Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier - GrandTerrier

Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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Anciens billets : [Actualité, archives]

1 Un terrible sanglier naturalisé

Billet du 09.04.2016 - Non ce sanglier solitaire empaillé n'est pas un poisson d'avril ! Contrairement aux bisons femelles du billet de la semaine dernière dont la présentation potache a échappé à beaucoup de lecteurs, semble-t-il, sauf bien sûr au vigilant et affuté Yann-Steoñ (*).

Vous trouverez en facsimile cette édition épuisée et rare de la plume d'un père Jésuite en 1951 et racontant des histoires vécues du temps de René Bolloré père, ce dernier étant décédé en janvier 1935. Elle fait suite à deux tomes « Et j'ai songé ... » rassemblant d'autres souvenirs, la plupart anonymes et dédiés à ses anciens élèves.

Ici l'anonymat est également simulé, dans le sens où le « héros » des textes, nommé « X. » ou « mon ami », est bien sûr le papetier René Bolloré (1885-1935) dont les exploits s'enchainent dans 15 chapitres, dont ce chapitre 4.

Les deux hommes se connurent sans doute lors d'un séminaire d'anciens élèves du collège Saint-François de Vannes ou lors d'une prédication du père jésuite dans les années 1920 (cf témoignage de Louis Barreau de 1925).

Le récit démarre par une ambiance de chasse à courre : « les piqueurs ne pouvaient que sonner la retraite » ; « Rocambol, le plus beau type de la meute, n'était pas au rendez-vous et le piqueur-chef se demandait ... ».

Le lieu de chasse est magnifique : « à l'intérieur de la forêt, se trouve une étroite vallée, couverte d'herbes hautes, encaissée entre les deux collines, avec, au milieu, un ruisseau rapide, aimé des truites et courant sous des saules ».

La localisation précise n'est pas donnée par le père jésuite, mais un ancien de Lestonan, Laurent Huitric, nous a transmis cette information : « M. Bolloré avait une chasse dans la forêt du Huelgoat, où il avait failli être tué par un énorme sanglier ».

Ce fameux sanglier est décrit ainsi : « le terrible sanglier » ; « un vieux solitaire, puissant et rusé, d'un poids énorme et aux formidables défenses ». Après beaucoup de suspense, une attaque surprise de la bête, le fusil de chasse à double canon donnera au chasseur son statut de « vainqueur ».

En 1944, le sanglier est placé au moulin voisin de Mouguéric, tout proche du manoir d'Odet, comme le témoigne le fils de Louis Barreau qui y séjourna pendant l'été : « près de l'usine d'Odet, une ancienne ferme joliment transformée en rendez-vous de chasse ... À l'entrée, se dressait, debout sur ses pattes postérieures, un sanglier empaillé. »

 

En 1951, date d'édition des « Souvenirs d'un Ami » , l'animal empaillé est dans le hall du manoir familial : « Les visiteurs de l'usine peuvent voir maintenant, dans le vestibule de la maison d'habitation, empaillé et débout sur ses pattes de derrière, le terrible sanglier ».

Aujourd'hui la silhouette naturalisée y trône toujours, debout sur le socle d'un porte-manteau, avec sur la tête le képi militaire des Services des Poudres laissé après guerre par le fils aîné du chasseur, prénommé également René.

En savoir plus : « Un terrible sanglier solitaire tué et empaillé par René Bolloré », « LA CHEVASNERIE - Souvenirs d'un Ami »

(*) Mail de Yann-Steoñ de Beg-Meil reçu le 2.04 à 10:01 : « Excellent travail d'investigation. En tant que militant écologiste je suis indigné par le comportement des chasseurs. Surtout que les bisonnettes étaient gravides. Que fait la Kommandentur ? Je pose la question. Kenavo. »

2 Le haut plateau de Quillihouarn

Billet du 01.04.2016 - « Quatre chasseurs de bisons ont été surpris en flagrant délit de braconnage ce vendredi, vers 16h, sur les hauteurs du plateau de Quillihouarn, à Ergué-Gabéric, commune limitrophe de Quimper », avril 1941.

Le 1er document inédit sur Quillihouarn en novembre 1941, en pleine période de guerre, est une belle lettre d'un agriculteur de ce village adressée au préfet, implorant son indulgence pour rester en activité malgré les impayés à son propriétaire.

L'argumentaire bien affuté de l'agriculteur ne manque pas de toupet, voire de panache : « vraiment nous ne méritons pas ce qu'on veut nous faire » ; « ce n'est pas étonnant que je ne pouvais arriver à payer régulièrement avec toutes ces pertes ».

De même il force le trait en énumérant ses nombreux malheurs depuis six ans qu'il exploite sa ferme de Quillihouarn :

  • Les débuts très difficiles, « J'ai eu du dur pour refaire cette ferme, il n'y avait pas de fourrages, pas de légumes, pas de fumier, mais pas un brin »
  • Les nombreux décès de bétail, « j'ai perdu six très bonnes vaches laitières avec leur veau, une épidémie dans l'écurie, d'ailleurs le vétérinaire pourrait le certifier aussi, 23 porcelets et deux truies »
  • Les injustes réquisitions de temps de guerre , « J'ai eu aussi un cheval de 5 ans réquisitionné pour la somme de 4.800, et pour le remplacer j'ai dû mettre 40.000 »
  • Les problèmes familiaux, « j'ai aussi avec moi une fille qui attend un bébé bientôt, que deviendrons-nous tous, si vous nous mettez à la porte, que ferais-je de mon matériel et de mes bêtes, nous ne trouvons pas même à nous loger. »

Manifestement le conseiller du préfet n'accorde pas crédit à François Divanach. Et de plus le préfet Maurice Georges n'apprécie ni les impertinences, ni les idées communistes ...

