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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Sommaire

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Modifications au jour le jour : [Journal des MàJs]
Anciennes pages de bienvenue : [Affiches]
Anciens billets : [Actualité, archives]

1 Porte de la Chapelle du Cleuyou

« Plusieurs dentre eux observateurs de la loi se separerent et furent a juste titre appellez Kadhosh qui signifie Saint », Rituel de Quimper, 1750

Le domaine du Cleuyou est un lieu de poésie et de mystère, notamment pour ce qui touche le patrimoine et les traces du passé. On a déjà évoqué le cygne de la pierre tombale à enfeu des Liziart, les poteaux patibulaires épiscopaux, l'épigraphe gothique sur une pierre support de calvaire. Aujourd'hui il s'agit d'un temple maçonnique protégé par une porte spéciale.

Qui pénètre la pièce située au pignon nord du château du Cleuyou ne peut que remarquer une atmosphère incitant à la spiritualité, voire au sacré. Il est de coutume aujourd'hui de la désigner sous le nom de chapelle, bien que son utilisation pour des offices religieux ne soit pas vraiment attestée. Elle est dotée d'une toiture haute aux poutres apparentes, d'une cheminée à foyer ouvert, d'une cavité en pierres à usage de four ou de rangement, et d'une petite fenêtre latérale ouest.

En 1794, pour l'expertise immobilière précédant la vente de la propriété en bien national, le rez-de-chaussée est ainsi décrit : « quatre pièces de courses dont une cuisinne, un office de plein pied à la cuisinne, une cave et un sallon ayant ouverture sur la cour et porte sur le jardin ». L'office de plein pied est cette chapelle, et la particularité d'être ouverte sur la cuisine, sans porte extérieure, est mentionné. À noter que le rédacteur du document, Salomon Bréhier, franc-maçon de la loge « La Parfaite Union », semble préciser que la pièce servait au rangement de la vaisselle et des provisions. Mais pouvait-il dévoiler l'existence de réunions secrètes ?

Quant aux autres liens historiques avec la franc-maçonnerie locale, la propriété passa au début du 19e siècle dans les mains de Simon Vincent Mermet, riche négociant quimpérois, dont les proches (frère et neveu) étaient des membres des loges quimpéroises « L'Heureuse Maçonne » et « La Parfaite Union ».

En 2011, Werner Preissing, propriétaire du château, écrit dans son livre consacré à l'histoire du bâtiment gabéricois : « Il est tout à fait possible que cette ancienne souillarde ait changé de fonction et été transformée en chapelle. Un détail intéressant à ce propos est la porte de cette pièce. Elle possède à hauteur des yeux une petite fenêtre fermée par un verrou. De tels aménagements sont habituels dans les loges franc-maçonniques pour faciliter la surveillance. La porte peut être verrouillée de l'intérieur. La chapelle aurait donc pu servir de temple maçonnique. »

Par ailleurs, pour évoquer un sujet empreint du mystère templier également, on a détaillé et décrit ce document historique qu'on appelle communément le « Rituel de Quimper », mais qui n'a bien sûr aucun lien direct avec le manoir du Cleuyou.

On s'est attaché expliquer la formule de date « D.L.L. 1750 de L.M. 5750 de N.f. 632 », le grade de chevalier élu, un extrait du catéchisme et la provenance du document qui n'est pas forcément quimpéroise. La datation du document est importante car il marque la période de déclaration des premières loges maçonniques officielles en France. Sur le folio 11 il est écrit cette formule intéressante : « D.L.L. 1750 de L.M. 5750 de N.f. 632 ». Ce qui veut dire en langage clair : De L'ère Lunaire (ou vulgaire) 1750 de L'ère Maçonnique 5750 de Notre fraternité 632. Ce qui signifie plus précisément 632 années après la fondation de l'Ordre des Chevaliers du Temple en 1118 par Hugues II de Payns. C.Q.F.D.

En savoir plus : « Les mystères de la porte du Cleuyou et du rituel maçonnique de Quimper »

Billet du 13.06.2015

2 Stus et renable des deux moulins

« Le temps passe, et il fait tourner la roue de la vie comme l'eau celle des moulins. », Le Château de ma mère, Marcel Pagnol, éd. Fallois, 1988, p. 214

Mann Kerouredan : "deux roues alignées en sortie de bief"
Mann Kerouredan : "deux roues alignées en sortie de bief"

Cette semaine, un document inédit de 1847, intitulé « état des stus et renable », c'est-à dire un état détaillé des récoltes et une description du double moulin de Coat-Pirou qui allait bientôt disparaitre par l'aménagement du canal d'amenée à la papeterie voisine d'Odet.

Le stu, mot qui a presque disparu des dictionnaires, désignait autrefois les fumures ou amendements dont on épandait les terres agricoles cultivées. Le dictionnaire Godefroy est le seul ouvrage qui mentionne ce terme sous cette définition de « sorte de fumier, d'engrais » en indiquant des exemples d'utilisation dans les documents d'archives du Finistère. Effectivement le terme de Stu a une consonance bien bretonne, car les savants Le Gonidec et Le Pelletier ont signalé le terme « Douar-Stû » ...

