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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Sommaire

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Modifications au jour le jour : [Journal des MàJs]
Anciennes pages de bienvenue : [Affiches]
Anciens billets : [Actualité, archives]

1 Le Guic au centre de la commune

« Avant leur intervention, le ruisseau était bordé et envahi de broussailles et branchages qui l'obstruaient partiellement », Le Télégramme, 16.04.2014

. . . . . . . . . . . . Billet du 27.04.2014 . . . . . . . . . . .
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L'association des jardins familiaux de Pen-Carn créée en 2009 a pour objet la « pratique de la culture familiale de potagers ». Et cet hiver, comme le rapporte le correspondant du Télégramme, les jardiniers bénévoles se sont attelés à aménager les rives attenantes du ruisseau du Guic, lequel coule le long de la route de Coray jusqu'au vallon de Pennervan, avant de rejoindre l'Odet aux serres de Pont-Patra.

Le président n'est pas peu fier du travail accompli : « Le déblaiement fait place à un passage qui permettra aux promeneurs de randonner sur un tracé inaccessible jusqu'alors. Ensuite nous nous occuperons de l'affluent du Guic, un ru qui remonte en direction du terrain de football de Lestonan ».

Mais que veut donc dire « Guic » ou « Gwig » ? Le terme désigne généralement le centre habité d'une paroisse, du vieux breton guic emprunté au latin vicus "village, hameau ; quartier d'une ville", et cela se prêterait très bien à la source du ruisseau située près de Pen-Karn Lestonan, c'est à dire au centre géographique de la commune d'Ergué-Gabéric.

Le jardin et le ruisseau sont en contrebas du village de Munuguic dont le nom s'est écrit également Munudic et dont la signification toponymique a souvent intrigué. Mais en 1445 et 1493 on note les orthographes Menanguic et Menesguic, ce qui laisse supposer un préfixe « Menez », soit la "montagne du Guic". Quant au « Guic » en tant que cours d'eau, Albert Deshayes donne, dans son dictionnaire des noms de lieux bretons, le ruisseau du Guic à Guerlesquin, employé seul et non pas en composition, comme relevant de l'explication de « Gwig » "centre de paroisse". Ce ruisseau s'écoule jusqu'au Belle-Isle-en-Terre pour former le Leguer.

La belle initiative de Pen-Carn est l'occasion d'entamer l'inventaire des ruisseaux gabéricois. La difficulté est de nommer les petits cours d'eau, car ils sont souvent désignés par le ou les villages traversés. À ce jour nous n'avons identifié que quatre ruisseaux avec leurs noms propres transmis oralement : le Bigoudic, le Ster-Ven, le Guic, le Patra. Pour chaque ruisseau important, nous avons le projet de créer un article séparé incluant une galerie photo et des témoignages.

En savoir plus : « Remise en valeur du Guic près des jardins familiaux, Le Télégramme 2014 », « Rivières, ruisseaux et cours d'eau d'Ergué-Gabéric », « Le Guic, ruisseau de Pen-Carn à Pont-Patra »


2 Loc'h ar c'horiked, bois d'Odet

« Un amoncèlement de rochers. certains branlants et en promontoire, d'autres plus enfoncés dans la terre. Il y avait une sorte de souterrain fait de larges et sombres anfractuosités », France du Guérand

. . . . . . . . . . . . Billet du 19.04.2014 . . . . . . . . . . .
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Où est donc cette « grotte des nains » d'Odet qui a aiguisé l'imaginaire et les jeux de plusieurs générations d'enfants d'Odet et de Stang-Venn ? Nous l'avons recherchée, photographiée, et compilé les témoignages et souvenirs sur ce lieu de légendes que les anciens appelaient « Loc'h ar c'horiked ».

Voici un jeu de piste pour retrouver aujourd'hui la grotte des nains d'Odet : garer votre voiture à Stang-Venn près du restaurant de l'Orée du Bois, montez jusqu'à l'endroit où étaient les anciens jardins ouvriers des papetiers, au nord-ouest de la résidence rentrez dans le bois pour repérer un arbre avec une double peinture du GR 38 (le chemin passait par là autrefois et menait jusqu'à la maison de Marjan et Fanch Mao, cf photos), et là descendez la pente vers l'Odet, vous verrez les rochers et l'entrée carrée de la grotte orientée à l'ouest, la petite entrée étant sur le plateau supérieur.

Au départ de notre quête, il y avait ce témoignage exprimé par de nombreux anciens du village de Stang-Venn : « On allait souvent jouer à la grotte des nains du bois d'Odet. C'est là que René Bolloré père avait l'habitude d'amener ses clients avec de la nourriture, il demandait discrètement à un gamin de se cacher dans la grotte, et une petite main prenait l'eau et le pain placés à l'entrée de la grotte, sous le regard étonné des visiteurs. »

Marianne Saliou avait une version un peu différente : « Quand on était gosse, on allait jouer à la grotte des nains. Il paraît qu'y avait des nains et qu'il fallait leur faire à manger au moulin du Moguéric. Tous les jours, on leur faisait une soupe. Mais un jour, on a oublié et les nains sont partis. »

France du Guérand, dans son livre « Il fut un temps ...  » préfacé par Henri Queffelec, décrit joliment les lieux et nous donne sa version personnelle de la légende des nains.

