Lettre du 10 décembre 1641 de Guy Autret à Mademoiselle de Kerescant (Bernard, IV) - GrandTerrier

Lettre du 10 décembre 1641 de Guy Autret à Mademoiselle de Kerescant (Bernard, IV)

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Catégorie : Personnages/Autret
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§ E.D.F.

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Retiré dans son manoir campagnard de Lezergué ou en voyage à Rennes ou Paris, Guy Autret a été un épistolier infatigable et ses missives sont riches d'enseignements sur les familles nobles bretonnes et sur certains évènements nationaux historiques en plein 17e siècle.

Autres lectures : « 1640-1648 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Daniel Bernard » ¤ « 1642 - Quatre nouvelles lettres inédites de Guy Autret, transcriptions Daniel Bernard » ¤ « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc » ¤ « Espace Guy Autret (17e) » ¤ « Guy Autret, seigneur de Missirien et de Lezergué (1599-1660) » ¤ 

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[modifier] 1 Présentation

Lettre publiée par Daniel Bernard [1] dans son étude (BSAF, 1940), pages 10-11, où Guy Autret fait part à sa nièce de l'envoi d'une robe et jupe, d'une coiffe et d'un parement de dentelle. L'original est introuvable à ce jour, sans doute toujours conservé dans des archives familiales auxquelles Daniel Bernard a eu accès.

Cette lettre envoyée le 10 de Rennes, où Guy Autret est en déplacement pour ses divers procès, à Quimper à l'attention de l'une de ses nièces par alliance, Guillemettte Beaujouan, épouse Kerescant, commence par « je vous envois la robe et la jupe (bien faite à la hâte) de ma niepce du plessix ». La robe est donc pour la sœur de Guillement, à savoir Yvorée, dame de Plessis, pour qu'elle puisse la porter le 13.12 à la grande foire de St-Corentin à Quimper.

Jacques du Haffond de Kerescant, mari de Guillemette et procureur du roi à Quimper, est aussi un lointain cousin de Guy Autret, et ils sont régulièrement en correspondance pour des affaires de succession. Kerescant est une terre noble de l'ancienne paroisse Plonivel, aujourd'hui Plobannallec-Lesconil, non loin de la propriété bigoudène de Guy Autret (Kergoz en Plomeur).

Guy Autret fait également parvenir une coiffe à sa nièce Guillemette, qu'il appelle mademoiselle car il s'en était occupé avant son mariage, lors du décès de l'ancien procureur de Quimper Jean Beaujouan. Cette coiffe n'est bien sûr pas la coiffe bigoudène qu'on connaît aujourd'hui, car elle n’est devenue haute qu’au XXe siècle dans l'entre deux guerres.

Et le courrier mentionne aussi l'envoi d"une « cravate ou collet à la mode tost près, petit collet, bandeau et bouts de manches de batiste [2] et à languetes ». Ces accessoires de mode devaient être très appréciés par la jeune noblesse quimpéroise et bigoudène. On note comme parement ces pièces en « batiste  », c'est-à-dire en toile de lin très fine en provenance du Cambrésis ou pays de Cambrai.

Un autre détail de la lettre fait référence à un évènement historique national : « L'on dit que la dentel s'en va deffandu et de mesme que la dantel d'argent ». Pendant le règne de Louis XIII, l'usage de la dentelle était synonyme de frivolité mondaine, et l'église catholique qui voulait conserver les ornements pour ses autels et habits ecclésiastiques demanda qu'elle soit interdite par ailleurs. En 1629 un édit de proscription de la dentelle fut publié, mais les fans de mode bravèrent l'interdit.

Et Guy Autret, en 1640, s'en moque même : « on a mins pour tant une petite à la plessix, quitte pour l'hoster quand l'édit sera venu ». Quant au type de la dentelle mise sur la robe de la dame du Plessis, il est vraisemblable qu'elle fut classiquement de fils de soie, et non d'argent. Et peut-être, avons nous là une dentelle précurseuse de la dentelle dite « bigoudène » !

Le prix de tous ces accessoires et travaux d'assemblage de la couturière est également mentionné pour « quinze livres dix huit sols », ce qui ferait à raison d'une livre de 1641 pour 16,1 euros un prix total actuel de 256 euros. Guy Autret évoque aussi que, hors les frais de transport, il dut payer un « teston », soit 10 sols ou une demi-livre, pour que le porteur attende les quelques heures nécessaires pour finir la robe.

