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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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1 Partition et paroles de cantique

« Diskan : Mamm Doue, o Gwerhez Gwelit hor harantez ... I. Kanom a vouez uhel Mari, Mamm Doue Ni oll e Breiz-Izel Zo he Bugale.  »

Le cantique de Kerdévot, tel qu'il est toujours chanté avec ferveur à Ergué-Gabéric, n'a pas l'ancienneté de son prédécesseur, celui composé en 1712 ; mais, comme support de la tradition de nos anciens, le cantique actuel mérite assurément de figurer au registre du patrimoine communal.

L'air du cantique de Kerdévot est une reprise d'un grand classique des chants dédiés à la Vierge Marie, composé par l'abbé Hippolyte Boutin (1849-1946) en fin du 19e siècle. Le refrain de ce cantique de l'église française était en langue latine : « Laudate, laudate, laudate Mariam. (bis) ». Et le premier couplet : « O Vierge Marie, Entends près de Dieu. Ton peuple qui prie : Exauce ses vœux ». Au début du 20e siècle, le cantique était connu dans la France entière par tous les catholiques qui l'utilisaient systématiquement pour le culte marial.

À la même époque, Jean-Marie Salaün (1831-1885), éditeur de musique à Quimper, proposa une version bretonne de la Laudate Mariam, qui devint un succès des pardons bretons dédiés à la Vierge Marie mère de Dieu (« Mamm Doue, o Gwerhez »).

Le texte breton de la version « Intron Varia Kerdevot » est différent, car très localisé :
Image:Right.gif « Kerdevot zo brudet / Dre oll vro Gerne » (Kerdévot est célèbre dans toute la Cornouaille).
Image:Right.gif « Kristenien an Ergue / Ho pedo bepred / Da vired o ene / O Gwerhez karet. » (Les chrétiens d'Ergué ...).

Une tentative de traduction en français du refrain et des six complets est proposée dans l'article détaillé. Ainsi que trois enregistrements sonores à écouter (si vous en disposez d'autres, n'hésitez pas à nous les envoyer, et toutes les anecdotes sur les circonstances de son interprétation seront les bienvenues) :

Au sommaire :

Image:Right.gif A. Version chantée accompagnée à l'orgue historique Dallam (02:02)

Image:Right.gif B. Air chanté uniquement joué à la flute traversière (00:28)

Image:Right.gif C. Partition complète toutes voix à la flute traversière (00:28)

 
En savoir plus : « Le cantique populaire "Itroun Varia Kerdevot" de Jean Salaun en 1881 » Billet du 22.08.2015

2 Tombe enlevée, arche et voûte

« Enfeu, s.m. : ancien substantif déverbal de enfouir ; niche à fond plat, pratiquée dans un édifice religieux et destinée à recevoir, avant la Révolution française, la sépulture d'un seigneur du pays », Dictionnaire des Trésors de la Langue Française

Il y a quelques jours, une gabéricoise - elle se reconnaitra en tant que lectrice assidue du billet ! - se désolait de ne pas savoir qui était enterré dans son église paroissiale dans une tombe placée dans le mur de l'édifice religieux.

En fait, rien d'étonnant, car cet élément très ancien du patrimoine communal n'a jamais été présenté comme il se doit par les mémorialistes. Seul Norbert Bernard (historien-paléographe qui a apporté beaucoup au patrimoine et à l'histoire communale) a recherché les mentions de ses origines dans les archives locales, départementales et ducales.

Et pourtant cette tombe est mentionnée dès l'an 1504 et atteste des prééminences d'une seigneurie locale. La famille noble des Kerfors, en l’occurrence Caznevet et son fils Charles, disposait d'une « tombe enlevée (=surélevée), arche et voûte, en l'ayle de l'endroict du cueur », ceci à proximité de la « tombe basse et placée sur terre ayant une pierre tombale au dessus » des Liziart.

Et sur cette tombe il y a six blasons familiaux, dont deux ont des motifs conservés, avec en partie « senestre » (gauche) le mi-parti du fameux cor de chasse ou « greslier » de couleur azur des Kerfors du 15e au 17e siècle, et en partie « dextre » (droite) des armes de familles en alliance non encore identifiées.

Le premier document officiel mentionnant l'enfeu des Kerfors est un acte prônal du 15 décembre 1503 établissant le droit au seigneur de Kerfors à disposer d'une tombe « du cotté de l'eppittre » (c'est-à-dire à droite face à l'autel)) à l'église Saint-Guinal. Cet acte est mentionné à la succession du recteur Jean Edy en 1748 en ces termes : « Deux autres pronneaux de pareil idiome portant confection de tombe en l'église paroissialle du cotté de l'eppittre à François Liziart François de Kergonan et à Charles Kerfors sieur dudit lieu datté des 16 septembre 1496 et 15 décembre 1504. »

Cette interrogation nous permet aujourd'hui de compléter le travail de Norbert (en publiant notamment l'inventaire des documents d'archives, lettres et contrat de Jean Edy), et en replongeant dans la généalogie des Kerfors et les conditions de transmission du domaine de Kerfors à la famille de La Marche.

En savoir plus : « Le tombeau enfeu noble des Kerfors à l'église St-Guinal », « 1748 - Inventaire des documents anciens détenus par le recteur Jean Edy », « Les Kerfors, dudit lieu, nobles du 15e au 17e siècle », « Les de La Marche, nobles de Kerfort et de Lezergué, 17e-18e siècles » Billet du 16.08.2015

3 Brèche en Chaussée du Cleuyou

« Chaussée, s.f. : barrage, ouvrage maçonné submersible en travers du cours d’eau, avec une partie supérieure appelée déversoir. Il permet l’amenée de l’eau de la rivière vers le moulin », Association des Riverains des rivières et cours d’eau de France

En ce début d'été 2015, une brèche a changé le cours de la rivière du Jet, asséchant le bief d'amenée du Cleuyou, et privant de son eau le moulin magnifiquement restauré. Les voisins du barrage et du début du bief sont unanimes : « C'est la première année que le bief est à sec et que l'eau de la rivière se détourne de son cours à cet endroit ».

