 1849-1856 Ouverture de la première maison d'école communale au Bourg »

2 Mangeurs de juifs et de libres-penseurs

04.03.2023 - L'évocation de notre paysan bas-breton préféré, à savoir Jean-Marie Déguignet (1834-1905), lecteur insatiable des journaux de son époque.

Tout au long des pages de ses mémoires (cf. les nombreux extraits de la version Intégrale publiés dans l'article en ligne), Jean-Marie Déguignet critique les positions les journaux qu'il peut lire, souvent en envoyant des courriers d'invective aux rédacteurs en chef des éditions nationales et régionales pour leurs positions sur des sujets comme notamment l'affaire de Panama, le procès Dreyfus ou les pensions de retraite.

Au niveau national, principalement dans Le Petit Journal, L'Intransigeant, La Croix et La Libre Parole, la première raison des colères du mémorialiste est le traitement de l'affaire Dreyfus dans les publications catholiques : « J'en voyais par ici de vieux messieurs décorés, sur les routes, lisant La Libre Parole qui souriaient dans leurs barbes blanches, pensant sans doute qu'ils allaient pouvoir encore manger du juif, du protestant, du franc-maçon, du libre-penseur et de l'athée, avant d'aller là-haut rejoindre ceux qui en mangèrent tant jadis durant l'Inquisition, la Saint-Barthélémy et les dragonnades.»

Et il enfonce le clou : « Les lecteurs du Petit Journal, si nombreux en France, n'eurent aucun doute, assurément, sur la culpabilité du juif, puisque le journal l'affirmait.  »

Le scandale de Panama est également souvent évoquée, à savoir « l'appel de Judet du Petit Journal, l'amorceur patenté de toutes les canailleries et qui reçut 630 mille francs pour ce coup d'amorce, un million d'imbéciles s'empressèrent d'aller vider leurs bas de laine dans les caisses du "grand français, Ferdinand de Leceps, Effel et compagnie".  »

La contestation de la politique du ministre Émile Combes, avec ses lois d'expulsion des religieuses des écoles privées en 1902, énerve aussi Déguignet, y compris dans le journal local catholique «  Le Courrier du Finistère »  : « J'ai sous les yeux un journal catholique, moitié breton, moitié français, dans lequel il est dit que Combes, le renégat et scélérat, serait, d'après la loi, leur loi à eux sans doute, passible de la Haute Cour »

Dans le même journal, il y a même une affaire personnelle qui touche l'auteur, la fermeture de son débit de tabac suite à pression médiatique : « Le Courrier du Finistère dont le rédacteur, le célèbre Nours Corentin, fut le premier à ameuter contre moi tous les gens de Pluguffan. »

Du fait de son engagement politique passé en 1870-71, seuls les journaux républicains comme «  Le Finistère » de l'homme politique et avocat Louis Hémon ou «  L'Ouvrier du Finistère » sont un peu épargnés et défendus, bien qu'il exprime beaucoup de déception qu'il exprime dans une lettre qu'il envoie au premier : « Monsieur le Député. Vous me connaissez de longue date : depuis ces époques mémorables et terribles où nous luttions ensemble pour sortir la France du précipice où l'Empire l'avait jetée ... ».

 

Il exprime un peu de reconnaissance positive pour « La Revue de Paris » où sont publiés ses premiers cahiers quelques mois avant sa mort : « Mais voici que Le Braz Anatole m'envoie un numéro de La Revue de Paris où j'ai l'agrément de voir mon nom figurer parmi les illustres écrivains. Oui, je lis en tête du numéro 24, 15 décembre : "Jean-Marie Déguignet, Mémoires d'un paysan bas-breton" ... Et il me souhaite de vivre assez longtemps, afin de jouir de mon triomphe littéraire, qui ira toujours grandissant. ».

Et enfin, il fustige le rédacteur de « L'Action Libérale de Quimper » qui combat les toutes nouvelles pensions de retraite : « "Enfin nos représentants ont voté cette loi philanthropique en un tour de main, qui vous donne envie d'être septuagénaire pour en profiter." Mais après, il se demande où pourra-t-on trouver de l'argent pour servir une pension à tous ces vieillards et invalides du travail. Je lui ai demandé où le gouvernement trouve de l'argent pour nourrir des milliards d'individus inutiles, qui ne font que du mal, sans avoir produit durant toute leur vie de quoi nourrir un moineau 24 heures. »

En savoir plus : « Les combats et les idées de Déguignet contre les journaux de 1870-1905 »

3 Un clocher restitué en 2000

25.02.2023 - Belle reconstruction à l'identique d'un clocher 90 ans après avoir été foudroyé par la foudre, grâce à la ténacité des habitants du quartier.

En 1972, le recteur Jean-Louis Morvan s'indigne : « Les quatre piliers de béton sont une injure aux talents de nos ancêtres bâtisseurs ». En 1984 Laurent Quevilly renchérit dans les colonnes d'Ouest-France : « Foudroyé en 1910, le clocher de St-Guénolé fait depuis plutôt tristounet. De par sa taille minuscule, de par sa facture en béton. Après une réfection de la chapelle en 1974, reste donc à réparer l'injure. »

Il faudra attendre 15 années encore pour que le projet de réfection prenne une tournure favorable. Dans un article Ouest-France de fin 1998 au titre évocateur, « Pour qui sonneront les cloches de Saint-Guénolé ? », on constate que c'est un sujet de polémiques entre la municipalité de gauche et l'opposition. Hervé Herry s'insurge contre la récupération politique : « L'aboutissement du projet est dû à la ténacité d'une association, le comité de Saint-Guénolé ».