Procéder à un « état des stus » était une obligation aux 19e-20e siècles pour les tenanciers agricoles à chaque terme de bail pour inventorier les quantités en stock de fumiers, pailles, foins, landes, genêts, tout ce qui servait, directement ou indirectement à enrichir les terres labourables. Ici, à la petite ferme de Coat-Piriou, grâce à la description des pailles, on découvre les trois différentes cultures pratiquées : avoine, seigle et blé noir. Comment étaient placées respectivement les deux roues et meules associées par rapport au bief ? Mann Kerouredan propose sa version dans le dessin ci-dessus : « A Coat-Piriou, le bief a été créé pour maintenir une réserve d’eau suffisante pour les 2 roues, mais sans courant ni dénivelé, mais avec une chute d’eau en sortie de bief ». Quant au renable, deuxième partie du document, le mot est plus connu, il s'agit de l'inventaire des pièces composant le moulin, réparties ici sur deux installations disctinctes : le moulin blanc et le moulin roux.

Par ailleurs, dans un document de 1809, le moulin de Coat-Piriou est recensé avec la particularité de disposer de deux roues et moutures de natures différentes : l'une perpendiculaire (donc verticale, à aubes, avec deux tournants et double engrenage), l'autre horizontale (donc à cuillères et en prise directe sur l'axe de la meule tournante). La première question est de savoir quelle catégorie de roue, verticale ou horizontale, équipait quel moulin, blanc ou roux. La réponse est dans le document :

  • Le moulin roux disposait d'une roue verticale car il est question de « grand et petit tournant ». En effet le grand tournant était dans l'eau du bief, et le petit, appelé aussi « rouet », formait engrenage en dessous de l'axe de la meule.
  • Le moulin blanc disposait d'une roue horizontale car il est mentionné « la pirouette avec accessoires ». En effet cette pirouette désigne l'ensemble composé d'une roue hydraulique horizontale et de son arbre relié à la meule.
Pour les autres questions, et la découverte de la signification de certains termes minotiers d'antan (comme le tic-tac de la triguette !), vous pouvez consulter l'article détaillé et éventuellement contribuer à son enrichissement.

En savoir plus : « 1847 - Etat de stus et renable des moulins blanc et roux de Coat-Piriou »

Billet du 06.06.2015


Note : la semaine prochaine nous publierons un sujet ésotérique, dont l'illustration ci-contre peut vous donner une indication.
Pour dévoiler le mystère, peut-être que la lecture des thrillers de Dan Brown ou de Giocometti-Ravenne pourra vous aider.

3 Le César Birotteau du Cleuyou

« Sur ces données, les honnêtes gens de l’arrondissement le nommèrent capitaine de la garde nationale ...  », César Birotteau, Honoré de Balzac

Comme nous l'avons évoqué la semaine dernière : Guillaume-François Le Guay, originaire du bocage normand, a été un valeureux militaire de carrière de 1790 à 1804. Mais le 19 Novembre 1804 ou 28 Brumaire de l'an 13, en casernement avec son régiment à Quimper, il se marie avec une riche héritière. Il faut dire que Quimper n'étant pas une ville de garnison, nombreux sont les officiers militaires hébergés chez l'habitant, et de ce fait de multiples mariages sont célébrés.

L’idylle la plus célèbre de la région est celle de Louise du Bot du Grego, domiciliée au château de Trévarez en Laz, avec Lazarre Hoche, chef de toutes les armées de Brest et de Cherbourg. Après la mort du jeune général, la jolie marquise va convoler en juste noces avec Michel Louis Bonté, chef du 81 régiment, futur général et baron d'empire, compatriote normand de Guillaume Le Guay. Et les sorts des deux hommes s'en trouvent un peu liés au niveau familial : « Le régiment se trouvant en garnison dans le département du finistère, Mr Bonté y contracta un mariage avec une très riche propriétaire du pays. Le sieur Leguay y fit également connaissance avec une famille très honnête dans laquelle il avait l'espérance de faire un mariage avantageux ».

Les deux hommes se connaissent depuis longtemps : « la bonne intelligence a établi l'amitié et même l'intimité entre les deux compatriotes, Bonté et Leguay ». Mais en 1804 les choses vont changer : « M. Bonté semble avoir oublié tous les bons sentiments qui l'avoient si souvent animé pour le sieur Leguay, tous les bons témoignages qu'il avait rendus de lui, pour vexer et persécuter son compatriote et son plus ancien compagnon d'armes ».

En janvier 1805 le colonel Bonté écrit à son ministre de la guerre : « Monsieur Leguai, prolonge son congé sans aucune autorisation et ne donne pas de ses nouvelles ». En effet, en juillet 1804 Le Guay a obtenu un congé de 3 mois du ministre, lequel congé s'est expiré quelques jours avant son mariage. Il n'a qu'une seule issue : démissionner pour raison familiale pour réintégrer l'armée plus tard. Le souci est que le colonel se braque, et obtient un refus hiérarchique de la démission, et donc le pauvre Leguay est considéré comme déserteur.

Le mariage avantageux de Guillaume Le Guay est réel, car son beau père Vincent Mermet, marchand de draps et important négociant quimpérois, est très riche, et sa fille Cécile est l'unique héritière. À la mort de son beau-père, non seulement ils hériteront du manoir du Cleuyou, de la métairie et du moulin, mais également de quatre maisons rue Keréon et rue St-François à Quimper, et aussi des métairies de Coutilly et de Kervreyen en Ergué-Gabéric. Une vraie fortune à gérer.

En février 1831, soit 27 ans après son mariage et sa révocation, Guillaume adresse une supplique au roi Louis-Philippe pour être rétabli dans ses droits et grade militaire : « l'heureuse occasion qui m'amène aujourd'hui devant vous pour demander la réparation d'une injustice commise à mon égard ». Il supplie sa Majesté « de vouloir bien me rendre mon ancien grade de capitaine dans la nouvelle organisation municipale qui va remplacer la gendarmerie, à la destination spéciale de Quimper ». Cette nouvelle organisation est la réactivation de la Garde Nationale qui avait été dissoute en 1827 et qu'il a connue à Paris en 1790.

