Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier
Un article de GrandTerrier.
Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.
Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig. Anciens billets hebdos : [Actualité, archives] Les anciennes affichettes : [Accroches à la une] Modifications d'articles : [Journal des MàJs] |
1 Bulletin n° 56 matriculaire et patrimonial
Billet du 15.01.2022 - Le premier bulletin trimestriel de 2022 avec ses 28 pages ou 7 feuillets A4 recto verso pliés en A5 ; envoi postal dans la semaine. Et toujours pour l'année entamée les billets hebdos publiés chaque samedi et rassemblés dans le prochain bulletin d'avril.
Soldats, révolutions, actes et photos … Ce bulletin, couvrant les articles de l’automne dernier, donne une belle part aux registres-matricules de plusieurs soldats de la période 1880-1920 :
- Un ancien du Tonkin (1885), deux poilus de 1914-18 (Pierre Tanguy et Jean Lazou), et un matelot de la Royale.
- Grâce au premier soldat, Pierre-Marie Tonkin, le patrimoine gabéricois s’est enrichi d’une bannière de procession.
- Avec le dernier matelot, Jos ar Saoz, on dispose de chansons en breton sur son passé de matelot et de colon au Maroc.
Les trois articles suivants sont centrés d’une part sur des documents d’archives de la révolution française, et d’autre part sur la lecture marxiste, voire trotskiste, des mémoires de Jean-Marie Déguignet.
Ensuite, les actes paroissiaux du XVIIIe siècle, grâce à la numérisation complète des doubles registres des Archives Départementales du Finistère, avec l’analyse d’un acte de 1728 autorisant l’inhumation d’un suicidé « hors les lieux saints ».
Les derniers articles incluent des photos, que ce soit les clichés aériens des Boeings de l’I.G.N. au-dessus de la campagne gabéricoise entre 1948 et 1993, ou alors un reportage en Sud-Nivernais consacré à un retable flamand du XVe siècle qui ressemble étrangement à celui de Kerdévot.
Et enfin, on vous propose une nouvelle version des aventuriers de l’Arche perdue sur le pont de Sant Alar entre Kermadoret (Landudal) et Creac’h-Ergué.
Lire le bulletin en ligne : « KANNADIG n° 56 JAN. 2022 »
2 Enterrement pour une mort suspecte
08.01.2022 - En fin d'année 2021 les Archives Départementales du Finistère ont numérisé et mis à disposition la collection communale des actes BMS (Baptêmes, Mariages, Sépultures) pour les années 1629-1752, comblant les années lacunaires du second exemplaire départemental déjà numérisé, notamment cet acte de décès de janvier 1728 traitant de la mauvaise réputation des suicidés et fêtards et de leurs inhumations hors des cimetières.
« Appelé pour sonner à une noce », c'est-à-dire jouer du biniou ou de la bombarde pour le grand plaisir des danseurs d'un mariage, Hervé Riou, après avoir bu plus que de raison, s'enferme dans un four à pain encore chaud. La mort étant considérée comme un suicide, il est enterré dans une fosse « hors les lieux saints », près du calvaire de Kergaradec, et non dans le cimetière. Hervé Riou, né aux environs de 1668, est veuf en première noce de Marie Monfort. Huit enfants sont nés dont Hervé, témoin à l'enterrement de son père. Hervé Riou épouse en seconde noce Josèphe Jourdren le 28.01.1723 à Ergué-Gabéric et un enfant est né de ce mariage.
Plusieurs mariages ont eu lieu en ce début 1728, mais la présence de Maurice le Barz comme témoin lors de l’inhumation incite à croire que les faits se sont déroulés durant les réjouissances de son mariage avec Françoise le Meur, le 26.01.1728 à Ergué-Gabéric. Il est le fils de Mathieu le Barz et de Marie Lozeach, et son père est qualifié de « Messire » lors des naissances à Kernaon de certains de ses 12 enfants.
À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précise qu'il s'agissait du « four du village » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale.