Pourtant, François Divanach put rester à Quillihouarn, au moins jusqu'en mai 1943, car il fait partie des 165 agriculteurs de la commune qui devront payer une amende à la Kommandantur pour insuffisance communale de livraison de beurre.

En savoir plus : « 1941 - Demande au préfet d'un délai pour des impayés de fermage à Quillihouarn »

 

Le deuxième document est une coupure de presse qui rappelle qu'en avril 1941 il y avait encore, dans certains villages de la commune, des troupeaux de bisons sauvages qui faisaient le bonheur de quelques chasseurs mal intentionnés.

En effet, dans l'édition locale de la « Dépêche de Brest » du 01.04.1941, on trouve cet entrefilet sur quatre chasseurs verbalisés par un garde-chasse et la kommandantur avant leur tentative de fuite dans leur « Traction Avant » jaune, avec dans le coffre arrière deux bisonnettes gravides abattues froidement.

Leurs méfaits sont d'avoir :

  • « commis cinq infractions, notamment pour des tirs de bisons hors plan de chasse et le fait d'avoir utilisé des munitions non conformes »
  • « ulcéré plusieurs habitants d'Ergué-Gabéric résidant dans le secteur de Quillihouarn ... contourné les lois dans des conditions dangereuses pour autrui ... comme des voyous »

En savoir plus : « Braconneurs de bisons sur le plateau de Quillihouarn, Dépêche de Brest 1941 »

Nota bene: le prochain bulletin Kannadig de la mi-avril est en cours de préparation, ainsi que les reçus fiscaux des donateurs. Qu'on se le dise !

3 La symbolique du coq français

Billet du 26.03.2016 - « À cette réunion présidée par Monsieur Louis Garin, on remarquait tous les employés et tous les chefs de chaque genre de métiers de l'usine. Le "Coq Barbedienne" 0 m 95 de haut a obtenu l'unanimité des voix.  » 0det, 3 juillet 1922.

Les cahiers de marque « Le Coq Français » de R(ené) Bolloré avaient été créés dans les années 1910-20. Ces emballages en carton plié étaient les successeurs de la boite métallique pour papier à rouler de 1914 avec son dessin de soldat poilu en pantalon garance.

Les tout premiers cahiers font apparaître la signature « Steinlen » du célèbre artiste qui dessina la silhouette du coq français. Il s'agit de l'illustrateur suisse et montmartrois, Théophile Alexandre Steilen (1859-1923), ami des peintres Luce, Toulouse-Lautrec et Picasso, caricaturiste engagé et collaborant avec les journaux anarchistes de l'époque et l'Assiette au beurre ou Le Petit Journal.

Et pour la revue « Cocorico » de Paul Boutigny, Steinlen créa la couverture du 13 janvier 1899 avec ce fameux coq chantant.

Le logo du coq a été décliné par la suite avec plusieurs jeux de couleurs vives : noir et crête rouge, bleu ou doré avec la crête blanche. En arrière-plan ajouté, le soleil se lève et diffuse ses rayons.

Au recto du cahier, la « marque déposée » est constituée par un blason a priori fictif avec une épée et deux étoiles, surmontées d'un casque qui ressemble à un bonnet de fou du roi. Et la référence à l'entreprise de papeterie est « R. Bolloré Odet-Quimper France ».

Le choix d'un coq fait l'objet en juillet 1922, un mois après la fête du centenaire des usines du 8 juin, d'un cadeau des employés des papeterie à l'entrepreneur René Bolloré « en signe d'attachement et de gratitude ». La statue offerte est toujours exposée dans le hall du siège de l'entreprise à Ergué-Gabéric. Deux documents inédits et une photo en NB attestent du cadeau fait à leur patron par le personnel.

Dans le premier, le compte-rendu de réunion du comité des cadres, l'intention est exprimée ainsi : « Offrande d'un souvenir à Mr R. Bolloré. En signe d'attachement et de gratitude ».

 

Et la dédicace qui sera apposée sur le bronze doré se veut explicite : « Centenaire des Papeteries d'Odet 1922-1922. Hommage du personnel des usines d'Odet et de Cascadec. À monsieur René BOLLORE ».

Le second document est une lettre accusée de réception de commande par l'entreprise de fonderie F. Barbedienne. L’œuvre du sculpteur animalier Charles Paillet est tout simplement titrée « Le Vainqueur ».

Deux articles pour en savoir plus :
« Les cahiers de papier à cigarette "Le Coq Français" et "OCB" Bolloré », « 1922 - Offrande du Coq Barbedienne "Le Vainqueur" à René Bolloré par son personnel »

4 Gwerz ar vosenn wenn Elliant

Billet du 20.03.2016 - « Et eo ar vosenn a Elliant, Et ’zo gant-hi seiz mill ha kant ! » La Peste est partie d’Elliant, Elle a emporté sept mille et cent !

La version la plus connue de cette complainte ou « gwerz » bretonne est celle du Barzaz Breiz de Théodore Hersart de la Villemarqué. Mais celle publiée par l'archiviste François-Marie Luzel est plus qu'intéressante.

On y trouve des passages communs (les 7100 morts, la charrette des enfants morts tirée par leur mère et suivi d'un père sifflotant), mais la construction globale et le style semblent plus authentiques. De plus Luzel cite ses sources de collectage, une chanteuse de Plomeur, tout en ajoutant des variantes, dont la strophe localisée au Grand-Ergué.