Ce comité présidé par Gérard Jézéquel espère dès novembre 1998 que l'opération de remontage du clocher puisse se faire avant le passage de l'an 2000. Mais c'est mal connaître les délais et atermoiements des administrations comme les Bâtiments de France. En octobre 1999 les accords sont obtenus pour des travaux au printemps 2000. Le coût total de l'opération se monte à plus de 500 000 francs avec un financement de 37% par le département et la région à hauteur, 26% par les associations et dons individuels, et le reste sur le budget communal.

Le comité de St-Guénolé en janvier 1999
Le comité de St-Guénolé en janvier 1999

L'avis d'attribution des marchés est publié fin décembre avec ce titre : « Travaux de restitution du clocher de la chapelle de Saint-Guénolé », comme s'il s'agissait du réglement d'une dette envers les habitants du quartier.

  Le marché inclut les fournisseurs des pierres (carrière de Plouay), de la ferronnerie (cloches non incluses, car conservées) et des lots de maçonnerie (établissement ICR de Vannes et entreprise Poupon d'Ergué-Gabéric).

Les travaux préparatoires (plans, choix de matériaux) seront effectués par l'architecte Léo Goas-Straaijer de l'association Breiz-Santel, et deux compagnons sculpteurs-restaurateurs, Michel Bresson et Pascal Duval, s’attelleront à la tâche de remontage du clocher à l'identique de ce qu'il était jusqu'en 1910, c'est à dire élancé et élégant.

Maquette Sketchup de la chapelle et son nouveau clocher, Boris L.
Maquette Sketchup de la chapelle et son nouveau clocher, Boris L.

Terminons par une anecdote rapportée en 1984 à Laurent Quevilly par l'agriculteur Pierre Le Bihan (dit Pêr Logoden, "lagône" suivant la prononciation locale, "la souris" en français) : « Traditionnel-lement, le petit pardon avait lieu le premier dimanche de mars et le grand le troisième dimanche de juillet (ces dates coïncident avec semis et récoltes). On voyait des femmes agenouillées faisant plusieurs fois le tour de l'église en disposant, pour se repérer, un caillou à chaque passage (P. Le Bihan se rappelle que des petits malins se faisaient un plaisir de soustraire quelques cailloux aux pauvres pénitentes) ».

En savoir plus : « La reconstruction historique du clocher de St-Guénolé, Ouest-France 1998-2000 »

4 Un clocher foudroyé en 1910

18.02.2023 - Des coupures de journaux et des documents conservés aux Archives départementales du finistère sous la cote 2 O 411. La semaine prochaine nous compléterons par un dossier de presse sur la reconstruction du clocher de Saint-Guénolé en 1999-2000.

C'est une terrible tempête que relatent les journaux finistériens, à savoir « Le Finistère », « L'Ouest-Eclair », « Le Courrier du Finistère », « Le Progrès du Finistère » et « L'Union agricole », dans leurs colonnes en décembre 1910 : « Mardi dernier, vers midi, un violent orage accompagné de pluie et de grêle avait éclaté subitement sur la région de Quimper. ».

Le clocher de l'église de Gourlizon s'est effondré, mais c'est aussi le sort du celui de la chapelle de St-Guénolé en Ergué-Gabéric : « Vers midi et demi la foudre tombait sur le clocher d'une chapelle située à Saint-Guénolé qui fut abattu. La toiture de l'église fut également endommagée et les murailles ébranlées. »

Et les voisins, les Espern qui tiennent le débit de boisson à quelques mètres du parvis, ont la frayeur de leur vie : « Le fluide passa sur le toit pour aller chez M. Espern, y renverser sa dame, briser les carreaux ainsi qu'une vingtaine de litres de vin blanc et de verres. » Il est vrai que la perte du vin blanc est presque aussi importante que la chute du clocher.

Et en même temps les couvreurs sont en grève, « Depuis jeudi, les ouvriers couvreurs de Quimper se sont mis en grève. Leurs revendications tendant à ce que le tarif de l'été leur soit appliqué en hiver. », ce qui augure quelques difficultés pour refaire la toiture en ardoises.

Il faudra attendre l'été suivant pour qu'on puisse enfin régler la facture de la restauration :

Image:Space.jpgConseil municipal du 27 août : « Les travaux s'élevant à 1607 f. 61 sont déjà effectués » par l'entreprise locale Stervinou du lieu-dit L'Hôtel.

Image:Space.jpgL'assurance souscrite ne couvre qu'une partie des frais : « les travaux à faire se sont trouvés augmentés par la reconstruction du clocher qui n'était pas assuré et par suite non compris dans l'indemnité de 691 f. »

Image:Space.jpgÇa s'est passé dans un lieu bien reculé selon le maire : « Il s'agissait d'un travail à faire dans un coin éloigné, perdu pour ainsi dire, de la commune. », et on peut s'estimer heureux d'avoir trouvé de la main d’œuvre pour y venir travailler.

 

Image:Space.jpgLe reste à charge peut être couvert partiellement par une prise en charge paroissiale, mais pour prendre le complément dans la caisse communale il faut régulariser par un traité de gré à gré avec l'accord du préfet.

Pour ce qui concerne la réfection du clocher, le résultat n'est pas brillant, comme on le voit sur le croquis ci-dessus (Keranforest, Le Télégramme 1972), sa nouvelle hauteur est ridicule par rapport à ce qu'il était dans le passé : il servait autrefois de point de ralliement aux chasseurs de la région.

