1572 - Inventaire de succession du ménage Bourrebau-Kervehant à Kerjestin
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Conservé aux Archives Départementales du Finistère, dépôt de Brest, sous la cote B 284. | Conservé aux Archives Départementales du Finistère, dépôt de Brest, sous la cote B 284. | ||
- | Communication et transcription de Daniel Collet <ref name="DanielCollet">{{PR-Collet}}</ref>. | + | Grand merci à Daniel Collet <ref name="DanielCollet">{{PR-Collet}}</ref> pour la communication du document et sa transcription. |
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De la sous-série B-253 à B-371, « <i>Apposition de scellés, inventaires et ventes de meubles, faits en paroisse</i> », des Archives Départementales du Finistère il s'agit du plus vieux inventaire après décès, si l'on excepte bien sûr les anciens aveux <ref name="Aveu">{{K-Aveu}}</ref> de domaines nobles. Pour le département du Finistère, le second des inventaires est daté de 1685 en la paroisse de Beuzec-cap-Caval, et à Ergué-Gabéric il faut attendre 1726 pour démarrer la séquence des autres inventaires. | De la sous-série B-253 à B-371, « <i>Apposition de scellés, inventaires et ventes de meubles, faits en paroisse</i> », des Archives Départementales du Finistère il s'agit du plus vieux inventaire après décès, si l'on excepte bien sûr les anciens aveux <ref name="Aveu">{{K-Aveu}}</ref> de domaines nobles. Pour le département du Finistère, le second des inventaires est daté de 1685 en la paroisse de Beuzec-cap-Caval, et à Ergué-Gabéric il faut attendre 1726 pour démarrer la séquence des autres inventaires. | ||
- | À la lecture de l'inventaire ce qui frappe c'est la pauvreté de la défunte. Elle ne possède que peu de meubles : une table « <i>coulante</i> » couvrant un garde-manger, une seule armoire, quelques coffres et un « <i>charnier</i> » pour stocker la viande salée. Comme habits elle n'a que deux jupons (« <i>cotillons</i> »), un tablier (« <i>devanteau</i> »), trois jupes (« <i>cottes</i> ») et trois coiffes (« <i>courichiers</i> »). | + | À la lecture de l'inventaire ce qui frappe c'est la pauvreté de la défunte. L'inventaire semble un peu misérable par rapport aux documents de succession et de dot du XVIIe siècle d'Ergué-Gabéric et Briec que le mémorialiste Antoine Favé a étudié, la vaisselle et le vestiaire y étant bien plus conséquents en volumes et prix. |
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+ | En 1572 Olive Kervéhant ne laisse que peu de meubles : une table « <i>coulante</i> » (couvrant un garde-manger), une seule armoire, quelques coffres et un « <i>charnier</i> » pour stocker la viande salée. Comme habits elle n'a que deux jupons (« <i>cotillons</i> »), un tablier (« <i>devanteau</i> »), trois jupes (« <i>cottes</i> ») et trois coiffes (« <i>courichiers</i> »). | ||
Et pour compléter l'affaire deux poêles de bronze (« <i>airain</i> »), deux plats d'étain, la poterie et faïences de Quimper ne se sont pas encore répandues dans les campagnes en cette fin XVIe siècle. Elle n'a pas de lit, mais sans doute son mari survivant en reste le propriétaire premier. Par contre il est surprenant qu'une charrue et son soc soient prisés en son nom. | Et pour compléter l'affaire deux poêles de bronze (« <i>airain</i> »), deux plats d'étain, la poterie et faïences de Quimper ne se sont pas encore répandues dans les campagnes en cette fin XVIe siècle. Elle n'a pas de lit, mais sans doute son mari survivant en reste le propriétaire premier. Par contre il est surprenant qu'une charrue et son soc soient prisés en son nom. | ||
- | La raison d'être de l'inventaire des biens meubles, excluant les biens immobiliers comme les bâtiments, est que le ménage de domaniers de Kerjestin est régi sous le mode de « <i>domaine congéable</i> » <ref name="Domainecongéable">{{K-Domainecongéable}}</ref>. Ce mode de tenue est très courant en basse-Bretagne jusqu'au XIXe siècle, le propriétaire foncier noble restant propriétaire des éléments du fonds et pouvant congédier son fermier à son gré. | + | La raison d'être de l'inventaire des biens meubles, excluant les biens immobiliers comme les bâtiments, est que l'exploitation de Kerjestin est régie sous le mode de « <i>domaine congéable</i> » <ref name="Domainecongéable">{{K-Domainecongéable}}</ref>. Ce mode de tenue est très courant en basse-Bretagne jusqu'au XIXe siècle, le propriétaire foncier noble restant propriétaire des éléments du fonds et pouvant congédier son domanier à son gré. |
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- | Le domaine de Kerjestin, en cette fin de XVIe siècle est détenu par les Rohan-Guéméné de Gié. Comme les Rohan sont proches du roi Henri IV et sont des résistants protestants, des « <i>hérétiques</i> dit-on à l'époque, toutes les terres de Kerjestin seront confisquées en 1592 par la Ligue Catholique, avant d'être incorporées plus tard dans le domaine napoléonien de la Légion d'Honneur. | + | <br>Le domaine de Kerjestin, en cette fin de XVIe siècle est détenu par les Rohan-Guéméné de Gié. Comme les Rohan sont proches du roi Henri IV et sont des résistants protestants, des « <i>hérétiques</i> dit-on à l'époque, toutes les terres de Kerjestin seront confisquées en 1592 par la Ligue Catholique, avant d'être incorporées plus tard dans le domaine napoléonien de la Légion d'Honneur. |