Luzel précise que la gwerz provient d'un collectage d'amis organisé par son collègue Le Men des archives départementales, et la variante de la fin de la strophe 2, a été fournie par le celtophile Louis-François Sauvé :

« Person Elliant ’zo bet kuitet,
D’ann Erge-vraz brema ‘z eo et ;
Preparet ’n euz ur walik-wenn,
Da roï d’ann dut ann absolvenn ;
D’ar re ’ oa klan gant ar vosenn !
 »

(Traduction : Le recteur d’Elliant est parti, Il est allé au Grand-Ergué ; Il a préparé une baguette blanche, Pour donner l’absolution aux gens ; À ceux qui étaient malades de la peste !)

En quelle année, en quel siècle, eut lieu cette peste d'Elliant ? Il est peu probable qu'elle date du fléau du 14e siècle, à savoir la fameuse Peste Noire qui se répandit dans toute l'Europe. Dès le début du 16e siècle il y eut en Bretagne une succession d'épidémies qualifiées aussi de pestes.

À noter que le texte de Luzel est « ’Ma ’r Vosenn-wenn e penn da di » (La Peste blanche est au pignon de ta maison), ce qui exclut l'idée d'une peste bubonique classique, mais pourrait couvrir aussi la tuberculose ou la dysenterie. Le 17 juillet 1565 les chanoines de la ville de Quimper qui avaient du quitter leur ville vont tenir « chapitre au Grand-Ergué, pour se réfugier ensuite à Fouesnant car la maladie « gagnait le pays ».

 
Tableau de Louis Duveau, Musée de Quimper. « O welet seiz mab ’n un tiad O vont d’ann douar ’n ur c’harrad ! » (sept fils d’une même maison, allant en terre dans une même charrette)

Jean-Marie Déguignet, le paysan mendiant d'Ergué-Gabéric, a donné aussi un brin d'explication sur cette légende régionale :

« Cette Bossen est représentée sous la figure d'une vieille femme. Il y en a qui disent qu'elle est la Mort elle-même, d'autres disent qu'elle n'est que la pourvoyeuse de l'Ankou qui seul a le droit de trancher le fil de la vie ».

En savoir plus : « LUZEL François-Marie - Bosenn Elliant, gwerz de la Peste d'Elliant », « L'histoire de la Bossen, la peste d'Elliant, par Jean-Marie Déguignet »

5 Parc-al-Lann aux 18e/19e siècles

Billet du 13.03.2016 - Alors que le village au centre de la commune va vraisemblablement intégrer le site industriel voisin, il était important d'évoquer son passé, ses occupants, et la nature environnante, ceci grâce à deux documents d'archives et avant que l'oubli ne s'y installe.

Le premier document est un bail à ferme qui nous a été communiqué par l'arrière-arrière-petit-fils d'Hervé Hostiou et Marie Anne Le Gallou, les agriculteurs locataires de la ferme de Parc-al-Lann en 1861. Dans ce document, les obligations imposées par le bailleur sont détaillées très précisément.

  • Pour les taillis de châtaigniers et de bois commun, chaque année est programmée : « La deuxième année il coupera la moitié des pousses de châtaigniers existant dans la partie haute de la taille près Parc Al-lan », ce qui veut dire que tous les 3 ans chaque châtaigner est taillé, ceci afin d'accroitre les sections de coupe des troncs restant sur chaque souche.
  • L'emploi du bois pour la fabrication d'une charrette est même prévu : « Le propriétaire désignera un arbre à abattre pour être employé à la confection d’une charrette ».
  • Le ramassage des feuilles des arbres est règlementé ... ; le fermier doit également replanter ... ; quant au jardin, le bailleur en a la jouissance, mais le fermier doit bêcher ...
  • Et le preneur doit veiller à la transformation des châtaigniers en poteaux et bois de charpente : «  il laissera les renaissances de châtaigniers en quantité suffisante pour servir aux réparations des barrières et des couvertures des bâtiments  ».

En savoir plus : « 1861 - Bail à ferme et coupes de chataigniers à Parc-al-lan »

Le deuxième document est un inventaire des biens sur succession du fermier du village de Parc-Allan à la veille de la Révolution française, conservés à l'annexe de Brest des Archives Départementales du Finistère.

Outre la vaisselle de faïence, les pots et écuelles de terre, on y trouve des matériels divers et varié, du dévidoir et hachoir de chanvre aux poëles à crêpes.

  • La vaisselle a son importance : « un vaisselier garni de cinq assiettes d'étain, onze assiettes de fayance, deux écuelles blanches, deux soucoupes, », en provenance sans doute des faïenceries de Quimper-Locmaria.
 
  • Les poteries de terre sont nombreuses : « Le tiers des ecuelles de terre ... neuf assiettes de terre ... six terrines de terre ... deux pots de terre brune ...  ».
  • On pourrait penser que ces poteries ont été fabriquées sur place, car Parc-al-lann a connu plusieurs générations de potiers (cf détail dans l'article).
  • Par contre on note la présence d'un outil de fabrication de fils de chanvre : « Une charette à dévider du fil avec son fuseau, sa croisade et canelles (ettes?)  ».

Et bien d'autres objets aux anciens noms si évocateurs : « membrures » (support de poutre), « tarrière » (gouge), « chartil » (corps de charrette), « charret(te) » (dévidoir), « teille » (hachoir de chanvre), « quelorne » (baquet) ...