Pour comprendre un peu plus précisément le parallèle avec le héros balzacien, Bonté et Napoléon :
« 1804 - Mariage et démission du capitaine Guillaume-François Leguay »

Billet du 31.05.2015

4 Campagnes des ans 2, 3, 4 et 5

Les faits d'armes d'un jeune normand d'après les documents originaux inscrits dans son dossier d'officier dans l'armée de la Révolution.

1790-1792 : Garde Nationale de Paris

Dès septembre 1790 il quitte sa Normandie natale pour rejoindre Paris où il entre « volontairement, à l'âge de 16 ans, dans la Garde nationale soldée de Paris ».

La Garde nationale est une milice citoyenne républicaine destinée au maintien de l'ordre et à la sécurité intérieure. Craignant un débordement populaire, la municipalité de Paris crée dès le 14 juillet 1789 une garde parisienne et des volontaires issus des couches les plus aisées de la société y adhèrent spontanément. Le fait de voter en 1790 l'attribution de soldes permet à des volontaires moins aisés comme Guillaume Le Guay de s'enrôler.

1792-1793 : Gendarmerie Nationale de Coutances

En septembre 1792 il revient au pays pour intégrer le nouveau corps de la Gendarmerie nationale, à Coutances (38 km de Tessy) : « gendarme à la résidence de cette ville ».

La maréchaussée royale était responsable du maintien de l'ordre dans le royaume de France sous l'Ancien Régime, et est remplacée en 1790 par la gendarmerie nationale. Contrairement aux Gardes nationaux des principales villes française, la gendarmerie nationale est chargée essentiellement de la police des campagnes.

1793 : Capitaine élu au 9e Bataillon de la Manche

Le 11 septembre 1793 Guillaume Le Guay est élu capitaine au 9e bataillon de la Manche (le chef compatriote n'est autre que le futur colonel et général de brigade Michel-Louis-Joseph Bonté qu'il suivra, et quittera ...) : « Le président a proclamé le citoyen Leguay capitaine ayant réuni la majorité absolue des suffrages ».

Le vote se déroule dans l'église du séminaire de Coutances et 87 soldats du tout nouveau bataillon sont appelés à déposer un bulletin secret. Le résultat proclamé est de 39 pour le citoyen Lamy et de 48 voix pour Guillaume Leguay : « un citoyen duquel ils connaissent les vertus civiques et les talents de militaires ».

1793 : Blessé au siège de Granville

En fin d'année 1793, on le trouve défendant la ville de Granville contre les assaillants chouans. Le 5 novembre, il est même « blessé à la jambe gauche au siège de Granville le 15 brumaire an 2 ». Mais peut-être ne faudrait-il pas lire le 25 brumaire ou 15 novembre ?

Dans son brevet de capitaine, on lit que Guillaume Le Guay commet un acte de bravoure : « A enlevé un guidon à l'avant garde de l'armée Royaliste composée de cavalerie, il était à cette époque adjoint au général Vachot ».


Arrêtons-nous un instant sur ce mot « guidon ». Essayez de deviner son sens étymologique en choisissant l'une des trois propositions suivantes :

les rênes d'ouverture d'un cavalier de l'armée royaliste vendéenne, bravant le feu des canons républicains.

le drapeau étendard brandi lors des assauts des compagnies de cavalerie lourde d'Ancien Régime.

le lacet-guide d'une coiffure d'officier chouan protégeant ses « bleo-hir » (cheveux longs) du vent d'ouest.

La suite dans l'article : « 1790-1804 - Les campagnes militaires du capitaine Guillaume-François Le Guay »,
+ « 1798 - Expédition d'Irlande et libération du capitaine Guillaume François Leguay » : publié le 13.04.2015

Billet du 23.05.2015


La semaine prochaine nous vous présenterons comment Guillaume Leguay a préféré s'installer au manoir du Cleuyou, en Ergué-Gabéric, et fuit l'armée, et comment de ce fait, ayant une liaison avec une jeune fille plus convenable que l'amante de Lazare Hoche, il s'est brouillé avec son ami Michel Bonté !

5 Grand-Ergué, Annonay et Prague

« Le Grand-Ergué et Annonay ont deux choses en commun : les machines des papetiers Montgolfier et Le Marié d'une part, et d'autre part une chanson sur les montgolfières composée par un prêtre réfractaire gabéricois qu'il publia en 1800 pendant son exil à Prague »

Un article de Thierry Le Roy publié en 2005 dans l'excellente revue Armen nous a révélé cette chanson : « Un chant en breton, publié en 1800 par Alain Dumoulin, ancien recteur d'Ergué-Gabéric qui avait émigré au moment de la Constitution civile du clergé, parle d'un nouveau navire, "ur vag neve", qui "naviguera dans les airs / dre an eer a navigo" ».

Alain Dumoulin était enseignant au petit séminaire de Plouguernevel, puis recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric en 1787, et, s'opposant fermement à la Révolution, il dut s'exiler en 1792, d'abord à Liège en Belgique, puis à Prague. Et là dans la capitale de la Bohème, il composa une grammaire latine et bretonne, dans laquelle il annexa quelques textes profanes.

Le dernier texte de la grammaire est une chanson sur les méfaits des aérostats, avec ses dangers manifestes : « Tud foll a tud direson, Nefoc'h ket brema da c'husut, Kement so bet er balon Ho dus torret ho gug » (Gens fous et déraisonnables, vous ne serez aujourd'hui sans savoir que tous ceux qui ont été en ballon se sont cassés le cou).