Les propos du recteur Louis Lein dans son journal paroissial l'attestent : « L'on a refait le clocher en ciment armé, mais le clocher est désormais et moins beau et moins haut [...] Les ouvriers avaient brisé une partie des pierres de l'ancien clocher et s'en étaient servis pour faire la maçonnerie de la base du nouveau clocher. »


En savoir plus : « Le clocher de Saint-Guénolé abattu par la foudre, Ouest-Eclair et autres 1910 », « 1911 - La reconstruction laborieuse du clocher foudroyé de Saint-Guénolé »

5 Majorité matrimoniale en 1893

11.02.2023 - Un fait-divers gabéricois impliquant le jeune boulanger Corentin Le Berre et rapporté par le journal politique républicain Le Finistère.

En cette année 1893 la situation est très tendue localement à Ergué-Gabéric : les élections municipales de l'année précédente, gagnées par la liste conservatrice du maire Hervé Le Roux de Mélennec, sont contestées par les républicains, un prêtre ayant menacé les mauvais électeurs du jugement de Dieu à leur mort. Les élections sont annulées par le Conseil d'Etat, et organisées de nouveau en juin 1893, mais avec le même résultat favorable pour Hervé Le Roux.

Dans ce contexte agité, comme le relate un article du 10 octobre dans le journal « Le Finistère », les services municipaux n'ont pas noté le 25 septembre que, lors de la cérémonie du mariage du jeune boulanger du bourg Corentin Le Berre, le père de ce dernier, n'ayant pas pu faire le déplacement depuis la commune voisine de Coray (où il est journalier agricole), est remplacé par son beau-frère : « Le maire d’Ergué-Gabéric n’eut connaissance du faux que par la rumeur publique. »

Bien qu'il soit majeur, le marié, ainsi que son oncle, sont arrêtés quelques jours après : « Tous deux furent mis sous les verrous, tandis que se lamentait la jeune épousée ». Et pourtant l'oncle, chiffonnier de son état, est réticent au départ : « Le bonhomme n’avait consenti qu’avec peine à jouer le rôle qu’on lui imposait, mais enfin, il y avait consenti, et répondit et signa le vrai père.  »

Après quelques jours emprisonnement, le boulanger sera autorisé à revenir s'occuper de son fournil, car la justice est restée clémente selon l'entrefilet du 12 octobre : « Une ordonnance de non-lieu vient d'être rendue dans une affaire de faux dont nous avons raconté les détails jeudi. Corentin Le Berre et son oncle ont été remis en liberté. »
 

Cette relaxe s'explique sans doute par le fait que le marié a 26 ans révolus et donc atteint la majorité matrimoniale pour pouvoir s'engager dans les liens du mariage sans autorisation de ses parents ou tuteurs. Cette majorité matrimoniale, différente de la majorité civile de 21 ans, est depuis le code civil de 1804 de 25 ans pour les hommes (21 ans pour les femmes qui peuvent convoler librement plus tôt).

Au XIXe siècle, jusqu'en 1907, les jeunes gens ont besoin de ses parents pour se marier, même au-delà de 25 ans : en principe les mariés doivent notifier aux parents le projet par un acte notarié, dit « acte respectueux » ou « acte de respect ». Aujourd'hui c'est plus précoce et bien plus simple : majorité civile et matrimoniale à 18 ans pour tout le monde., nul besoin de faire passer son oncle pour son père.


En savoir plus : « Substitution d'un faux père au mariage de Corentin Le Berre, Le Finistère 1893 »

6 Hommes d'armes et brigandines en 1481

04.02.2023 - Cette semaine on publie le manuscrit complet du compte-rendu de la Montre générale de Carhaix en 1481, version conservée aux Archives départementales du Finistère, et on fait le point sur les différentes transcriptions, identifications et revenus des participants nobles d'Ergué-Gabéric.

Norbert Bernard définit ainsi les montres : « revues militaires de la noblesse médiévale et moderne. Les montres ont en effet des fins militaires : elles rassemblent les nobles, regroupés par paroisse et en armes afin d’établir et de corriger la capacité militaire de la noblesse locale ». Hervé Torchet quant à lui donne cette définition : « revue générale de tous les teneurs de fiefs assujettis au service militaire ».

Celle de 1481 est organisée par le duc de Bretagne François II dans chaque siège épiscopal, et pour l’évêché de Cornouailles des 4 et 5 septembre la revue a lieu à Carhaix où 743 participants nobles, pages et commissaires « se montrent » avec leurs équipements et insignes respectifs.

Le compte-rendu nominatif de la montre de Carhaix est découpé en deux parties : la première listant les plus importants, à savoir les 46 hommes d'armes, et la deuxième les autres représentants nobles présents pour chaque paroisse. Les premiers sont en armure et ont autant de chevaux et de soldats que l'exige leur niveau de revenu, mais par contre la localisation de leur fief n'est pas mentionnée.

Le document existent sous forme de deux copies manuscrites : la première, conservée dans le fonds Boisgellin de la Bibliothèque de St-Brieuc, a été étudiée par l'historien Hervé Torchet en 2011 dans un livre intitulé « Montre générale de 1481 ».

Le manuscrit Boisgélin a été aussi analysé par le chevalier de Fréminville en 1835, mais ce dernier a transcrit principalement la copie des Archives départementales du Finistère, un manuscrit commandé par le sénéchal Le Goazre de Kervélégen à la toute fin de l'Ancien Régime dont la transcription a été enrichie et corrigée en 2002 par Norbert Bernard.