Quant à l'inhumation, « attendu son genre de mort extraordinaire », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « une fosse faite exprès et bénite » (et non une fosse commune) au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire", il lui reproche également « l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.
Il faut dire qu'au XVIIIe siècle la question du lieu d'inhumation génère de multiples conflits à Ergué-Gabéric : ainsi, suite à l'interdiction de 1719 par le Parlement de Bretagne des tombes à l'intérieur des églises au profit des cimetières extérieurs, des femmes gabéricoises organisent en 1742 une inhumation illégale dans l'église St-Guinal à laquelle le recteur Edy doit s'opposer.
(Archives Départementales du Finistère. Référence 1049 E DEPOT 2. Voir la transcription textuelle réactualisée dans l'article.) À cette même époque les prêtres ont la latitude de refuser l'accès au cimetière aux décédés de mort violente et aux protestants. Avec la déclaration du 9 avril 1736, signée par le chancelier d'Aguesseau et Louis XV, les enterrements de morts suspectes sont tolérés moyennant l'ordonnance d'un juge criminel. Ici, en 1728, le desservant ecclésiastique d'Ergué-Gabéric exécute une mesure intermédiaire : il ne diligente pas d'enquête, il organise une inhumation à minima à l'écart du bourg et relate les circonstance dans l'acte de sépulture.
Dans un article publié par l'association Arkae de janvier 2003, Yves-Pascal Castel utilise l'expression d'« inhumations foraines » pour ce type d’obsèques et cite quelques exemples d'autres lieux d'enterrements civils et/ou épidémiques près de calvaires en Finistère (Bourg-Blanc, Locmaria-Plouzané).
* * * Depuis quelques années déjà, à la fin de l'année scolaire et juste avant la période estivale, un jeu et une balade bilingues sont organisés autour du bourg d'Ergué-Gabéric par le service patrimoine de la commune sous la forme d'une enquête sur la mort suspecte (« Enklask war dro maro an den kevrin ») d'Hervé Riou et son inhumation à Kergaradec. Versions française et bretonne proposées par Gaëlle Martin et Jean Billon. Rien ne vaut un jeu de piste pour mieux comprendre le contexte de cette affaire.
En savoir plus : « 1728 - Inhumation hors des lieux saints suite à une mort tragique dans un four à pain » et « Enklask war dro maro an den kevrin ~ Enquête sur la mort d'une personne mystère »
3 Emgann ar renkadoù ~ Lutte des classes
01.01.2022 - « Bloavezh mat e 2022, kalz a hunvreoù da gas war-araok » : encore une année révolutionnaire et plein de rêves fous à partager !
Jean-Marie Déguignet (1834-1905) est en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton s'est forgé ses opinions politiques. Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il l'écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence. »
Dans la deuxième série des cahiers publiés en 2001 sous forme d'Intégrale des Mémoires, c'est un florilège de déclarations et d'explications sur ces classes sociales en perpétuel affrontement :
Page 350, il expose sans ambages ses convictions sociales : « En politique, je suis un républicain des plus avancés, et en religion, libre-penseur, philosophe, ami de l'humanité », malgré sa méfiance vis-à-vis du socialisme page 516 : « L'histoire du socialisme depuis un siècle, c'est l'histoire du socialisme bourgeois, des jésuites et autres tonsurés qui ont et font toujours de mieux en mieux du vrai socialisme pratique. ».
Page 857, il dit sa déception vis-à-vis de ses amis prolétaires : « malheureusement, la plupart de ces prolétaires sont ignorants au suprême degré, insouciants, inconscients ... ».
Page 839, il dénonce le tzar à l'initiative d'une guerre meurtrière contre l'Empire du Japon : « cet empereur théo-autocrate de toutes les Russies ». Mais les cahiers s'achèvent en août 1905, à la mort de son auteur qui n'a pas pu commenter la révolution bolchévique. On aurait aimé l'entendre.Page 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière : « Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ» ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). - Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. ».
