Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier - GrandTerrier

Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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1 Kerveil domaine des Sévigné

Billet du 15.01.2017 - « les plus belles dames de la province & particulierement pour madame de Sevigné, aveq les reponces de la mesme dame & plus de 300 vers de sa façon & de son esprit, qui themoignent qu'elle a bon esprit et qu'elle est de tres belle humeur », Guy Autret (1644-45).

On imaginait bien que des terres gabéricoises fussent un temps possédées par la marquise de Sévigné (1626-1696), née Rabutin-Chantal. Mais une confusion entre le manoir de Lanroz en Ergué-Armel et les terres de Penanros en Ergué-Gabéric avait généré une désillusion, car seul le premier avait été acquis par la marquise après le décès de son époux Henri de Sévigné (1623-1651). De plus, pour compliquer un peu les choses, un document a été inventorié (ADF A85) pour l'année 1633 avec un certain village de Keranmilin possédé par un certain Charles de Sévigné.

Mais en réalité le document publié in-extenso ci-dessous, daté du 6 août 1683, conservé aux archives nationales et découvert récemment totalement par hasard (cote MC/ET/LI/612), donne le détail des propriétés cornouaillaises, avec en annexe le rentier précis des revenus attendus pour chaque domaine et village concernés. Le « manoir » de Kerveil, orthographié « Keranmilin », en Ergué-Gabéric et ses mouvances de Kerjan, Niverrot et Kerveady y sont bien mentionnés comme intégrés au domaine de la marquise, ce au même titre que la seigneurie de Lanros et d'autres terres à Plomelin, Plonéour ... Tous ces biens sont acquis par la veuve Sévigné et ses deux enfants : Françoise épouse Grignan (1646-1705) et Charles (1648-1713).

Nous ne savons pas comment la famille d'Acigné de la Roche-Jagu et de Grand-Bois en Landebaëron est devenue propriétaire des manoirs de Lanros et de Keranmilin/Kerveil. Le domaine de Kerveil était auparavant, aux 15e et 16e siècles, une extension des biens nobles des Tréanna installés à Botbodern en Elliant. Ces derniers ont transmis ces biens à d'autres, peut-être directement à la branche des Grand-Bois qui possédaient déjà d'autres biens gabéricois en 1441.

La configuration du domaine de Kerveil est décrite dans la liasse dite A85 des extraits d'aveux du 16e siècle, avec les quatre ou cinq mouvances de villages payant des rentes et droits de succession au seigneur de Kerveil [1].

Dans cette même liasse A85, on découvre aussi qu'en 1633 le domaine est déclaré par Charles de Sévigné. Ce dernier pourrait le beau-père de la marquise qui décédera en 1635 avant le mariage de son fils Henri. Mais il est plus probable que la date de 1633 est erronée, et plus vraisemblablement ce serait la déclaration de vente faite au nom du fils Charles pour lequel la marquise a acquis toutes ses terres qu'elle désignait dans ses lettres comme « les terres de Mme d'Acigné ».

Les terres du domaine et du manoir de Keranmilin/Kerveil sont listées dans le rentier de 1683, à savoir les villages de Kerjan (aujourd'hui Keryann), Niverot, Kervernich (Kervernic) et Kerveady. Les revenus annuels et en part de récoltes sont détaillés. Le manoir de Kerveil générant 30 livres par an représente environ 15% du revenu du château plus important de Lanroz. Le village du Niverrot paie aussi une rente en argent,

 


Les quatre villages doivent annuellement quelques boisseaux « combles » de froment (« scandihl » pour le Niverrot, c'est à dire "barbu") , de seigle et d'avoine, sans oublier un autre impôt proportionnel sur les récoltes (« champart ») et les inévitables corvées. L'ensemble du domaine de Kerveil est déclaré « fief du Roy soubs Quimper » contrairement à Lanroz « fief des regaires » qui est sous l'égide du Seigneur Evêque.

Marie Raputin-Chantal, et vraisemblablement son fils, ne sont jamais venus sur leurs terres cornouaillaises qui n'étaient qu'objets de spéculations financières. Certes ils faisaient des séjours dans leurs autres résidences luxueuses de Bretagne, notamment dans le château des Rochers-Sévigné, mais on peut douter que la précieuse épistolière ait compris le quotidien de ces tenanciers et paysans, à la lecture de l'une de ses lettres : « Vous savez qu'on fait les foins. Savez-vous ce que c'est que faner ? Il faut que je vous l'explique : faner est la plus jolie chose au monde, c'est retourner le foin en batifolant dans une prairie ; dès qu'on en sait tant on sait faner ».

En savoir plus : « 1683 - Vente à la marquise de Sévigné de quelques terres gabéricoises et cornouaillaises », « 1510-1683 - Adveus de Keranmelin extraicts de l'inventaire de Kempercorantin »

2 Ruines de Lezergué à vendre

Billet du 07.01.2017 - Elginisme, s.m. : forme de vandalisme consistant à extraire des œuvres d'art de leur contexte ou région d'origine pour les exposer ailleurs. Cette pratique tire son nom du titre de lord Elgin qui fut responsable du transfert à Londres des marbres du Parthénon (Wikipedia).

C'est sous ce thème qu'en 1929 le Journal des Débats évoque au niveau national le scandale de Lezergué : « Le fermier-propriétaire, qui jusqu'ici campait dans l'unique coin habitable de cette immense ruine, s'est décidé à la démolir et à construire une autre maison avec les matériaux. Mais il a épargné la façade, et espère, parait-il, qu'un Américain milliardaire viendra bientôt lui en proposer beaucoup de dollars. Lezergué revivra peut-être un jour sur les rives du Potomac ou de l'Ohio. ».

Le premier article sur le sujet date de 1924 et est signé des initiales L.G. de Louis Le Guennec : « Le possesseur de ce vieux manoir serait disposé à le vendre ; mais, inspiré par un sentiment respectable, quoiqu'un peu exclusif, et surtout fâcheux par les conséquences qui fatalement en découleront, il ne veut aliéner que les pierres, laissant à l'acquéreur, s'il lui plaît, la faculté de les rassembler ailleurs. »

En 1924-1930 le propriétaire-fermier est Jean-Marie Nédélec, marié à Marie-Renée Laurent, représentant la 3e et avant-dernière génération des propriétaires-fermiers de Lezergué, son grand père ayant acquis le manoir dans les années 1855-60.

L'état de ruine du manoir, rebâti au 18e siècle, est bien avancé dès 1924 : « Intérieurement, Lezergué est dans un triste état, bien qu'on y admire toujours le grand escalier d'honneur et sa voûte plate d'une surprenante hardiesse. Les salles basses, aux cheminées et aux lambris élégamment moulurés, sont seules habitées par le fermier-propriétaire ; tout le reste du château n'offre qu'abandon et ruine. »

D'où le projet de démolition : « Le possesseur de ce vieux manoir serait disposé à le vendre ; mais, inspiré par un sentiment respectable, quoiqu'un peu exclusif, et surtout fâcheux par les conséquences qui fatalement en découleront, il ne veut aliéner que les pierres, laissant à l'acquéreur, s'il lui plaît, la faculté de les rassembler ailleurs ».

