Les combats et les idées de Déguignet contre les journaux de 1870-1905
Un article de GrandTerrier.
Que ces journaux soient nationaux ou régionaux, républicains ou conservateurs, l'avide lecteur Déguignet les a beaucoup critiqués, et attaqué leurs rédacteurs (Judet, Drumont, Nours, Rochefort) pour leurs positions sur des sujets comme notamment l'affaire de Panama et le procès Dreyfus.
Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un paysan bas-breton (Revue de Paris) » ¤ « Fête champêtre et républicaine au Cleuyou, Le Finistère et La Lanterne 1890 » ¤ « Les positions de Jean-Marie Déguignet sur l'affaire Dreyfus » ¤ « Empire, garde nationale et Commune de Paris en 1870-71 pour Jean-Marie Déguignet » ¤ « Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle » ¤ « 1902 - Témoignage de JM Déguignet sur la fermeture de l'école ND de Kerdévot » ¤ |
Présentation
Tout au long des pages de ses mémoires (cf. les nombreux extraits de la version Intégrale rassemblés dans le chapitre ci-dessous), Jean-Marie Déguignet critique les positions les journaux qu'il peut lire, souvent en envoyant des courriers d'invective aux rédacteurs en chef :
•des publications nationales « L'Intransigeant » •des éditions régionales « Le Courrier du Finistère » Au niveau national, principalement dans Le Petit Journal, L'Intransigeant, La Croix et La Libre Parole, la première raison des colères du mémorialiste est le traitement de l'affaire Dreyfus dans les publications catholiques : « J'en voyais par ici de vieux messieurs décorés, sur les routes, lisant La Libre Parole qui souriaient dans leurs barbes blanches, pensant sans doute qu'ils allaient pouvoir encore manger du juif, du protestant, du franc-maçon, du libre-penseur et de l'athée, avant d'aller là-haut rejoindre ceux qui en mangèrent tant jadis durant l'Inquisition, la Saint-Barthélémy et les dragonnades.» Et il enfonce le clou : « Les lecteurs du Petit Journal, si nombreux en France, n'eurent aucun doute, assurément, sur la culpabilité du juif, puisque le journal l'affirmait. » Le scandale de Panama est également souvent évoqué, à savoir « l'appel de Judet du Petit Journal, l'amorceur patenté de toutes les canailleries et qui reçut 630 mille francs pour ce coup d'amorce, un million d'imbéciles s'empressèrent d'aller vider leurs bas de laine dans les caisses du "grand français, Ferdinand de Leceps, Effel et compagnie". » La contestation de la politique du ministre Émile Combes, avec ses lois d'expulsion des religieuses des écoles privées en 1902, énerve aussi Déguignet, y compris dans le journal local catholique « Le Courrier du Finistère » : « J'ai sous les yeux un journal catholique, moitié breton, moitié français, dans lequel il est dit que Combes, le renégat et scélérat, serait, d'après la loi, leur loi à eux sans doute, passible de la Haute Cour » Dans le même journal, il y a même une affaire personnelle qui touche l'auteur, la fermeture de son débit de tabac suite à pression médiatique : « Le Courrier du Finistère dont le rédacteur, le célèbre Nours Corentin, fut le premier à ameuter contre moi tous les gens de Pluguffan. » Du fait de son engagement politique passé en 1870-71, seuls les journaux républicains comme « Le Finistère » de l'homme politique et avocat Louis Hémon ou « L'Ouvrier du Finistère » sont un peu épargnés et défendus, bien qu'il exprime beaucoup de déception qu'il exprime dans une lettre qu'il envoie au premier : « Monsieur le Député. Vous me connaissez de longue date : depuis ces époques mémorables et terribles où nous luttions ensemble pour sortir la France du précipice où l'Empire l'avait jetée ... ». |
Il exprime aussi un peu de reconnaissance positive pour « La Revue de Paris » où sont publiés ses premiers cahiers quelques mois avant sa mort : « Mais voici que Le Braz Anatole m'envoie un numéro de La Revue de Paris où j'ai l'agrément de voir mon nom figurer parmi les illustres écrivains. Oui, je lis en tête du numéro 24, 15 décembre : "Jean-Marie Déguignet, Mémoires d'un paysan bas-breton" ... Et il me souhaite de vivre assez longtemps, afin de jouir de mon triomphe littéraire, qui ira toujours grandissant. ». Et enfin, il fustige le rédacteur de « L'Action Libérale de Quimper » qui combat les toutes nouvelles pensions de retraite : « "Enfin nos représentants ont voté cette loi philanthropique en un tour de main, qui vous donne envie d'être septuagénaire pour en profiter." Mais après, il se demande où pourra-t-on trouver de l'argent pour servir une pension à tous ces vieillards et invalides du travail. Je lui ai demandé où le gouvernement trouve de l'argent pour nourrir des milliards d'individus inutiles, qui ne font que du mal, sans avoir produit durant toute leur vie de quoi nourrir un moineau 24 heures. » |
Citations, extraits
Multiples journaux Intégrale, page 490.
Intégrale, page 542.
Le Finistère Intégrale, page 506.
Intégrale, page 555.
Intégrale, page 640.
La Libre Parole Intégrale, page 488.
Intégrale, page 491.
Intégrale, page 493.
Intégrale, page 495.
Intégrale, page 786.
L'Intransigeant Intégrale, page 489.
Intégrale, page 745.
La Croix Intégrale, page 488.
Intégrale, page 636.
Le Réveil du Finistère Intégrale, page 862.
L'Ouvrier du Finistère Intégrale, page 738.
Intégrale, page 742.