En savoir plus : « 1787 - Inventaire et succession de Germain Moizan de Parc-Allan »

6 L'effet papillon de Lezergué

Billet du 04.03.2016 - Les membres de la Société archéologique du Finistère viennent de recevoir le dernier bulletin annuel, revue au contenu toujours aussi riche qu'intéressant, dont cet article de Grégory Floc'h intitulé « Lézergué, en Ergué-Gabéric. Étude d'un château du XVIIIe siècle breton ».

Grégory Floc'h est un spécialiste reconnu des châteaux en Bretagne aux époques ancienne et moderne. Il a déjà publié des articles documentés sur les châteaux du Léon aux 17e et 18e siècles, sur l’âge classique du château du Vannetais, et, pour le CRBC, des études de cas du patrimoine architectural breton disparu.

Ici il signe un bel article de 18 pages sur un château presque disparu de notre campagne cornouaillaise, avec cette citation en dédicace : « Une ruine n'est belle que si elle présente les restes d'une existence jadis complète » (Fernand Pouillon).

On y trouve notamment :

  • des références inédites d'archives, comme le séquestre de meubles et l'inventaire des papiers de l'émigré de La Marche à Jersey, ou iconographiques, comme les relevés de plan de Bernard Le Moën, architecte DPLG, et le cliché Robineau de 1930.
  • les relevés commentés des pièces du château sur la base des plans de Joseph Bigot, et des parcelles attenantes grâce aux actes et au cadastre.
  • des précisions sur les richesses des lieux, la façade principale du « maître-logis », l'escalier monumental exceptionnel « inscrit dans la tradition », la « rabine de sapins (d'où le surnom de la croix des épines ?) » car Kroas-Spern n'est pas loin  !
  • des descriptions évocatrices et inspirées : « Le visage du château est français, mais le granite lui a donné l'accent breton ; le haut toit, à pentes simples, couvert d'ardoises, passe pour un provincialisme, mais c'est une erreur, il est relatif au type architectural : c'est l'un des symboles du château ; l'enchaînement vestitule-escalier dans l'axe, manière cornouaillaise, est hérité du "manoir breton" »
  • une conclusion qui invite à poursuivre les recherches : « les quelques ébauches données ici laissent augurer une richesse extraordinaire. La matière est là : l'exploration peut commencer ! »

En savoir plus : « FLOC'H Grégory - Lézergué, château du XVIIIe siècle breton »


Nouvelle nécrologique locale :

 
Ce dessin de Lezergué est signé An'Co, jeune artiste douarneniste. Signalons son exposition de croquis des maisons à pans de bois du vieux Quimper à l'Effet Papillon (22 Rue de Douarnenez, 29000 Quimper). Le vernissage y a lieu ce vendredi 4 mars à 18:30, en partage avec les portraits d'encre et aquarelle d'Alix.

7 Piles papetières de Paris-Düren

Billet du 28.02.2016 - Merci aux arrière-petites filles du « vieux loup de papeterie » de nous avoir communiqué une photo familiale et des lettres manuscrites de leur aïeul pour la perpétuation de son souvenir et la mémoire papetière d'Odet et de Cascadec.

Une première lettre dactylographiée adressée à Michel Abadie, propriétaire d'une manufacture à papier dans l'Orne est signée « Yves Charuel, ingénieur en chef », lequel demande à son concurrent comment il utilise son appareil "Presto" de Schopper.

« Afin de bien suivre vos fabrications » : les papiers et pates à papier Abadie pouvaient faire l'objet de commandes de la part des établissements Bolloré, mais le dynanomètre de Schopper pouvant mesurer jusqu'à 15 kg de force était prévu pour mesurer la solidité et qualité des papiers produits à Odet et Cascadec. Cet appareil commandé en 1913-14 était toujours utilisé à Odet en 1949.

Les cinq autres lettres sont de la main de Jean-Pierre Rolland, contremaitre et chef de fabrication, adressées de Paris ou de Düren à son patron René Bolloré, pour le tenir au courant des constats faits au cours de ses visites techniques.

Les premières lettres du « grand hôtel de la Gare du Quai d'Orsay à Paris » relatent la visite de la papeterie Durtal Maine-et-Loire. Les lettres suivantes sont écrites de l'« Hotel Dürener Hof », une ville réputée pour ses nombreuses usines à papier.

 

Les lettres photocopiées, et donc avec quelques mots manquants, illustrent très bien :

  • la maitrise technique du papetier autodidacte : aucun résultat de mesure, de vitesse, de qualité des pâtes produites par les piles à cylindres ne lui échappe.
  • son sens des formules dont certaines inspirées par sa langue bretonne maternelle : « il m'était impossible de demander aucune explication à aucun ouvrier en dehors de lui » : joli bretonnisme avec multiples négations ...
  • sa relation proche avec la famille Bolloré : « Nous avons diné hier au soir chez Monsieur Léon. Je suis très contant de l'avoir vu. Je l'ai trouvé très bien, un peu maigri mais très bonne mine.  » : il s'agit de Léon Bolloré, frère du précédent René, oncle du patron en fonction depuis 1904.
  • son implication dans les décisions de fabrication : « Monsieur Banirg nous promène, à droite à gauche, mais ça nous avance à rien. Il doit écrire et télégraphier à Monsieur pour essayer d'avoir la commande de la machine. », la mise en garde est motivée par des trucages dans les démonstrations de préparation de la pâte.