Comment Dumoulin a-t-il eu vent des essais de ces aérostats, dont le premier eut lieu place des Cordeliers à Annonay, pays des frères Montgolfier, le 4 juin 1783 ? Cette même année 1783 des expérimentations eurent lieu également à Nantes. Le 14 juin 1784, un ballon baptisé « Le Suffren » prit l'air avec à son bord le chevalier Coustard de Massy, né à Nantes en 1734, et le père Mouchet, devant près de 80.000 personnes.

Contrairement au Père Mouchet de l'Oratoire, professeur de Physique à l'Université de Nantes, l'abbé Dumoulin représente la frange de l'église catholique qui considère qu'il ne faut risquer ni sa vie, ni sa foi, dans ces engins aussi dangereux.

Il publie en 1800 le texte de cette chanson, et, malgré lui, il a une vision quelque peu prophétique : « Betec al loar ae ar steret, A dra sur e hon savo » (Jusque la lune et les étoiles, sans nul doute il nous emmènera). Alain Dumoulin avait-il écrit ou transcrit sa chanson avant de partir en exil, en ayant en tête les essais nantais ? Ou alors, l'a-t-il composé à Prague, sur la base des informations diffusées dans les journaux ?

Quand notre auteur gabéricois a composé son texte satirique, il avait sans doute en tête la musique d'un autre chant ou cantique populaire. Au vu du texte on pense tout d'abord à cette chanson ancienne que Denez Prigent a chantée sur son tout premier album « Ur vag nevez a Vontroulez ».

Bernard Lasbleiz qui a consacré sa thèse de doctorat et quatre ans de labeur à l'étude des chants bretons anciens et des cantiques diffusés sans partition, a étudié la chanson de Dumoulin : « il s’agit très clairement du timbre du cantique français « Heureux qui dès son enfance » que l’on trouve entre autres dans le recueil de Saint-Sulpice au n° 62. La chanson de Dumoulin est répertoriée page 148 de l'édition de 1906 du "Fureteur Breton" de Maurice Le Dault. » Dans sa thèse « Les timbres des chansons et cantiques en langue bretonne du XVIIe au XXe siècle » soutenue en décembre 2012, elle apparaît comme suit :

En savoir plus : « Une chanson satirique en breton contre les aérostats en 1800 »,
« LE ROY Thierry - Les pionniers de l'aviation et de l'aérostation »

Billet du 16.05.2015


Merci à Tadkoz pour son enquête, et grand merci également à son ami Bernard Lasbleiz, musicien lannionnais, grand spécialiste et découvreur des chants bretons anciens et des cantiques diffusés sans partition, pour avoir rectifié notre première approche « Ur vag nevez a Vontroulez », nous avoir communiqué la vraie partition et fait connaître le travail du Père Jean Bourdoulous publié dans Fureteur Breton de 1906. Merci aussi à Gwenn pour son interprétation à la flûte traversière et pour son enregistrement en fichier mp3.

6 Belles lithographies de St-Germain

«  Les yeux [de Mona Lisa] avoient ce brillant, cette humidité qui existent sans cesse dans la nature, et étoient entourés de ces rouges pâles, et des paupières qui ne peuvent s'exécuter qu'avec une très-grande subtilité », Giorgio Vasari , 1550

Billet du 09.05.2015
Billet du 09.05.2015

On connaissait déjà la coiffe à capuche datée de 1842 représentant une Mona-Lisa du Grand-Ergué (en médaillon ci-contre), mais voilà que les hasards de navigation sur le site Gallica de la BNF nous font découvrir une autre très belle lithographie de l'illustrateur Prosper Saint-Germain publiée en 1844.

Prosper Saint-Germain (1804-1875), de son vrai nom Jean-Baptiste Prosper Marie, dit Saint-Germain, tenait à Morlaix un cours de dessins pour jeunes gens, d'avant d'être nommé, en 1851, professeur de dessin de l'École de la Marine à Brest.

Il était grand ami d'Emile Souvestre dont il a illustré de nombreux ouvrages et revues. Il a réalisé de nombreux croquis et peintures de bretons en habits traditionnels, croquis édités dans les nombreuses monographies sur la Bretagne, en noir et blanc ou sous forme de lithographies polychromes.

Parmi celles-ci, une page intitulée « Fouesnant et le Grand-Ergué » dans l'ouvrage historique et sociologiques « La Bretagne » de Jules Janin. Cette illustration représente des costumes du pays fouesnantais et du Grand-Terrier. La jeune fille au centre n'est pas sans rappeler la « jeune fille du Grand-Ergué » publiée deux ans plus tôt dans la monographie « Le Breton » d'Alfred de Courcy.

Comme sur le croquis de 1842, le tablier de la jeune fille à droite est orné de fines bandes rouges et bleues, mais par contre les manches du bustier sont bleues, et seule l'aile occipitale de sa coiffe retombe à l'arrière, les bords latéraux sont ornés et relevés, son corselet est à lacets, tout laisse à penser qu'elle est fouesnantaise (*1).

Le costume de la jeune fille centrale est par contre du Grand-Ergué, son tablier et son corset sont plus sobres, et sa coiffe est identique à celle de 1842, avec des ailes latérales qui pendent jusqu'au cou. Sur les coiffes des deux jeunes filles, on distingue un joli bandeau fin de couleur rouge.

Le jeune homme a également un costume que sans doute les hommes d'Ergué-Gabéric portaient à l'époque : large chapeau, « chupenn » bleue et noire avec bandelette ornementale, pantalon « bragou-braz » jusqu'aux genoux, hauts de chausses.