En effet, sur la berge sud, l'eau a profité qu'un arbre tombe, pour s’engouffrer en creusant une dérivation dans une prairie d'Ergué-Armel, et en laissant un fort courant suivre le lit naturel du Jet. Par conséquent le cours parallèle, sur la rive nord, côté Ergué-Gabéric, à l'entrée du bief du Cleuyou, est à sec.

En terme de législation, de tout temps, les propriétaires de moulin ont bénéficié d'un « droit d’eau » pour exploiter la force motrice de l’eau et conserver l'eau dans leurs biefs. On distingue deux catégories de moulins pour instruire les dossiers litigieux : le droit fondé « en titre », quand l’ouvrage est antérieur à la Révolution de 1789, et le droit fondé « sur titre », établi après 1790 (loi du 20 août 1790 qui abolit les droits féodaux) selon la circulaire ministérielle du 23 octobre 1851.

Le manoir du Cleuyou rentre dans la première catégorie car la preuve de l’existence du moulin et de son droit d’eau associé est établie depuis au moins 1566. Dans l'« aveu » de Guillaume de Rubiern, sieur du Cleuziou, et tous les documents similaires du 17e siècle, la description du moulin englobe même le barrage, appelée « chaussée », sur la rivière : « Item, le moulin noble, o son destroit, byé, chaussé ». Cette chaussée est également mentionnée en 1794 en pleine période révolutionnaire.

Aujourd'hui le barrage n'est plus une propriété privée, mais publique et en ligne de partage entre deux communes. Cela devrait encourager tous les élus à faire preuve d'initiative pour le réparer et rendre son eau au moulin. Rappelons aussi que le Petit et le Grand Ergué était une grande paroisse unie il y a quelques siècles, et d'autre part le lieu du Cleuyou aujourd'hui sur Ergué-Gabéric, dépendait précédemment d'Ergué-Armel.

En savoir plus : « La chaussée, le bief et l'eau du moulin du Cleuyou » Billet du 09.08.2015

4 ND de Kerdévot à la Grande Vigne

« La Maison d'artiste de la Grande Vigne également nommé Musée Yvonne Jean-Haffen est la maison de l'artiste, qu'elle offrit à la Ville de Dinan en 1987, avec son mobilier et son fond d'atelier pour en faire une maison d'artiste et y présenter son œuvre », Wikipedia

Née parisienne, Yvonne Jean-Haffen (1895-1993) est une artiste peintre, dessinatrice, graveuse et céramiste renommée. Installée à Dinan elle épouse en 1920 l'ingénieur Edouard Jean, rencontre en 1925 son voisin de la rue Falguière, Mathurin Méheut, et devient sa collaboratrice et disciple. Grâce à lui, elle entre à la faïencerie Henriot de Quimper et participe à de nombreux chantiers de décoration et d'exposition.

Sa passion pour la terre bretonne conduit les époux Jean à acquérir une grande propriété au bord de la Rance, la « Grande Vigne », qui devient le pivôt de l'activité artistique de la région. Elle transforme cette maison en musée qui aujourd'hui est le lieu de conservation de son œuvre.

Y sont conservés notamment les quatre croquis de la fontaine de la chapelle de Kerdévot. En complément nous avons rassemblé les notices descriptives de la Base Joconde et les reproductions de chacun de ces dessins mettant en relief la richesse de cet élément de notre patrimoine.

Le premier croquis un projet de céramique pour une faïence de Rivière-Letort (St-Méen). Les deux suivants ont été faits dans le cadre de la préparation d'un livre d'Yves Millon sur les fontaines de Bretagne. Le dernier, où l'on entrevoit la chapelle visible derrière la fontaine a été finalisé pour le livre d'Yvonne Jean-Haffen sur les fontaines bretonnes.

Et pour conclure, cette description évocatrice de Pierre-Yves Castel : « Il faut, à Kerdévot, chercher loin l'antique fontaine de dévotion, vers la bordure extrême du champ à l'Est de la chapelle. Là, une source captée dans un bassin carré alimente deux petits bassins circulaires destinés aux rites des ablutions. Le monument qui coiffe le bassin d'un toit en batière est flanqué d'épais pinacles à crochets. L'arc en plein cintre s'encadre dans un gâble triangulaire assorti de quatre choux frustes. A l'angle de droite une figure de marmouset rieur. L'arcade abrite une petite statue de pierre représentant une Vierge à l'enfant qui paraît veiller sur les lentilles d'eau du bassin. La pointe du monument est constitué d'un blason écartelé de forme carrée et bien érodé par les siècles. »

En savoir plus : « Croquis de la fontaine de Kerdévot par Yvonne Jean-Haffen » Billet du 02.08.2015

5 Contremaitresse de chiffonnerie

« Ergué-Gabéric. Une octogénaire tombe dans l'Odet et se noie. Samedi, vers 18h30, Mme veuve Guéguen, née Léonus, 79 ans, demeurant à Odet, avait quitté son domicile pour se rendre à l'épicerie Rannou ... », Le Finistère, 17 décembre 1938.

Cette femme eut un destin extraordinaire et une fin tragique signalée par les journaux « Le Citoyen », « Le Finistère » et « Le Courrier du Finistère » dans des termes assez similaires.

En effet, Marie Léonus, veuve Guéguen, ancienne contremaitresse, qui était venue faire des courses à l'épicerie de la papeterie d'Odet, tenue par les Rannou à Ty-Ru, s'en était retournée chez elle à Stang-Luzigou en prenant le chemin qui longe le canal d'amenée, et, la nuit étant tombée, elle trébucha et tomba à l'eau.

Sa sœur, ne la voyant pas rentrer, signala sa disparition et les ouvriers la cherchèrent et trouvent son corps sans vie dans l'eau dans un entassement de feuilles avant les conduites menant aux machines à papier. Son panier de provision était resté sur le chemin.

Le journaliste signale que le courant était important du fait des gros orages. On peut penser aussi que l'obscurité et l'absence d'éclairage expliquent aussi la chute dans l'eau.