Page 514-515, il y a cette longue description des effets de la mécanisation aux papeteries Bolloré à Odet. L'extrait ci-dessous a été mis en exergue dans un article de Yolande Levasseur dans les Cahiers du mouvement ouvrier édités par le C.E.R.M.T.R.I. (Centre d’Études et de Recherches sur les Mouvements Trotskystes et Révolutionnaires Internationaux) en 2000 : « Une nouvelle machine est arrivée l'autre jour du Creusot. Elle fait à elle seule l'ouvrage de dix ouvriers et, par conséquent, le patron a mis dix ouvriers dehors. On entend des économistes dire qu'on ne peut pas arrêter l'essor du génie. Mais ce génie va à l'encontre du but vers lequel il devrait tendre, c'est-à-dire à égaliser un peu le bonheur en ce monde entre tous les individus, tandis qu'il tend au contraire à accabler de richesses et bonheur quelques privilégiés seulement, en en éloignant de plus en plus des millions de malheureux. » Est-ce que finalement Déguignet n'aurait pas été marxiste-léniniste s'il avait vécu un peu plus longtemps ? En tout cas, voici ce que pense de ses mémoires une militante trotskiste en mai 2000 : « Ce livre est bien dangereux. Il l'est pour tous les tenants du consensus général, du politiquement correct. »
En savoir plus : « Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle » et « LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue »
4 Le matelot chanteur de la Royale
25.12.2021 - Trois chansons en 1976 collectées par les Daspugnerien Bro C'hlazig (fonds Dastum, transcriptions de Bernez Rouz d'Arkae), registre matricule (classe 1903, numéro matricule 566, archives départementales du Finistère), et évocation littéraire d'Hervé Jaouen ("Les soeurs Gwenan").
En savoir plus : « 1904-1919 - Joseph Le Saux à la Royale et au bataillon marocain de la Chaouïa » et « Kanaouennou brezhonek kompozet ha kanet gant Jos ar Saoz »
5 Un officier très crâne au feu
18.12.2021 - Nouvelle occasion d'enrichir notre "Espace des Poilus" : la grande guerre de Jean Lazou, né en 1895 à Plougasnou et futur instituteur en Alsace-Lorraine et à Lestonan, avec ses combats, citations et médailles., grâce à son registre matricule, l'historique du 25e RI et les journaux officiels.
En savoir plus : « 1914-1919 - Les actions d'éclat et la légion d'honneur posthume de Jean Lazou »
6 Croix de guerre et fourragère
11.12.2021 - Un poilu dans les tranchées de la grande guerre, blessé lors d'un assaut, étoile de vermeil, fourragère et croix de guerre : carnet militaire personnel, registre matricule (classe 1911, numéro matricule 302, archives départementales du Finistère) et Historique du 12e Cuirassiers (Gallica BnF).
En savoir plus : « 1915-1919 - Les combats de Pierre Tanguy en Marne, Somme, Aisne, Meuse et Allemagne »
7 La bannière de "Tonkin kozh"
Billet du 04.12.2021 - Une bannière pour remercier Dieu, Notre-Dame de Kerdévot et ses saints pour le retour "magnifique" d'un soldat de ses campagnes militaires au Tonkin : témoignages familiaux et registres matricules militaires des Archives Départementales du Finistère (cote 1 R 944).
« Bet ban l'Annam, ban Tonkin, ban Afriq, ha deut bet d'ar ger magnifik ! » (j'ai été à Annam, au Tonkin et en Afrique, et je suis revenu à la maison "magnifique"), ainsi s'exprimait Pierre-Marie Quintin (1861-1930) de Niverrot quand on l'interrogeait sur ses années d'opérations militaires de 1882 à 1887. On le surnommait affectueusement « Tonkin kozh », le vieux Tonkin, et par cette expression « magnifik » il disait sa fierté d'être revenu en bonne santé de ses pays en guerre. Et pour cette bannière de procession « Tonkin 1885 » que ses parents avaient fait faire à son retour à Niverrot, Pierre-Marie répétait souvent « C'est ma bannière ».