À la fin août 1929 de petites annonces laconiques soient publiées dans les journaux locaux quimpérois :

  Signées L. par le mémorialiste Louis Le Guennec et incluant son très beau croquis de la façade en question, les chroniques locales de l'Ouest-Eclair vont alors tenter de réveiller les consciences collectives et faire en sorte que Lezergué soit inscrit comme Monument Historique : « Tout porte à espérer que ces démarches aboutiront et que ce monument, d'un style assez rare dans le Finistère, ne quittera pas de sitôt la Cornouaille pour les bords du Potomac ou de la Rivière-Rouge  ».

L'inscription aux monuments historiques sera effective le 9 décembre 1929. Depuis cette date, la façade du château n'a pas été transplantée, mais on peut regretter que les pierres intérieures ont continué à tomber, notamment l'escalier central monumental.

Aujourd'hui le domaine de Lezergué a connu une belle reconversion par l'installation et le développement d'une cidrerie réputée. Gageons que la marque du cidre de Lezergué est une assurance contre toute tentative d'elginisme, et, espérons-le, une garantie que l'état de la façade ne sera pas plus dégradé dans un futur trop proche.


En savoir plus : « Vente de façade de vieux château, Ouest-Eclair et autres journaux 1924-1930 »

3 Pace è salute, Paix et santé

Billet du 31.12.2016 - Nos vœux corses et bretons : « Bon annu, Bon capu d’annu, Bonu quist’annu, Megliu un altr’annu », « Bloavezh mat, fin ar bloaz mat, gwall vad a oa e 2016, gwelloc'h a vo e 2017 » (Bonne année, bonne fin d’année, cette année a été bonne, celle qui vient sera meilleure)

Pourquoi en corse ? Parce que Napoléon-Bonaparte était corse, et que l'année 2016 grandterrienne se termine sur une note napoléonienne : suite aux travaux d'Henri Chauveur et à la numérisation récente de la matrice cadastrale de 1835-1914, nous avons aussi publié l'état complet des sections en 1835.

Certes en 1835 l'empereur Napoléon n'était plus de ce monde. Mais la loi de finances du 15 septembre 1807 est à l'origine du cadastre parcellaire français, appelé Cadastre Napoléonien ou encore Ancien Cadastre. On rapporte aussi ces propos de l'Empereur : « Ce qui caractérise le mieux le droit de propriété, c'est la possession paisible et avouée. Il faut que le cadastre se borne à constater cette possession ». Les travaux de confection du Cadastre Napoléonien, commencés en 1808, s'étalèrent pendant plus de quarante années sur le territoire français.

L'état des sections d'Ergué-Gabéric donne des informations pour visionner les plans cadastraux (publiés aussi sur GT), ces derniers formant 20 feuilles grand format pour 7 sections : Squividan, Sulvintin, Saint-André, Niverrot, Loqueltaz, Bourg, Lezergué. Le relevé fournit, sous forme de 7 listes de section, le nom exact de chaque parcelle numérotée, sa description, le nom du propriétaire, le lieu-dit, la superficie et le revenu foncier.

Le relevé de l'état des sections est également complémentaire aux tableaux et folios de la matrice cadastrale : autant les seconds ont été modifiés à chaque changement de propriétaires ou de découpages des parcelles, autant l'état des sections constitue la première photo historique intégrale de 1835 détaillant les propriétés bâties et non bâties.

Le relevé est daté précisément du 20 juin 1835 et reprend la liste ordonnée des parcelles du plan cadastral napoléonien. Il est réparti sur 235 feuilles de 28 lignes, ce qui représente au total 6479 parcelles identifiées dans chacune des 7 sections territoriales. Les images ont été scannées à partir du document des Archives communales d'Ergué-Gabéric, le 2e exemplaire étant conservé aux Archives départementales (3 P 54 / 2).

La transcription des lignes de l'état de sections a démarrée et est faite directement dans une table spécifique d'une base de données MySql. Dans l'article on peut voir la progression des enregistrements effectués par rapport au total de 6479 lignes.

 

Lorsqu'on aura transcrit les 2000 premiers enregistrements, on proposera un formulaire de recherches multi-critères : numéro, propriétaire, lieu-dit ... Ce formulaire sera également couplé avec les tableaux et les folios de la matrice cadastrale. Et on envisage même de lire la base de données cadastrale dynamiquement lorsqu'on naviguera sur le plan lui-même, ce qui permettra en regard de chaque numéro de parcelle de connaitre son nom exact et son propriétaire.

En savoir plus : « 1835 - Etat détaillé des sections du plan cadastral napoléonien »

4 Souvenirs de Noël "Ar Pellgent"

Billet du 24.12.2016 - Pellgent, s.m. breton : aurore, évoquant la nuit de Noël, et par réduction la messe basse de minuit. « Oferenn ar Pellgent » : messe de Minuit ; « Nozvezh ar Pellgent » : nuit de Noël ; « Tad Kozh ar Pellgent » : grand père de l'aurore, ou Père Noël.

Autrefois la veille de Noël à Ergué-Gabéric n'était pas aussi "commerciale" que de nos jours, comme l'attestent nos deux témoins oculaires de cette semaine.

Dans son cahier de souvenirs « Koñchennoù - Histoires vécues de mon enfance » édités par Arkae en 2009, Lanig Rouz de Drohen nous raconte en breton comment la soirée et la messe dite du « Pellgent » se déroulaient au Bourg du temps de son enfance. Et René Le Reste de Garsalec, le fameux conteur bretonnant du groupe « Groupe Biskoaz - Kemend all » ou « Variétés villageoises », se rappelle bien également de cette même nuit du côté du patronage et de la chapelle de la papeterie d'Odet.

La formulation d'Ar Pelgent pour désigner la messe de minuit, et par extension la nuit sacrée entre le 24 et le 25 décembre, était encore bien usitée à Ergué-Gabéric dans les années 1940-50. Lanig Rouz précise : « Gwechall yae a pe brazoc'h deus an dud dar pellgent, an oferenn hanternoz e gouel Nedeleg » (autrefois, la plupart des gens allaient à la messe de minuit pour la fête de Noël). René Le Reste se rappelle qu'à Ergué « on ne prononçait pas le g de Pellgent : "mond d'ar Peillient" (aller à ...) », les lettres ll et g étant "mouillées".

Que ce soit au Bourg ou à Odet-Lestonan, les traditions étaient un peu les mêmes en cette soirée et nuit de Noël ; on devait patienter jusqu'à l'heure de minuit pour se réunir dans l'église ou la chapelle.