Bien que d'origine modeste, la veuve était respectée par tout le monde, sans doute pour avoir travaillé à la papeterie depuis l'âge de 9 ans, et avoir été exercé la fonction de contremaitresse.

Marie Françoise Elise Léonus est née au village de Gougastel en Briec, à proximité de l'usine à papier d'Odet, en octobre 1859. Son père Yves, surnommé « Kergoat », était catalogué d'homme des bois (« coat » = bois, futaie). Marie hérita de se surnom et, toute sa vie, fut appelée « Mae Kergoat », Mae étant une transcription phonétique de la prononciation locale du prénom Marie en breton. La mère de Mae Kergoat, Marie Josèphe Heydon, quand elle se maria en 1856, travaillait déjà à l'usine d'Odet comme papetière.

Comme indiqué sur le registre des employés de 1927, Mae Kergoat est embauchée en 1868 à l'âge de 9 ans. En 1927, elle est celle qui a la plus grande ancienneté, elle est inscrite comme « maitresse » (contremaitresse), « âgée de 68 ans », et a « 59 ans de service ». En janvier 1901, elle reçoit la médaille d'honneur pour 30 ans de service avec comme fonction de « maitresse de chiffonerie ».

Elle se marie deux fois : la première avec Yves Le Torrec en 1879, et avec François Guéguen, le cocher de l'usine, en 1900. Elle décède le 10.12.1938 en revenant chez elle en soirée avec son sac de course, tombant et se noyant dans le canal d'Odet.

En savoir plus : « Mae Kergoat-Guéguen (1859-1938), née Léonus, contremaitresse de papeterie »,
« La noyade à Odet de Mae Kergoat-Guéguen née Léonus, journaux 1938 »
Billet du 26.07.2015

6 Émotion rue de Croas-ar-Gac

« Je vous remercie pour l'amour que chacun m'a démontré ! Maintenant, il est temps pour moi de voyager seule. Pendant un court moment vous pouvez avoir de la peine. La confiance vous apportera réconfort et consolation.  », Charlotte Newashish-Flamand, amérindienne de la tribu Atikamekw.

Pas de billet habituel cette semaine, car le décès de notre maman a chamboulé notre train-train quotidien sur le GrandTerrier. Avec émotion on a retrouvé cette photo Kodak des années 60, un peu floue, on la voit près de sa nouvelle maison neuve gabéricoise. Elle est partie le 6 juillet.

Dans le même registre on déplore aussi le décès d'un natif de Sulvintin, un militaire avec une immense culture d'autodidacte, Michel Le Goff, décédé brutalement le 28 mai à Bois-d'Arcy où il habitait. Vendredi 10 juillet une cérémonie religieuse à sa mémoire a été organisée à Ergué-Gabéric en présence de sa famille.

Sinon, de notre côté, ce week-end, les bulletins Kannadig de juillet ont été imprimés, pliés, agrafés, timbrés et déposés dans la boite à lettres de quartier.

Ce bulletin a la particularité de montrer l’interactivité et les réactions des lecteurs suite à la publication hebdo des billets, car on y a glissé des remerciements pour les modifications et compléments apportés aux articles initiaux.

Ainsi, par exemple, entre le premier article sur les moulins blanc et roux et le texte finalisé et inclus dans le bulletin, il a l'apport de Mann Kerouredan qui a étudié le positionnement des deux roues en fin de bief et non en son milieu. Et pour l'appel de Per Roumegou à la tête du bagad de Lann-Bihoué, comme nous n'avions pas compris les différentes formules style HAKA, heureusement que René Le Reste était là également : « Bed war zonj ; Prest omp ; Dioual war raok ; Kuit ».

En savoir plus : « Kannadig n° 30 Juillet 2015 », « Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff » et à la semaine prochaine pour un nouveau billet complet. Billet du 19.07.2015

7 Une chaumière en son placitre

«  Les dieux étaient d'argile quand poussèrent ces temples d'or et une chaumière rustique n'était pas un objet de honte », Elégies IV-1-1, Properce

Cette crêche et son toit de chaume, certes une propriété privée, sont néanmoins une fierté patrimoniale d'Ergué-Gabéric, car leur présence agrémente joliment un placître arboisé au bord d'une belle route de compagne.

La couverture en question a été réalisée en mai 2014 par Claire et Yann Le Guillou, propriétaires des lieux, et a remplacé un toit de tôle dont l'état se dégradait. Aujourd'hui cette crêche ou petite grange, ouverte à l'est par une grande porte et dotée de deux minuscules fenêtres, trône comme une chapelle au milieu d'un placitre d'herbe tondue et bordée d'imposants chênes et châtaigniers.

Originaires de St-Brieuc et Bourbriac et gabéricois d'adoption, ils justifient leurs décision ainsi : « C'est simplement du bon sens. D'abord le cout, il est inférieur à une couverture en ardoises, ensuite d'un point de vue patrimonial, les bâtiments à usage d'exploitation, étaient très souvent couverts en paille jusqu'au début du XX s. Et ensuite, on redécouvre aujourd'hui les vertus du chaume en terme d'isolation écologique ... ».

Il est aussi indéniable que le domaine de Kerveady au début du 19e siècle était formé de bâtiments en toits de chaume, on disait à l'époque « couverts de paille ». En fait en 1808, seule la maison d'habitation principale, aux allures de petit manoir, était en ardoise car elle était dénommée « Ty-glas », le mot "glaz" attestant de la couleur bleue des ardoises.

On dénombrait à Kerveady pas moins de cinq chaumières (maisons, crêches et grange) : « une crêche nommée ar Craou izela construite de simple maconne et couverte en paille » ; « une maison nommée an ty izela construite de simple maçonne et couverte en paille » ; « autre maison nommée an ty bihen construite de simple maçonne et couverte en paille » ; « une crêche nommée an Craou bihen construite simple maçonne et couverte en paille » ; « une grange nommée ar bardy construite de simple maçonne et couverte en paille ».