En savoir plus : « 1913 - Visites techniques de machines à papier en France et Allemagne »


1. Marie Joséphine ROLLAND, dite "Jeff"
2. Pierrot ÉOUZAN, surveillant, le marié
3. Marie "Reine" ROLLAND, la mariée
4. Yvonne ROLLAND, épouse RIVOAL
5. Marie Jeanne ROLLAND, ép. GUÉGUEN.
6. Jean-Pierre ROLLAND, contremaitre, père de la mariée.
7. Marie-Anne PÉTON, mère de la mariée.
8. Pierre-marie ÉOUZAN, marin de commerce, père du marié.
9. Anne Marie HAMON, mère du marié.
10. Lisette JACOB, fille de Marie-Anne

Au 1er rang, on peut admirer le costume glazig et les longs favoris de Jean-Pierre Rolland, le contremaitre qualifié par le patron René Bolloré de « vieux loup de papeterie ». La mariée et ses sœurs portent la coiffe de Scaër alors que, plus jeunes sur une autre photo, elles avaient la "borledenn" d'Odet. La mariée qui n'a que 19 ans en 1906 est déclarée dans le recensement de la population de Scaër comme « compteuse papetière » à l'usine de Cascadec où travaillait son père.

En savoir plus : « 1912 - Mariage de Pierrot Eouzan et Reine Rolland d'Odet »

8 Auguste Chuto est de retour

Billet du 20.02.2016 - « Pierrick Chuto redonne une vie aux ruraux dont on parle parfois, mais qui s'expriment rarement. Il nous offre leur façon de penser, plus diversifiée qu'on pourrait le croire », Christian De la Hubaudière.

Il ne s'agit pas de Pierre-"Auguste", « le maitre de Guenguat » (1er livre publié en 2010), mais de son petit-fils - et aussi grand père de l'auteur -, propriétaire-agriculteur à Penhars, ancien séminariste, et "prédicateur" (en langue bretonne) contre les méfaits des bouleversements apportés par la IIIe République.

Le 5 août 1905, il déclamait : « Mes n'euz fors petra a c'hoarvezo, nerz kaloun evit Doue hag ar Vro » : Mais quoi qu'il arrive, force de coeur pour Dieu et le (notre) Pays (breton).

Quant à la couverture du livre, il s'agit d'un magnifique "tableau de mission" de François-Marie Balamant, recteur de Penhars, un de ces « Taolennoù » que les curés et prédicateurs de l'époque utilisaient pour effrayer les populations par les évocations du mal et des péchés capitaux, et accessoirement contre les républicains et les francs-maçons, les inventaires des biens de l'église, les expulsions des sœurs des écoles congréganistes et des jésuites, la loi de séparation des Églises et de l'État ...

Mais ce livre n'est pas la vision exclusive du clan des cléricaux. Le but n'est pas de distribuer les bons et mauvais points, mais de présenter impartialement les conflits qu'ont vécu nos aïeux.

Le livre de Pierrick Chuto est une belle saga familiale illustrant une page d'histoire locale et nationale encore trop méconnue, et très riche d'anecdotes inédites et étonnantes. On trouvera aussi dans l'article bibliographique les références aux passages concernent plus particulièrement notre commune gabéricoise.

Image:Right.gif « CHUTO Pierrick - IIIe République et Taolennoù »
(dans les librairies quimpéroises dès la semaine prochaine)

La publication de ce livre nous amène à commenter les souvenirs d'un contemporain, Jean-Marie Déguignet, sur ces extraordinaires Taolennoù, ce pour s'imprégner encore plus de l'ambiance locale à l'avènement de la IIIe république.

En effet, dans le livre référence de Joël Cornette « Histoire de la Bretagne et des Bretons », le texte de Jean-Marie Déguignet est cité in extenso pour illustrer le thème des tableaux de mission : « Dans ses Mémoires, Jean-Marie Déguignet, fils d'un pauvre paysan analphabète de Quimper, se rappelle des trois jours de retraite qui précédèrent sa première communion, au début des années 1840.  »

S'en suit une description détaillée des Taolennou :

  • « l’on voyait les damnés en enfer enfourchés et embrochés par les diables noirs à cornes de vaches et à longues queues »
 
  • « d’autres tableaux où ces diables étaient représentés sous forme de cochons, de crapauds, de serpents, ... »
  • « un autre où les diables ont enfin envahi ce cœur tandis que le bon ange s’enfuyait en pleurant. »
  • « En voyant ce curé nous montrant ces tableaux effroyables des diables et de l’enfer ... »

Les effets produits sur les jeunes futurs communiants ne sont pas anodins :

  • « des tourments éternels pour avoir eu un instant d’orgueil, d’envie ou de luxure »
  • « on entendait alors des pleurs, des cris, des gémissements parmi les pauvres petits auditeurs effrayés »

Et Joël Cornette de conclure : « Ce document nous permet de prendre la mesure de l'effet produit (assez éloigné de l'effet attendu par le curé pédagogue) et de la pérennité d'une méthode mise au point dans les années 1610. »

Image:Right.gif « Souvenirs des Taolennoù lors des trois jours de retraite de première communion » par Jean-Marie Déguignet.

9 Binious et bombardes en 1908

Billet du 14.02.2016 - « Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref, franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux. », Bernard-Henri Lévy, 1985, Edito dans Globe.

La petite histoire est celle-ci : sur le site delcampe.net, une carte postale au titre complet « En Bretagne - Concours de binious - Sonneurs d'Ergué-Gabéric » a été mise aux enchères début janvier pour un mois.

À la réception de cette carte ayant circulé le 11.09.1909 de Guingamp vers l'Oise, on peut y voir sur la gauche un monument à la mémoire de La Tour d'Auvergne (1743-1800), le premier grenadier des Armées Françaises après la Révolution.

Et là commence l’enquête par la consultation des journaux de l'année 1908 : on y apprend que la statue en bronze (fondue par l'armée Allemande dans les années 1940) avait été inaugurée à Quimper et fait l'objet d"une fête bretonne les 11 et 12 octobre 1908.