Cette réhabilitation était nécessaire face à la concurrence du « Toul ar Veleien » (le trou des prêtres) du Stangala et de la « grotte aux nains » de Keranguéo. Au fait, cette dernière est-elle la vraie ou un double de celle d'Odet ? Tout témoignage, autre souvenir ou explication supplémentaire seront naturellement les bienvenus.

En savoir plus : « Exploration et réhabilitation de la véritable grotte des nains d'Odet », « DU GUÉRAND France - Il fut un temps ... »


3 La Bretonne Pie-Noir ou BPN

« Mes Bretonnes : aussi longtemps qu'il m'en souvienne, petites, trapues, avec une jolie frange de frisure entre les cornes en forme de lyre, ivoire à la base et noires vers leurs pointes acérées comme leur caractère », Angèle Jacq

. . . . . . . . . . . . Billet du 12.04.2014 . . . . . . . . . . .
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De notre point de vue, la vache bretonne pie-noir devrait être considérée comme une marque historique de notre patrimoine communal.

Un livre récent de Pierre Quéméré en retrace l'histoire et cite des éleveurs gabéricois. En 1886, dans le tout premier registre généalogique ou herd-book (*) on recense les 5 vaches de l'un d'entre eux, Louis Guyader de Squividan, et bien sûr les coupures de presse et les photos apportent des illustrations de cette période 1850-1960 où la vache pie-noir était sacrée à Ergué-Gabéric.

Mais, tout d'abord, quelques règles d’orthographe s'imposent. Le terme « pie » avec un e final est correct, car il ne vient pas du tout du mot « pis » avec un s, désignant la mamelle de la vache. « Pie » est un adjectif invariable évoquant l'oiseau au ramage blanc et noir. La terminaison « noir » sans e, accolée par un trait d'union, devrait aussi respecter la même règle d'invariabilité, et donc, contrairement à un usage assez fréquent, ne pas s'accorder au féminin et au pluriel.

En fait la race « Bretonne Pie-Noir » n'est mentionnée sous cette forme qu'au cours du 19e siècle. Avant la Révolution, pour désigner la vache locale aux taches noires, on préférait la désignation de « gare noire  » (d'où l'adjectif bigarré), comme on peut le lire dans les documents de successions de fermes à Ergué-Gabéric.

En initiant cet article, on a aussi l'espérance de compléter notre collection de vaches aux taches noires. Si vous en avez dans vos cartons, n'hésitez-pas. Et connaissez-vous « Fakir », le taureau BPN, transplanté en région de Chalosse près de Pau ?

En savoir plus : « Les vaches bretonnes pie-noir bretonnes gabéricoises, marques du patrimoine cornouaillais », « SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE - Herd-Book de la race bretonne pie-noire », « Louis Guyader (1842-1920) de Squividan, agriculteur républicain »

ACTUALITÉS *** CET APRÈS MIDI 12.04.2014 *** « Café Histoire » de l'association ARKAE
Conférence de Pierrick Chuto « Les exposés de Creac'h Euzen, Samedi 12 avril, 15h 30 - salle Ty-Kreis, Croas Spern, Ergué-Gabéric. Ces enfants en nourrice ou placés dans la commune rurale d'Ergué-Gabéric au 19e siècle ont certainement côtoyé des vaches BPN !

(*) : Herd-book, s.m. : de « herd », troupeau, et « book », livre, anglicisme désignant un registre généalogique d'espèces bovine et porcine, pour servir de référents et de pedigree à leurs descendants.


4 Une veuve Bolloré entreprenante

« Après quelques années de tâtonnements et de collaboration, l'aîné des trois fils, toujours M. René, prit seul en main la direction ... », abbé André-Fouet

. . . . . . . . . . . . Billet du 05.04.2014 . . . . . . . . . . .
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Elisabeth Bolloré (1824-1904) était une femme de caractère et une personnalité incontournable de la saga papetière de la famille « Le Marié-Bolloré » à Odet :

  • sa mère Marie-Perrine était née Le Marié, sœur de Nicolas fondateur en 1822 du moulin à papier d'Odet ;
  • son père Jean-Guillaume, dit « Bolloré aîné », patron d'une chapellerie à Quimper, fut appelé à codiriger l'entreprise dans les années 1855-60 ;
  • son mari, cousin germain (donc Bolloré également), Jean-René, appelé aussi René, d'abord médecin dans la Marine, dirigea la papeterie de 1861 jusqu'en 1881 ;
  • son fils René-Guillaume devint en 1891 le propriétaire de l'entreprise familiale, après une période où, veuve, elle fut aux affaires.