En savoir plus : « Lithographies de costumes et coiffes à capuche du Grand-Ergué »,
« JANIN Jules - La Bretagne »

Comment se fait-il que personne n'a localisé la photo-mystère ci-contre insérée dans le dernier Kannadig représentant un beau moustachu très expressif ? Un indice supplémentaire : la pierre sculptée était à terre en 1701 suite à une tempête.


(*1) Merci à Christophe Rochet d'avoir corrigé notre première version où nous disions abusivement que les deux jeunes filles étaient du Grand-Ergué ! Non c'est bien une fouesnantaise au premier plan. Mais la Mona-Lisa au centre est belle aussi !

7 La cigale, la fourmi et l'eau tiède

« Nuit et jour à tout venant, Je chantais, ne vous déplaise. Vous chantiez ? j'en suis fort aise : Et bien ! dansez maintenant. », La Fontaine, 1668.

Billet du 03.05.2015
Billet du 03.05.2015

La série des instituteurs se poursuit par l'évocation d'un autre instituteur qui, entre 1889 et 1895, fut nommé successivement à l'école communale de Lestonan et directeur de l'école des garçons du Bourg : François Bothorel, fils d'épicier, né en 1863 à La Feuillée et époux de Louise Le Corre.

En dehors de son métier d'enseignant, il a un hobby : le tir. En 1895 il est classé 9e dans un concours départemental organisé à Ergué-Gabéric, et reçoit un diplôme de la Société nationale de tir des communes de France et d'Algérie.

En 1892 il est sollicité pour l'utilisation de son école communale comme lieu festif pour le mariage de noces de la fille du républicain Louis Guyader de Squividan. Et là les journaux catholiques comme le « Courrier de Cornouaille » se déchainent :

« M. l'instituteur, sachant que M. le Préfet et M. Hémon (le député républicain) devait venir à la noce, s'est empressé d'écrire à M. Dreux (l'Inspecteur départemental de l'Instruction publique) pour lui demander l'autorisation. Et M. Dreux qui danse sans doute le rigodon aussi bien qu'il chante la Marseillaise a retourné la lettre à l'instituteur avec ces simples mots, sans cachet ni autre signe administratif : "Approuvé. - Dreux." L'école avait été déménagée et les élèves étaient employés à tresser des guirlandes de fleurs pour décorer les salles ! La cour a été en partie dépavée ! Bref, pendant près de huit jours, filles et bambins d'Ergué-Gabéric n'ont pas eu de classes. »

Et que penser du surnom que le journal attribue à Louis Guyader : « Dour-Klouar » ou "eau tiède" ? Cet épithète marquait sans doute le flegme de l'homme politique qui recherche les compromis, et aussi, pour ses ennemis, son sens des affaires troubles.

Et le journaliste de finir son billet par une évocation de la fable de la cigale et de la fourmi : « Il n'y a plus qu'à enlever les plaques qui ornent les portes d'entrée de nos écoles communales et les remplacer par cet écriteau un peu naturaliste mais beaucoup plus vrai : ICI L'ON DANSE !  ».

En savoir plus : « François et Louise Bothorel, instituteurs de 1890 à 1895 », « Un grand mariage breton à Squividan, Le Petit Journal et Finistère 1892 », « Grand concours de tir à Ergué-Gabéric, Le Finistère 1895 »


Merci à tous les correspondants qui nous proposé leur aide pour compléter l'espace des Instits, corriger les erreurs de dates (!), et mettre à jour les photos de classe. L'aventure continue !

8 Témoignages et initiatives d'instits

« Il y a 120 ans l'instituteur Auguste Noyelle aurait pu inventer le mot anglais crowdfunding et le super site Internet https://fr.ulule.com »

Planche Delagrave-Dorangeon, et quelques instits gabéricois - Billet du 25.04.2015
Planche Delagrave-Dorangeon, et quelques instits gabéricois - Billet du 25.04.2015

On voudrait souligner ici l'initiative du jeune instituteur Auguste Noyelle qui, en 1890, pour sa 4e année scolaire à l'école communale du Bourg (après deux années à Lestonan) fait un appel de fonds pour acquérir un outil pédagogique qu'il voudrait utiliser pendant les leçons de choses.

Il s'agit d'un « un beau musée industriel, composé de douze tableaux, douze cents échantillons et d'une valeur de 68 francs ». Cet outil n'était pas donné ; à titre de comparaison les 2 poêles de l'école de Lestonan, installés à la première rentrée de Noyelle en 1885, avaient coûté en 1885 41 francs.

Nous avons retrouvé ces tableaux au Musée du Scribe de Saint-Christol-lez-Alès (Gard) : éditée par les libraries Delagrave, conçue par C. Dorangeon, chacune des 12 planches présente une catégorie de matières, des légumes et épices jusqu'au chauffage et éclairage, en passant par le cuir, les pierres ...

Sur chaque panneau sont accrochés des conteneurs d'échantillons ressemblant à des tubes à essai, que les élèves peuvent décrocher, et, assis à leur pupitre, ils peuvent tranquillement toucher et observer ces exemplaires.

Contrairement aux poêles, pour le musée industriel, le conseil municipal d'Ergué-Gabéric n'a pas daigné « ajouter cette petite somme au chapitre additionnel de son budget ». Il faut dire que le maire et ses conseillers étaient conservateurs, et ils ont du voir d'un mauvais œil la nouvelle pédagogie d'Auguste Noyelle. Celui-ci doit donc faire appel à la générosité privée en organisant « une souscription ouverte dans son école ».