Un concours des meilleurs couples de sonneurs bretons de biniou et bombarde y avait été organisé, et les journaux Le Finistère et Le Courrier précisent que le 6e prix a été attribué à « Hémidy, père et fils, d'Ergué-Gabéric ». Après consultation de la liste électorale de 1910 indiquant des Hémidy à Garsalec, René Le Reste, né dans ce village en 1936, est consulté.

Et il confirme : « J'ai souvent entendu par mes parents parler d'eux. Ils étaient des sonneurs professionnels père et fils. Par contre j'ai connu leur fille et soeur Catherine Hémidy, née en 1899. J'ai entendu aussi par d'autres sonneurs qu'ils avaient une certaine notoriété. À cette époque il habitaient à 100m de ma maison natale, à Garsalec donc. C'était encore une vraie chaumière, toit en chaume et porte d'entrée à deux battants. »

En savoir plus : « Les deux sonneurs gabéricois au concours de binious de Quimper en 1908 ».

 

Pour montrer à BHL que les traditions populaires peuvent prétendre à une certaine universalité, une belle video « Coiffes et costumes de Bretagne » vient d'être produite et diffusée en prime-time sur Tébéo, TébéSud et TVR, avec une rétrospective des croquis de Lalaisse et bien sûr la présentation des richesses locales : « Kant bro, kant giz » (100 pays, 100 guises).

 

Aux manettes de cette video il y avait André Espern (réalisation, images) et Ronan Le Gall (images, textes, voix off), et bien sûr pour présenter le pays glazik, Raymond Le Lann qui porte lui-même un très beau costume azuré. Lorsque la période de replay des chaines de TV sera passée, le DVD sera disponible depuis le site Internet des films du baladin

10 Une paroisse dans la paroisse

Billet du 07.02.2016 - Où le recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric s'adresse à son évêque et vicaire général pour être autorisé à réviser à la baisse le nombre de messes et de confessions à assurer pour le compte des Bolloré dans leur chapelle privée de la papeterie d'Odet.

Louis Lein est nommé recteur d'Ergué-Gabéric en 1909 après avoir exercé le même ministère à Landeleau et Plounéour-Ménez. À Landeleau il a connu la lutte contre la loi de la Séparation des Eglises et de l'Etat, ce qui lui a valu un procès en 1906 à Chateaulin, rejugé à Rennes suite à appel du ministère public.

À Ergué-Gabéric, le conflit de l'église et des paroissiens contre la loi républicaine fut gérée par le recteur Jean Hascoët dont Louis Lein parle en ces termes dans sa première lettre à son évêque en août 1912 : « Cette messe est-elle seulement pour la famille Bolloré et les ouvriers qui ne pourraient aller à la messe ailleurs ? Je crois que c'est ainsi que l'entendait Mr Hascoët, un de mes prédécesseurs qui eut lui-même quelques difficultés provenant d'Odet ».

Nous avons au total quatre lettres écrites par le recteur, conservées aux archives diocésaines, où l'on découvre la charge et la complexité du services paroissial d'Ergué-Gabéric avec ses grand' messes, ses basses messes de chapelles, le catéchisme, les prédications, les confessions, le service aux malades ... et ce qui n'arrange pas les choses : les exigences religieuses supplémentaires de la famille Bolloré qui met à disposition sa chapelle privée St-René à Odet.

Cette dernière est exigüe en 1912-1913 : « la chapelle est beaucoup trop petite. Et si elle était agrandie (ce qui va arriver dans quelques temps), les difficultés deviendraient encore plus fortes et l'on finirait par faire une autre paroisse dans la paroisse. » L'architecte nantais René Ménard, ami des Bolloré, est chargé de l'agrandissement et les travaux de rénovation seront achevés en 1921.

En 1912, René Bolloré et son épouse demandent « à l'administration diocésaine » une messe supplémentaire « tous les premiers vendredis du mois à Odet », ce en plus de la messe, confession et bénédiction du dimanche. Les trois vicaires ont du mal à assurer toutes les messes et confessions au bourg et dans les trois autres chapelles de la paroisse.

 
Chapelle St-René d'Odet agrandie par René Ménard en 1921

Il est question aussi de décaler d'une demi-heure la messe du dimanche : « Jusqu'ici la messe de la papeterie était dite à 8 heures les dimanches et jours de fêtes, les parents de ceux qui assistaient à cette messe, pouvaient encore être remplacés par eux, et venir pour 10 heures à la grand' messe du bourg ».

Pour diminuer la charge de travail des prêtres, le recteur suggère de réduire les confessions à Odet à un samedi par mois, avec ajustement pendants les grandes fêtes religieuses. Et il charge son évêque, le célèbre Adophe Duparc, d'annoncer la mauvaise nouvelle à Monsieur Bolloré ...

À partir des années 1930, un des vicaires de la paroisse sera affecté au service d'Odet, le premier étant l'abbé Le Goff, puis l'abbé Vourc'h. Les suivants, notamment Jean Corre et Jean-Marie Breton, prendront le titre d'aumônier et logeront dans une bâtisse attenant à la papeterie.

En savoir plus : « 1912-1913 - La question de la réorganisation du service paroissial à la papeterie d'Odet ».

11 La légende bretonne de l'Ankou

Billet du 30.01.2016 -« Vienne enfin, un jour, par la faux de l'Ankou / Me jeter au tombeau, en me tranchant le cou. / Alors je pourrai dire en tombant sous la faux / Benedictus te Ankou, tu as fini mes maux. », JM Déguignet (1834-1905), "Rimes et Révoltes", 1999, Blanc Silex.