Voici le facsimile gabéricois de la copie Le Goazre aux Archives départementales du Finistère (ADF 1J65), la version intégrale étant publiée dans l'article en ligne :

 

Dans son livre dédié à la Montre de Cornouailles, Hervé Torchet propose une carte avec la localisation des blasons des gens d'armes dans chaque paroisse. Pour Ergué-Gabéric, il s'agit des armes « d'or à trois croissants de gueules » des Liziart de par la présence de « Christophle de Lisiard pour son père, homme d'armes, a deux chevaux pour sa selle et o lui, Yvon Penfrat, coustilleur, Henry Berhain, archer en brigandine ».

Certes les Liziart de Kergonan sont bien également présents parmi les nobles convoqués d'Ergué-Gabéric : « Françoys Liziard mineur par Louys le Borgne archer en brigandine ». François est fils de Louis, tous deux seigneurs de Kergonan, mais Christophe était-il frère de François ? Norbert Bernard suggère qu'il serait plutôt du fief de Trohanet, en Langolen (autrefois rattaché à Briec) : « à ces seigneurs de Briec il faut probablement ajouter : Christophe Liziart, homme d’armes, et son père, seigneur de Trohanet » .

Les autres nobles gabéricois : « Jehan Provost de Penanrun et son fils archer en brigandine, Caznevet Kerfors par Hervé le Normant en brigandine et voulge, Yvon Kersulgar de Mezanlez en brigandine et pertuisane, Henry Kersulgar de Kernaou par Jehan Provost le jeune en brigandine et voulge »

Dans son étude Hervé Torchet se base sur un texte de Dom Morice pour déterminer les revenus comparés de tous les participants en fonction de leurs équipements. Pour les nobles individuels ci-dessus : « en deçà de 60 livres : arc avec carquois, ou bien sorte de hallebarde (jusarme, pertuisane ou vouge) ou de lance (jaseline ou demi-lance) et protection du haut du corps (brigandine ou paletoc), ainsi qu'un cheval même mauvais. »

Par contre l'homme d'armes Christophe Lisiart rentrerait dans la catégorie des revenus supérieurs : « Jusqu'à 300 livres : ils s'accompagnent de deux bons chevaux, plus un page monté sur un cheval d'archer. De 300 à 400 livres : la même chose, plus deux archers en brigandine et coiffés de salades. ». Cela dépend donc s'il est accompagné de deux pages (un archer et un coustilleur) selon la source Boisgélin ou d'un seul archer selon le manuscrit Le Goazre.

En savoir plus : « 1481 - Monstre générale des gens d'armes de l'Evesché de Cornouaille », « TORCHET Hervé - Montre générale des nobles de 1481 en Cornouaille »

7 Il y a 100 ans le 27 janvier

28.01.2023 - Retour sur des actes d'état-civil des années 1900 et 1923 et des coupures de presse pour commémorer le centenaire d'Henri Le Gars.

Le 27 janvier 1923 à 21:00 naissait Henri-Joseph Le Gars à Odet en Ergué-Gabéric. Cent ans après il habite toujours dans son quartier, dans sa maison neuve au 1 rue de la Papeterie. Son grand-père marin est porté disparu en mer en 1900 : comment son père, né à l'Ile-Tudy, est-il venu travailler à la papeterie d'Odet des Bolloré.

Le père et le grand-père d'Henri Le Gars se prénommaient Yves tous deux, et étaient nés à l'ïle-Tudy respectivement en 1869 et 1895. Le second a 5 ans lorsque son père périt en mer. Il ne sera pas marin, mais employé de papeterie : « Par l'intermédiaire du préfet mon père a trouvé un emploi de domestique sur le yacht du père Thubé, le frère de Mme Bolloré. Ca ne lui plaisait pas, si bien qu'à 17 ans, en 1912, il a préféré venir travailler à l'usine Bolloré d'Odet. » (interview d'Henri en 2007).

Il se marie à une gabéricoise, Jeanne-Marie Niger, et en janvier 1923 ils donnent naissance à Henri : « Le vingt sept janvier mil neuf cent vingt-trois, neuf heures du soir est né à Odet Henri Joseph Marie du sexe masculin de Yves François Marie Le Gars né à l'Île-Tudy, papetier, et de Jeanne Marie Niger, ménagère. »

Sur son acte de naissance, on peut voir que son parrain s'est déplacé le lendemain à Ergué-Gabéric : « En présence de Henri Joseph Le Gars marin de commerce à l'Île-Tudy et de Corentin Heydon, cordonnier en cette commune ». Cet Henri au patronyme Le Gars est en fait l'oncle par alliance d'Henri, marié à sa tante Henriette Le Gars.

Ce parrain, qui lui a donné son prénom, a préféré le métier de marin de commerce, peut-être parce que moins dangereux que celui de pêcheur que pratiquaient ses ascendants.

 

En tous cas la mort en mer du grand-père Yves les a tous marqués : « En février 1900, le Petit-Mousse de l'Île-Tudy, parti à la pêche aux maquereaux avec neuf hommes d'équipage, disparaît corps et biens lors d'une tempête ; ce naufrage fait 8 veuves et 18 orphelins » (Wikipedia, l'Île-Tudy).