D'ailleurs son registre matricule confirme bien son incorporation dans le 2e régiment de zouaves, et ses campagnes respectives : « En Afrique du 26 novembre 1882 au 18 janvier 1885. Expédition du Tonkin du 19 janvier 1885 au 4 juillet 1886. En Annam du 5 au 30 juin 1886. Opération d'occupation du Tonkin du 1er juillet 1886 au 3 janvier 1887. En Afrique du 4 au 16 janvier 1887. ».
On a pu penser que la bannière avait été réalisée en l'honneur d'un autre soldat du Tonkin, Corentin Signour de Keranroux, car Anatole Le Braz lors d'une description du pardon de Kerdébot en 1899 écrit : « Elle a été offerte par Signour ». Or Corentin Signour, qui est bien de la même classe que Pierre-Marie Quintin, n'est allé ni en Afrique, ni en Annam, ni au Tonkin. Certes les initiales C.S. sont brodées sur la bannière, mais elles pourraient avoir été ajoutées ultérieurement, et marquent peut-être sa contribution financière par solidarité avec les vétérans du Tonkin ou alors une appropriation du fait de la représentation de saint Corentin.
En tous cas, Pierre-Marie Quintin est bien le soldat gabéricois des 2e Zouaves, parti en campagne plus de 5 ans de chez lui, de 1882 à 1887. Il participe aux opérations coloniales dans le Sud-Oranais algérien, et aux dernières batailles de la guerre franco-chinoise dans les nouveaux protectorats français d'Annam et du Tonkin. Le passage de l'un à l'autre des fronts est détaillé dans le journal du géographe Paul Sainmont, soldat du 2e zouaves lui aussi : « Vive la France, vive le Colonel, vive le Commandant, en avant pour le Tonkin ! » (discours à Oran le 7 janvier 1885).
Pierre-Marie recevra pour ses services un certificat de bonne conduite et la médaille commémorative du Tonkin, et la bannière rouge du Tonkin est bien la sienne.* * * * * En savoir plus : « La bannière et la médaille de Pierre-Marie Quintin alias "Tonkin Kozh" »
8 Les finances de l'an II
Billet du 27.11.2021 - Dans le cadre d'un décret de 1793 portant sur la refonte des finances publiques, un avoué quimpérois est mandaté un an plus tard pour produire l'état de l'actif et passif de la nouvelle municipalité d'Ergué-Gabéric : document 28 L 82 des Archives Départementales du Finistère.
Charles Le Blond est un commissaire et avoué de Quimper, qui a participé avec son collège Salomon Bréhier à un certain nombre d'expertises et évaluations de biens gabéricois confisqués à la noblesse et au clergé local dans les années 1790-95. Ici, le 8 thermidor ou 26 juillet 1794, il est chargé par le District, dans le cadre du décret du 24 août 1793 de l'an II de la République, d'établir l'état de l'actif et passif de la municipalité d'Ergué-Gabéric, cette dernière étant représentée par le maire François Laurans de Squividan et l'officier municipal Jean Le Jour de Boden.
Comme le décret de 1793 exige l'établissement d'un livre de compte dans chaque commune, l'expert Le Blond est dépêché auprès de toutes « les municipalités en retard » autour de Quimper dans la période d'un mois après la commission du 24 messidor.
Le rapport d'Ergué-Gabéric détaille tout d'abord l'actif immobilier constitué des rentes et fondations annuelles qui jusqu'à présents étaient versées aux conseils de fabrique, à savoir les corps politiques affectés à l'église paroissiale et dans chacune des chapelles de Kerdévot, St-Guénolé et St-André. L'actif dit mobilier est « le produit des comptes qu'ont deub rendre les différentes fabriques successivement » restitué en début d'année 1793 et non relatif au culte, pour une somme trouvée dans la caisse de 245 livres.