Un grand merci collectif aux sympathiques propriétaires de Kerveady pour leur magnifique restauration de 2014, et aussi pour nous avoir signalé un linteau de pierre gravée dans leur maison ancestrale et daté de 1569 !

En savoir plus : « Crêche au toit de chaume et linteau de pierre du 16e au village de Kerveady » Billet du 11.07.2015

8 Kannadig "jeune" de l'été 2015

«  Memorioù ar re gozh hag istor ar barrez an Erge-Vras, e bro c’hlazig, e Breizh-Izel», Histoire et mémoires d’Ergué-Gabéric, en pays glazik.

Honneur à la jeunesse ce trimestre : pour commencer cette belle lithographie de 1844 représentant trois jeunes gens de « Fouesnant et le Grand-Ergué (finistère) ».

Ils sont trois, l’un(e) est de Fouesnant, les deux autres sont gabéricois(es). Avez-vous deviné qui est qui ? Pour vous aider, le commentaire d’un connaisseur : «  la fouesnantaise a la taille fine et le buste généreux ! ». La vraie réponse, sur la base des explications d’un passionné des costumes anciens, est dans le premier article du présent bulletin.

Un autre jeune homme est le futur châtelain du manoir du Cleuyou, garde national de Paris en 1794 dès l’âge de 16 ans. On l’a suivi dans les rangs de l’armée républicaine, prisonnier en Irlande, blessé à Granville, jusqu’à cette porte hypothétiquement maçonnique ...

Quant aux autres sujets, on notera une chanson en breton sur les montgolfières, la recherche de la machine à papier anglaise d’Annonay, les moulins blanc et roux de Coat-Piriou, le musée industriel scolaire de l’école du bourg et ses instituteurs, le mariage breton du républicain « Dour Klouar », le 33T de Per Roumégou penn-bagad de Lann-Bihoué …

Dans la période on notera deux décès d’anciens : Odette Coustans, la secrétaire municipale qui connut six maires, et Emile Herry, barman, coiffeur et confident des ouvriers papetiers.


Lire et imprimer le bulletin : « Kannadig n° 30 Juillet 2015 »


Grande nouveauté : on a investi dans une imprimante laser couleur pas chère qui propose des cartouches à prix raisonnable, ceci dans le but d'imprimer le bulletin en toute liberté sans dépendre d'un service extérieur. Et aussi de réimprimer d'anciens exemplaires des Kannadigs au besoin, et toutes idées de communication et édition en tous genres ... Notez aussi que le présent numéro contient 4 pages A5 supplémentaires (34 p. et non 30).

Billet du 05.07.2015

9 Les machines à papier Le Marié

« Une machine à fabriquer le papier par un mouvement de rotation continu dans des dimensions déterminées sans qu'on soit obligé pour cela d'employer des toiles métalliques ou des moules à articulation », Jean-Baptiste de Montgolfier, 1823

Saluons tout d'abord l'initiative de deux associations : écrire l'histoire de 150 fabriques bretonnes de papier via les familles qui les ont créées et fait vivre. La papeterie d'Odet y est étudiée en pages 166 à 171 avec quelques informations empruntées au site GrandTerrier comme l'indique bien l'encart « Références ».

Outre l'historique de la fondation par Nicolas Le Marié en 1822 et du développement de l'activité par plusieurs générations de Bolloré, l'intérêt de l'article est de :
Image:Right.gif rappeler l'origine anglaise du mécanicien Thomas Pharoal Doidge de Mevagissey en Cornouailles britanniques (avec son épouse Mary Williams, ils auront deux naissances déclarées à l'état civil d'Ergué-Gabéric).
Image:Right.gif repérer les trajets familiaux des émigrés normands : le père de Nicolas Le Marié, né à Tessé-Foulay, fut directeur d'une manufacture de tabac à Morlaix et d'une fabrique de faïence à Quimper ; le père de Jean-Marie Le Pontois, manufacturier à Odet en 1860, est né à Agon-Coutainville et commerçant à Lorient ; par contre une erreur est à signaler pour Salomon Bréhier qui ne fut pas papetier ...
Image:Right.gif détailler les pédigrées des premiers papetiers : des ouvriers, des employés expérimentés (comme les descendants des exploitants du moulin à papier de Kervennou en Briec-Edern), des contremaitres et proches des familles Le Marié et Bolloré ...
Image:Right.gif citer la description de la fabrique dans les années 1897-98 par l'impertinent paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet : « Un individu me disait que la veille on avait encore coupé les bras à dix ouvriers d'un coup ».

Cette parution nous a inciter à mener une investigation supplémentaire sur l'arrivée des premières machines de papier en continu à Odet. Au début de cette enquête, il y a cette phrase prononcée par l'abbé André-Fouet dans son discours lors du centenaire des usines Bolloré en 1922 : « La force motrice obtenue, c'étaient ... les procédés de fabrication à perfectionner, par exemple, en 1834, l'achat à Annonay de machines permettait de supprimer le travail à la cuve et de ne plus étendre le papier sur des perches pour le sécher. Le Marié suffisait à tout ... Il était regardé comme l'un des plus fins papetiers de France, presque l'égal de ses amis, les Montgolfier. »

Comment Nicolas Le Marié était lié aux Montgolfier et quelles machines exactement furent transplantées à la papeterie bretonne d'Odet, nous ne le savons pas précisément. Mais les explications historiques et documentaires du musée de la Papeterie Canson-Montgolfier nous donnent des indices. Jean-Baptiste de Montgolfier et Barthélemy de Canson (gendre du cadet Etienne de Montgolfier) tenaient à cette époque des fabriques différentes près d'Annonay, à Saint-Marcel et à Vidalon, et ils eurent des difficultés à s'équiper en machines car le brevet de fabrication enregistré en 1799 avait fait l'objet d'un gros conflit d'intérêts entre un ingénieur français (Louis-Nicolas Robert) et son directeur à la papeterie de Corbeil-Essonnes (Léger-Didot). Ce dernier racheta sa part du brevet, s'exila en Angleterre d'où il organisa sa filière d'importation pour les entrepreneurs français.

