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Les moulins du manoir du Cleuyou

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Catégorie : Patrimoine
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§ E.D.F.

Où il est question de l'existence de deux moulins, l'autre à tan, l'autre à double tournant [1] pour la farine, sur le domaine noble du Cleuyou depuis plusieurs siècles.

On peut aujourd'hui faire l'hypothèse que le moulin à farine a disparu, et que celui actuellement visible était le petit moulin à tan.

« Archives de Cleuziou/Cleuyou » ¤ « Le manoir du Cleuziou/Cleuyou » ¤ « Familles nobles gabéricoises » ¤ « Les Le Guay (1804-1917), châtelains du Cleuyou au 19e siècle » ¤ « 1794 - Inventaire et estimation du moulin du Cleuyou » ¤ « 1809 - État des moulins à farine d'Ergué-Gabéric » ¤ « Le manoir du Cleuyou, Die Geschichte eines Bauwerkes in der Basse Bretagne » ¤ « L'histoire d'un bâtiment en Basse-Bretagne » ¤ « Le Cleuyou, renaissance d'un lieu d'exception, Le Télégramme 2011 » ¤ 

Croquis de Jean Istin, 2002
Croquis de Jean Istin, 2002

[modifier] 1 Présentation

Aujourd'hui on peut admirer dans le parc arboré du Cleuyou, à 200 mètres du manoir, un joli moulin restauré. La roue hydraulique et le système d'engrenages ont été reconstitués dans les années 2000 par leurs propriétaires de l'époque, avec les conseils éclairés de Jean Istin [2].

Werner Preissing, propriétaire actuel du manoir et moulin du Cleuyou, a rassemblé dans son livre les documents d'archives qui décrivent le bâti du meunier au cours des siècles, dont l'activité principale était la production de farine. Et un doute s'est installé sur l'existence d'un seul moulin.

En effet, ses dimensions, son orientation, le nombre et le type de roues hydrauliques ne collaient pas avec ses caractéristiques actuelles. Et s'il y en avait eu deux moulins pour deux types d'activité ?

Dimensions :

  • moulin à farine : 9m 50 de long (28 pieds) sur 8 mètres (24 pieds) pour deux pièces symétriques, plus deux écuries de 10 m (30 pieds) de longueur totale
  • moulin à tan : deux pièces asymétriques en L, dont l'entrée de 5 m x 5m, et l'autre 5m x 10m.

Orientation :

  • ouvertures au nord et au sud pour le moulin à farine.
  • porte à l'est pour le moulin à tan.
Le petit moulin en 2011-12
Le petit moulin en 2011-12

Roues :

  • deux roues horizontales pour la farine.
  • une roue verticale pour le tan (aucune possibilité d'une 2e roue à l'est, ni en vis-à-vis à l'ouest).

[modifier] 2 Le moulin à farine

Le moulin noble du Cleuyou est déclaré dans les inventaires et aveux [3] du 16e au 18e siècle :

  • 1566: « Item, le moulin noble, o son destroit [4], byé [5], chaussé [6], conduicte d'eaue joignant ledict jardin, avecques un parc »
  • 1620: « le moulin noble o son destroit [4] bué [5] chaussé [6] conduits d'eau joignant le dit jardin avecque un parc »
  • 1644: « Item le moulin noble o son destrois [4], biay [5], chaussée [6], conduit d'eau joignant ledit jardin aveq un parc »
  • 1666: « le moulin noble avec son destroict [4], bié [5], chaussée [6] condeuit d'eau joignant ledict jardin avec le parc »
  • 1679: « Item le moullin noble, o son destroit [4] bié [5], chaussées [6], conduit d'eau joignant ledit jardin avec un parc derière ledit moulin »
  • 1794: « La maison mannale ou le moulin du Cluyou à deux tournants [1] et s'entrejoignants »

Dans le dernier document on a une description plus complète : « le corps de logis formant deux pièces et ayant porte de communication , ouvrant au nord et au midi ayant de longueur à deux longères[7] vingt huit pieds [8] de franc [9] à deux pignons et un arras [10] traversant le millieu du corps de logis vingt quatre pieds [8] sur six de hauteur. Deux écuries adossées au fossé et s'entrejoignant en ruine ouvrant au levant bout du couchant du moulin ayant ensemble de longueur trente pieds [8] à un arras [10] six sur six de hauteur. Au levant du dit moulin une pièce de terre nommée le Broannec sans édifices, donnant du levant sur autre Broanëc faisant partie des terres du Cluyou. ».

En terme de dimension, la conversion des pieds [8] en mètres donne 9,10 mètres de longueur (plus 9,75 pour les écuries), 7,80 en largeur, et 2 mètres de hauteur.

Pour l'orientation les ouvertures des portes et fenêtres sont placées côté sud et nord, ce qui met les pignons à l'ouest et au nord.

Dans un document conservé aux Archives Départementales du Finistère, sous la côte ADF 6 M 1037, on trouve un état récapitulatif intéressant de l'état des moulins de la commune que le maire Salomon Bréhier [11] adresse au préfet.