Le montant total de l'actif immobilier est de 576 livres et 5 sols, mais ces rentes et dons payées annuellement par une quarantaine de propriétaires fonciers ou domaniers sont loin d'être acquises car « les articles de rentes sont la plupart arriérés depuis la Révolution malgrez avertissements fréquents donnés de venir paier ».
Par contre les biens confisqués aux noble et clergé sont exclus du total car relevant désormais des domaines nationaux. Sont cités par exemple pour mémoire « la fondation du Cleuyou supprimée par confusion dans la propriété devenue nationale », « une rente de 48e paiable sur le clergé propriété nationale ».
Le premier objectif du décret du 24 août 1793 est d'ordonner « la formation d'un grand Livre pour inscrire et consolider la Dette publique non viagère ».
Mais ici en Basse-Bretagne, les assignats ou autre créance sur les fonds publics ne sont pas d'actualité, et pour Ergué-Gabéric il n'y en a rigoureusement aucune selon l'expert : « déclare aussy n'avoir aucun passif ».
Mais les objectifs secondaires sont bien « la remise et annulations des anciens titres de créances, l’accélération de la liquidation, la suppression des rentes dues aux Fabriques », et le rapport gabércicois en est l'exécution conforme.
* * * En savoir plus : « 1794 - Etat de l'actif et passif de la commune et suppression des fabriques »
9 La municipalité de l'an III
Billet du 20.11.2021 - Une affichette publique, en date du 26 pluviôse de l'an 3 du calendrier révolutionnaire, pour officialiser l'installation de la municipalité d'Ergué-Gabéric après la période troublée de la Terreur : document 10 L 58 des Archives Départementales du Finistère.
En savoir plus : « 1795 - Placard brestois d'installation de la municipalité de l'an III »
10 Remonter le temps en B-17
Billet du 14.11.2021 - À partir de 1946, l'IGN (Institut Géographique National) a fait voler ses gros avions photographes, notamment les célèbres Boeing B-17, sur le territoire français et d'outre-mer afin de prendre des clichés des villes, et ... de la campagne gabéricoise.
Les cartes de randonnées IGN de la seconde moitié du XXe siècle doivent leurs précisions aux missions de photographies aériennes menées sur le territoire français avec les équipements embarqués sur des avions militaires reconfigurés à l'issue de la seconde guerre mondiale. Des milliers de clichés argentiques N&B ou couleur ont été produits et exploités. Il y a quelques années nous avions déjà publié sur le GrandTerrier les deux premières vues aériennes de 1948 concernant le territoire de la commune d'Ergué-Gabéric. Le nouvel espace Internet de l'IGN ayant été ouvert assez récemment avec ce nom très évocateur (« Remonter le temps ») et mettant à disposition l'intégralité des photos numériques, il était temps pour nous de compléter cette collection par les éléments dématérialisés suivants :
Au total 31 vues aériennes ont été ajoutées. Chaque photo aérienne est positionnée sur une carte actuelle de la commune, soit par exemple le cliché 47 du 24 mai 1952 (partie sud-ouest du Stangala à Lezergué) :
- les clichés supplémentaires de 1948 couvrant les villages manquants sur les deux premiers.
- les vues aériennes des années suivantes, toujours en noir-et-blanc : 1952, 1961, 1968, 1978.
- les photos couleurs réalisées en 1993.
Les photos numériques de l'IGN se présentant au départ sous forme de fichiers de haute résolution (fichier jp2 de 10000 pixels), nous les avons convertis au format du logiciel Zoomify pour permettre une navigation plus aisée à l'écran. Pour chaque fenêtre Zoomify les villages ou lieux-dits sont repérés par un symbole "hotspot", à l'instar du bourg sur la vue aérienne couleur du 20 août 1993 :
Si l'on analyse la situation topographique de 1948-1993, on notera de nombreuses différences par rapport à aujourd'hui : des quartiers en construction (au Rouillen notamment), des routes aux tracés différents, des zones naturelles sans habitations et sans industries, des superficies de champs nettement plus petites. L'évolution du paysage est celle d'un territoire qui urbanise : la population constante de 2600 habitants de 1900 à 1948 s'accroit rapidement à partir de 1970 pour atteindre 6600 en 1993.