Devant l'inertie municipale, l'opposition républicaine, derrière Louis Guyader de Squividan, répond à l'appel de l'instituteur en donnant son obole pour financer l'outil pédagogique à hauteur de 27 francs. Les contributions complémentaires ont été faites par « quelques » parents d'élèves, et non pas tous, ce qui laisse penser qu'il y avait aussi, parmi les parents, un certain scepticisme. Néanmoins, on peut penser que ces planches pédagogiques, écrites bien sûr en français, ont su éveiller une saine curiosité auprès des élèves, avec une meilleure efficacité que les « Taolennoù » du camp religieux.

En savoir plus : « Souscription de l'instituteur pour un musée industriel scolaire, Le Finistère 1890 »


Auguste Noyelle est le premier instituteur de l'école communale de Lestonan. Ses origines hors département (Pas-de-Calais) démontrent la difficulté des services de l'Instruction Primaire à former des instituteurs finistériens, et peut-être aussi une volonté nationale laïque de promouvoir l'usage de la langue française au détriment du breton. Sa fiche bibliographique « Auguste Noyelle, instituteur de 1885 à 1891 » est inscrite dans un tout nouvel espace « Les Instits », où vous trouverez progressivement tous les autres instituteurs/trices. Une liste, classée par école, est aussi en cours d'élaboration : « Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric ». Toute aide est bienvenue pour compléter les infos manquantes !

9 Expédition historique en Irlande

« M. Guillaume François Le Guay, a captain of Infantery in the French service taken in the Hoche ship of the line, has been released from Parole at Lichfield and permitted to return to France », December 1798.

« M. Guillaume François Le Guay, capitaine d’infanterie au service de la France capturé sur le vaisseau de ligne Hoche a été relâché de détention sur parole à Lichfield et autorisé à rejoindre la France contre son engagement à cesser de servir contre la Grande-Bretagne et tous ses alliés ».

Michel Le Guay, descendant de la famille Leguay de Normandie et de Bretagne, lors de ses recherches généalogistes dans les années 1990, a découvert ce document extraordinaire, rédigé par les services anglais en charge des Prisonniers de guerre, et nous permet de revivre cette page d'histoire vécu par un futur habitant du manoir du Cleuyou en Ergué-Gabéric.

Guillaume Le Guay est né normand le 11 avril 1773 à Tessy-sur-Vire (Manche), près de Coutances. Très jeune, à 16 ans, il s'engage dans les volontaires de la Manche et participe comme grenadier aux campagnes « des ans 2, 3, 4 et 5 de la République dans les départements de l'ouest contre les chouans ».

En 1798, il est dans les troupes sélectionnées pour les expéditions en Irlande, la première en août, la seconde en octobre, pour apporter l'aide française aux insurgés irlandais contre la domination britannique. Cette opération, mal préparée, se terminera mal, car les forces révolutionnaires françaises seront battues et le principal insurgé irlandais, Theobald Wolfe Tone, sera arrêté et condamné à mort. Dans l'imaginaire irlandais, 1798 est baptisé l'année des Français, « The Year of the French » pour marquer l'engagement militaire des français.

Quant à notre grenadier, il sera capturé sur le vaisseau « Le Hoche » par les forces navales anglaises lors de la seconde expédition. Il fut au centre de la célèbre bataille de l'île de Toraigh, au large de la côte nord-ouest du comté de Donegal en Irlande. Il y avait à bord 1189 hommes ; 147 ont trouvé la mort et 1006 furent prisonniers. Après avoir failli couler dans la tempête de la nuit suivante, les britanniques réussirent à remorquer le bateau jusqu'aux cotes anglaises.

Autres questions posées dans l'article cité : Legay participa-t-il à la bataille irlandaise de Castlebar du 27 août ? Où fut-il détenu en novembre-décembre avant sa libération ? Que voulait dire le terme anglais « parole » pour une détention ? De prochains articles détailleront sa carrière dans les armées de la Révolution et de l'Empire, les conditions de son élection comme capitaine, son congé pour mariage avantageux, sa destitution et démission de l'armée et réintégration en 1831 ...

En savoir plus : « 1798 - Expédition d'Irlande et libération du capitaine Guillaume François Leguay »

Billet du 19.04.2015


La photo mystère du dernier billet et du bulletin Kannadig n'a toujours pas été identifiée par nos fidèles lecteurs. Où donc se trouve cette haute statue représentant un moustachu exposé au vent et de temps en temps au bruit ?

10 Kannadig printanier de 2015

Des histoires d'anges musiciens, d'héritiers du Cleuyou, de terres vaines et vagues, d’œufs de cœlacanthe, de poteaux télégraphiques, de saints Guénael et Télo, de guerres de 1870 et de 1914, d'un paysan dans le livre somme de Joël Cornette ...

C'est le moment de vous soumettre le bulletin des articles publiés depuis janvier dernier, avec ce sommaire où se mêlent documents d'archives, patrimoine, mémoires, et même des légendes :

  • Couv - Fanch et l'ange harpiste / Kelou ar maro hag ar vuhez
  • Recto de couverture - Photo-énigme et table des matières
  • P. 1 - Les fabuleux anges musiciens du retable de Kerdévot
  • P. 2-3 - Le ragoût noir des Spartiates au pardon de Kerdévot
  • P. 3-6 - Disparations de Fanch Ster et de Jean Kergourlay
  • P. 6-11 - Le feuilleton des héritiers du manoir du Cleuyou
  • P. 11-14 - Les Mermet propriétaires du domaine du Cleuyou
  • P. 14-16 - Un gabéricois à la Défense de Paris en l’an 1871
  • P. 16-17 - Le télégraphe et autres technologies selon Déguignet
  • P. 18-19 - Réactions contre les lignes ferroviaire et téléphonique
  • P. 19-21 - Le capitaine Bolloré dans la fosse des Comores
  • P. 21-24 - Leçons d’histoire bretonne de Déguignet / Cornette
  • P. 24-25 - Jean Louët à l’assaut de Souchez en Artois en 1915
  • P. 26-27 - La légende et la vie de saint Guen-Ael au 17e siècle
  • P. 28-29 - Le partage des terres vaines et vagues de Keronguéo
  • P. 29-30 - Saint Télo et Louis Hémon à la chapelle de Kerdévot

Trouverez-vous l'habituelle photo-énigme trimestrielle qui est en 2e de couverture ? Pour vous aider, un petit indice : « il vous faudra de très bons yeux pour localiser les belles moustaches du personnage qui depuis quelques siècles serait devenu sourd ».