Le moulin du Cleuyou est déclaré avec ses deux roues de type horizontal, et est le plus productif de la commune : 20 quintaux de farine par jour (des quintaux métriques faisant 200 litres).

Les roues horizontales étaient réputés plus efficaces quand le débit du cours d'eau était limité. Par contre il était nécessaire de créer artificiellement une goulotte en cascade en surplomb de la roue. En Bretagne, et presque exclusivement dans le Finistère, les roues horizontales étaient « à cuillères » et étaient installées en prise directe sur la meule tournante.

 

Mais où était placé ce moulin à farine, sur quelle portion de bief ? Le cadastre napoléonien de 1834 indique un symbole de roue à l'emplacement du moulin actuel, où était vraisemblablement celui du moulin à tan décrit ci-dessous, mais il est possible aussi que cette marque ait été apposée à la fin du 19e. À noter que les parcelles de Broannec ("jonchère" en toponymie bretonne) qui sont mentionnés en 1794 en voisinage directe sont un peu plus à l'est sur le cadastre (parcelles 412, 413 et 414) et d'autres biefs plus proches auraient pu être utilisés pour alimenter le moulin à farine.

Si l'on reporte le petit moulin à tan à l'emplacement de la croix rouge marquée du chiffre 1, notre suggestion pour le moulin à farine est la deuxième croix rouge sur le bief à l'intersection des parcelles 410 (Prad ar Veil), 411 et 412 (Foennec ar Veil) :

[modifier] 3 Le moulin à tan

C'est un article du journal « Union Agricole et Maritime » [12] de mars 1893 qui nous apprend l'existence du moulin à tan du Cleuyou. Il y est relaté qu'un incendie s'est déclaré dans « un moulin à tan situé sur le bord de la rivière du Jet, à environ 200 mètres de l'habitation » (le manoir d'Albert Le Guay [13]).

Moins nombreux que les moulins à farine, les moulins à tan se présentaient de l'extérieur de façon très similaire, avec un système de roue tournant grâce à un conduit de bief ; seule la taille du bâti pouvait être plus modeste du fait que le tan était moins encombrant que les sacs de blés et de farine.

Le mouvement circulaire de la roue du moulin à tan était transformé en mouvement alternatif (va et vient) d'un arbre à cames horizontal avec ses ergots tranchants qui broyait les écorces séchées afin d’en extraire le tan (ou tanin).

Il ne faut donc pas confondre le moulin à tan avec le moulin à foulon, ou encore à peaux, dont la fonction est de traiter les peaux elles-mêmes. Dans un moulin à tan l'on broyait l’écorce de chêne pour produire de la poudre de tan qui servait au tannage des peaux. Le tannage consistait à transformer une peau raide et putrescible en un cuir et fourrure souple et imputrescible, par un empilement des peaux entre des couches de tan dans des cuves hermétiques.

Le moulin à tan du Cleuyou était loué à un « M. Le Page, tanneur à Quimper, pour une somme de 600 francs ». Il s'agissait sans doute d'Auguste Le Page, tanneur domicilié rue Neuve à Quimper [14]. À moins qu'il s'agisse de son cousin germain Etienne Emile Le Page, également tanneur quimpérois [15], ou alors de Corentin Le Page [16].