Pendant l'hiver 1900 les naufrages de bateaux sont innombrables dans tous les ports du sud-finistère. Les journaux locaux comme « Le Courrier du Finistère » en comptent 4 ou 5 par jour, notamment celui du « Petit Mousse » qui est porté disparu : « On est sans nouvelles du bateau Le Petit Mousse sorti dimanche du port. ». Et on retrouve l'épave près de Beg-Meil : « Le 20, à 8 heures du matin, l'embarcation a été trouvée abandonnée sur les récifs de la pointe de "Beg an Garrek". »

Son équipage était composé de 9 marins, et Yves Le Gars en faisait partie : « 5° Le Gars Yves, 30 ans, marié, 3 enfants ». Son corps ne sera retrouvé que le 20 avril au large du Guilvinec tel que l'atteste son acte de décès : « ont comparu Autret Hervé, âgé de cinquante ans et Volant Henri, âgé de trente huit ans, tous deux marins, domiciliés à Lesconil en Plobannalec, lesquels nous ont déclaré que ce soir à trois heures du soir ils ont trouvé en mer à un mille au large Le Gars Yves ».

En savoir plus : « Origine familiale et naissance en 1923 d'Henri Le Gars, futur centenaire »

8 Quarante ans de carrière O.C.B.

21.01.2023 - Retranscription des souvenirs d'un comptable à la mémoire intacte et dévoué à l'entreprise Bolloré, de 1942 à 1981 à Odet (Ergué-Gabéric) et Cascadec (commune de Scaër). Il aura 100 ans le 27 janvier, et à cette occasion nous évoquerons sa naissance en 1923 dans le prochain billet hebdo.

Henri Le Gars a fait toute sa carrière dans les deux usines sœurs d'Odet et de Cascadec des industriels papetiers Bolloré, distantes de 23 km l'une de l'autre. Il est embauché à Odet en novembre 1939, passe à Cascadec en juillet 1942, est mobilisé en février 1945, revient à Cascadec en mai 1946, puis à Odet en avril 1947, pour y rester jusqu'en mai 1981.

En novembre 2013 alors qu'il a 90 ans il raconte ses années 1942-1981 lors d'une interview de 50 minutes réalisée par Mylène Mostini d'ITV et Jean Cognard. On trouvera en ligne l'enregistrement audio et la retranscription intégrale de ses propos avec les marques hh:mm de repérage. Le 16 janvier, devant un "kouign aman" illuminé de 100 bougies, il refait un long résumé de cet entretien, le temps pour toutes les bougies de s'éteindre progressivement semblant égrener les années passées.

Cela commence par son arrivée à Cascadec comme comptable de l'activité d'expédition du papier à cigarettes : « Le 13 juillet 1942 je suis allé remplacer mon beau-frère aux expéditions des cahiers OCB ». Et deux évènements, le premier étant l'incendie de son atelier : « Tous les camions étaient équipés avec des gazogènes car il n’y avait pas d’essence pour rouler. Et quand on arrêtait ces gazogènes il y avait un retour de flammes qui se produisait. Et c’est ce qu’il y a eu lieu. Et comme on n’arrivait pas à presser les ballots de chiffon dans les bouts, ça a cramé en moins de deux. »

Le 2e évènement est l'annonce du débarquement en juin 1944 et sa convocation au conseil de révision pour le STO qu'il évitera en se cachant dans la ferme d'une cousine à Landudal. En février 1945, la guerre n'est pas finie, il est mobilisé pour un voyage jusqu'en Afrique du nord en passant par Paris et Lyon : « Je me suis trouvé en gare dans la ville de Lyon le dimanche et c’était la première fois que les élections municipales avaient lieu en France où les femmes pouvaient voter. Mais les militaires non. »

De retour à Cascadec, puis à Odet, sa plus grosse réussite a été d'épurer les comptes : « On m’avait demandé de faire le nécessaire pour ouvrir un compte à chaque client. ... c’était assez facile puisque la plupart des gens utilisaient des chèques postaux pour payer. Avec le chèque postal, il y avait un talon qui restait, une souche, et deux parties qui allaient au CCP. Et un revenait à l’intéressé vendeur, au dos on pouvait savoir quelle facture était réglée. ». Il s'occupe ensuite de la paye des cadres et agents de maîtrise des deux usines.

 

Côté fabrication des différents papiers, c'est celle des cahiers OCB qui l'ont marqué : « On avait 8 numéros pour les distinguer : le 8 c’était le goût américain (plus épais, avec seulement 60 feuilles alors que les autres en avaient 120) ... Le n° 4 c’était le plus courant, on voyait un phare par transparence sur la feuille de papier, on l’appelait Bolloré phare. »

Et en 1980 la fin de carrière est annoncée : « Un beau jour, avec le directeur des ressources humaines, Chevalier, qui était parti à Paris, convoqué par Michel-Yves (Bolloré) pour une réunion, j’avais su que mon compte était réglé et qu’on allait me liquider ». Vincent Bolloré est arrivé à la direction de l'entreprise quelques mois après la mise en congé d'Henri : « C’est lui qui m’a remis ma médaille d’or du travail en 1981, pour 40 ans d’activité dans l'entreprise ».

En savoir plus : « Les 40 ans de vie OCB, Odet-Cascadec-Bolloré, d'Henri Le Gars »

9 Bulletin Kannadig hivernal

Billet du 14.01.2023 - Au sommaire de ce numéro : vœux, paroisse, engagement, archives et belles pierres. En version papier : 28 pages ou 7 feuillets A4 recto verso pliés en A5, agrafés et mis sous pli postal la semaine prochaine.

En ce mois de janvier, on démarre par les bons vœux, ceux que le vicaire Yves Le Goff adressait déjà en 1927 à ses paroissiens.

Ensuite on reste dans la paroisse : l’évocation des fêtes de Noël en 1927-37, et plus proche de nous un portrait peu flatteur du recteur Gustave Guéguen en 1954.

Il est aussi question de l’engagement volontaire du soldat Déguignet en 1854.