[modifier] 2 Transcription

Mademoiselle,

Ma très chère et honorée niepce, je vous envois la robe et la jupe (bien faite à la hâte) de ma niepce du plessix [a], car aujourd'hui à 10 heures on ni avoet pas fait un point d'éguille, et a faillu promettre un teston [3] au messager outre le port pour atandre jusques à trois heures apres midy, mais je jugoet qu'à cause de la foere Saint-Corentin, il failloet avoir cette besoigne tout présentement.

Je vous envois vostre coeffe, cravate ou collet à la mode tost près, petit collet, bandeau et bouts de manches de batiste [2] et à languetes. Madame, de Tronjoli [b] a fait le prix de tout et j'ayé payé suivant le mémoere de sa main, que je vous envois.

Ceste petite besoigne revient à quinze livres dix huit sols, come vous voiés par le dit mémoere. J'espère que vous les trouverés bien faits, je vous assure que je y aye prins paîne.

L'on dit que la dentel s'en va deffandu et de mesme que la dantel d'argent, on a mins pour tant une petite à la plessix, quitte pour l'hoster quand l'édit sera venu.

 

Ne soiés point en paine de l'affaire de la Kermadio. J'espère en venir à bout et vostre considération et celle de mon cher cousin de Kerescant me la font entreprendre avec tel soign, que j'espère que vous avouerés que vous avés un parant et un serviteur qui ne manque jamais au besoign.

Je n'ai scay aucune chose de la mère de Vaugert que par ce que vous m'en écrivés et que ma fame m'en aprends, je feray et en cela et en toutes choses tout ce qui me sera possible pour votre satisfaction. Je ne pense pas m'en retourner de longtemps.

Je voudrais contempler vostre gravité pendant vostre grossesse. Je suis infiniment aise de vous voir en cest estat et prie Dieu qu'il vous doint heureux accouchement. Je vous conjure de conserver tousjours un peu de bienveillance pour celui qui a fait vœu d'estre éternellement, ma chere niepce,

vostre très humble serviteur, Missirien.
À Renes, le 10 décembre 1641.

Notes (Bernard) :

  1. Yvorée Beaujouan, fille de Jean Beaujouan et d'Anne Morice, soeur de Guillemette, femme de Jacques du Haffont. Yvorée était mineure à la mort de son père et il est souvent question des difficultés occasionnées par son compte de tutelle, dans les lettres. [Ref.↑] 
  2. Plusieurs familles portèrent ce nom. Il s'agit probablement de Jeanne de Kerousy, fille aînée de Jean de Kerir, seigneur de Kerousy et de Françoise de Ploeuc, qui épousa, par contrat du 1er septembre 1629, Vincent de Kergoët, seigneur de Tronjoly, en Cléder. [Ref.↑] 

[modifier] 3 Sources


[modifier] 4 Annotations

  1. Daniel Bernard (1883-1971) est un historien et archéologue breton spécialisé dans la bibliographie bretonne et dans l'histoire de la Révolution en Basse-Bretagne. Rédacteur puis inspecteur des PTT, il a publié un mémoire intitulé « Histoire de la poste aux lettres en Bretagne du XVe siècle à la Révolution ». Autres publications : « Bibliiographie de l'histoire de la Révolution », « Bibliographie des articles et mémoires publiés sur l'île de Sein », « Quelques lettres inédites de Guy Autret », « Le clergé régulier et le clergé séculier dans le Finistère sous la Révolution et le Directoire », « Monographie de Cleden-Cap Sizun », « Les cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau ». Il a donné sa bibliothèque à la Faculté des Lettres de brest, et ses archives aux Archives départementales du Finistère. [Ref.↑]
  2. Batiste, s.f. : fine toile de lin très appréciée tout au long des siècles et d'origine du Cambrésis (région de Cambrai, Nord). La liturgie catholique fait grand usage de ce tissu blanc, notamment pour le vêtement des officiants. Au 19e siècle, les effets de la mode, l'apparition de nouveaux tissus, notamment le coton, puis la mécanisation entrainèrent une baisse de fabrication de la batiste. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 2,0 2,1]
  3. Teston, s.m. : monnaie d'argent frappée à l'effigie d'un monarque, d'abord en Italie, puis en France sous le règne de Louis XII, et qui valait à l'origine environ dix sols (TLFi). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]


Thème de l'article : Histoire du patrimoine culturel gabéricois

Date de création : Novembre 2016    Dernière modification : 10.12.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]