Canson fut le premier à négocier avec Léger-Didot, et réussit même à signer un contrat d'importation en exclusivité à Annonay. Il équipa sa papeterie en 1822 d'une première « machine à table plate », et par la suite son fils inventa les « caisses d'aspiration » placées en dessous de la toile métallique. Son cousin par alliance, Jean-Baptiste de Montgolfier, négocia avec Cameron, autre fabricant anglais, et introduisit en 1827 dans sa papeterie une « machine à forme ronde et cylindre aspirant ».

À qui Nicolas Le Marié fit appel pour l'achat de ses machines en 1834 ? À l'héritier de Vidalon-les-Annonay, Barthélemy Barou de Canson ? Ou à Jean-Baptiste de Montgolfier et son beau-frère Elie de Montgolfier (frère de l'épouse de Jean-Baptiste, une Montgolfier également). Nous pensons plutôt à ces Montgolfier et à leur filière d'importation de machines anglaises. Mais ceci mérite confirmation, par l'étude des livres des comptes des papeteries respectives.

En savoir plus : « CGF et AFQP - Moulins à papier et familles papetières de Bretagne »
et « L'importation des premières machines de fabrication du papier en continu à Odet »
Billet du 27.06.2015

AVIS À LA POPULATION : Le Kannadig numéro 30 de juillet est presque prêt, il aura 4 pages additionnelles au format A5 pour couvrir tous les sujets du trimestre, et il sera mis en ligne le week-end prochain, et imprimé-posté avant dans la foulée, si tout se passe comme prévu naturellement !

10 Le 33 tours de Per Roumegou

« Monsieur l'curé n'veut pas ~ Que les gars embrassent les filles ~ Mais il ne défend pas ~ Que les filles embrassent les gars !  », Ritournelle populaire

Le Maitre principal gabéricois Per Roumégou dirigea le bagad de Lann Bihoué de 1953 à 1962. Dans un 33 tours, diffusé en 1962 par Visages de France, et réédité en numérique en 2014 par BnF-Partenariats (et publié sur le site Gallica de la BnF), on redécouvre aujourd'hui neuf morceaux joués par la formation militaire de Lann Bihoué.

La caractéristique des enregistrements de ce 33T est leur diversité et provenance de tous les pays de Bretagne : Penthièvre, Vannetais, Morlaix, Pourlet. Et les marches reprennent des thèmes populaires traditionnels : la chouannerie, les Bonnets Rouges (marche de Meslan) ...

Mais le plus impressionnant est le premier morceau  : on y entend la voix du Penn-Bagad scandant une sorte de HAKA, le fameux chant des rugbymen neo-zélandais, pour lancer les cornemuses et les percussions : « YO-HAT BA'STANG DARAHT TUUUHH ».

Mais comment épeler correctement et traduire cette formule magique qui remplace le « war-raok kit » habituel des bagadoù ?

Écoutons « Le bal de Jugon » (02:38, danse traditionnelle du pays de Penthièvre) : cf lecteur ci-contre (compatible PC, tablettes et smartphones).

Quant à l'air, on reconnaitra la mélodie de cette chanson populaire « monsieur le curé ne veut pas ... », mais joué par le bagad de Lann-Bihoué cela a une autre allure.

Les autres morceaux : 2. Marche des Chouans / 04:38 (Bale ar Chouanted) - 3. Sonniou bro Gwened / 02:02 (les airs vannetais) - 4. Les gavottes pourlettes / 01:31 (pays de Guéméné-sur-Scorff) - 5. Paotred Montroulez / 01:58 (les gars de Morlaix) - 6. Ar meneziou glaz / 02:03 (vertes collines) - 7. Bale Meslan / 01:59 (marche de Meslan) - 8. Ar galv / 02:32 (l'appel) - 9. Marche héroïque / 01:23.

En savoir plus et écouter les autres morceaux : « ROUMÉGOU Pierre - Bagad de Lann Bihoué (33T) »

Billet du 19.06.2015


Emile Herry, tenancier de l'Orée du Bois à Stang-Venn, nous a quittés il y a quelques jours : « Emile tenait toujours le bar. Et il s’occupait des cartes et des tickets. Les ouvriers discutaient beaucoup aussi avec lui. Quand les factionnaires venaient tous, ils étaient 27 pour la faction qui finissait à une heure. Et c’était bien, il y avait de grandes discussions, et surtout sur les matchs de foot des Paotred … Et même ceux qui sont partis en 1983 à Scaër revenaient de temps en temps au bar discuter avec Émile. Emile était coiffeur également. Il avait son diplôme de CAP de coiffeur qu’il avait passé à Paris. Une fois par mois, il allait couper la barbe et les cheveux du vieux Garin, le directeur de l’usine, qui le faisait venir chez lui en passant le mot à Michel Floc'h, le garde-champêtre. . » (Germaine).

11 Porte de la Chapelle du Cleuyou

« Plusieurs dentre eux observateurs de la loi se separerent et furent a juste titre appellez Kadhosh qui signifie Saint », Rituel de Quimper, 1750

Le domaine du Cleuyou est un lieu de poésie et de mystère, notamment pour ce qui touche le patrimoine et les traces du passé. On a déjà évoqué le cygne de la pierre tombale à enfeu des Liziart, les poteaux patibulaires épiscopaux, l'épigraphe gothique sur une pierre support de calvaire. Aujourd'hui il s'agit d'un temple maçonnique protégé par une porte spéciale.

Qui pénètre la pièce située au pignon nord du château du Cleuyou ne peut que remarquer une atmosphère incitant à la spiritualité, voire au sacré. Il est de coutume aujourd'hui de la désigner sous le nom de chapelle, bien que son utilisation pour des offices religieux ne soit pas vraiment attestée. Elle est dotée d'une toiture haute aux poutres apparentes, d'une cheminée à foyer ouvert, d'une cavité en pierres à usage de four ou de rangement, et d'une petite fenêtre latérale ouest.