Le cœur du présent bulletin est consacré à la suite et fin des travaux d’inventaire d’archives entamés à la fin de l’été dernier :

Image:Space.jpgLes sources des archives ducales de Nantes.
Image:Space.jpgLes archives nationales de Paris et de Pierrefitte.
Image:Space.jpgLes manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.
Image:Space.jpgLes documents des Archives du diocèse de Quimper et Léon.
Image:Space.jpgLes archives municipales de la ville de Quimper.
Image:Space.jpgLa médiathèque Alain Gérard à Quimper.
Image:Space.jpgLes archives départementales d’Ille-et-Vilaine.
Image:Space.jpgLes dossiers de la préfecture de police de la Seine.
Image:Space.jpgLes sources du service historique de la défense.
Image:Space.jpgLes archives municipales gabéricoises.
Image:Space.jpgLes bibliothèques numériques Europeana, Arolsen et Mémoire des hommes.

Et pour finir, un aspect de notre patrimoine local, les 8e et 9e pierres à buée inventoriées aux manoirs de Lezergué et de Pennarun.

En guise de réflexion pour 2023, une citation de Mazouz Hacène, médecin et écrivain kabyle : “ Le nouvel an c'est un temps scellé qui se renouvelle ”.


Image:square.gifImage:Space.jpgLire, feuilleter ou imprimer le bulletin en ligne : « KANNADIG n° 60 JANVIER 2023 »
 

10 Fin d'inventaire d'archives gabéricoises

07.01.2023 - Dans le cadre d'un travail sur nos sources entamé en septembre 2022, ceci est le dernier volet de l'inventaire des archives ayant alimenté des articles du GrandTerrier : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, Musée des Champs Libres de Rennes, Archives communales d'Ergué-Gabéric, Archives de la Préfecture de Police de la Seine, Service historique de la Défense nationale, et les portails Europeana, Arolsen et Mémoire des hommes.

Au Musée "Les Champs Libres" de Rennes sont conservés d'une part un gros registre du XVIIe siècle de la main de Guy Autret, seigneur de Lezergué, dans lesquels il recopie les documents des montres militaires et convocations de l'arrière-ban de Bretagne, et d'autre part la collection des photographies de Raphaël Binet immortalisant le pardon de Kerdévot dans les années 1930.

Aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine ce sont les séries C "Administration provinciales" (Intendance et États de Bretagne) et 9H "Grands Carmes" qui incluent des archives relatives à Ergué-Gabéric. En série C on note les les apports médicaux de 1786-87 sur l'épidémie de dysenterie. En série 9H on trouve un étonnant récit de voyage en vers d'un moine carmélite qui séjourne en 1675 chez son ami Jan de La Marche dans son manoir de Kerfors.

AD35 9H47 Voiage de Rennes à Brest, Kerfors-Kerdévot 1675, « Cela fait nous disons la messe Car le pardon prochain nous presse Qui se tient dans le lieu dévot Dit Nostre Dame Kerdevot»
AD35 9H47 Voiage de Rennes à Brest, Kerfors-Kerdévot 1675, « Cela fait nous disons la messe Car le pardon prochain nous presse Qui se tient dans le lieu dévot Dit Nostre Dame Kerdevot»

Les Archives communales gabéricoises hébergent au 3 rue de Kerdévot plusieurs dossiers et registres éclairant le passé historique de la commune :

Image:Space.jpgUn jeu complet des plans et parcellaires de 1834, l'autre copie étant aux Archives départementales du Finistère.

  Image:Space.jpgLes délibérations des conseils municipaux depuis le 23 prairial de l'an VIII (12 juin 1800), avec pour le XIXe siècle des articles détaillés sur les premières écoles, les tentatives de rétablissement de l'octroi, le projet de déplacement du bourg en 1840-42 ...

Image:Space.jpgDes dossiers divers tels que les inventaires des chemins ruraux en 1837 et 1914-19.

Le service historique de la Préfecture de Police de la Seine couvre entre autres la période de l'Occupation 1940-45, avec notamment les rapports des Brigades spéciales en charge des "menées" communistes et terroristes : pour Ergué-Gabéric on a identifié, transcrit et analysé le dossier de l'arrestation d'une femme native de Pennanec'h.
Le SHD héberge les dossiers militaires des officiers supérieurs et subalternes des différents corps d'armée. Un gabéricois, Le Guay, futur propriétaire du manoir du Cleuyou, y figure avec une carrière dans la Brigade Nationale, puis capitaine élu au 9e Bataillon de la Manche, et enfin capitaine des grenadiers à Quimper jusqu'en 1804.
Le portail Internet Europeana intègre des ressources du patrimoine culturel provenant d’institutions de toute l’Europe. Pour ce qui concerne Ergué-Gabéric, une des publications de 2018 à l'occasion de la commémoration du premier conflit mondial est le carnet de Jean-Marie Le Roux, un maréchal des logis gabéricois mort dans les tranchées de Perthes-lès-Hurlus.
Le site Mémoire des hommes inclut la base des Morts pour la France de la Première Guerre mondiale, mais aussi les parcours individuels des combattants des autres opérations militaires. Relativement aux poilus natifs d'Ergué-Gabéric on dénombre une dizaine de dossiers, sans compter les 7 voltigeurs et fusiliers des armées napoléoniennes et l'inscription d'un décès en Algérie.
Les Archives Arolsen constituent un centre de documentation localisé dans la ville de Bad Arolsen en Allemagne qui a pour but de conserver et publier les dossiers des administrations nazies en 1939-45 et des armées alliées de libération des camps de déportation. À fin avril 2022, on y trouve 21 dossiers de déportés ou prisonniers d'origine gabérisoise, lesquels dossiers sont constitués soit d'une citation dans une seule pièce d'archives, soit de plusieurs documents, ceci jusqu'à 9 ou 14 pièces pour les deux dossiers les plus fournis.
En savoir plus : « Documents conservés par les Archives et Musée de Rennes », « Documents conservés aux Archives communales d'Ergué-Gabéric », « Archives de la Préfecture de Police de la Seine et du Service historique de la Défense », « Documents des bibliothèques numériques Europeana, Arolsen et Mémoire des hommes »

NOTA-BENE : LE BULLETIN TRIMESTRIEL KANNADIG N° 60 EST ANNONCÉ POUR LE WEEK-END PROCHAIN.