Au bourg les nombreux bistrots faisaient office de salles d'attente : « Barzh a vourc'h tam an ostaleri bennaked evit hortoz hanternoz, lod evit evan banniou a da gaozeal ; a re all evit da c'hoariet kartou. » (Arrivés au bourg, ils allaient dans les bistrots attendre minuit ; certains buvaient des coups et discutaient, d'autres jouaient aux cartes)

Pour la messe à la papeterie d'Odet, on se distrayait au patronage : « Il est vrai que je chantais en intermède à la soirée du patro de Kéranna, avant la messe de minuit, avec la chorale dirigée par M Salaün, notre maître et directeur de l'école, un chant sur les bergers justement ... Ensuite on descendait, tous ensemble, à la messe de minuit d'Odet qui démarrait vers minuit précisément et durait assez longtemps d'ailleurs. »

Au bourg les jeunes qui assistaient à la messe de minuit étaient un peu dissipés : « Barzh a c'horn an iliz, barzh a lec'h e oa ar baotred trouzus, en a selaoua ket koulz lavared tamm bet ar c'hanerien nag ar velleien, met ar gaoz a yae dro hag o vech dre var o mell taol c'hoarzhadig a lakei tout an dud, barzh an iliz, da zistroe deus war ho c'hadoriou ; a person koz a dennei ho zaoulagad kuit deus hi levr a daole o sell fuloret war traon an iliz.  » (Dans le coin de l'église où étaient les garçons turbulents, on n'écoutait pratiquement rien, ni les chants ni les paroles des prêtres. Mais on causait et de temps en temps ça riait, ce qui faisait retourner tout le monde dans l'église, le vieux recteur quittait son livre des yeux et jetait un coup d’œil furieux au fond de l'église.)

Par contre à Odet la discipline était de rigueur : « Les garçons de

  l'école avaient leur place réservée, plusieurs rangées de bancs près de la porte d'entrée à droite de l'autel, nos maîtres étaient à nos côtés. Les filles de l'école des sœurs, avaient aussi leur banc, mais de l'autre côté de l'allée centrale. Les dirigeants de l'usine avaient leurs places attitrées au premier rang et leur chaise à leur nom. J'ai le souvenir à chaque fois d'avoir vu une église bien remplie, bien chauffée et appréciée, une bonne animation. Minuit Chrétien, le chant traditionnel avait son chanteur attitré, Robert Padioleau ... »

Les conditions atmosphériques extérieures étaient à peu près les mêmes. Ainsi au Bourg : « Yen oa alies an amzer, avel fresk, an douar e oa skormad, a koulz lavared ech me ne oa ket morse ... A loar oa skler, an avel yen a c'hwezed deus an uhel » (Le temps était souvent froid avec un vent frais et la terre était gelée ; cependant il n'y avait pour ainsi dire jamais de neige ... La lune était claire, le vent frais soufflait du nord).

À Odet « il faisait froid bien sûr, nuit noire parfois, et pas de lumière après Lestonan, très peu de voitures heureusement, on ne trainait pas trop, près de 3 km ». Et ces années-là le dicton se vérifiait : « Pell-gent du, Blavez ed du » (messe de minuit noire, année de blé noir).

On peut se demander si la référence à l'aurore n'est pas un rappel des trois messes basses d'antan popularisées par Alphonse Daudet : la messe de la nuit (minuit), la messe de l'Aurore à 6H heures du matin, et la messe du jour de Noël.

Et les autres expressions bretonnes étaient « Nozvezh ar Pellgent », la nuit de Noël, et bien sûr le « Tad Kozh ar Pellgent », le grand père de l'aurore qu'on appelle aujourd'hui « Père Noël » en pays francophone.

En savoir plus : « Les souvenirs d'ar Pellgent ou nuits de Noël du siècle dernier »

5 Une base de données cadastrale

Billet du 18.12.2016 - Pas de véritable scoop cette semaine, mais l'annonce de la reprise du chantier titanesque de transcription de la matrice cadastrale de la commune d'Ergué-Gabéric entre 1835 et 1914, travaux initiés en 2005-2008 par notre ami Henri Chauveur.

Henri avait relevé une partie des 805 folios du cadastre napoléonien communal et transcrit leur contenu dans des fichiers Excel pour un certain nombre de hameaux gabéricois. C'est l'heure de compléter ce relevé par une consolidation dans une base de données qui permettra de comprendre d'une part les noms de nos parcelles (en breton, et mémorisant des états anciens) et d'autre part les mutations des propriétés au cours du 19e siècle.

Le plan cadastral napoléonien et sa matrice sont datés pour Ergué-Gabéric de 1834-35, et sont conservés en double exemplaire : l'un aux archives communales, l'autre aux archives départementales sous les cotes 3 P 54/x. Sur le plan découpé en section et feuille chaque parcelle et bâtiment est représenté avec l'indication d'un numéro de parcelle. Sur les deux registres de la matrice cadastrale, on trouve des tables alphabétiques des propriétaires, les tableaux de récapitulatif des revenus, et enfin les 805 folios détaillant les parcelles de chaque propriété.

Sur les deux tables alphabétiques des propriétaires, de nombreuses lignes sont rayées, mais elles n'en sont pas pour autant inintéressantes, car le principe de la matrice était d'y inscrire les modifications lors des successions au cours de cette longue période de 1835 à 1914. Lors des décès ou ventes globales les noms des anciens propriétaires sont "barrés" et les nouveaux sont ajoutés. Généralement, si la propriété n'est pas éclatée, le numéro des folios où est détaillée la propriété est conservé.

Nous avons donc créé une base de données MySQL, et les trois tables associées aux tables alphabétiques, aux entêtes de chaque folio, et au détail des parcelles. Et pour tester et démarrer la saisie, nous avons pris un exemple de parcelles et propriétaires représentatifs, les folios 319-321 du Moulin à papier d'Odet. La liste des propriétaires en cartouche donne des informations intéressantes :

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLa veuve du fondateur, Marie Le Marié née du Pontois, garde la propriété des lieux pendant l'année 1871, étant domicilié à Stanc-Odet, et non au moulin d'Odet.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLe neveu de la veuve, Jean-René Bolloré, prend possession des lieux l'année suivant en se domiciliant au moulin à papier.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgAu décès de Jean-René Bolloré, la succession est gardée pendant deux ans par la veuve et ses enfants.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgL'ainé des enfants, René, est le dernier propriétaire, non rayé, de la matrice. À noter qu'à son décès en 1904, l'arrivée du petit fils prénommé aussi René, ne fait pas l'objet d'une mise à jour de la table des propriétaires.

