1954 - Lettre d'un prêtre d'Issy-les-Moulineaux au recteur Gustave Guéguen - GrandTerrier

1954 - Lettre d'un prêtre d'Issy-les-Moulineaux au recteur Gustave Guéguen

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Catégorie : Archives    
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§ E.D.F.

Une lettre dans laquelle le recteur Gustave Guéguen se fait gentiment traité d'ours mal léché par un prêtre venu organiser pendant l'été une colonie de vacances à Ergué-Gabéric.

Autres lectures : « Archives diocésaines de Quimper-Léon » ¤ « Gustave Guéguen, recteur (1941-1956) » ¤ « Journal paroissial du recteur Gustave Guéguen, extraits 1941-47 » ¤ « Gustave "Person bragou ruz" raconté par Jean Guéguen et l'abbé Pennarun » ¤ 

[modifier] Présentation

Ce document [1] est extrait de la première boite d'archives diocésaines consacrée à la paroisse d'Ergué-Gabéric (cote 2P-51/1) . Il s'agit d'une lettre datée de septembre 1954 et adressée au recteur de l'époque, Gustave Guéguen, par un prêtre de région parisienne : « Je suis l'un des prêtres qui ont fait cette année la colonie d'Issy-les-Moulineaux, à Ergué. Je suis le plus grand des trois prêtres que nous étions ».

La missive ne précise pas s'il s'agit d'un camp de vacances de jeunes « Cœurs vaillants-Âmes vaillantes  » ou alors d'une colonie organisée pour les élèves du grand séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux. En tous cas ce n'était pas la première fois qu'elle était organisée à Ergué-Gabéric : était-ce dans les locaux d'une école privée, du patronage de Croas-Spern ou du presbytère ?

Le sujet de la lettre est le mauvais accueil que le recteur Gustave Guéguen leur a réservé. On a déjà l'occasion de présenter celui qui a dirigé la paroisse pendant 15 ans entre 1941 et 1956, l'année de sa mort. Il a laissé le souvenir d'un prêtre au caractère trempé qui préférait ses fleurs et légumes à la fréquentation de ses paroissiens. On l'appelait "Person bragou ruz", le recteur avec son pantalon rouge qu'il portait quand il était dans son jardin.

Ici, le prêtre d'Issy-les-Moulineaux qui se prénomme sans doute Vincent (sa signature "Abbé V. ?Traouen?" est difficilement lisible), le compare à un ours (en majuscule) : « Vous ne sauriez croire combien un prêtre "OURS" peut faire de tort autour de lui ». Et il conteste fermement son autorité : « Je suis prêtre comme vous ... »

 

L'intérêt historique du document est aussi de témoigner d'un changement au sein de l'église catholique. En 1954 le pape Pie XII opère révision de certaines parties de la liturgie du rite romain, et ceci comme prémices du dépoussiérage du concile œcuménique de Vatican II en 1962.

Dans la lettre il est question d'une « petite discussion, un matin, dans la sacristie, à propos d'un missel neuf ! » (missel = livre liturgique qui rassemblant les textes et les indications rituelles et musicales nécessaires à la célébration de la messe). Vraisemblablement le recteur faisait partie des ecclésiastiques qui préféraient les éditions antérieures du Missel romain, alors que l'abbé francilien défendait la modernité des nouveaux rites.

Par ailleurs, l'abbé préconise la douceur de Saint François de Sales (1567-1622) [2] comme remède aux colères de Gustave : « Le doux St François de Sales avait compris cela lui ... ! ». Comme en témoigne sa prière la plus connue : « Ô Seigneur, je veux m’exercer à la douceur dans les rencontres et les contrariétés quotidiennes ».


[modifier] Transcription

Issy-les-Moulineaux, le 10 septembre 54

Monsieur le Recteur,

Je me présente d'abord, de façon que vous puissiez reconnaître, sans trop de difficultés, qui vous écrit. Je suis l'un des prêtres qui ont fait cette année la colonie d'Issy-les-Moulineaux, à Ergué. Je suis le plus grand des trois prêtres que nous étions, celui avec lequel justement, vous avez eu une petite discussion, un matin, dans la sacristie, à propos d'un missel neuf !

J'espère, Monsieur le Recteur, que votre santé est bonne, et que votre jardin se porte bien. Le matin de notre départ, quand nous vous avons salué dans votre jardin, j'aurais désiré parler un peu plus avec vous. Malheureusement, je n'ai pas pu. Je le fais donc maintenant, à tête et nerfs reposés.

Je dois d'ailleurs vous dire, combien j'ai été mal impressionné par votre accueil. Vraiment, je traite mieux mes enfants de chœur, que vous-même, des prêtres. Je suis prêtre comme vous, autant que vous, et j'ai droit au même respect que vois devez certainement désirer pour vous. Mais peut-être était-ce trop vous demander !

 

Vous ne sauriez croire combien un prêtre "OURS" peut faire de tort autour de lui. Nous aurons tous à rendre des comptes, plus tard, et gare à nous si nous n'avons été que des "causeurs de scandales". Le doux St François de Sales [2] avait compris cela lui ... !

Excusez cette lettre un peu acerbe, cher Mr le Recteur, mais puisque je suis prêtre, je me permets de parler à un égal, d'égal à égal.

Soignez les gens comme vous soignez votre jardin, ce sera parfait.

Respectueusement vôtre, Abbé V. ?Traouen?, f.


[modifier] Annotations

  1. Pour nous avoir signalé cette perle inédite et insolite, merci à Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden : § [ses publications] . La dernière parution est « Bien-aimée Marie-Anne avec de belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise. [Ref.↑]
  2. Fêté le 24 janvier, François de Sales naît dans le duché de Savoie, au château de Sales, en 1567. Il est ordonné prêtre en 1593, en pleine guerre religieuse entre catholiques et protestants. En 1602 il est nommé évêque de Genève en résidence à Annecy. Ses prières sont célèbres, notamment celles autour du thème de la douceur. Docteur de l'Église depuis 1877, il est aussi saint patron des journalistes et des écrivains. [Ref.↑ 2,0 2,1]


Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Décembre 2022    Dernière modification : 8.01.2023    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]