La liste alphabétique détaillée des hameaux et lieux dits est également annexée après les vues aériennes, avec un lien sur l'article toponymique et cartographie. La cartographie comparée de chaque village sera progressivement enrichie par le zoom sur les clichés de 1952 à 1993, comme cela avait été fait pour les vues aériennes de 1948.
En savoir plus : « Espace des missions aériennes de l'IGN entre 1948 et 1993 »
11 Retables flamands de la Vierge
Billet du 06.11.2021 - Analyse de l’ordonnancement des deux retables de la Vierge de Kerdévot et de Ternant (Nièvre), de leurs datations respectives et ateliers d'origine, des études et plaquettes consacrées à Ternant, et enfin un reportage photo GT dans le village sud-nivernais en fin d'été 2021.
Dans l'église Saint-Roch de Ternant, deux magnifiques retables portant l'un sur la Mort de la Vierge, et l'autre sur la Passion du Christ, ont été commandés par la famille de Ternant au XVe siècle. Le retable de la Vierge, issu d'un atelier flamand, se présente comme un triptyque dont les volets peints pouvaient se rabattre sur les panneaux sculptés centraux, les panneaux sculptés formant un T renversé. À Kerdévot les panneaux initiaux du retable de la Vierge se présentent aussi comme un T renversé, les deux scènes latérales supérieures ayant été ajoutées plus tard. Et la présentation est très voisine de celle de Ternant : registre inférieur avec ses 3 scènes centrées sur la dormition, scène supérieure avec le couronnement.
Plus précisément, si l'on compare les éléments de Kerdévot (avant le vol de 1973) et de Ternant, les 4 scènes se présentent ainsi :
Scène 1 : l'Adoration des bergers à Kerdévot, la Visite des apôtres à Ternant. Dans les deux cas les visiteurs expriment leur déférence à la Vierge.
Scène 2 : la Dormition sur les deux retables. Les deux scènes sont presque identiques : la Vierge est de profil sur son lit mortuaire, les apôtres l'entourent, saint Jean imberbe tout près, des lecteurs qui prient au premier rang ...
Scène 3 : les Funérailles sur les deux retables. Le convoi funèbre et son brancard porté par saint Paul, saint Jean en tête, les juifs au sol avec les mains coupées (deux à Ternant, quatre à Kerdévot où elles restent collées au brancard).
Scène 4 : le Couronnement à Kerdévot, et à Ternant l'Asomption complétée du Couronnement sur 2 volets peints. La trinité y est présente : Dieu le Père couronné à gauche, le Christ à droite, la colombe du Saint-Esprit au centre (plus en hauteur à Kerdévot), les anges (musiciens à Kerdévot).
Le retable de Ternant est daté de vers 1440, via une donation de Philippe de Ternant (1400-1456), membre du Conseil du duc de Bourgogne et chevalier de la Toison d'Or. Il est représenté, ainsi que son épouse Isabeau de Roy, sur les deux volets peints extrêmes du retable.
Depuis les études récentes, notamment celle de Serge Bernard et de Fabrice Cario en 2003, on attribue les deux retables de Ternant à un atelier de Bruxelles, qualifié de brabançon ou de flamand car le duché de Brabant englobait les Pays-bas actuels et une partie de la Belgique. Ceci bien qu'aucune marque de guilde ne soit visible sur les statues, prédelle et balustrades.