 
(Folio 319 de la matrice cadastrale - Archives départementales 3P54/3)

Quant aux parcelles et acquisitions :

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLes terres de Stanc Odet sont acquises en 1856. Bien que cédées par le propriétaire de Quillihouarn, il s'agit bien de l'endroit connu sous ce nom en aval du moulin à papier.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLes terres dénommées « goz veil » (vieux moulin) situées entre Coat-Piriou et la papeterie sont acquises en 1853, cédées en 1856, puis reprises en 1872.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgDes bâtiments industriels sont créés et démolis : le séchoir détruit en 1858, le moulin à eau de Coat-Piriou acquis en 1853 et démoli en 1859, magasin à chiffons et le magasin à résine ouverts en 1860, la salle pour les cylindres en 1861, l'atelier de lessivage en 1872.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLes maisons et jardins du village de Keronguéo sont enregistrés dans la matrice cadastrale dès 1835.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgPar contre les terres de Kerho sont acquises en 1872 et les dernières acquisitions de la matrice datent de 1912 pour des terres situées au Quélennec et à Pennaneac'h (Stang-Venn).

En savoir plus : « 1835-1912 - Matrice cadastrale de Nicolas Le Marié au moulin à papier d'Odet, fol 319-321 », « 1835-1914 - Tables alphabétiques des propriétaires enregistrés dans la matrice cadastrale », « 1834 - Le plan cadastral parcellaire Napoléonien »

6 La grande place de Guy Autret

Billet du 10.12.2016 - À la lecture d'un précédent billet, la municipalité se demande si une place de la commune d'Ergué-Gabéric ne serait pas préférable à une avenue pour honorer ce personnage du 17e siècle. Le maire tient à préciser que ce ne sera "ni une petite place ni un parking". Les propositions des gabéricois seront examinées en conseil municipal extraordinaire 5 semaines avant l'inauguration officielle le 01.04.2017.

Cette semaine nous versons au dossier dix sept lettres transcrites et publiées en 1940 par Daniel Bernard dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, ainsi que quatre lettres inédites trouvées par le même auteur et dont les originaux de la main de Guy Autret (cf ci-contre) sont conservés aux Archives Départementales du Finistère.

Parmi les 17 premières lettres publiées, il nous semble intéressant de commenter la quatrième datée de 1641 dans laquelle Guy Autret fait part à sa nièce de l'envoi d'une robe et jupe, d'une coiffe et d'un parement de dentelle. L'original de la lettre est introuvable à ce jour, sans doute toujours conservé dans des archives familiales auxquelles Daniel Bernard a eu accès.

Cette lettre envoyée le 10 décembre de Rennes, où Guy Autret est en déplacement pour ses divers procès, à Quimper à l'attention de l'une de ses nièces par alliance, Guillemettte Beaujouan, épouse Kerescant, commence par :

 
« je vous envois la robe et la jupe (bien faite à la hâte) de ma niepce du plessix ». La robe est donc pour la sœur de Guillement, à savoir Yvorée, dame de Plessis, pour qu'elle puisse la porter le 13.12 à la grande foire de St-Corentin à Quimper.

Jacques du Haffond de Kerescant, mari de Guillemette et procureur du roi à Quimper, est aussi un lointain cousin de Guy Autret, et ils sont régulièrement en correspondance pour des affaires de succession. Kerescant est une terre noble de l'ancienne paroisse Plonivel, aujourd'hui Plobannallec-Lesconil, non loin de la propriété bigoudène de Guy Autret (Kergoz).

Guy Autret fait également parvenir une coiffe à sa nièce Guillemette, qu'il appelle mademoiselle car il s'en était occupé avant son mariage, lors du décès de l'ancien procureur de Quimper Jean Beaujouan. Cette coiffe n'est bien sûr pas la coiffe bigoudène qu'on connaît aujourd'hui, car elle n’est devenue haute qu’au XXe siècle dans l'entre deux guerres.

Et le courrier mentionne aussi l'envoi d"une « cravate ou collet à la mode tost près, petit collet, bandeau et bouts de manches de batiste et à languetes ». Ces accessoires de mode devaient être très appréciés par la jeune noblesse quimpéroise et bigoudène. On note comme parement ces pièces en « batiste  », c'est-à-dire en toile de lin très fine en provenance du Cambrésis ou pays de Cambrai.

  Un autre détail de la lettre fait référence à un évènement historique national : « L'on dit que la dentel s'en va deffandu et de mesme que la dantel d'argent ». Pendant le règne de Louis XIII, l'usage de la dentelle était synonyme de frivolité mondaine, et l'église catholique qui voulait conserver les ornements pour ses autels et habits ecclésiastiques demanda qu'elle soit interdite par ailleurs. En 1629 un édit de proscription de la dentelle fut publié, mais les fans de mode bravèrent l'interdit.

Et Guy Autret, en 1641, s'en moque même : « on a mins pour tant une petite à la plessix, quitte pour l'hoster quand l'édit sera venu ». Quant au type de la dentelle mise sur la robe de la dame du Plessis, il est vraisemblable qu'elle fut classiquement de fils de soie, et non d'argent. Et peut-être, avons nous là une dentelle "précurseuse" de la dentelle dite « bigoudène » !

Le prix de tous ces accessoires et travaux d'assemblage de la couturière est également mentionné pour « quinze livres dix huit sols », ce qui ferait à raison d'une livre de 1641 pour 16,1 euros un prix total actuel de 256 euros. Guy Autret évoque aussi que, hors les frais de transport, il dut payer un « teston », soit 10 sols ou une demi-livre, pour que le porteur attende les quelques heures nécessaires pour finir la robe.

En savoir plus : « Lettre du 10 décembre 1641 de Guy Autret à Mademoiselle de Kerescant (Bernard, IV) », « 1642 - Quatre nouvelles lettres inédites de Guy Autret, transcriptions Daniel Bernard », « 1640-1648 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Daniel Bernard »

7 Orgue Renaissance et Baroque

Billet du 03.12.2016 - « Tel qu'il est, cet orgue représente un excellent exemple de la facture de Thomas Dallam et permet de retrouver des sonorités oubliées depuis bien longtemps », KAUFFMANN (Jacques), Orgue Thomas Dallam de 1680, église St-Guinal d'Ergué-Gabéric
Tel qu'introduit dans la pochette du CD, le portrait du musicien lui sied bien : « Titulaire depuis 1981 de l'Orgue de l'Église des Dominicains de Paris, Jacques Kauffmann est aujourd'hui l'un des organistes français les plus talentueux. Musicien par nature discret, son chemin est celui de la poésie, de la clarté et des images, de l'équilibre aussi ». En 2000 un de ses enregistrements essentiels et incontournables sur l'Orgue historique de Thomas Dallam à Ergué-Gabéric, passé inaperçu à l'époque, a rassemblé une collection d’œuvres pour orgue de compositeurs européens des époques Renaissance et Baroque en France, aux Pays Bas, en Italie, Espagne et Allemagne.