À la mort de son mari, elle assurera la direction administrative de l'usine d'Odet. Certes son fils aîné René-Guillaume était impliqué dans les activités de production, ce bien avant son décès.

Mais la veuve continuera à gérer pendant plus de dix ans tous les problèmes de secrétariat, de relations avec les fournisseurs, de courriers aux autorités administratives et religieuses. Elle adopte même un papier à entête qui mentionne son statut de veuve, la médaille de bronze à l'Exposition universelle de 1878, et d'un dépôt domicilié à Paris, au 60 rue St-André des Arts chez Maître E. Lair.

En 1891, dans une lettre inédite conservée aux Archives Diocésaines de Quimper dont l'original est publié cette semaine, elle écrit à son évêque et lui annonce son intention de se retirer des affaires et laisser faire son fils aîné René-Guillaume.

En savoir plus : « 1891 - Lettre à l'évêque d'Elisabeth Bolloré mère », « Elisabeth Bolloré (1824-1904), nièce, fille, épouse et mère de fabricants de papier »

Sujet connexe : les débuts de la papeterie du temps de Nicolas Le Marié. On connaissait l'étude d'Henri Bourde de La Rogerie sur les origines de la papeterie en Bretagne, écrite en 1912 et qui mentionne : « Une usine beaucoup plus importante et qui était destinée à prendre un grand développement venait d'être fondée à Odet (Ergué-Gabéric) ... ». La relecture de ses notes et la mention d'une publication d'Armand du Chatellier en 1837 nous ont amené à la BNF pour dénicher ces fameuses « Recherches statistiques » et y lire ceci  : «  3.° La chapellerie du sieur Bolloré aîné ; 5.° Deux papeteries, l'une à Kerfeunteun, l'autre en Ergué-Gabéric ; la première ayant une cuve, la seconde trois ...  ».

Fiches bibliographiques : « BOURDE DE LA ROGERIE Henri - Notes sur les papeteries des environs de Morlaix », « CHATELLIER Armand (du) - Recherches statistiques sur le Finistère »


5 Un bulletin Kannadig printanier

« War an hent evit eun bloavezh laouen ha kaer ! » Et c’est parti pour une belle année 2014 ! À Erge-Vraz, on dirait même plutôt « Trao' ba'n hent ! »

Et oui, déjà trois mois depuis le début de l'année, et depuis le dernier bulletin. En ce week-end ensoleillé - et studieux pour l'éditorialiste -, le 25e numéro des chroniques du GrandTerrier est là pour vous.

Dans l'éditorial, vous trouverez le bilan de 7 ans d'existence, et nos bonnes résolutions pour toute l'année 2014 : le billet hebdomadaire, la Grande Guerre, les photos « mémoriales », un bulletin embelli, et l'édition documentaire (en collaboration avec Arkae pour le livre sur la papeterie d'Odet).

Et comme d'habitude, on a mis dans le bulletin tous les articles publiés sur le site Internet dans le trimestre :

  • Les boites R.Bolloré pour les fumeurs poilus de tranchée
  • Les plus beaux couples gabéricois en costumes
  • La grande crue et tempête historique de 1924-25
  • Le paysage rural antique de Squividan
  • Carnet d’un héros mort pour la France en 1918
  • Un sermon en 1904 pour la retraite des jeunes conscrits
  • Retraite religieuse de jeunes hommes en 1931
  • Les triches électorales de Déguignet en 1877
  • La vie de travailleuse de Marjan Mao
  • Le docteur Bolloré, candidat anti-républicain breton
  • La fontaine de Saint-Conogan à Penn-a-Min
  • L’assaut meurtrier du 25 septembre 1915 à Tahure
  • Conduite de Gre-noble au crocheteur socialiste
  • Score de 64% aux élections municipales de 1904

Le bulletin fait désormais 28 pages couleurs au total, comme pour la dernière livraison de décembre dernier, A3 plié et piqué par deux agrafes. Pour les expéditions postales, en même temps que le bulletin imprimé, il y aura le "reçu fiscal des donateurs". « Trao' ba'n hent ! »

Téléchargement et lecture en ligne du bulletin : « Kannadig n° 25 » Billet du 30.03.2014


6 Élections municipales de 1904

Dès lundi prochain, dans l' « Espace des maires » nous publierons les résultats des élections municipales 2014 à Ergué-Gabéric, quels qu'ils soient : « Le GrandTerrier ne fait pas de politique ! »

Cela nous donne l'idée de remonter le temps, 110 ans en arrière : le 1er mai 1904, après six mandatures du maire conservateur Hervé Le Roux, Ergué-Gabéric doit élire sa nouvelle équipe municipale. Les journaux « L'Action Libérale de Quimper » et « Le Courrier du Finistère » se réjouissent du scrutin à 64 % des voix exprimées : « Les 21 conseillers sortants libéraux ont été réélus par 345 voix contre 194. C'est un magnifique résultat. L'ancien Conseil a obtenu une écrasante majorité ».