En 1794, pour l'expertise immobilière précédant la vente de la propriété en bien national, le rez-de-chaussée est ainsi décrit : « quatre pièces de courses dont une cuisinne, un office de plein pied à la cuisinne, une cave et un sallon ayant ouverture sur la cour et porte sur le jardin ». L'office de plein pied est cette chapelle, et la particularité d'être ouverte sur la cuisine, sans porte extérieure, est mentionné. À noter que le rédacteur du document, Salomon Bréhier, franc-maçon de la loge « La Parfaite Union », semble préciser que la pièce servait au rangement de la vaisselle et des provisions. Mais pouvait-il dévoiler l'existence de réunions secrètes ?

Quant aux autres liens historiques avec la franc-maçonnerie locale, la propriété passa au début du 19e siècle dans les mains de Simon Vincent Mermet, riche négociant quimpérois, dont les proches (frère et neveu) étaient des membres des loges quimpéroises « L'Heureuse Maçonne » et « La Parfaite Union ».

En 2011, Werner Preissing, propriétaire du château, écrit dans son livre consacré à l'histoire du bâtiment gabéricois : « Il est tout à fait possible que cette ancienne souillarde ait changé de fonction et été transformée en chapelle. Un détail intéressant à ce propos est la porte de cette pièce. Elle possède à hauteur des yeux une petite fenêtre fermée par un verrou. De tels aménagements sont habituels dans les loges franc-maçonniques pour faciliter la surveillance. La porte peut être verrouillée de l'intérieur. La chapelle aurait donc pu servir de temple maçonnique. »

Par ailleurs, pour évoquer un sujet empreint du mystère templier également, on a détaillé et décrit ce document historique qu'on appelle communément le « Rituel de Quimper », mais qui n'a bien sûr aucun lien direct avec le manoir du Cleuyou.

On s'est attaché expliquer la formule de date « D.L.L. 1750 de L.M. 5750 de N.f. 632 », le grade de chevalier élu, un extrait du catéchisme et la provenance du document qui n'est pas forcément quimpéroise. La datation du document est importante car il marque la période de déclaration des premières loges maçonniques officielles en France. Sur le folio 11 il est écrit cette formule intéressante : « D.L.L. 1750 de L.M. 5750 de N.f. 632 ». Ce qui veut dire en langage clair : De L'ère Lunaire (ou vulgaire) 1750 de L'ère Maçonnique 5750 de Notre fraternité 632. Ce qui signifie plus précisément 632 années après la fondation de l'Ordre des Chevaliers du Temple en 1118 par Hugues II de Payns. C.Q.F.D.

En savoir plus : « Les mystères de la porte du Cleuyou et du rituel maçonnique de Quimper »

Billet du 13.06.2015

12 Stus et renable des deux moulins

« Le temps passe, et il fait tourner la roue de la vie comme l'eau celle des moulins. », Le Château de ma mère, Marcel Pagnol, éd. Fallois, 1988, p. 214

Mann Kerouredan : "deux roues alignées en sortie de bief"
Mann Kerouredan : "deux roues alignées en sortie de bief"

Cette semaine, un document inédit de 1847, intitulé « état des stus et renable », c'est-à dire un état détaillé des récoltes et une description du double moulin de Coat-Pirou qui allait bientôt disparaitre par l'aménagement du canal d'amenée à la papeterie voisine d'Odet.

Le stu, mot qui a presque disparu des dictionnaires, désignait autrefois les fumures ou amendements dont on épandait les terres agricoles cultivées. Le dictionnaire Godefroy est le seul ouvrage qui mentionne ce terme sous cette définition de « sorte de fumier, d'engrais » en indiquant des exemples d'utilisation dans les documents d'archives du Finistère. Effectivement le terme de Stu a une consonance bien bretonne, car les savants Le Gonidec et Le Pelletier ont signalé le terme « Douar-Stû » ...

Procéder à un « état des stus » était une obligation aux 19e-20e siècles pour les tenanciers agricoles à chaque terme de bail pour inventorier les quantités en stock de fumiers, pailles, foins, landes, genêts, tout ce qui servait, directement ou indirectement à enrichir les terres labourables. Ici, à la petite ferme de Coat-Piriou, grâce à la description des pailles, on découvre les trois différentes cultures pratiquées : avoine, seigle et blé noir. Comment étaient placées respectivement les deux roues et meules associées par rapport au bief ? Mann Kerouredan propose sa version dans le dessin ci-dessus : « A Coat-Piriou, le bief a été créé pour maintenir une réserve d’eau suffisante pour les 2 roues, mais sans courant ni dénivelé, mais avec une chute d’eau en sortie de bief ». Quant au renable, deuxième partie du document, le mot est plus connu, il s'agit de l'inventaire des pièces composant le moulin, réparties ici sur deux installations disctinctes : le moulin blanc et le moulin roux.

Par ailleurs, dans un document de 1809, le moulin de Coat-Piriou est recensé avec la particularité de disposer de deux roues et moutures de natures différentes : l'une perpendiculaire (donc verticale, à aubes, avec deux tournants et double engrenage), l'autre horizontale (donc à cuillères et en prise directe sur l'axe de la meule tournante). La première question est de savoir quelle catégorie de roue, verticale ou horizontale, équipait quel moulin, blanc ou roux. La réponse est dans le document :

  • Le moulin roux disposait d'une roue verticale car il est question de « grand et petit tournant ». En effet le grand tournant était dans l'eau du bief, et le petit, appelé aussi « rouet », formait engrenage en dessous de l'axe de la meule.
  • Le moulin blanc disposait d'une roue horizontale car il est mentionné « la pirouette avec accessoires ». En effet cette pirouette désigne l'ensemble composé d'une roue hydraulique horizontale et de son arbre relié à la meule.
Pour les autres questions, et la découverte de la signification de certains termes minotiers d'antan (comme le tic-tac de la triguette !), vous pouvez consulter l'article détaillé et éventuellement contribuer à son enrichissement.

En savoir plus : « 1847 - Etat de stus et renable des moulins blanc et roux de Coat-Piriou »

Billet du 06.06.2015


Note : la semaine prochaine nous publierons un sujet ésotérique, dont l'illustration ci-contre peut vous donner une indication.
Pour dévoiler le mystère, peut-être que la lecture des thrillers de Dan Brown ou de Giocometti-Ravenne pourra vous aider.