Commentaire d'un mélomane anglais : « Kauffmann's recital gives us a wide variety of compositions and styles from all over Europe. He includes pieces by Gervaise, Sweelinck, Zipoli, Frescobaldi and Froberger plus some Iberian masters. He finally rounds things off with Muffat's 11th Toccata. The many carefully-chosen registrations provide some delightful colours- just listen, for example, to those talkative 8' and 4'flutes, voiced with a typically English dry attack. The disc has been well-engineered to give a crystal-clear sound throughout. » (J. R. M. Bailes on 20 Sept. 2010) § Traduction française ...

Pour des raisons évidentes de protection des droits artistiques, nous ne proposons à l'écoute qu'un petit extrait pour vous encourager à acheter ou télécharger le CD sur Amazon ou tout autre site marchand. Ci-dessous le douzième morceau, la Pastorale de Domenico Zipoli ; la version enregistrée sur l'orgue Dallam par Kaufmann est une merveille, à comparer avec un autre enregistrement libre de droit de Megodenas sur Wikipedia.

LES PLAGES DU CD

1.Pavane (1:17), Claude Gervaise (1535-1565)
2.Branle gai (0:57), Claude Gervaise (1535-1565)
3.Gaillardes (1:19), Anonyme
4.Ungaresca et Saltarello (1:35), Jakob Paix (1556 - après 1623)
5.My Lady Carey's Dompe (2:11), Anonymous
6.Voluntary for organ in E minor, Op. 7/7 (4:29), John Stanley (1712-1786)
7.Tiento de medio registro de tiple de quarto tono (6:23), Francisco Correa de Arrauxo (env. 1576-1650)

 


8.Obra de 1. tono (4:54), Sebastián Aguilera de Heredia (1560s-1627)
9.Echo fantasia in Dorian mode (5:15), Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
10.Mein junges Leben hat ein End, variations (7:42), Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
11.Il secondo libro de toccate, canzone...di cimbalo et organo, No.14, Canzona Seconda in C major (4:42), Girolamo Frescobaldi (1583-1643)
12.Pastorale for keyboard in C major (3:06), Domenico Zipoli (1688-1726)
13.Fiori Musicali, Toccata per l'Elevazione (4:20), Girolamo Frescobaldi (1583-1643)
14.Fiori Musicali, No.46, Bergamasca (5:49), Girolamo Frescobaldi (1583-1643)
15.Toccata in D minor (2:08), Carlos de Seixas (1704-1742)
16.Toccata in G minor (2:18), ibid
17.Toccata D minor (1:56), Frei Jacinto (1700-1750)
18.Toccata (3:59), Johann Jacob Froberger (1616-1667)
19.Toccata No. 11 Apparatus musico-organisticus (8:20), Georg Muffat (1653-1704)

Éditions Salachas. © Skarbo

Prise de son et montage : Michel Coquet

Direction artistique : Eric Nabor

Accord et préparation de l'orgue : Bernard Huvry

En savoir plus : « KAUFFMANN Jacques - Orgue Thomas Dallam d'Ergué-Gabéric », y compris la présentation historique de l'orgue tricentenaire.

 

8 Les ouvrier(e)s d'Odet à la noce

Billet du 26.11.2016 - « Je profite de l'occasion pour vous transmettre une photo issue de la collecte pour les 100 ans des PAOTRED », Gwen Huitric.

Lors du travail de collectage de photos et témoignages organisé par Gwen et le comité de rédaction des Paotred-Dispount, une multitude de photos n'a pas eu la chance d'être publiée faute de place dans la brochure éditée en 2013, dont celle-ci datée du 22 septembre 1932. On y reconnaît des figures connues du quartier d'Odet, sur leur trente-et-un [*] et fières d'être à la fête.

Henri Le Gars, né en 1923, a identifié les personnes de cette première photo, quelques-uns étant de sa famille proche :

  • 1 Mon père, Yves Le Gars, Keranna
  • 2 Mon grand-père maternel, Grégoire Niger, Ti-Ru
  • 3 Mon oncle Jean-Marie Quéré, Stang-Venn
  • 4 Jean-Marie Brénéol, dit « la barraque »
  • 5 Mon cousin Jean-René Saliou, Stang-Venn
  • 6 Ma tante Josephe Niger, épouse J.M. Quéré
  • 7 Ma cousine Yvonne Le Gars, L'Ile-Tudy
  • 8 Mon cousin Pierre Quéré, fils J.M. et Josephe.
  • 9 Ma tante Josée Niger, épouse de Louis Niger

Le cliché a été pris et édité par le studio quimpérois «  E. Le Grand » comme l'atteste son tampon blanc. Le fondateur Etienne Le Grand (1885-1969) s'était sans doute déplacé pour le compte des Bolloré jusqu'à son lieu de naissance.

En arrière-plan, on devine le nouveau bâtiment du patronage de Keranna, inauguré le 6 septembre 1931, où se tenait le banquet des noces du fils ainé Bolloré, ce que confirment les journaux locaux : « Dans une autre salle toute proche la famille élargie du personnel de la maison, au nombre de plus de 400, se trouva rassemblée pour le banquet des noces ».

Ce fut le mariage en grande pompe [**] de René-G. Bolloré, héritier de l'entreprise papetière d'Odet, bien qu'il soit écrit dans les journaux que la cérémonie nuptiale fût dite dans la stricte « intimité ».

Grâce à une première coupure de presse du journal national « Figaro » dans sa rubrique Mariages, on apprend que le pape Pie VI a donné sa bénédiction aux jeunes mariés et que les témoins étaient 4 et les garçons et filles d'honneur 16.

  Quant à l'article signé des initiales « J.L. », avec un texte publié à l'identique dans les colonnes de « L'Union Agricole » pour les lecteurs de Scaër et du « Progrès du Finistère » pour Odet, on y trouve les infos suivantes :

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLa famille de la mariée, les Rivière, étaient des industriels de Nogent-sur-Marne qui doivent leur « fortune au travail acharné et consciencieux de leur chef. »
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgIl est question des « âmes sous le coup d'un deuil récent », soit très probablement le décès en 1932 de la belle mère de René Bolloré, épouse de l'armateur nantais Gaston Thubé.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgParmi les ecclésiastiques présents, on remarque un ami et un parent proches : « M. le chanoine Thubé, oncle du jeune marié. À son appel avait répondu Mgr Le Gouaz, archevêque de Port-au-Prince, qui l'honore de son amitié depuis les longues années où ils vécurent à Vannes, sous le même toit épiscopal. »
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgUne autre personnalité de la famille est mentionnée comme la « vénérable arrière-grand-mère dont on vient, dans une intimité plus discrète encore, de fêter les cent ans » : certes la grand-père Léonie Bolloré est décédée à l'âge de 101 ans en 1948, mais nous ignorons qui est cette arrière-grand-mère Bolloré-Thubé ou Rivière-Collonge née en 1831-32.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLe jour du mariage un autre banquet fut organisé à Scaër-Cascadec, l'usine sœur d'Odet, pour « le personnel de Cascadec, au nombre de plus de 600 ».