Par contre le journal républicain « Le Finistère » revient sur le déroulement de cette élection : « Pendant toute la semaine électorale, on n'a vu sur les routes d'Ergué-Gabéric que le recteur et ses deux vicaires, faisant ouvertement métier d'agents électoraux ». Et plus grave : « Dans telle ferme, ils sont allés racoler à haut prix des distributeurs de bulletins ».

Outre la liste de toutes les manœuvres des membres du clergé (menaces de licenciement, interventions auprès des épouses, ...), on sent dans les attaques du correspondant républicain les grandes bagarres politiques des années 1902-1906 autour du thème de la Séparation des Églises et de l’État. A Ergué-Gabéric cela donnera lieu à la fermeture très contestée de l'école privée du bourg en 1902, la mutation du vicaire François Nicolas (suite à dénonciation sur ces agissements en fin d'année 1904), à la lutte acharnée des paroissiens contre les Inventaires des biens de l'église en 1906.

Aux journaux de 1904, nous avons joint ceux de 1906 relatant le décès d'Hervé Le Roux, car les articles nécrologiques de « L'Action Libérale de Quimper » donnent un éclairage sur une mandature locale très importante : maire pendant 25 ans, élu à 34 ans en 1982, 7 élections successives. Le journaliste ne tarit pas d'éloges : « En plus d'un homme pondéré, il avait cette foi profonde et solide qui menace de s'amoindrir, hélas, de nos jours, même en Bretagne, et qui le fit mener cette vie patriarcale et si digne qu'elle peut servir d'exemple à tous ses administrés ».

L'article donne également l'appréciation du préfet, républicain de par sa position et des institutions : « Il serait à désirer que tous les maires de mon département fussent comme M. le Maire d'Ergué-Gabéric car jamais il ne m'a créé de difficultés ».

En savoir plus : « Elections municipales du 1er mai 1904, L'Action Libérale de Quimper et autres journaux » et « Espace des maires »


Nota : Le bulletin Kannadig de la fin mars 2014 est en cours de fabrication. Qu'on se le dise ! Billet du 22.03.2014

7 Boite du fumeur poilu de 1914

« Il était nippé en soldat et de pied en cap. Il avait mis l'énorme roupane, la godailleuse à deux boutons, les coins relevés en cornet de frite. Képi, pompon vert et grimpants garance assortis ... », Céline, Mort à crédit.

Lorsque nous avions étudié les cahiers de papiers à cigarette Bolloré pour la période d'avant 1939, et donc aussi avant l'apparition des papiers O.C.B., nous avions signalé qu'il existait précédemment, avant 1914, une boite « R. Bolloré, Odet, Quimper » pour les fumeurs afin qu'ils puissent conserver au sec leur papier à rouler.

Aujourd'hui nous avons recensé quatre exemplaires de ces boites qui mesurent exactement 7,4 cm x 4 cm x 6 mm, trois à Ergué-Gabéric dont une en excellent état, et une quatrième un peu plus usagée en provenance de Toulon, et cela méritait que nous publions de nouvelles photos.

Ces boites portent une très belle illustration colorée d'un soldat fantassin français au clairon et capote « gris de fer bleuté », pantalon rouge « garance », képi rouge et bleu, brodequins et jambières en cuir, ceinturon « à plaque » pour les cartouchières, paquetage de campagne, fusil à baïonnette « Rosalie ». Très visible de loin, l'uniforme garance était totalement inadapté aux nouvelles armes qu'étaient les mitrailleuses ennemies, les soldats se faisant abattre en grand nombre à distance. Il deviendra entièrement « bleu horizon » fin 1915

Le dos de la boite apporte un élément de datation, à savoir les trois drapeaux anglais, français et belge qui y sont représentés. Ce n'est certes pas les trois drapeaux de la Triple Entente (comme nous le pensions au départ car le premier dessin était effacé), le 3e pays étant la Belgique et non la Russie impériale. Mais il est très vraisemblable que les boites métalliques faisaient néanmoins partie du paquetage des soldats de l'armée française en 1914-15.

En effet la Belgique, qui depuis son indépendance de 1831 avait signé un contrat de neutralité, lors de son invasion en 1914 par les troupes allemandes, se lia de fait avec les Franco-Britanniques en menant des combats acharnés à Liège, Namur et Anvers. Et l'engagement populaire des français et des anglais pour défendre l'intégrité du territoire belge a marqué le début de la Grande Guerre 1914-18.

Quelles sont les circonstances exactes qui ont permis à l'entrepreneur René Bolloré de distribuer ses boites à papiers de cigarette au sein de l'armée française, avec comme illustrations un poilu et les 3 drapeaux alliés, et la marque de son usine à papier d'Ergué-Gabéric près de Quimper ?

Sur les conseils d'une personne avisée, nous nous apprêtons à aller consulter les archives militaires du SHD (Service Historique de la Défense) de Vincennes. Va-t-on découvrir que la boite R. Bolloré était une alternative commerciale à la marque « Le Zouave » du concurrent Zig-zag d’Angoulême ? À suivre donc ...