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Version du 3 février ~ c'hwevrer 2022 à 09:31
| Le plus ancien inventaire après décès d'Ergué-Gabéric et de basse-Cornouaille, portant sur les biens meubles d'une femme décédée au village de Kerjestin. Conservé aux Archives Départementales du Finistère, dépôt de Brest, sous la cote B 284. Grand merci à Daniel Collet |
Autres lectures : « 1657-1693 - Le mobilier et le vêtement dans la classe rurale au 17e siècle » ¤ « 1592 - Terres saisies sur les hérétiques près de Quimper-Chateaulin par la Saincte Union » ¤ « 1758-1791 - Rentier de la Seigneurie de Kerjestin des Rohan-Guéméné » ¤ « 1742 - Succession de Jean Floc'h métayer du manoir de Lezergué » ¤ « 1731 - Dénombrement de Kerelou par Pellu-Lizien suite au décès de Pezron Lozach » ¤ « 1786 - Inventaire après décès de Pierre Kergourlay de Kerautret » ¤
Présentation
L'orthographe des noms des deux personnes de la dite succession est incertaine : la transcription littérale semble être « Bourreban / Kernehant », mais au regard des patronymes gabéricois habituels il s'agirait sans doute pour le mari de la variante « Bourrebau » , couramment orthographiée Bourrebao ou Bourbao, et « Kervehant » pour sa femme décédée. Il est question donc de la succession de la défunte Olive Kervehant au profit de leurs enfants mineurs Guillaume, Olivier et Jean qui héritent des biens meubles de la maison parentale de Kerjestin. L'inventaire a pour but de « priser » (estimer) et totaliser la valeur des habits, meubles et vaisselles laissés après elle. À raison de 20 deniers pour un sou et de 20 sous pour une livre, on arrive à un total de 66 livres 17 sols et 4 deniers. Le mari veuf Yvon Bourrebau en conserve la propriété jusqu'à son décès moyennant le paiement à ses enfants de la dite somme (ou son reliquat). De la sous-série B-253 à B-371, « Apposition de scellés, inventaires et ventes de meubles, faits en paroisse », des Archives Départementales du Finistère il s'agit du plus vieux inventaire après décès, si l'on excepte bien sûr les anciens aveux À la lecture de l'inventaire ce qui frappe c'est la pauvreté de la défunte. L'inventaire semble un peu misérable par rapport aux documents de succession et de dot du XVIIe siècle d'Ergué-Gabéric et Briec que le mémorialiste Antoine Favé a étudié, la vaisselle et le vestiaire y étant bien plus conséquents en volumes et prix. En 1572 Olive Kervéhant ne laisse que peu de meubles : une table « coulante » (couvrant un garde-manger), une seule armoire, quelques coffres et un « charnier » pour stocker la viande salée. Comme habits elle n'a que deux jupons (« cotillons »), un tablier (« devanteau »), trois jupes (« cottes ») et trois coiffes (« courichiers »). Et pour compléter l'affaire deux poêles de bronze (« airain »), deux plats d'étain, la poterie et faïences de Quimper ne se sont pas encore répandues dans les campagnes en cette fin XVIe siècle. Elle n'a pas de lit, mais sans doute son mari survivant en reste le propriétaire premier. Par contre il est surprenant qu'une charrue et son soc soient prisés en son nom. La raison d'être de l'inventaire des biens meubles, excluant les biens immobiliers comme les bâtiments, est que l'exploitation de Kerjestin est régie sous le mode de « domaine congéable » |
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Transcriptions
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Originaux
Lieu de conservation :
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Usage, droit d'image :
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5 folios et inventaire Le Men & Luzel | |||||
Annotations
- Chargé d'études documentaires aux Archives Départementales du Finistère pendant 29 ans, Danel Collet fut aussi secrétaire général, puis vice-président de la Société Archéologique du Finistère, et administrateur de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne. Rédacteur dans le Bulletin de la SAF, les Cahiers de l'Iroise et les Mémoires de la SHAB. Coauteur de plusieurs des recueils de documents publiés entre 1974 et 1986 par les services éducatifs des Archives des départements bretons (dont « La Révolution dans le Finistère », « Brest au XIXe siècle », cf. Annales CRDP), et également des ouvrages suivants : « 1774, les recteurs léonards parlent de la misère » (1988, Craf, 2-906790-01-8) ; « Histoire de Quimper sous la direction de Jean Kerhervé » (chapitre : La Révolution à Quimper, 1994, Privat, 2-7089-8312-1) ... [Ref.↑]
- Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief, à l'occasion d'un achat, d'une succession ou rachat. L’aveu est accompagné d’un dénombrement ou minu décrivant en détail les biens composant le fief. La description fourni dans l'aveu indique le détail des terres ou tenues possédées par le vassal : le village dans lequel se situe la tenue, le nom du fermier exploitant le domaine congéable, le montant de la rente annuelle (cens, chefrente, francfief) due par le fermier composée généralement de mesures de grains, d'un certain nombre de bêtes (chapons, moutons) et d'une somme d'argent, les autres devoirs attachées à la tenue : corvées, obligation de cuire au four seigneurial et de moudre son grain au moulin seigneurial, la superficie des terres froides et chaudes de la tenue. Source : histoiresdeserieb.free.fr. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Domaine congéable, s.m. : mode de tenue le plus fréquent en Cornouaille et en Trégor au Moyen-Age pour la concession des terres. Ces dernières constituent le fonds et restent la propriété des seigneurs. Par contre les édifices sont concédés en propriété aux domaniers par le propriétaire foncier (généralement noble) qui peut, en fin de bail, congéer ou congédier les domaniers, en leur remboursant la valeur différentielle des édifices nouveaux ou améliorés. Cela comprend tout ce qui se trouve au dessus du roc nu, notamment les bâtiments, les arbres fruitiers, les fossés et talus, les moissons, les engrais. Ce régime qui ne sera pas supprimé à la Révolution malgré les doléances de certaines communes bretonnes, sera maintenu par l'assemblée constituante en 1791, supprimé en août 1792 et re-confirmé en 1797. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Présidial, s.m. : tribunal de justice de l'Ancien Régime créé au XVIe siècle ; c'est en 1552 que le roi Henri II de France, désireux de renforcer son système judiciaire et de vendre de nouveaux offices, institue les présidiaux ; le présidial de Quimper-Corentin a été créé à cette date dans le ressort du parlement de Bretagne (Wikipedia). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Table coulante, s.f. : table servant soit de coffre (garde-manger), soit de maie à päte (pétrin). Le dessus de la table coulisse pour permettre de travailler la pâte dans le pétrin ou d'accéder à ce qui y était stocké. Citée dans les inventaires successoraux aux 17e et 8e. Source : histoiresdeserieb sur free.fr. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Monoie, Monnoye, adj : un sol monoie désigne une petite pièce de monnaie faite de billons, c'est-à-dire de cuivre, tenant un peu d'argent, mais plus ou moins, suivant les lieux (Encyclopédie Diderot). Existence de « livres monnoie » et de « deniers monnoye » à signaler également, en complément des livres tournois qui deviendront l'unique monnaie de compte en 1667. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 6,00 6,01 6,02 6,03 6,04 6,05 6,06 6,07 6,08 6,09 6,10 6,11 6,12 6,13 6,14 6,15 6,16 6,17 6,18 6,19 6,20 6,21 6,22]
- Une paire d'armoires est une armoire à deux portes. [Ref.↑]
- Clavure, s.f. : serrure (Dictionnaire du Moyen Français). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 8,0 8,1 8,2 8,3 8,4]
- Deventel, deventeau, davantau, s.m. : tablier (Dictionnaire Godefroy). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Cotillon, s.m. : jupon, parfois en flanelle, qui était porté surtout par les paysannes (Larousse). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 10,0 10,1]
- Cotte, s.f. : jupe plissée à la taille et portée par les femmes du peuple. Une cotte de paysanne (TLFi). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 11,0 11,1]
- Cerisaie, querisaye, s.f. : sorte d'étoffe (Dictionnaire Godefroy). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Linceul : pièce de toile, drap de lit. [Ref.↑]
- Courichier, guirichet, s.m. : coiffe (Antoine Favé, Le mobilier et le vêtement dans la classe rurale au 17e siècle). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Charnier, s.m. : meuble, en pierre ou en bois, dans lequel est rangée la viande salée. Source : Jean Le Tallec 1994. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Etain, estain, s.m. : métal gris blanc, ductile, malléable, le plus fusible de tous les métaux usuels, et s'effritant aux très basses températures. Ce métal, quelquefois allié au plomb, servant à la fabrication d'objets d'usage courant ou d'objets d'art. Vaisselle d'étain ; soldat d'étain ; graver des plats d'étain. Source : Trésor Langue Française. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Airain, s.m. : bronze, alliage de cuivre et d'étain. Matériau utilisé couramment pour les marmites. Source : histoiresdeserieb.free.fr. Alliage à base de cuivre et de différents métaux, en particulier d'étain, désigné aujourd'hui sous le nom de bronze. Source : TRLFi. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
Thème de l'article : Fonds documentaires, pièces d'archives Date de création : Janvier 2022 Dernière modification : 3.02.2022 Avancement : [Développé] |