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La Dépêche de Lorient Intégrale, page 544.
Intégrale, page 606.
Intégrale, page 609.
Intégrale, page 682.
La Lanterne Intégrale, page 448.
Le Courrier du Finistère Intégrale, page 556.
Intégrale, page 557.
Intégrale, page 777.
Intégrale, page 744.
Le Petit Journal Intégrale, page 406.
Intégrale, page 448.
Intégrale, page 484.
Intégrale, page 495.
Intégrale, page 488.
Intégrale, page 630.
Intégrale, page 633.
La Dépêche de Brest Intégrale, page 862.
L'Action Libérale Intégrale, page 809.
La Revue de Paris Intégrale, page 859.
Intégrale, page 863.
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Annotations
- L’Intransigeant est fondé par Eugène Mayer, directeur de La Lanterne. Le journal suit les revirements politiques de Rochefort qui en est le rédacteur en chef : d'abord socialiste, L'Intransigeant critique dans un premier temps la politique des républicains opportunistes, en particulier Jules Ferry. Le quotidien se rallie ensuite au boulangisme, puis au nationalisme, participant en 1898 au déchaînement antisémite contre Dreyfus. [Ref.↑ 1,0 1,1]
- La Lanterne est un journal satirique, anti-clérical et anti-Napoléon III. Il est créé en 1868, et est au départ dirigé par le journaliste et homme politique Henri Rochefort (1831-1913). Quotidien, puis bi-hebdomadaire, il cesse de paraître en 1895. [Ref.↑ 2,0 2,1]
- La Libre Parole est un journal nationaliste et antisémite fondé en 1892 par Edouard Drumont. [Ref.↑ 3,0 3,1]
- Le Petit Journal est un quotidien parisien républicain et conservateur, fondé par Moïse Polydore Millaud, qui a paru de 1863 à 1944. A la veille de la guerre de 1914-18, c'est l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avant-guerre, avec Le Petit Parisien, Le Matin, et Le Journal. Il tire à un million d'exemplaires en 1890, en pleine crise boulangiste. [Ref.↑ 4,0 4,1]
- Si le père Emmanuel d'Alzon (1810-1880), assomptionnistes, est à l’initiative du journal La Croix en 1883, le véritable promoteur en est le père Vincent de Paul Bailly. Le journal se réclame ouvertement chrétien et catholique, même si les choix éditoriaux qui en découlent ont pu évoluer au cours de son histoire. L'affaire Dreyfus voit La Croix céder à une dérive antisémite et, lorsque la falsification du colonel Henry est découverte, le quotidien n’en tiendra pas compte. [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Le « Courrier du Finistère » est créé en janvier 1880 à Brest par un imprimeur Brestois, Jean-François Halégouët qui était celui de la Société anonyme de « l'Océan » qui éditait à Brest depuis 1848 le journal du même nom, et par Hippolyte Chavanon, rédacteur en chef commun des deux publications. Le but des deux organes est de concourir au rétablissement de la monarchie. Le Courrier du Finistère est, de 1880 à 1944, un journal hebdomadaire d'informations générales de la droite légitimiste alliée à l'Église catholique romaine jusqu'au ralliement de celle-ci à la République. Il est resté ensuite le principal organe de presse catholique du département, en ayant atteint un tirage remarquable de 30 000 exemplaires en 1926. Rédigé principalement en français, il fait une place remarquable à la langue bretonne, qui est, alors, pour certains ruraux, la seule langue lisible, grâce à l'enseignement du catéchisme. Ayant continué de paraître pendant l'Occupation allemande (1940-1944), Le Courrier du Finistère fait l'objet d'une interdiction de parution. Pour lui faire suite, le diocèse de Quimper a suscité la création d'un hebdomadaire au contenu unique, mais sous deux titres, le Courrier du Léon et le Progrès de Cornouaille. [Ref.↑ 6,0 6,1]
- Titre complet : « La Dépêche de Lorient : journal des Bleus de Bretagne ». Journal de langue française, quotidien. puis bihebdomadaire, de 1900 à 1902. [Ref.↑ 7,0 7,1]
- Le Finistère : journal politique républicain fondé en 1872 par Louis Hémon, bi-hebdomadaire, puis hebdomadaire avec quelques articles en breton. Louis Hémon est un homme politique français né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère) et décédé le 4 mars 1914 à Paris. Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat et se lance dans la politique. Battu aux élections de 1871, il est élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876. Il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère. En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions en 1914. [Ref.↑ 8,0 8,1]
- La Dépêche de Brest est lancée le 18 novembre 1886 avec des moyens très limités et succède à l’Union Républicaine du Finistère créée 10 ans plus tôt. Quotidien, il sera même biquotidien durant des périodes d’actualité forte, comme lors de la première guerre mondiale, avec une édition du matin et une édition du soir. Installé rue Jean Macé à Brest (à l’époque rue de la rampe), à l’emplacement des locaux actuels du Télégramme, La Dépêche de Brest poursuivit son évolution jusqu’au 17 août 1944. Ce jour là, en application de la nouvelle réglementation de la Libération, les biens de la Dépêche furent mis sous séquestre. L’ensemble du matériel est alors loué au Télégramme, nouveau titre autorisé par le Comité régional de l’information. [Ref.↑]
- Le journal « L'Action libérale de Quimper » a été lancé le 31 décembre 1902. L'Action libérale ou Action libérale populaire (1901-1919) était un parti politique français de la Troisième République représentant les catholiques ralliés à la République. Le journal de Quimper deviendra « L'Indépendant du Sud-Finistère ». [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Mars 2023 Dernière modification : 7.04.2023 Avancement : [Développé] |
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