La plaquette de présentation, visible sur place dans l'église de Ternant, confirme l'hypothèse flamande : « L'étude du style des sculptures de la période 1430/40-1460 (drapé assez lourd, proportions assez trapues et attitudes statiques) permet de proposer l'hypothèse d'un atelier bruxellois », et avance l'âge du chêne qui constitue la structure de l’œuvre, les statues étant sculptées dans des blocs de noyer : « L'arbre de 350 ans a été abattu entre 1425 et 1450 maximum. »Le livre savant de René Journet conclue à l'unicité de l’œuvre : « Ce retable de Ternant est le seul connu illustrant le cycle de la Dormition et de la Glorification de la Vierge. »
Mais il existe bien à Kerdévot - pour lequel on ne connaissait pas d'équivalent non plus -, un retable très similaire à celui de Ternant, se partageant une même scénographie avec des personnages d'environ 30 cm, sculptés et dorés. Le triptyque de la Vierge de Ternant est peut-être un peu plus simple pour ce qui concerne sa partie sculptée, les statuettes de chaque scène sont amalgamées dans des blocs de noyer, alors qu'à Kerdévot elles sont finement ciselées et indépendantes.
Du plus, pour Kerdévot, on a bien les marques de fabrique des ateliers flamands d'Anvers et de Malines, et la proposition d'une datation à 1480, soit quarante ans après celui de la Vierge de Ternant dont le style semble effectivement plus ancien.
* * * En savoir plus : « Les deux retables de la Vierge d'origine flamande et du 15e siècle à Ternant et Kerdévot », « JOURNET René - Deux retables du XVe siècle à Ternant », « BERNARD Serge & CARIO Fabrice - Les retables de Ternant »
12 Les aventuriers de l'arche perdue
Billet du 30.10.2021 - Dans la vallée de l'Odet entre Kermadoret et Creac'h-Ergué, le vieux pont médiéval de sant Alar que l'on croyait disparu : redécouverte du lieu en octobre 2021, galerie de croquis et de photos, géolocalisation et carte IGN, souvenirs des anciens.
Par un bel automne ensoleillé, quatre aventuriers - Mann Kerouredan, Jean-Noël Le Du, Jean-Pierre Le Grall et votre serviteur - sommes partis à la recherche de ce pont mystérieux sur l'Odet. Et le résultat est là : le magnifique pont de saint Eloi est toujours là, joignant les rives d'Ergué-Gabéric et de Landudal, et il mérite qu'on s'y intéresse. Depuis la rive gauche gabéricoise, le pont est difficilement accessible et dans les bois, à la limite ouest du bief du moulin de Kergonal et près de la maison ruinée de Pont-Saint-Eloi, précisément au point géolocalisé en 48.038054 x - 3.996067 sur la carte IGN :
Mais c'est de la rive de Landudal qu'on peut mieux appréhender la dimension et la beauté de l'ouvrage : il suffit de d'emprunter le chemin agricole qui descend du village de Kermadoret et de longer un champ cultivé - en maïs en 2021 - sur sa partie orientale.Le pont est formé de 3 ilots de rochers consolidés en pierres de tailles, le premier du côté gabéricois étant la berge du bief de Kergonan. Une épaisse dalle de pierre de 4 mètres environ de long est toujours posée en équilibre sur les deux ilots centraux. On dirait un pont médiéval, et sa structure est bien conservée encore, malgré les crues et intempéries qui ont emporté deux dalles dans leur flot. Pourquoi avoir dédié ce lieu à sant Alar ? Tout simplement parce que ce personnage de légende aux noms multiples (Alar, Eloi, Alour, Alanus) , ermite et évêque de Quimper, saint protecteur des orfèvres, forgerons et des chevaux, est très vénéré localement. Sur le coteau de Creac'h-Ergué Il avait sa fontaine (aujourd'hui démantelée) et ses champs ("parc sant Alour") ; sa statue est exposée à la chapelle de Kerdévot, le site et les légendes de Stangala, plus proche de Quimper, lui sont dédiés, et la vallée entre Kermadoret et Creach-Ergué était appelée aussi autrefois Stang-Sant-Alar.
Le pont, aujourd'hui en-dehors des circuits de promenade, les pêcheurs étant de moins en moins nombreux à fréquenter la nature qui devient de plus en plus envahissante, avait autrefois une utilité : il servait de passage pour les pèlerins de Compostelle qui avaient fait leur dévotions à la fontaine saint Jacques voisine (près de la chapelle de St-André) et surtout les meuniers gabéricois des deux moulins voisins de Kergonan et de Coat-Piriou.