Lire et imprimer le bulletin : « Kannadig n° 29 Avril 2015 » Billet du 11.04.2015

Nota 1 : Le présent bulletin Kannadig sera imprimé et expédié dans la quinzaine, avec le reçu fiscal des donateurs, lequel reçu peut éventuellement être envoyé par courriel à ceux qui le désirent.

Note 2 : Ces derniers temps de nombreux anciens nous quittent : ainsi cette semaine la haute figure d'Odette Coustans, secrétaire de mairie de 1945 à 1985, et qui connut 9 groupes de conseillers et 6 maires. Pour le souvenir et lui rendre hommage, l'article qui relatait en mars 1987 son départ en retraite : « Les 40 ans de mairie d'Odette Coustans, Ouest-France 1987 ».

11 Loiz Hemon ha sant Telo Kerdevot

« Disul diveza oa pardoun braz e Kerdevot. Calz tud a ioa eno, mez unan euz ar re zon bet muia guelet eo Loiz Hemon.  », Feiz ha Breiz, 1877.

On connaissait déjà le climat politique et culturel lors des élections législatives de 1877 où se présentait l'un des premiers républicains de la région Quimpéroise, à savoir Louis Hémon, face aux résistances locales conservatrices et catholiques. Jean-René Bolloré, l'adversaire de Louis Hémon publia un petit tract virulent en breton : « Voti evit Loiz Hemon a zo eta voti evit eur mignoun touet da C'hambetta, ... gouaderez ar Frans » (le vote pour Louis Hémon est un vote pour l'ami de Gambetta, ... la sangsue de la France).

Ici, dans les colonnes du journal très catholique « Feiz ha Breiz », le ton est un peu plus léger et empreint de moquerie : « Loiz Hemon a ioa ivez dissul e Kerdevot. Ne leveromp ket e vije eat di da bardouna, mez d'en em ziscouez. Ehehe ! an elecsionou a dosia ! » (Loiz Hemon était donc aussi à Kerdévot. Nous ne savons pas s'il est vraiment venu pour le pardon, ou alors plutôt pour se montrer. Ehehe ! il va y avoir des élections !).

Et la morale est sauve car les vieilles bigotes veillent au grain : « Loiz Hemon en doa ancounac'heat eun dra ! cass chapeledou d'ar merc'hed coz ! Ma carje beza great kement-se, en doa gonnezet an oll voueziou an Ergue-Vraz gant an oll galounou ! » (Loiz Hemon a oublié une chose ! l'importance des chapelets des vieilles femmes qui connaissent toutes les intentions de votes du Grand-Ergué).

Ceci nous amène à ré-évoquer l'article en breton sur la chapelle de Kerdévot, aussi dans le journal « Feiz ha Breiz » qui ne manque pas de mentionner l'existence d'une belle statue de saint Théleau chevauchant un cerf : « ouz skeudenn Sant Telo a-ramp war eur c'haro ». La statue aux couleurs pastels de l’évêque en chape, mitre et crosse a été magnifiquement restaurée en décembre 1979 par le sculpteur gabéricois Laouic Saliou.

La légende rapporte qu’un seigneur offrit à l’ermite Télo les terres qu’il pourrait enclore en une nuit, avant le chant du coq ; le saint se servit d’un cerf comme monture pour délimiter son nouveau territoire.
En fait, tout comme le député Loiz Hemon en 1877 parmi les ouailles du pardon de Kerdévot ?

En savoir plus : « Loiz Hemon hag chapeledou ar pardoun braz e Kervevot, Feiz ha Breiz 1877 »,
« Chapelle de Kerdévot, sant Telo et Gwenêl en breton, Feiz ha Breiz 1926 »

Billet du 05.04.2015


Nota : le bulletin Kannadig de fin du premier trimestre 2015 est actuellement en cours d'élaboration ; qu'on se le dise, il sera bientôt en ligne.

12 L'heureux et généreux Guen-Ael

« Nous avions décidément une assemblée remarquable ! Guénolé, fondateur prestigieux et sage de l’abbaye de Landévennec, et son disciple Gwénael, pressenti pour être son successeur. », Eloan Kroaz, déc. 2014

Dans ce roman au format e-book, récent et déjà populaire, on découvre nos saints bretons, saints Guénolé de Landévennec, Gildas de l'abbaye de Rhuys, Iltud, Samson, et accessoirement notre saint gabéricois Gwenaël, à la rencontre des mages Bleiz et Merlin et sa fille Gwendaëlle.

C'est l'occasion de publier le texte de la Vie de Saint Guen-Ael écrit par le dominicain breton Albert Le Grand, dont la 2e édition fut préparée par l'historien Guy Autret de Lezergué (cf Nota *) : « Du temps que Conan Meriadec, premier roy Chrestien de la Bretagne Armoricaine, ... un noble Seigneur, nommé le Comte Romelius, lequel eut pour espouse une dame de Maison, non moins illustre, appellée Levenez; & ils faisoient, leur ordinaire demeure en la ville de Kemper-Odetz ».