En savoir plus : « La boite métallique du fumeur poilu en uniforme garance de 1914 »


Nota : À l'occasion du centenaire de la Grande guerre, Jean François Douguet et l'association Arkae préparent un livre sur la mémoire de la Grande Guerre. À ce jour, loin d'avoir tout recensé sur cette période clé du XXe siècle ils nous/vous invitent à faire connaître tous les documents et objets provenant de gens habitant Ergué-Gabéric. Pour l'accueil et les copies de documents, une permanence est organisée au local d'Arkae pendant le mois de mars, tous les matins, exceptés les vendredi et dimanche (2e étage, 3 rue de Kerdévot, au bourg, tel 02 98 66 65 99, email contactat.gifarkae.org).

Billet du 15.03.2014

8 Fontaine St-Conogan à Penn-Min

« La statue était en bois, et la crosse de l'évêque avait du être changée, car elle avait sans doute pourri. Les propriétaires précédents, avant l'arrivée de mes parents à Lannurien en 1935, l'avait remplacée par une statue en faïence qu'ils avaient fait faire à Locronan », Germaine Laudrein, 03.2014.

Au départ de son enquête pour retrouver la fontaine disparue de Lannurien en Coray, Goulven Peron, spécialiste des légendes et des traditions populaires du Poher, n'avait qu'une vague photo où l'on devinait à peine la statue d'un saint évêque, et une information incertaine comme quoi la fontaine avait été déplacée près de Kerdévot il y a environ 25 ans.

À force de persévérance, la fontaine a été retrouvée et sa mémoire enrichie : le 18 décembre 1989 lorsque Jos et Germaine Landrein ont pris leurs retraites d'agriculteurs, attachés affectivement à leur fontaine, ils avaient soigneusement renuméroté les pierres, qu'ils ont mis dans une remorque et remontés près de leur maison rénovée à Penn-ar-Menez en Ergué-Gabéric.

Germaine se rappelle : « Quand on est arrivé à Penn-Min, il y avait tant à faire. Mon mari Jos a mis un an à aménager l'ancienne petite grange. Et la fontaine qui était abandonnée dans le temps dans le talus de la prairie de Lannurien a trouvé sa place. On l'avait déjà déplacée de Foennec-ar-Zant dans la cour derrière la maison de Lannurien en 1973, car beaucoup de gens à l'époque couraient les campagnes pour enlever des pierres de fontaine comme celles-là. En 1989 on s'est arrangé avec notre successeur ; on a refait le remontage à Ergué et on l'a mise en valeur avec d'autres pierres de talus  ».

Le vallon où se trouvait la fontaine s'appelait « Foennec ar Zant » (la prairie du saint), à côté d'une autre parcelle dénommée « Parc ar Zant ». Cet endroit est semble-t-il plein de mystères, car c'est aussi de Lannurien que provient le curieux « autel » gallo-romain que l'on voit près de l'église de Coray. L'existence ancienne d'une chapelle est parfois évoquée mais personne n'a retrouvé sa mention dans les fonds d'archives.

Le saint en question, saint Conogan, a donné son nom à la fontaine et était représenté autrefois par une petite statue de bois. Fêté le 15 octobre, c'est un saint mythique en Bretagne. Moine d'origine irlandaise, on le retrouve au 6e siècle au Cap-Sizun et non loin de Landerneau, sur les bords de l'Elorn, à Beuzit-Conogan. Disciple de saint Guénolé à Landévennec, successeur de saint Corentin, il est le 2e évêque de Quimper, et mourut le 15 octobre 456.

Si une partie du mystère autour de la fontaine s'est éclaircie, l'enquête continue sur les lieux d'origine du vallon enchanteur de Lannurien, et les témoignages sur l'existence passée ou présente de la statue sont les bienvenus.

En savoir plus : « À la recherche de la fontaine perdue de saint Conogan »

Billet du 08.03.2014

9 Un crocheteur socialiste unifié

« Les crocheteurs se mettent à défoncer la porte de la sacristie ; pendant ce temps, le tocsin sonne ; on chante des cantiques dans l'église et dans le cimetière », Le Courrier du Finistère, mars 1906.

Il y a 5 ans, nous avions publié la carte postale d'un gendarme qui faisait partie de la troupe accompagnant l'Inspecteur qui procéda à l'inventaire des biens de l'église à Ergué-Gabéric le 2 mars 1906. Cette fois-ci nous avons le témoignage du commissaire de police Judic, et celui d'un crocheteur, Jean Gourlay, ouvrier tailleur de pierres.

Le document inédit qui est un courrier du commissaire au préfet nous révèle qu'en juillet 1907 le candidat socialiste Gourlay, affrontant en triangulaire le républicain Soudry et le conservateur de Servigny aux élections du Conseil général, avait déjà fait ses armes à Ergué-Gabéric un an plus tôt : « Gourlay était un des crocheteurs que j'ai employés pour briser les portes de l'église de cette commune ».