Les ouvriers d'Odet et de Cascadec furent recon-naissants en offrant aux mariés de « grands bouquets offerts par le personnel de la maison et même par les marins du yacht ».
  • équipage du yacht DAHU II

En savoir plus : « 1932 - Les ouvriers papetiers d'Odet à la noce de René-G. Bolloré, studio Etienne Le Grand » et « Un mariage en grande pompe à Odet, Figaro et journaux locaux 1932 »


[*] et [**] : cf article pour plus amples explications sur l'origine des expression "en grande pompe" et "sur leur trente et un".

9 Enfin une avenue Guy Autret

Billet du 19.11.2016 - La municipalité gabéricoise a décidé de nommer officiellement le 1er avril 2017 une grande avenue en l'honneur de l'un de ses plus illustres habitants, à savoir Guy Autret (1599-1660). D'ici là, chacun peut proposer la rue, ancienne ou nouvelle, la plus adaptée.
Pour la circonstance, nous versons au dossier les 51 lettres écrites entre 1635 et 1659 par le gentilhomme historien gabéricois, lesquelles ont été étudiées par le Comte de Rosmorduc et rassemblées dans un ouvrage titré « Guy Autret, correspondant de Pierre d'Hozier ». Pour améliorer la lisibilité des missives par un lecteur d'aujourd'hui, nous avons reproduit le texte de la transcription en remplaçant, quand nécessaire, des lettres u en v, certains i par des j et en rectifiant la calligraphie de la lettre s.

Et cette semaine, on s'intéressera à cinq de ces lettres, datées de 1638 à 1643, où Guy Autret cite son voisin quimpérois Nicolas Caussin, et le recommande chaudement à son correspondant Pierre d'Hozier.

C'est le 26 décembre 1637 que les lecteurs de la Gazette apprirent que « Le père Caussin a été dispensé de sa Majesté de ne plus la confesser à l’avenir » et qu'il devait s'exiler au fin fond d'une province profonde, c'est-à-dire à Quimper. Même si quelques rumeurs de la discorde entre le confesseur du roi et le ministre de celui-ci, le cardinal Richelieu, couraient déjà dans Paris, cette nouvelle fit scandale.

Son exil imposé à Quimper va même donner à Jean de La Fontaine la matière pour sa fable du Chartier embourbé : « C'était à la campagne près d'un certain canton de la basse Bretagne, Appelé Quimper-Corentin. On sait assez que le Destin adresse là les gens quand il veut qu'on enrage : Dieu nous préserve du voyage ! ».

À son retour d'exil, Nicolas Caussin décrira son triste sort en des termes peu avenants pour les Quimpérois :
Image:Square.gifImage:Spacer.jpg« J’ai été comme dégradé, livré par mes frères, envoyé dans un exil très rude, parmi des barbares, et aux extrémités de la France [dans] le lieu le plus rude et le plus fâcheux qu’on puisse imaginer »,
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgAinsi relégué « à la dernière maison de la province », il ne voit que « déserts et rochers », et la population « articule on ne sait quels sons barbares plutôt qu'elle ne parle. »

À la lecture des citations ci-dessus, on comprend mieux pourquoi Guy Autret, dans ses lettres au correspondant de la Gazette, présente le séjour du père Caussin comme un fait notable important. Les deux intellectuels ont de plus le même mépris pour le cardinal Richelieu, et Guy Autret pousse présente son alter-ego comme un homme bon : « C'est un bon home & à mon advis selon le cœur de Dieu, qui ayme tous les bons et hait tous les mechantz. » (23 février 1643).

Guy Autret ne manque pas non plus d'ironie lorsqu'il considère l'exil lointain dont fait l'objet le jésuite, assimilant la Bretagne à une contrée peuplée d'Indiens d'Amérique : « Je ne puis nier que nostre langage m'escorge la luete et que dans nos isles il ne  se 

 
(Portrait du père Caussin, Galerie illustrée de la Compagnie de Jésus)

troeuve des demi sauvages, aussi nous a t on envoyé le père Caussin, come si l'on avoit voulu releguer parmi les Hurons ou les Hiroquois » (8 février 1638).

Il s'associe également par solidarité à l'exilé politique : « Je ne puis comprandre coment vous pouvés vous donner paine pour un miserable bas breton relegué à Kempertin, aussi bien que le pere Caussin. » (17 juin 1638).

Dans son isolement quimpérois, le père Caussin réclame une plus grande rapidité d'envoi des dépêches du correspondant parisien de Guy Autret : « Le pere Caussin, au quel je faisois hier lire la vostre, me dit que si vous changiés le jour de vos depeches ... et ainsi vos lestres ne seroint vieilles que de 8 Jours quand elles me seroint rendues, au lieu qu'à presant elles le sont ordinerement de quinse » (25 août 1641).

On sait même que le père Caussin ne rentra à Paris qu'entre mars et septembre 1643, soit plus de 5 mois après le décès de Richelieu que Guy Autret surnomme le « deffunt Armand », car en février les deux hommes se voient toujours à Quimper. En septembre Guy Autret se plaint que, dans la capitale, il n'est plus aussi avenant : « si j'estois à Paris ...si le bon pere Caussin & Mr de St-Germein ne me bannisoint de leur conversation, on me verroet plus souvant chés eux ».

En savoir plus : « Témoignage de Guy Autret sur l'exil du père jésuite Nicolas Caussin à Quimper », « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc », « ROSMORDUC Le Gentil Georges (comte de) - Guy Autret »

10 Un peu seule dans un petit palais

Billet du 12.11.2016 - « Cette carte représente l'usine et notre maison, j'ai fait une croix sur ma fenêtre et un point sur celle de ma lingerie », Mathurine

Une très belle carte postale du site papetier d'Odet, une photo prise vraisemblablement à l'aube des années 1900, et éditée par le photographe quimpérois Joseph Marie Villard.

On s'attardera aussi à analyser deux cartes ayant circulé :
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgL'une de l'oncle Léon Bolloré à son employé et contremaitre de fabrication Jean-Pierre Rolland.
Image:Square.gifImage:Spacer.jpgL'autre d'une nantaise prénommée Mathurine, lingère à Odet chez les Bolloré, à son amie d'enfance Ernestine.

Gwenn-Aël Bolloré a publié cette photo dans son livre sur son aïeul « Voyages en Chines et autres lieux » avec ce sous-tire : « L'usine d'Odet à la mort de Jean-René Bolloré » (décédé le 19 mai 1881), et en la tronquant des sous-titres et marques de l'éditeur photographe Villard.