11 Bloavezh mat, bonne année 2023

31.12.2022 - Transcriptions et tentatives de traduction en français de plusieurs souhaits du cru formulés par le vicaire Yves Le Goff pour la bonne et heureuse année dans deux articles en breton du bulletin paroissial Kannadig de janvier et décembre 1927.

Le premier article commence par la formule classique de quatre vers aux rimes appairées : « Blavez mat a reketan d'oc'h Ra yeo an traou en dro gano'h Kalz Yec'hed ha « prospérité » Ar baradoz e fin ho puhe !  » (Je vous souhaite une bonne année Que vos affaires tournent rond Beaucoup de santé et prospérité Et le paradis à la fin de votre vie).

Et ceci pour tout le monde, petits ou grands, pauvres ou riches : « D'an holl, bras ha bihan, paour ha pinvidig ». La suite de l'article est un bilan de l'année "vieille" (« ar bla kôz »), avec un regard en arrière (« eur zell 'drenv »), mais aussi en avant (« eur zell arôk ») pour les bonnes résolutions.

Les vœux de conclusion forment quatre vers aux rimes entrelacées : « Bloavez Mat ! ma mignoned ! Bêz'vo plouz skanv ha greün pounner Ma servichomp 'giz m'eo dleet An hani zo mestr an amzer » (Bonne année mes amis ! Il y aura de la paille légère et du grain lourd Si nous servons comme il se doit Celui qui est le maître du temps).

Le deuxième article est un dialogue improvisé entre le porte-parole du bulletin - en l'occurence le vicaire d'Ergué-Gabéric - qui rend une visite à une maisonnée de paroissiens, avec cette belle formule inédite : « Bloavez mat d'an dud aman ! Yec'h, peuc'h, eurusted, plijadur eleiz an ti beteg ar chiminal » (Bonne année aux personnes ici présentes ! Santé, paix, bonheur, et du plaisir plein la maison jusqu'à la cheminée).

Les paroles reprises par le vicaire sont vraiment celles du pays, avec une prononciation locale et une orthographe adaptée. Et le visiteur ajoute pour ses interlocuteurs des vœux personnalisés :

Image:Space.jpgAux parents fermiers, les bonnes affaires, l'éducation des enfants et la santé pour eux et leur bétail : « Chanz d'oc'h da jom hep gwelet ar midisin e toul an nor, nag al louzaouer-loened dirak kraou ar zaout nag ar marchosi ». Trad. : que vous ayez la chance de rester sans voir un médecin chez vous, ni le vétérinaire pour les vaches et chevaux.

Image:Space.jpgAux enfants, des cadeaux : « Ha c'houi, bugaligou deuit aman m'ho po eur bouch ha bonbonioù, ha gwenneien - ar botred vo laket brago d'ê d'an nevez amzer, ha brôz ha bonned perlez d'ar merc'hied ». Trad. : les enfants, approchez pour un bisou, des bonbons et des sous - les garçons auront un pantalon et les filles jupe et bonnet en perles.

 

Image:Space.jpgEt aux commis, « servichourien» en breton, le sens du service : « Me reket d'oc'h bea tomm ouz an ti, kemer ato tu ho mistri, ober o meuleudi e pep lec'h, kaout kalon d'al llabour, ha devosion da Zoue ha d'ar Zent, ha benn fin an Eost ho po eun bern arc'hany butun da c'hortoz komanand vat da fin ar bloa ». Trad. : je vous recommande de respecter chaudement la maison du maître, de prendre toujours le côté de vos maîtres, de faire leur louange en tous lieux, d'être courageux au travail et d'être dévoués à Dieu et aux Saints et à la fin août vous aurez de l'argent de poche pour attendre le bon contrat de travail de la fin de l'année.

« Bloavezh mat d'an holl, bras ha bihan, paour ha pinvidig ! ! » (bonne année à tous, petits et grands, pauvres et riches).

En savoir plus : « Les formules bretonnes pour souhaiter la bonne année, Kannadig 1927 »

12 Nedelec laouen d'an holl !

24.12.2022 - L'évocation des fêtes de Noël à Ergué-Gabéric dans les années 1920-30, à l'aide d'articles et illustrations du bulletin paroissial de 1927 et 1937.

En parcourant les Kannadigs parois-siaux de 1936 à 1937, on devine l'importance de la fête de Noël au début du XXe siècle, avec les assistances bien fournies aux cérémonies religieuses, mais aussi dans les autres rassemblements plus festifs où petits et grands venaient également nombreux (loteries dans les écoles, théâtre au patronage).