Grâce à « La légende de la mort » d'Anatole Le Braz publiée en 1893, tout le monde connaît aujourd'hui l'Ankou (bretonnisme traduit du breton « an Ankoù » [1*]) qui récupére dans sa charrette grinçante les âmes des défunts récents. On le représente comme un squelette revêtu d'un linceul, ou un homme grand caché sous un large feutre et tenant une faux au tranchant tourné en dehors.

Mais on connait moins les mémoires ou les poèmes de Jean-Marie Déguignet qui évoque aussi cette légende, avec une explication critique de la vision folkloriste d'Anatole Le Braz. On peut compter une dizaine de passages où le paysan bas-breton décrit les croyances rurales autour de la mort qu'il a lui-même observées et explique les origines d'une invention "chrétienne".

Sur le thème de « notre Ankou breton », Déguignet en fait d'abord ce portrait conventionnel : « il voyage jour et nuit, semant sur son chemin une espèce de terreur panique, le jour donnant des frissons et la nuit faisant entendre le wig-wig de la charrette des morts ».

Jeune enfant à Ergué-Gabéric, un jour où il avait une forte fièvre qui devait l'emporter, il croit même voir la faux de l'Ankou : « tout le monde avait entendu quelque chose annoncer que j'allais bientôt partir au bourg sur le dos et les pieds en avant ... la nuit venue, je vis tout ce dont elles avaient parlé, je vis le spectre de l'Ankou, le spectre d'un spectre avec sa faux me faisant des grimaces au pied de mon grabat ».

Mais bien sûr personne en réalité ne peut attester avoir vu le messager dans sa ronde macabre sur les chemin de campagne bretonne : « l'Ankou, ni sa prétendue charrette n’ont jamais été vus par personne, attendu que l'Ankou n'est qu'un signe ou intersigne de la mort mais toujours invisible ».

Déguignet s'amuse de la naïveté des folkloristes, Anatole Le Bras le premier, qui ont cru sur parole toutes ces légendes bretonnes : « Anatol mest an Ankou » (Anatole, le maître de l'Ankou) ; « un de ces savants chercheurs de légendes » ; « c'est ainsi qu'ils en content à ces messieurs savants quand ceux-ci les forcent à parler » ; « Ah se dit ce malin quemener ... je vais te dire comment il est fait puisqu'il y aura la goutte à boire  ».

 
Quevilly, "JMD, Contes et légendes de Basse-Cornouaille", An Here, 1998

Et il donne enfin les seules explications sociologiques et religieuses auxquelles il croit :

  • « la légende de l'Ankou vient de la même source que toutes les légendes bretonnes, c'est à dire des missionnaires chrétiens et des prêtres catholiques, leurs successeurs. »
  • « Toutes ces légendes et celle de l'Ankou plus que les autres, portent la marque irrécusable du christianisme. »
  • « Ankou vient du mot anken, ankenius, ankrez, qui veut dire inquiétude, peur, frayeur, mot qui caractérise fort bien l'exécuteur des hautes œuvres divines. »
  • « Il faut à chaque curé son Ankou comme il lui faut un saint patron de la paroisse »
Ceci dit, vieux et à l'article de la mort, Déguignet se met encore lui-même en scène face au personnage de légende :

« Ce vieux ... est toujours dans son trou,
Pensant et écrivant en attendant l'Ankou,
Ce faucheur acharné qui fauche les braves,
Les pauvres, les honnêtes, les gueux, les esclaves.
 »

En savoir plus : « L'invention des légendes de l'Ankou selon Jean-Marie Déguignet ».


Nota [1*] : Le mot est masculin en breton ; selon Dom Le Pelletier il serait à l'origine le pluriel de « anken » qui désigne l'angoisse, la peine. Arzel Even (revue Ogam, 1950-53) propose une autre étymologie : « nk » représente l'état réduit de la racine « nek » (périr) (nekros en grec, et nec, necare en latin).

12 Photos sur carton de 1875-1880

Billet du 23.01.2016 - « Venez-y tous, bons pardonneurs, Qui sçavez faire les honneurs, Aux villages, de bons pastez, Avecques ces gras curatez, Qui ayment bien vostre venue Pour avoir la franche repeue », François Villon (1431-1463).

On aurait tendance à affirmer que le mot « Pardonneurs » est un bretonnisme pour nommer les personnes assistant à un pardon breton, car en français classique le pardonneur est normalement l'ecclésiastique de haut rang qui conduit la procession avec croix et bannières. À notre surprise le grand poète François Villon utilisait aussi cette même expression dans son poème « Les Repeues franches » pour désigner l'ensemble des pèlerins venus sur le lieu du pardon.

Toujours est-il qu'il y a des pardonneurs sur le cliché historique ci-contre diffusé sous forme de photo collée sur carton, préfiguration des cartes postales, signé « E.Bernier », soit Eugène Bernier (1841,~1906), photographe installé à Paris, puis à Dinan, connu pour ses portraits de célébrités françaises et étrangères, et ses « Vues de la Bretagne ».

Les pardonneurs costumés de Kerdévot, hommes et femmes, posent sur l'herbe de l'enclos près du calvaire, face à l'objectif et au soleil éblouissant. Les petites filles et une femme en habit de ville, se protègent sous leurs parapluies-ombrelles.

Grand merci à Christophe Rochet, un quimpérois-crozonais passionné des cartes postales et photos anciennes et très grand connaisseur des costumes bretons, qui nous a communiqué cette trouvaille inédite, ainsi qu'une autre photo contrecollée de la même époque.