Depuis cette publication tout le monde affirme que la prise de vue date précisément de 1881. Mais certains faits nous inclinent à croire que la vue photographiée d'une part et la publication en carte postale Villard d'autre part sont un peu plus tardives.

Tout d'abord, à gauche du cliché, la grande cheminée à la fumée abondante et sa chaudière nécessitent un débit d'eau important. Or la chaudière produisant la vapeur nécessaire aux rouleurs sécheurs ne sera en fonction qu'en 1886-88, le cadastre de la commune d’Ergué-Gabéric indiquant une « machine à vapeur » en tant que construction nouvelle achevée en 1886 et déclarée aux impôts l’année 1889. Le canal amenant l'eau à l'usine a été creusé dans les années précédentes en remplacement du cours d'eau du Bigoudic qui n'était plus suffisant.

Ensuite la production des cartes postales Villard a sans doute commencé dans 1880-1890, mais sous la forme de photos contrecollées sur cartons. Ici il s'agit d'une édition imprimée, avec le titre en surimpression « Papeteries de l'Odet - Environs de Quimper » et sur le côté « Collection Villard, Quimper ». Il n'y a pas de numéro comme sur les séries des années 1910 (cf Kerdévot, Lenhesk, Stangala-Meil-Poul). Il nous semble plus probable que la carte a été éditée au plus tôt dans les années 1890-1900.

Enfin les quelques cartes en circulation sont datées des années 1906 à 1910 avec leurs timbres de couleur orange-rouge à 10 centimes représentant une semeuse. Ce timbre est sorti en 1906, et sur les deux cartes ci-dessous l'année oblitérée à deux chiffres (par ex. 06 pour 1906) est difficilement lisible, hormis le premier 0.

La carte Villard nous permet de repérer un peu plus chaque bâtiment de l'époque, les routes et cours d'eau (dont le ruisseau central Bigoudic), et de comprendre l'orientation nord-est sud-ouest, le long de l'Odet. Au milieu de la photo Villard on distingue nettement le grand bâtiment dénommé par la suite « Keromelette » et qui servait de logement aux cadres, directeurs et personnel. Le manoir et la petite chapelle sont non visibles, car cachés à droite derrière la pente boisée.

 

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLa première carte a circulé entre Quimper et Scaër dans les années 1906-1909, un 28 décembre. Elle est écrite par Léon Bolloré, frère du René Bolloré décédé en 1904 et oncle du nouveau patron René Bolloré, et adressée à Jean-Pierre Rolland, originaire d'Odet et contremaitre de fabrication à l'usine sœur de Cascadec. Le contremaitre a déjà adressé ses vœux, et son patron lui répond dans un style qu'on hésite à qualifier soit de condescendant, soit de familier et chaleureux : « Merci de vos vœux Rolland », « Je vous retourne les miens sincères », « Sentiments fidèles ».

La relation de Jean-Pierre Rolland avec Léon Bolloré était proche car il a été embauché très jeune par les Bolloré en 1868 (il avait 13 ans), et a il participé avec lui à la mise au point de la fabrication des papiers minces. En 1913, en voyage à Paris et en Allemagne il écrit au nouveau patron René Bolloré, neveu de Léon, qu'il a fait une visite à son oncle : « Nous avons diné hier au soir chez Monsieur Léon. Je suis très content de l'avoir vu. Je l'ai trouvé très bien, un peu maigri mais très bonne mine. »

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLa deuxième carte a circulé entre Quimper et Nantes avant les années 1910. Prénommée Mathurine, la lingère employée par les Bolloré explique à son amie d'enfance les conditions de travail et de séjour à Odet, « dans mon trou, ici on a guère de distractions » dit-elle.

Elle y indique où est sa chambre de bonne qu'elle marque d'une croix sur la photo, une mansarde dans la grande maison de logements qu'on a appelée par la suite « Keromelette » quand elle servit aussi de cantine : « cette carte qui représente l'usine et notre maison, j'ai fait une croix sur ma fenêtre et un point sur celle de ma lingerie ».

Quant aux patrons, elle les décrit comme très compréhensifs : « Monsieur est très gai et me fait toujours rire », « mes patrons sont tout à fait bons pour moi ». Son malheur est la solitude : « je suis un peu seule dans mon petit palais ».

En savoir plus : « Vue des papeteries de l'Odet, carte postale Villard, 1881-1906 »

11 Le chant du meunier de Moguéric

Billet du 05.11.2016 - « Et c'est depuis ce jour, Qu'on raconte alentour, Qu'automne hiver, printemps été, Le moulin est rompu. Dans le silence des pierres, Vient résonner un air, Comme les vents aiment tourbillonner Sous le chant du meunier » (Dan ar Braz et Clarisse Lavanant, 2009)

Louis Rospape, qu'on appelait localement « Louch », fils du meunier du moulin du Temple en Edern, était depuis les années 1910 meunier du moulin de Mogéric, situé à Briec sur la rive droite de l'Odet, attenant au manoir Bolloré et à l'usine de fabrication de papier d'Odet.

L'idée répandue était que, dans les années 1930, l'industriel papetier René Bolloré fit gracieusement don à Louis Rospape du moulin de Troheir en Kerfeunteun, en échange de celui de Mouguéric qui devait s'arrêter. Un jugement de décembre 1927 par la cour d'appel de Rennes rétablit une vérité bien différente.

Tout d'abord Louis Rospape n'est pas propriétaire du Meil-Moguéric : « (par) acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il (Bolloré) a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape, la propriété ... appelée le Moulin de Moguéric ». C'est donc en tant que locataire du propriétaire Bolloré qu'il exercera ensuite son métier jusqu'en 1927, et enfin, lorsque René Bolloré lui signifie son congé d'Odet, il doit signer un nouveau bail auprès du propriétaire du moulin de Troheir.

Il n'y a donc pas eu de cadeau, ni de transaction d'échange. Bien au contraire le meunier s'estime lésé et réclame même une indemnité d'éviction, conformément à la loi du 30 juin 1926 lorsque « l'acquisition a eu lieu dans le but d'agrandir les locaux où s'exerce le commerce ou de fonder une succursale ». Et il obtient un jugement favorable de la part du tribunal civil départemental de Quimper le 18 mars 1927.

Par contre le 12 décembre 1927 la cour d'appel de Rennes donne raison à René Bolloré en invoquant une série d'arguments qui nous semblent un peu spécieux :

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgLa proximité de l'usine n'est pas suffisante, bien que manifeste : « les premiers juges, pour admettre le principe de l'indemnité font découler cette preuve de la situation du Moulin de Moguéric, ainsi que des fins industrielles auxquelles Bolloré le destine »

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgL'arrêt du moulin a permis de régler un problème de débit d'eau pour les bassins de décantation : « il (Bolloré) a, par ce moyen, tenté d'assurer l'épuration des eaux résiduaires de son industrie restituées ensuite à la rivière, sans avoir à se préoccuper du droit du meunier à l'usage de la totalité des eaux de l'Odet pendant la période d'été.  »

 

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgDès qu'il s'agit de droit d'eau, ce qui est ici obligatoirement le cas pour le moulin et l'usine, on n'entrerait pas dans le cadre de la loi : « l'expression « Locaux à usage industriel » employée par l'article 5 de la dite loi, quelque large qu'elle soit, ne peut comprendre un droit aux eaux d'une rivière, ni les aménagements effectués pour assurer l'exercice de ce droit ».