Dans ce courrier, le commissaire pronostique un accueil très hostile à Jean Gourlay sur le territoire communal : « Comme il y est parfaitement connu, je ne serais pas étonné qu'on lui fit une conduite de Grenoble ». L'expression imagée veut dire conspuer, huer, chasser, mettre à la porte, pourchasser ... (cf le jeu ci-dessous).

Dans un autre rapport au préfet, le même commissaire de police détaille ses prévisions électorales dans le canton de Quimper, en estimant qu'à Ergué-Gabéric « Soudry (candidat républicain) perdrait car les cultivateurs et les ouvriers de Bolloré, réactionnaire, voteraient pour un réactionnaire ». Et il ne donne aucune chance non plus au candidat socialiste unifié.

Nous en profitons aussi pour publier les nombreux récits des évènements de 1906 tels que relatés dans la presse conservatrice et républicaine : « Une des plus belles protestations faites dans toute la Bretagne contre les inventaires a eu lieu à Ergué-Gabéric ».

En savoir plus : « 1907 - Rapport de police sur la campagne d'un crocheteur socialiste », « Résistance contre l'inventaire des biens religieux à Ergué-Gabéric, journaux divers 1906 », « 1906 - Inventaire au Bourg et à Kerdévot par la gendarmerie »

Billet du 03.03.2014

Un petit jeu : quelle est d'après vous l'origine de l'expression « faire une conduite de Grenoble » ? - 1. Une rixe non datée entre unions compagnonniques.
- 2. Un écrit insultant du grammairien Richelet. - 3. Une attaque aux pierres d'un régiment de Louis XVI. - 4. La journée des Tuiles en 1788.

10 L'assaut du 25 septembre 1915

« La tenue des officiers et de la troupe est une capote avec deux bidons remplis de café additionné d’eau-de-vie, deux musettes contenant deux jours de vivres de réserve, deux grenades, un jour de vivres du jour, 250 cartouches et deux grenades par homme » J.M.O. 25.9.1915 du 116e RI.

Cette semaine dernière la chaîne de télévision Arte diffusait le splendide film de Stanley Kubrik « Les Sentiers de la gloire », avec des scènes inoubliables de tranchées et d'un impressionnant assaut mortifère et malheureusement très réaliste.

Cela nous a rappelé que quatre jeunes soldats gabéricois avait péri le même jour lors du premier assaut de la seconde bataille de Champagne, dans un secteur de deux ou trois kilomètres, entre Souain, Perthes-lès-Hurlus et la butte de Tahure.

Le généralissime Joffre, chef de l'armée française, en lançant les grandes batailles de Champagne contre les forces ennemies allemandes, se justifiait par une formule : « Je les grignote ». Cette stratégie eut comme conséquence un bilan humain terrifiant : plus de 320.000 morts du côté français.

Nous avons publié les informations biographiques de ces quatre poilus dans un espace réservé à la Grande Guerre, avec y compris pour l'un d'entre eux une photo familiale prise juste avant son départ au front, et retranscrit les rapports militaires de cette journée du 25 septembre trouvés dans les Journaux des Marches et Opérations de leurs Régiments respectifs :

  • 116e Régiment d'Infanterie : « À 9H15, le signal est donné et brusquement dans un élan magnifique, une marée humaine, précédé de tirs de batterie, se dresse, sort des tranchées, se soude, marche sans hâte, sans crainte, sûre du succès et aborde la première tranchée allemande qu'elle submerge et dépasse pour aborder ensuite les deuxième et troisième tranchées distantes les unes des autres de 50 à 100 mètres ».
  • 2e Régiment d'Infanterie Coloniale : « À 9 h. 15, les vagues sortent des tranchées, franchissent les ouvrages du Palatinat et de l'entonnoir de Souain, les groupes de nettoyeurs de tranchées dégagent les ouvrages. Une lutte homérique s'engage ».
  • 64e Régiment d'Infanterie : « Tout le régiment a fait superbement son devoir et n'a été arrêté que par l'obstacle infranchissable des fils de fer dont la valeur est démontrée par les pertes sévères que nous avons subies : 34 officiers et plus de mille hommes ».

En savoir plus : « Espace des Poilus de la Grande Guerre », « Jean-Marie Le Bras (1894-1915), soldat du 64e RI », « René-Marie Le Bihan (1888-1915), soldat du 2e RIC », « Corentin Le Gall (1893-1915), soldat du 116e RI », « Jean-Louis Bihannic (1890-1915), soldat du 116e RI »

Billet du 23.02.2014

11 Harz ar Bleiz an trede Republik

« Aotrounez ha kenvroiz ke. N'em euz ket clasket kaout an henor da veza Depute ... » (Messieurs et chers concitoyens. J'accepte, sans l'avoir recherché, l'honneur d'une candidature à la Chambre des Députés), Doctor Bolloré.