Et aussi un passage inédit d'un cantique où les deux premiers saints de Landévennec sont cités. Dans cet extrait publié dans le journal « Feiz ha Breiz » de juin 1926, le journal en langue bretonne de l'évêché de Quimper et de Léon, où les paroissiens quimpérois sont invités à faire leurs dévotion à la chapelle de Ti-Mann-Doue, on se rend compte à quel point les deux saints du 6e siècle sont vénérés au Grand Ergué, ce qui peut se comprendre car saint Gwenael est né à Kerrouz-Tréodet, qu'il y est le saint patron et que saint Guénolé s'était déplacé pour le convaincre de le suivre.

Roomp amzer
Da Wennole
Da zont d'ar gêr
Eus an Erge
Da zont d'ar ger eus an Erge
Gant Gwenêl e ziskib neve.

(Donnons du temps)
(à saint Guénolé)
(en revenant à la maison)
(depuis Ergué-Gabéric)
(en revenant d'Ergué à la maison)
(avec Gwenaël son nouveau disciple)

On peut se demander à quelle occasion un quimpérois rentre chez lui en revenant d'Ergué-Gabéric : est-ce après un pèlerinage ou pardon à la chapelle de Kerdévot ? On peut aussi noter un point commun entre les deux chapelles : comme à Kerdévot, le jeudi saint précédant Paques, un pardon muet (« pardon mud ») est toujours organisé à Ti-Mamm-Doue, et notamment jeudi prochain.

En savoir plus : « LE GRAND Albert - La vie de Guen-Ael ou Guenaut », « Chapelle de Kerdévot, sant Telo et Gwenêl en breton, Feiz ha Breiz 1926 »           Billet du 28.03.2015


Nota (*) : ce jour, samedi 28 mars 2015 à 14 H, l’antenne quimpéroise du C.G.F. (Centre généalogique du Finistère) vous invite à une conférence d’Hervé Torchet à l’Espace associatif, 53, impasse de l’Odet, à Quimper (derrière la gare). Au programme : la vie attachante et très vivante de Guy Autret, seigneur de Missirien, qui habita Lezergué en Ergué-Gabéric. L’un des 10 bretons les plus puissants du XVIIe siècle, pionnier de la généalogie, historien, homme de lettres et chroniqueur de l’actualité.

13 Fin des terres vaines et vagues

« Qu'il existe à Keronguéo, en la commune d'Ergué-Gabéric des communaux ou terres vaines et vagues consistant notamment dans la parcelle de terre ci-après désignée : Section B n° 234 Kéronguéo, Leurquer d'antraon, pâture, 15 ares 30 centiares », maitre Morel, 1912

Billet du 21.03.2015
Billet du 21.03.2015

Avant la Révolution, les terres dites vaines et vagues étaient nombreuses en Basse-Bretagne et consistaient en parcelles partagées par les habitants d'un village. Elles étaient vaines car ne rapportant rien, et utilisées uniquement pour la pature, ou comme aire commune. Elles étaient vagues car vides et peu propices aux cultures. Ces terres étaient en indivision entre les habitants du village, et ne pouvaient être vendues : à la mort d'un habitant, le droit d'utilisation en nature de ces communs de village passait automatiquement à l'héritier des lieux.

À la Révolution, il est décidé dans un premier temps que ces communs de village appartiennent aux nouvelles communes, ceux qui subsistent étant rebaptisés communaux. Mais en 1792 une loi spéciale maintient « pour les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne » une exception : les terres vaines et vagues appartiennent aux « habitants des villages... actuellement en possession du droit de communer ... », et donc le partage et revente ne sont pas autorisés. Cela restera vrai jusqu'en décembre 1850 lorsqu'une nouvelle loi permet aux habitants de village de casser les indivisions et de procéder à leur partage par répartition.

Grâce à des documents inédits et des publications dans la presse, on sait maintenant comment les terres vaines et vagues d'Ergué-Gabéric ont été privatisées en toute légalité.

En 1912 les cousins Bolloré, héritiers de terres et maisons à Keronguéo, décident de lancer la procédure de partage. Le premier à le faire est Eugène, mercier à Quimper, qui est célèbre par ailleurs pour avoir en 1905 "racheté" l'établissement du Likès confisqué à une congrégation catholique. Dès janvier il demande au tribunal de statuer sur le partage des terres vaines et vagues du village de Keronguéo, avec notamment cette parcelle « Leurquer d'an traon » ("aire du bas du village").

En juin 1912, le deuxième héritier René Bolloré, « propriétaire et industriel, demeurant à Odet, en Ergué-Gabéric » prend la relève de son cousin, ce dernier étant mentionné comme premier demandeur dans le jugement. Les arguments de l'avoué Morel et les conclusions du tribunal expliquent bien le mécanisme de transformation des communs de village en propriété privée : cf article détaillé.

Il est intéressant de noter qu'aujourd'hui on se pose encore la question de la légalité des terres vaines et vagues qui auraient échappé à une privatisation. En 2014 un débat a lieu sur le statut juridique du site de Notre-Dame des Landes. En 2009 le député Jean-Jacques Urvoas pose deux questions écrites à l'Assemblée Nationale sur ce sujet des terres vaines et vagues : « En l'état, celles-ci, qui couvent encore des centaines d'hectares, notamment dans le Finistère et le Morbihan, constituent des biens dont la propriété demeure indivise ... ». La réponse publiée dans le Journal Officiel n'abonde pas dans le même sens.

En savoir plus : « 1912 - Partage de terres vaines et vagues de Keronguéo Leurquer d'antraon »


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