 
Union Agricole, 26 mars 1893
Union Agricole, 26 mars 1893

[modifier] 4 Annotations

  1. Tournant, s.m. : roue motrice d'un moulin à eau (Trésor Langue Française). Un moulin à deux tournants a deux roues qui font tourner deux meules (Littré). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Colette et Emmanuel Doux, propriétaires du moulin dans les années 2000, ont effectué des travaux de reconstitution de la mécanique sur les conseils de Jean Istin, spécialiste des moulins cornouaillais. [Ref.↑]
  3. Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief, à l'occasion d'un achat, d'une succession ou rachat. L’aveu est accompagné d’un dénombrement ou minu décrivant en détail les biens composant le fief. La description fourni dans l'aveu indique le détail des terres ou tenues possédées par le vassal : le village dans lequel se situe la tenue, le nom du fermier exploitant le domaine congéable, le montant de la rente annuelle (cens, chefrente, francfief) due par le fermier composée généralement de mesures de grains, d'un certain nombre de bêtes (chapons, moutons) et d'une somme d'argent, les autres devoirs attachées à la tenue : corvées, obligation de cuire au four seigneurial et de moudre son grain au moulin seigneurial, la superficie des terres froides et chaudes de la tenue. Source : histoiresdeserieb.free.fr. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  4. Destroit, s.m. : territoire situé autour du moulin où les meuniers logeaient et travaillaient, synonyme de « moutaux » ce terme désignant les usagers d’un moulin. Source : Jean GALLET dans "La seigneurie bretonne (1450-1680)". [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4]
  5. Bief, byé, bué, s.m. : Canal qui conduit l'eau d'une rivière ou d'un ruisseau sur une roue hydraulique pour la faire tourner. Source : Chabat, 1881. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4]
  6. Chaussée, s.f. : barrage, ouvrage maçonné submersible en travers d'un cours d’eau naturel, avec une partie supérieure appelée déversoir, permettant l’amenée de l’eau de la rivière vers le moulin. Source : riverainsdefrance.org[Terme] [Lexique] [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2 6,3 6,4]
  7. Longère, s.f. : mur principal d'une bâtisse. Ce terme n'avait la même signification qu'aujourd'hui, il désignait, non pas un bâtiment de forme très allongée, mais dans un bâtiment donné, le mur de façade et le mur arrière. On parlait donc de la longère de devant et de la longère de derrière. Quant à l'appentis, comme il s'appuyait contre la maison, il n'avait évidemment qu'une longère. Source : Jean Le Tallec, La vie paysanne en Bretagne sous l'Ancien Régime. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  8. Pied, s.m. : unité de mesure de longueur divisée en 12 pouces, et d'environ 32-33 cm. En France, avant la réforme de Colbert en 1668, le pied de roi ancien avait une valeur de 326,596 mm. En 1668 une tentative de normalisation fut tentée avec la nouvelle toise dite de Chatelet pour une mesure de 324,839 mm. Cette valeur fut conservée en 1799 avec l'introduction du mètre estimé à environ 3,09 pieds [¤source : Wikipedia]. On note une valeur de 3,07 pieds dans un document GrandTerrier de 1808[Terme] [Lexique] [Ref.↑ 8,0 8,1 8,2 8,3]
  9. Franc, s.m. : terme utilisé dans l'expression "de franc" pour désigner dans les aveux les largeurs des bâtiments en pieds . Au 17e siècle on trouve les expressions "de franc par le dehors" ou alors "de franc par le dedans", les mesures pouvant être prises entre deux longères (murs extérieurs). Source : site de C. Duic (doc).  [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  10. Arras, s.m. : mur intérieur de séparation d'un bâtiment, en pierres ou maçonnerie. Dans les descriptions d'aveux : à deux pignons et un arras ». Source : site Internet de C. Duic (doc 1, doc2). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 10,0 10,1]
  11. Salomon Bréhier, commissaire-expert à Quimper, est maire d'Ergué-Gabéric de 1808 à 1812. Il est également franc-maçon, soit précisément « maitre bleu de la Loge de La Parfaite Union ». [Ref.↑]
  12. L'Union agricole et maritime, qui a d'abord été appelée L'Union agricole du Finistère est un journal local d'informations générales qui a paru à Quimperlé (Finistère) de 1884 à 1942. Il a connu des orientations éditoriales différentes, selon ses propriétaires successifs. La périodicité a aussi été variable : bi-hebdoadaire, tri-hebdomadaire et hebdomadaire. Avec pour sous-titre Organe Républicain Démocratique de la région du Nord-Ouest, le journal paraît le 1er août 1884 à l'initiative du conseiller général de Quimperlé, James Monjaret de Kerjégu, un riche propriétaire terrien et ancien diplomate résidant à Scaër. [Ref.↑]
  13. Albert Le Guay, châtelain du Cleuyou, était juge de paix à Douarnenez, archéologue passionné et républicain engagé. [Ref.↑]
  14. Auguste Le Page, tanneur, est en 1899 membre actif de l'association des anciens élèves du pensionnat Ste-Marie du Likès de Quimper. [Ref.↑]
  15. 22/04/1879 Quimper. Mariage de LE PAGE Etienne Emile, mineur, âgé de 19 ans, né le 07/04/1860 à Quimper, Tanneur Fils de Julien Joseph , décédé le 07/04/1865 à Quimper et de PERROT Lorette Josèphe, décédée le 11/05/1862 à Quimper. Notes concernant l'époux : assisté par pierre marie cornic, cousin et tuteur, présent et consentant. Et de COROLLER Marie Corentine, âgée de 21 ans, née le 08/01/1858 à Plonéis, Cuisinière. Fille de Allain et de LEZERVANT Marie. Notes concernant l'épouse : parents : domiciliés à quimper. Témoins : auguste émile le page, cousin germain du marié / jean marie cornic, oncle maternel du marié / rené louis hémery, beau-frère de la mariée / jean françois kerbrat [Ref.↑]
  16. 28/10/1871 Quimper. Mariage de LE PAGE Corentin Pierre Gustave, âgé de 23 ans, né le 11/03/1848 à Quimper, Tanneur. Fils de Jean François et de LE CHAT Thomase Victorine Armande. Et de TARIDEC Marguerite Jeanne Perrine, âgée de 23 ans, née le 16/01/1848 à Quimper, Tailleuse. Fille de Yves François Marie et de LE CHAT Marguerite Corentine, décédée le 03/06/1858 à Quimper. Témoins : pierre péron, oncle du marié / corentin gouritin / pierre marie taridec, parent de la mariée / jean barot [Ref.↑]


Thème de l'article : Monographie d'un lieu-dit de la commune d'Ergué-Gabéric

Date de création : Octobre 2013    Dernière modification : 30.12.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]