13 Le César Birotteau du Cleuyou

« Sur ces données, les honnêtes gens de l’arrondissement le nommèrent capitaine de la garde nationale ...  », César Birotteau, Honoré de Balzac

Comme nous l'avons évoqué la semaine dernière : Guillaume-François Le Guay, originaire du bocage normand, a été un valeureux militaire de carrière de 1790 à 1804. Mais le 19 Novembre 1804 ou 28 Brumaire de l'an 13, en casernement avec son régiment à Quimper, il se marie avec une riche héritière. Il faut dire que Quimper n'étant pas une ville de garnison, nombreux sont les officiers militaires hébergés chez l'habitant, et de ce fait de multiples mariages sont célébrés.

L’idylle la plus célèbre de la région est celle de Louise du Bot du Grego, domiciliée au château de Trévarez en Laz, avec Lazarre Hoche, chef de toutes les armées de Brest et de Cherbourg. Après la mort du jeune général, la jolie marquise va convoler en juste noces avec Michel Louis Bonté, chef du 81 régiment, futur général et baron d'empire, compatriote normand de Guillaume Le Guay. Et les sorts des deux hommes s'en trouvent un peu liés au niveau familial : « Le régiment se trouvant en garnison dans le département du finistère, Mr Bonté y contracta un mariage avec une très riche propriétaire du pays. Le sieur Leguay y fit également connaissance avec une famille très honnête dans laquelle il avait l'espérance de faire un mariage avantageux ».

Les deux hommes se connaissent depuis longtemps : « la bonne intelligence a établi l'amitié et même l'intimité entre les deux compatriotes, Bonté et Leguay ». Mais en 1804 les choses vont changer : « M. Bonté semble avoir oublié tous les bons sentiments qui l'avoient si souvent animé pour le sieur Leguay, tous les bons témoignages qu'il avait rendus de lui, pour vexer et persécuter son compatriote et son plus ancien compagnon d'armes ».

En janvier 1805 le colonel Bonté écrit à son ministre de la guerre : « Monsieur Leguai, prolonge son congé sans aucune autorisation et ne donne pas de ses nouvelles ». En effet, en juillet 1804 Le Guay a obtenu un congé de 3 mois du ministre, lequel congé s'est expiré quelques jours avant son mariage. Il n'a qu'une seule issue : démissionner pour raison familiale pour réintégrer l'armée plus tard. Le souci est que le colonel se braque, et obtient un refus hiérarchique de la démission, et donc le pauvre Leguay est considéré comme déserteur.

Le mariage avantageux de Guillaume Le Guay est réel, car son beau père Vincent Mermet, marchand de draps et important négociant quimpérois, est très riche, et sa fille Cécile est l'unique héritière. À la mort de son beau-père, non seulement ils hériteront du manoir du Cleuyou, de la métairie et du moulin, mais également de quatre maisons rue Keréon et rue St-François à Quimper, et aussi des métairies de Coutilly et de Kervreyen en Ergué-Gabéric. Une vraie fortune à gérer.

En février 1831, soit 27 ans après son mariage et sa révocation, Guillaume adresse une supplique au roi Louis-Philippe pour être rétabli dans ses droits et grade militaire : « l'heureuse occasion qui m'amène aujourd'hui devant vous pour demander la réparation d'une injustice commise à mon égard ». Il supplie sa Majesté « de vouloir bien me rendre mon ancien grade de capitaine dans la nouvelle organisation municipale qui va remplacer la gendarmerie, à la destination spéciale de Quimper ». Cette nouvelle organisation est la réactivation de la Garde Nationale qui avait été dissoute en 1827 et qu'il a connue à Paris en 1790.

Pour comprendre un peu plus précisément le parallèle avec le héros balzacien, Bonté et Napoléon :
« 1804 - Mariage et démission du capitaine Guillaume-François Leguay »

Billet du 31.05.2015

14 Campagnes des ans 2, 3, 4 et 5

Les faits d'armes d'un jeune normand d'après les documents originaux inscrits dans son dossier d'officier dans l'armée de la Révolution.

1790-1792 : Garde Nationale de Paris

Dès septembre 1790 il quitte sa Normandie natale pour rejoindre Paris où il entre « volontairement, à l'âge de 16 ans, dans la Garde nationale soldée de Paris ».

La Garde nationale est une milice citoyenne républicaine destinée au maintien de l'ordre et à la sécurité intérieure. Craignant un débordement populaire, la municipalité de Paris crée dès le 14 juillet 1789 une garde parisienne et des volontaires issus des couches les plus aisées de la société y adhèrent spontanément. Le fait de voter en 1790 l'attribution de soldes permet à des volontaires moins aisés comme Guillaume Le Guay de s'enrôler.

1792-1793 : Gendarmerie Nationale de Coutances

En septembre 1792 il revient au pays pour intégrer le nouveau corps de la Gendarmerie nationale, à Coutances (38 km de Tessy) : « gendarme à la résidence de cette ville ».

La maréchaussée royale était responsable du maintien de l'ordre dans le royaume de France sous l'Ancien Régime, et est remplacée en 1790 par la gendarmerie nationale. Contrairement aux Gardes nationaux des principales villes française, la gendarmerie nationale est chargée essentiellement de la police des campagnes.

1793 : Capitaine élu au 9e Bataillon de la Manche

Le 11 septembre 1793 Guillaume Le Guay est élu capitaine au 9e bataillon de la Manche (le chef compatriote n'est autre que le futur colonel et général de brigade Michel-Louis-Joseph Bonté qu'il suivra, et quittera ...) : « Le président a proclamé le citoyen Leguay capitaine ayant réuni la majorité absolue des suffrages ».

Le vote se déroule dans l'église du séminaire de Coutances et 87 soldats du tout nouveau bataillon sont appelés à déposer un bulletin secret. Le résultat proclamé est de 39 pour le citoyen Lamy et de 48 voix pour Guillaume Leguay : « un citoyen duquel ils connaissent les vertus civiques et les talents de militaires ».