Il y a d'abord les Arbres de noël organisés dans les écoles une à deux semaines avant le 25 décembre : « à chaque branche pendaient des coiffes et des mouchoirs brodés, des jouets variés, que les élèves dévoraient des yeux ». Et une loterie est organisée pour offrir ces cadeaux, et les enfants entonnent des chants de circonstance et jouent des saynètes (au programme en décembre 1926 : la Sourde et la Doctoresse, la Cigale et la Fourmi, et enfin « an diou zoubenn al leez » inspirée sans doute de la chanson éponyme).

Bien sûr dans le bulletin paroissial on met en avant les écoles privées catholiques (par opposition aux écoles laïques) : « Il faut croire que nos enfants des écoles libres ont été particulièrement sages en 1936, car ils ont été formidablement gâtés pour la Noël ! ».

Il n'y pas de Noël sans la crèche, que les billets en breton du Kannadig présentent sous l'expression « Kraouic Betleem ». Pour désigner les festivités proprement dites on parle de « Gouel Nedeleg » (fête de Noël). La Messe de minuit est organisée le soir du 24, et le nom de cette longue nuit-là, « Noz ar pellgent » (nuit de l'aurore), peut faire penser à une légende celtique !

 

Outre les sermons habituels et les explications religieu-ses en breton, le bulletin de décembre 1927 inclut le conte « Konchenn evid Nedelec » (une histoire pour Noël) dont le héros est Youenn et qui commence par « Et e oa egiz ar re all da noz ar Pellgent » (il avait été à la nuit du Pellgent). La fête avait été très belle cette année-là : « Brao e oa bet ar gouel ».

Le 25 décembre 1936 est organisée au patronage d'Odet, après les vêpres, une après-midi récréative avec les chants des enfants, et en apothéose une véritable pièce interprétée par la troupe de théâtre de Keranna : « Ce fut ensuite une désopilante pièce bretonne : "Trubuilhou ar seiz tortig", enlevée par les jeunes gens, et qui fit épanouir une franche gaité ! ». Le premier mot du titre de la pièce peut être traduit en français par "tribulations" ; quant aux « ar seiz tortig » qui seraient les sept bossus, on est dubitatif car une pièce de Loeiz ar Floc'h, très connue à l'époque, s'intitulait « Trubuilhou ar seiz potr yaouank » (les tribulations des sept jeunes gars). Peut-être que derrière les "sept bossus" se cachaient les sept jeunes prétendants de la belle Agnès ?

En savoir plus : « Souvenirs des fêtes de Noël d'antan, Kannadig 1927-37 »

13 Un ours mal léché au presbytère

17.12.2022 - Merci à Pierrick Chuto de nous avoir signalé cette perle inédite et insolite, conservée aux Archives diocésaine de Quimper, à savoir une lettre écrite en septembre 1954 par un prêtre francilien à l'attention du recteur Gustave Guéguen.

Ce document est extrait de la première boite d'archives diocésaines consacrée à la paroisse d'Ergué-Gabéric (cote 2P-51/1) . Il s'agit d'une lettre datée de septembre 1954 et adressée au recteur de l'époque, Gustave Guéguen, par un prêtre de région parisienne : « Je suis l'un des prêtres qui ont fait cette année la colonie d'Issy-les-Moulineaux, à Ergué. Je suis le plus grand des trois prêtres que nous étions ».

La missive ne précise pas s'il s'agit d'un camp de vacances de jeunes « Cœurs vaillants-Âmes vaillantes  » ou alors d'une colonie organisée pour les élèves du grand séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux. En tous cas ce n'était pas la première fois qu'elle était organisée à Ergué-Gabéric : était-ce dans les locaux d'une école privée, du patronage de Croas-Spern ou du presbytère ?

Le sujet de la lettre est le mauvais accueil que le recteur Gustave Guéguen leur a réservé. On a déjà l'occasion de présenter celui qui a dirigé la paroisse pendant 15 ans entre 1941 et 1956, l'année de sa mort. Il a laissé le souvenir d'un prêtre au caractère trempé qui préférait ses fleurs et légumes à la fréquentation de ses paroissiens. On l'appelait "Person bragou ruz", le recteur avec son pantalon rouge qu'il portait quand il était dans son jardin.

Ici, le prêtre d'Issy-les-Moulineaux qui se prénomme sans doute Vincent (sa signature "Abbé V. ?Traouen?" est difficilement lisible), le compare à un un ours (en majuscule) : « Vous ne sauriez croire combien un prêtre "OURS" peut faire de tort autour de lui ». Et il conteste fermement son autorité : « Je suis prêtre comme vous ... »

 

L'intérêt historique du document est aussi de témoigner d'un changement au sein de l'église catholique. En 1954 le pape Pie XII opère révision de certaines parties de la liturgie du rite romain, et ceci comme prémices du dépoussiérage du concile œcuménique de Vatican II en 1962.

Dans la lettre il est question d'une « petite discussion, un matin, dans la sacristie, à propos d'un missel neuf ! » (missel = livre liturgique qui rassemblant les textes et les indications rituelles et musicales nécessaires à la célébration de la messe). Vraisemblablement le recteur faisait partie des ecclésiastiques qui préféraient les éditions antérieures du Missel romain, alors que l'abbé francilien défendait la modernité des nouveaux rites.

Par ailleurs, l'abbé préconise la douceur de Saint François de Sales (1567-1622) comme remède aux colères de Gustave : « Le doux St François de Sales avait compris cela lui ... ! ». Comme en témoigne sa prière la plus connue : « Ô Seigneur, je veux m’exercer à la douceur dans les rencontres et les contrariétés quotidiennes ».


En savoir plus : « 1954 - Lettre d'un prêtre d'Issy-les-Moulineaux au recteur Gustave Guéguen »


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