Le titre « Hars ar Bleiz » de ce pamphlet politique ne peut pas être traduit par « gare au loup », mais par un « halte au loup » plus énergique et entreprenant, l'animal désignant le républicain menaçant les forces politiques monarchistes, conservatrices et catholiques.

Le pamphlet a été utilisé comme instrument de propagande lors des campagnes électorales finistériennes de la 3e République, tout particulièrement pendant les législatives de 1876, et aussi dans celles qui ont suivi en 1877 suite à la dissolution de la Chambre. Localement, dans le secteur de Quimper, le candidat conservateur Jean-René Bolloré, élu conseiller général, s'est battu deux fois contre des adversaires républicains, et utilisa dans ses tracts et tribunes éditoriales l'argumentaire développé dans le « Hars ar Bleiz ».

Telle qu'on peut le lire dans la presse conservatrice et catholique, à savoir « L'Océan de Brest » et « L'Impartial du Finistère » et dans le journal républicain « Le Finistère », la stratégie électorale du candidat Bolloré était la proximité, linguistique notamment, et l'ordre moral.

Lors de sa candidature de 1876, il s'adresse personnellement en breton à ses électeurs dans le journal quimpérois (« L'Impartial ») : « O veza ne garan ket ar revolutionou, e talc'hinn bepret d'an urs vad ha d'ar peoc'h, evit ma c'helloc'h al labour, al labourou all hag ar c'honvers mont en dro evel ma'z eo dleet. » (Ennemi des révolutions, je veux l'ordre et la paix, garanties essentielles de la prospérité de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, qui ont tous les droits à mon dévouement).

Comme il se présente en 1876 dans la circonscription maritime de Quimper, il précise : « O veza ma'z oun ganet etouez tud a vor em euz bepret eun garantez vraz evit ar seurt tud-se, hag e vezinn prest ato, a greiz va c'haloun, da ober vad dezo » (Né au milieu de populations maritimes - son père était marin à Douarnenez -, je conserve pour elles une vive sympathie et je défendrai, de tout cœur, leurs intérêts.), et il signe « Doctor Bolloré » (avant de diriger l'entreprise de papier d'Odet il était chirurgien dans la Marine).

En octobre 1877, le journal « Le Finistère » se réjouit de la très nette défaite du conservateur dans la 1ère circonscription de Quimper, et décrit ainsi sa courte victoire dans sa commune : « À Ergué-Gabéric, M. Bolloré n'a pas craint de se constituer lui-même agent électoral dans sa propre commune. Il s'est tenu aux abords de la salle du vote pendant une partie de la journée. Cet acte de mendicité électorale ne lui a pas rapporté qu'une aumône de 19 voix de majorité (239 contre 220 à M. Hémon) ».

En savoir plus : « Jean-René Bolloré candidat député, L'Océan L'Impartial et Le Finistère 1876-1877 » et « YANN Mab - Harz ar Bleiz, cuzul evit an electionoù » Billet du 16.02.2014

12 Ciné-club et café Histoire Arkae

« Labourat 'm eus e ti Bolloré abaoe 41 bloaz, etre 1920 ha 1961. Ganet on e 1902. Pa oan aet e 1920, e oamp 54 maoues er "chiffonnerie" ... », Marjan

En 1982, Bernez Grall et Bernez Rouz réalisèrent pour FR3 un reportage de 27 minutes entièrement en breton sur la vie d'ouvrière de Marjan Mao à la papeterie Bolloré. Marjan qui a travaillé pendant 41 ans à l'usine d'Odet était une femme exceptionnelle qui respirait la bonté ; elle aimait et comprenait ses prochains, avec une simplicité déconcertante.

Outre les évocations de souvenirs de Marjan et son mari Fanch dans leur pennti de Stang-Odet, la vidéo comprend l'interview de Marjan par Bernez Rouz dans l'usine d'Odet, des extraits de films du début du 20e siècle avec des séquences de travail à l'usine à papier, une performance de l'acteur Goulc'hen Kervella en tant que prédicateur breton, sans oublier les scènes historiques de la fête du centenaire de la papeterie en 1922.

En ce samedi après-midi 8 février, l'association ARKAE organise à la salle Ty-Kreis à 16h un « Café Histoire » consacré à Marjan, et y seront projetées les scènes d'interview de ce film, pour la première fois sous-titré en langue française. Les plans successifs seront :

  • Marijan et Fanch à table dans leur cuisine de Stang-Odet en pleine discussion et faisant des commentaires sur leur repas du soir.
  • Marijan à la papeterie avec sa canne, arpentant les lieux familiers entre la rivière et les bâtiments d'usine.
  • Marjan à l'entrée de la salle des bobineuses expliquant comment les ouvrières y travaillaient.
  • Marjan dans sa cuisine de Stang-Odet en pleine journée de la 1ère séquence, évoquant son travail à la chiffonnerie.
  • Fanch fendant son bois dans le loch de son pennti, l'apportant au fourneau, et Marjan réactivant le feu.
  • Marjan marchant sur la route de Ty-Coat et se rappelant de la fête du centenaire pendant laquelle elle avait gagné la course à pied des femmes.
  • Marjan à Stang-Odet évoquant les missions, reconstitution d'un sermon d"un prédicateur utilisant des « taolennoù ».
  • Marjan et Fanch à Stang-Odet, racontant les grèves et le rôle des syndicats ...
  • Marjan faisant son ménage en chantant, Fanch aux courses à vélo à la boulangerie et à la boucherie de Lestonan, Marjan au téléphone, Fanch bêchant son jardin, et enfin tous les deux en promenade à Croas-ar-Gac ...