1793 : Blessé au siège de Granville

En fin d'année 1793, on le trouve défendant la ville de Granville contre les assaillants chouans. Le 5 novembre, il est même « blessé à la jambe gauche au siège de Granville le 15 brumaire an 2 ». Mais peut-être ne faudrait-il pas lire le 25 brumaire ou 15 novembre ?

Dans son brevet de capitaine, on lit que Guillaume Le Guay commet un acte de bravoure : « A enlevé un guidon à l'avant garde de l'armée Royaliste composée de cavalerie, il était à cette époque adjoint au général Vachot ».


Arrêtons-nous un instant sur ce mot « guidon ». Essayez de deviner son sens étymologique en choisissant l'une des trois propositions suivantes :

les rênes d'ouverture d'un cavalier de l'armée royaliste vendéenne, bravant le feu des canons républicains.

le drapeau étendard brandi lors des assauts des compagnies de cavalerie lourde d'Ancien Régime.

le lacet-guide d'une coiffure d'officier chouan protégeant ses « bleo-hir » (cheveux longs) du vent d'ouest.

La suite dans l'article : « 1790-1804 - Les campagnes militaires du capitaine Guillaume-François Le Guay »,
+ « 1798 - Expédition d'Irlande et libération du capitaine Guillaume François Leguay » : publié le 13.04.2015

Billet du 23.05.2015


La semaine prochaine nous vous présenterons comment Guillaume Leguay a préféré s'installer au manoir du Cleuyou, en Ergué-Gabéric, et fuit l'armée, et comment de ce fait, ayant une liaison avec une jeune fille plus convenable que l'amante de Lazare Hoche, il s'est brouillé avec son ami Michel Bonté !

15 Grand-Ergué, Annonay et Prague

« Le Grand-Ergué et Annonay ont deux choses en commun : les machines des papetiers Montgolfier et Le Marié d'une part, et d'autre part une chanson sur les montgolfières composée par un prêtre réfractaire gabéricois qu'il publia en 1800 pendant son exil à Prague »

Un article de Thierry Le Roy publié en 2005 dans l'excellente revue Armen nous a révélé cette chanson : « Un chant en breton, publié en 1800 par Alain Dumoulin, ancien recteur d'Ergué-Gabéric qui avait émigré au moment de la Constitution civile du clergé, parle d'un nouveau navire, "ur vag neve", qui "naviguera dans les airs / dre an eer a navigo" ».

Alain Dumoulin était enseignant au petit séminaire de Plouguernevel, puis recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric en 1787, et, s'opposant fermement à la Révolution, il dut s'exiler en 1792, d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague. Et là dans la capitale de la Bohème, il composa une grammaire latine et bretonne, dans laquelle il annexa quelques textes profanes.

Le dernier texte de la grammaire est une chanson sur les méfaits des aérostats, avec ses dangers manifestes : « Tud foll a tud direson, Nefoc'h ket brema da c'husut, Kement so bet er balon Ho dus torret ho gug » (Gens fous et déraisonnables, vous ne serez aujourd'hui sans savoir que tous ceux qui ont été en ballon se sont cassés le cou).

Comment Dumoulin a-t-il eu vent des essais de ces aérostats, dont le premier eut lieu place des Cordeliers à Annonay, pays des frères Montgolfier, le 4 juin 1783 ? Cette même année 1783 des expérimentations eurent lieu également à Nantes. Le 14 juin 1784, un ballon baptisé « Le Suffren » prit l'air avec à son bord le chevalier Coustard de Massy, né à Nantes en 1734, et le père Mouchet, devant près de 80.000 personnes.

Contrairement au Père Mouchet de l'Oratoire, professeur de Physique à l'Université de Nantes, l'abbé Dumoulin représente la frange de l'église catholique qui considère qu'il ne faut risquer ni sa vie, ni sa foi, dans ces engins aussi dangereux.

Il publie en 1800 le texte de cette chanson, et, malgré lui, il a une vision quelque peu prophétique : « Betec al loar ae ar steret, A dra sur e hon savo » (Jusque la lune et les étoiles, sans nul doute il nous emmènera). Alain Dumoulin avait-il écrit ou transcrit sa chanson avant de partir en exil, en ayant en tête les essais nantais ? Ou alors, l'a-t-il composé à Prague, sur la base des informations diffusées dans les journaux ?

Quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait sans doute en tête la musique d'un autre chant ou cantique populaire. Au vu du texte on pense tout d'abord à cette chanson ancienne que Denez Prigent a chantée sur son tout premier album « Ur vag nevez a Vontroulez ».

Bernard Lasbleiz qui a consacré sa thèse de doctorat et quatre ans de labeur à l'étude des chants bretons anciens et des cantiques diffusés sans partition, a étudié la chanson de Dumoulin : « il s’agit très clairement du timbre du cantique français « Heureux qui dès son enfance » que l’on trouve entre autres dans le recueil de Saint-Sulpice au n° 62. La chanson de Dumoulin est répertoriée page 148 de l'édition de 1906 du "Fureteur Breton" de Maurice Le Dault. » Dans sa thèse « Les timbres des chansons et cantiques en langue bretonne du XVIIe au XXe siècle » soutenue en décembre 2012, elle apparaît comme suit :

En savoir plus : « Une chanson satirique en breton contre les aérostats en 1800 »,
« LE ROY Thierry - Les pionniers de l'aviation et de l'aérostation »

Billet du 16.05.2015


Merci à Tadkoz pour son enquête, et grand merci également à son ami Bernard Lasbleiz, musicien lannionnais, grand spécialiste et découvreur des chants bretons anciens et des cantiques diffusés sans partition, pour avoir rectifié notre première approche « Ur vag nevez a Vontroulez », nous avoir communiqué la vraie partition et fait connaître le travail du Père Jean Bourdoulous publié dans Fureteur Breton de 1906. Merci aussi à Gwenn pour son interprétation à la flûte traversière et pour son enregistrement en fichier mp3.


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