L'auteur de cette dernière est Ferdinand Carlier (1829-1893), photographe né à Versailles et installé à Vannes, connu pour ses clichés de monuments et de villes bretonnes, et ses portraits de militaires et de bretons/bretonnes en costume.

La photo numérotée n° 25 représente une jeune fille gabéricoise en coiffe et bel habit brodé. La coiffe n'est plus le bonnet à huppe des années 1840 avec ses grandes ailes encadrant les côtés du visage. Ici, les ailes sont coupées et la coiffe est rehaussée, bien plus imposante que la « borledenn » actuelle. Le tablier (de soie ?) est de couleur claire et joliment brodé. La grande jupe et le corset sont noirs, et un « scapulaire de dévotion » est porté et joint à l'arrière du cou.

 

En savoir plus sur les deux photos : « La photo sur carton des pardonneurs ... » et « Photo contrecollée d'une jeune gabéricoise ... ».


« IIIe République et Taolennoù - Cléricaux contre laïcs en Basse-Bretagne - Ière époque : 1880-1905 » est un livre très attendu, concocté par le sympathique Pierrick Chuto, qui va paraître début mars prochain - préfacé par Christian De la Hubaudière -, sur LE SUJET LOCAL incontournable du début du 20e siècle : les tensions autour de Quimper sur la Loi de séparation des Eglises et de l'Etat. Cela touchera les gabéricois que nous sommes, car, outre le personnage central du prédicateur bretonnant Auguste Chuto (d'où les Taolennoù), on trouve aussi dans ce premier tome des personnalités de notre commune comme Corentin Signour (celui de la bannière du Tonkin) et le recteur Jean Hascoët, sans oublier bien sûr le pardon de Kerdévot : « Ce même dimanche, sous un soleil radieux, les deux promis assistent au pardon de Kerdévot en Ergué-Gabéric ... ». Si vous voulez être sûr d'avoir votre exemplaire, vous pouvez d'ores et déjà le réserver à un prix préférentiel sur le site http://chuto.fr

13 Matières féodales aux XVII/XVIIIe

Billet du 16.01.2016 - « Pour l'(es) infatigable(s) collecteur(s) de l'histoire et du patrimoine d'Ergué-Gabéric qui retrouvera(ont) dans cette plaquette l'écho des nombreuses recherches publiées sur Grandterrier, avec le même désir de rendre proches ceux qui ont vécu avant nous », Daniel Collet.

Quel est le point commun entre le dossier de Daniel Collet « Les Gabéricois aux XVIIe et XVIIIe siècles. Population, économie, société » éditée par l'association Arkae en décembre 2015, et la plaidoirie du jurisconsulte Pierre Hévin le 15 décembre 1693 au Parlement de Bretagne ?

Cette phrase du géographe Jean-Baptiste Ogée : « La paroisse relève du roi, à l'exception des trois à l'exception des trois villages de Kermorvan, de Kernechiron et Kerougan qui se trouvent sous le fief de l'évêque de Quimper ».

Les 31 pages inédites de Daniel Collet constituent une analyse contextuelle très intéressante des inventaires, registres et documents d'archives des deux siècles se terminant par la Révolution. L'inventaire de la population de 1790 y tient une place importante, mais aussi de nombreux documents de succession et autres aveux ou dénombrements, sans oublier le rôle de capitation du tiers-état de 1720.

À noter aussi qu'en pages intérieures et en annexe un lexique propose une définition des principaux termes anciens utilisés (notamment les types d’impôts et charges). Et, outre l'existence des familles nobles et le clergé paroissial, c'est surtout la diversité du tiers-état majoritaire, les « sans-voix », qui est analysée grâce aux archives.

Le sujet du deuxième ouvrage porte sur la ville de Quimper et la question de savoir si la cité peut être considérée dans sa globalité comme le fief de l'évêque et non du roi. Et dans les arguments épiscopaux défendus par Perre Hévin il y a le fait qu'au moins trois villages d'Ergué-Gabéric constituent une mouvance ancestrale du fief de l’Évêque, et que donc cette paroisse voisine de Quimper n'est pas assimilable à un simple « proche Fief du Roy ».

Dans ce jugement qui se conclut par un constat d'universalité du fief de l'évêque dans sa ville close de Quimper et ses remparts (par opposition au quartier extérieur de la « Terre-au-duc »), on peut noter les points suivants :

 
  • Le jurisconsulte Pierre Hévin peut être désinvolte, voir cinglant, vis-à-vis du sieur réformateur : « On lui répond qu'il debite sur ce point avec une hardiesse extrême, une fausseté manifeste et convaincuë par les titres mêmes du Roi  ».
  • Les trois villages gabéricois cités par le célèbre avocat sont Kermorvan, Kerougan (probablement Keranguéau) & Kernechriou ou Kernerpiriou (ou Coat-Piriou).
  • D'autres villages d'Ergué-Gabéric étaient détenus par l’évêque : « trois anciens comptes du revenu de l'Evêché des années 1459, 1509 et 1533 dans lesquels le Receveur se charge des rentes dûës dans cette Paroisse d'Ergué-Gabéric, et entr'autres sur ces mêmes Villages », ce qui est confirmé par la cartographie et analyses de Norbert Bernard en 1997.

En savoir plus  : « COLLET Daniel - Les Gabéricois aux XVIIe et XVIIIe siècles », « HÉVIN Pierre - Matières féodales et coustume de Bretagne » et « BERNARD Norbert - Etude topographique et historique des chemins d'Ergué-Gabéric au 16e siècle ».


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