Pendant ce café histoire sera aussi projeté le très beau film « Kerdévot vu du ciel » d'Hervé Thomas, réalisé en novembre 2013 grâce à une caméra embarquée sur un drone télécommandé.

En savoir plus : « GRALL Bernez - Kan al labour, ur vuhez a vicherouzez, Mari Jan Mao »
et « Un drone au-dessus de la chapelle de Kerdévot, Le Télégramme 2013 »
Billet du 07.02.2014


13 Triches électorales en 1877

« Mais quoi qu'il arrive, dans la lutte actuelle, je ferai mon possible pour le triomphe de ceux qui se disent républicains ... », Jean-Marie Déguignet.

Dans les Mémoires du paysan bas-breton, il y a un récit des élections législatives d'octobre 1877 qui constituèrent un tournant de la IIIe République. Cela se passe après le vote de février 1876 qui fut une victoire des Républicains et la dissolution de la chambre des députés de mai 1877.

Ce récit a récemment été cité et commenté dans deux ouvrages historiques et sociologiques. Le premier est le livre de Philippe Madeline et Jean-Marc Moriceau « Les paysans 1870-1970 » (page 100). Le second ouvrage écrit par un historien gallois contient une fine analyse du contexte et des positions de Déguignet lors du vote républicain.

Pour Déguignet, la possession du pouvoir était la question centrale : « Les nobles et les jésuites nous ramèneraient certainement quatre ou cinq siècles en arrière, au bon vieux temps où les paysans et les ouvriers étaient considérés et estimés à dix-sept degrés au-dessous des bêtes de somme et des chiens ». Et pour assurer la victoire aux républicains, il joua un tour aux monarchistes locaux, c'est-à-dire aux châtelains et à l'ancien maire, en laissant ces derniers distribuer argent, alcool et bulletins conservateurs, ayant au préalable convaincu les paysans électeurs de cacher dans leur gilet un deuxième bulletin de vote, républicain celui-là.

L'histoire se déroule à Ergué-Armel où était domicilié Déguignet, mais elle est transposable aux communes voisines et à d'autres régions françaises rurales. À Ergué-Gabéric des scènes similaires s'y déroulèrent. De plus le candidat conservateur, non nommé dans le récit de Déguignet, est l'entrepreneur propriétaire des papeteries d'Odet : « un gros industriel, plusieurs fois millionnaire, clérical et monarchiste jusqu'au bout des doigts, ayant pour l'appuyer toute l'administration, les nobles, les curés et confrères ».

Outre les manipulations et trafic d'influence le jour du vote, avec tournée générale et distribution de bulletin, l'auteur nous explique aussi le rôle des médias conservateurs : « Les amis et protecteurs du candidat officiel avaient fait distribuer des brochures en français et en breton dans lesquelles la République et les républicains étaient flétris et maudits sur tous les tons. Le pauvre candidat républicain y était traité et caricaturisé de toutes les façons : en diable, en loup, en renard et en âne ».

A Ergué-Armel le dépouillement des bulletins fut sans appel : « Le scrutin ne fut pas long, ne portant que sur deux noms et sur cinq cents électeurs. Quand les bulletins furent tous extraits et comptés, il se trouvait qu'il y avait 450 pour le candidat républicain et seulement 34 pour le candidat clérical ».

Au premier abord, Déguignet semble se réjouir des résultats du vote. Toutefois, il commente comme suit l'action du gouvernement qui en était issu : « Mais le malheur était que parmi les représentants de cette république démocratique, il n'y avait pas un seul démocrate ... ». La force des récits de Déguignet est certainement dans l'expression de ces nuances.

En savoir plus : « Déguignet s'oppose au candidat Bolloré lors des élections législatives de 1877 »
et « GEMIE Sharif - La nation invisible, Bretagne 1750-1950 »
Billet du 01.02.2014

Nota : la semaine prochaine, nous retracerons le déroulement des élections législatives de 1876 et de 1877, avec un focus sur Ergué-Gabéric et le candidat Jean-René Bolloré, ce grâce aux journaux conservateurs « L'Océan », « L'Impartial du Finistère », et républicain « Le Finistère ». Nous présenterons notamment ces libelles de propagande en langue bretonne et notamment le fascicule de 35 pages intitulé « Harz ar bleiz » (Gare au loup).



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