Le moulin de Moguéric s'est arrêté, le bief et la roue ont été détruits, les bâtiments agricoles ont été réhabilités en logements d'appoint, et Louis Rospape a quitté les lieux pour s'installer au grand moulin du Troheir en Kerfeuteun.

Louis, marié à Marie Huiban en 1908, aura trois enfants : Marie, épouse Gouiffès ; Yves, époux d'une demoiselle Seznec ; Anne, épouse de Jean Le Braz, qui reprendra la succession du moulin de Troheir pour en faire une boulangerie industrielle. L'artiste et grand guitariste Dan ar Braz, neveu de Jean et fils de Corentin, a peut-être pensé à la famille de sa tante quand il a, avec Clarisse Lavanant, fait une reprise de la chanson enfantine galloise « Can y Melinydd » (Le Chant du Meunier) en français :

Dans le silence des pierres
Vient résonner un air
Comme les vents aiment tourbillonner
Sous le chant du meunier

Moulin à vent moulin à eau,
Tournez plus fort tournez plus haut

L'hiver dans ces lieux
Discret et mystérieux
Entre la farine et les grains
Chérissait son moulin

En savoir plus : « 1927 - Demande d'indemnité d'éviction du meunier de Moguéric au papetier d'Odet »

12 Bulletin couleur bleue Kerdévot

Billet du 23.10.2016 - Le « bleu Kerdevot » n'est ni un « bleu Roi », ni un « bleu de France » qui sont plus foncés, et encore moins un bleu marine. La valeur exacte de la teinte tendre de Kerdévot est définie par le triplet hexadécimal #3286cc ou le code RVB 50 134 204.

Ceci étant dit, le nouveau bulletin est avant tout une invitation aux balades dans nos recoins de campagne et d’y remonter l’horloge du temps :

Image:Right.gif Le manoir de Kerdudal est en photo de couverture et l’histoire du village est retracée dans les 4 premiers articles.

Image:Right.gif Le petit patrimoine de Pont-Odet, avec un relevé des gargouilles de l’église St-Mathieu et d’une croix-calvaire.

Image:Right.gif Kerdévot, 3 articles pour une visite guidée de la chapelle, une conférence en langue bretonne, un bleu inimitable, et des pages du cantique « Itroun Varia Kerdevot air Laudate Mariam » publiées en 1881.

Image:Right.gif Et enfin, avec une vue aérienne en 4e de couverture, les explications en dernières pages sur les fouilles archéologiques de cet été à Parc-al-lan.

Sans oublier une interview de Martial Ménard, l’éditeur engagé des « Mémoires d’un paysan bas-breton », et les formulettes bretonnes relevées à Ergué-Gabéric au 19e siècle.

Et aussi, les pigeons voyageurs de Jean Lazou qui fut dans les années 1930 un colombophile averti et passionné de concours. Plus la réquisition des chevaux imposée aux gabéricois en l’an 2 de la République.

Et enfin l’anatomie d’une photo de 1931 ou 1933 prise par un grand photographe à bord de la vedette Dahu II de l’industriel papetier René Bolloré.

Bien entendu, les recherches et découvertes grand-terriennes vont se poursuivre encore et encore …

Le bulletin en ligne : « Kannadig n° 35 Octobre 2016 »

 

13 Anatomie d'une photographie

Billet du 16.10.2016 - Jusqu'au 26.02.2017 à la BnF on peut voir une belle exposition « La France d'Avedon. Vieux monde, New Look », dont le cœur est le livre « Diary of a century » de Richard Avedon qui nous fait découvrir l’œuvre de son prédécesseur grand photographe, Jacques-Henri Lartigue.

Et parmi les oeuvres de Lartigue, il y a cette photo révélée lors d'une exposition de l'Association des Amis de Jacques-Henry Lartigue au Grand Palais. Michel Frizot en fit publier le catalogue en 1987 de l'éditeur Robert Delpire. Ce sont des photos « 6/13 » tirées à partir des négatifs sur verre au format stéréoscopique 6 x 13 cm. Page 47 le titre de la photo qui nous intéresse est préfixée par ce texte : « 1926. Juillet. Royan ».

Gwenaël Bolloré dans son livre "Mémoires Parallèles" présente une datation plus tardive, 1933 et non 1926 : « De mon père, Lartigue a laissé de nombreuses photos qui ont été d'ailleurs exposés au Grand Palais et certaines sont très émouvantes pour nous, ses enfants. Elles ont été prises en 1933 sur le pont du bateau familial, le Dahu II, vedette de trente et quelques mètres. On y voit mon père sur une chaise longue, emmitouflé de couvertures, et ce n'était pas comme l'ont fait remarquer de mauvaises langues parce qu'il avait le mal de mer, mais bien plutôt parce que son cancer gagnait méthodiquement du terrain. »

La date de 1933 nous paraît plus crédible car son grand père René Bolloré est décédé le 16 janvier 1935 à l'âge de 49 ans, emporté par un cancer  de  la  gorge.  Néanmoins,  les  derniers

  clichés de la collection Delpire sont datées 2 ans auparavant, 1931 nous paraît plus acceptable.

Plus précisément, sur la photo Bibi, première épouse de Lartigue est allongée au premier rang, presque hors champ, la main posée sur le fauteuil de Denise Grey. Cette dernière, jeune actrice de moins de 40 ans, écosse des petits pois, assise sur un fauteuil en osier. Et René Bolloré avec sa casquette de marin sur la tête, en robe de chambre, mi-allongé sur son fauteuil, observe ses passagers.

En juin 2013, 19 tirages photographiques de l'exposition Lartigue furent intégrés dans une grand vente aux enchères « Photographies XIXème et XXème » par le commissaire Christophe Joron-Derem à l'hôtel Drouot qui présente aussi entre autres des clichés de Capa, Cartier-Bresson, Doisneau ...

Sur le cliché de Lartigue on remarque aussi trois bouées de sauvetage accrochées au bastingage du pont avant. Cette configuration est confirmée par les photos prises à la même époque par un membre du personnel affecté au bateau, arborant le tee-shirt « Dahu II Y.C.F ».

Image:Square.gifImage:Spacer.jpgEn savoir plus : « Jacques-Henri Lartigue, photographe à bord de la vedette Dahu II de René Bolloré en 1931 »

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