Ces derniers livraient par là leurs sacs de farine sur les rives droites de Briec et de Landudal, après avoir doté le pont d'une structure de bois : « De chaque côté de la rive ils lancèrent une passerelle de fortune faite d'un ou plusieurs troncs, fixèrent deux pieux de bois de 1m de haut à chaque extrémité des troncs et relièrent ces deux pieux par une branche pour former une rambarde précaire. » (Jean Guéguen, Bull. Comm. 1982).
Aujourd'hui le pont n'a plus d'utilité de circulation et de communication, mais, pour honorer la mémoire de nos prédécesseurs, ne devrait-on pas consolider l'ouvrage et aménager un circuit de randonnée, voire étendre le GR n° 38 qui passe sur les deux rives non loin de là ?
En savoir plus : « L'arche perdue du vieux pont de sant Alar »
13 Baptêmes, Mariages et Sépultures
Billet du 23.10.2021 - Cette semaine, une mise à disposition d'une collection de 450 images des derniers actes paroissiaux dits BMS, et le point sur le travail de numérisation « Etat civil + BMS » par les Archives Départementales du Finistère pour la paroisse et la commune d'Ergué-Gabéric.
Depuis janvier 2019, les Archives départementales du Finistère ont entrepris la numérisation des registres paroissiaux et d’état civil de la commune d'Ergué-Gabéric avec une qualité obtenue bien supérieure aux micro-films d'antan. À titre d'illustration d'acte numérisé, on notera cet exemple inédit d'un baptême en 1707 d'une « enfant exposée » (abandonnée) trouvée par le sonneur de cloches de l'église paroissiale et baptisée par le recteur Jan Baudour :
« Le cinq mars 1707 environ cinq heures et demy du matin lorsque Claude Le Poupon sonneur des cloches de l'église parrochialle d'Ergué-gaberic alast ouvrir la porte de la dite église pour lever les poids de l'horloge et à l'instant trouva un enfent exposé malitieusement par quelque malveillant, dans le moment apella 3 ou 4 personnes du bourg pour lever cet enfent exposé après quoy le Recteur fust apellé pour baptiser l'enfant qui a esté nommée Jacquette par madame de Penanreun Gélin, et son jardinier. »
Tous les actes paroissiaux, les fameux BMS (Baptêmes, Mariages et Sépultures), et d'état civil (Naissances, Mariages, Décès) de 1702 à 1936 ont été numérisés à partir des registres initiaux détenus par les Archives départementales. L'accès est public depuis Internet, à l’exception des actes de naissance entre 1921 et 1936 pour lesquelles il faut se rendre en salle d'archives pour consultation.
La période couverte par les BMS numérisés s'étend de 1702 à 1793 est précisément « 1702-1707, 1709-1716, 1718-1721, 1723, 1726-1727, 1730-6 janvier 1746, 1747-6 janvier 1752. 6 janvier 1752-27 décembre 1776. 27 décembre 1776-1792. ». Il manque donc les années 1708, 1717, 1722, 1724-1725, 1728 et 1747 et la période de 1629-1701.
Ces années lacunaires sont par contre incluses dans les registres secondaires déposés par la commune (ADF 1049 E DEPOT 1-4). Les registres civils numérisés de 1792 à 1936 sont plus complets que les BMS, à l'exception de deux périodes blanches : années républicains VI à VIII (fin 1797-mi 1800) et X à XII (fin 1801 à mi 1804). Espérons que des travaux de numérisation seront menés par les archives départementales pour constituer un fonds numérique exhaustif.
En savoir plus : « Répertoire numérique des actes paroissiaux et civils d'Ergué-Gabéric »
La collection numérisée des derniers actes paroissiaux (381 images de Baptêmes-Mariages-Fiançailles et 169 Sépultures), remplacés par l'état civil le 9 février 1793, commence par un acte de fiançailles du 27 décembre 1776 et une inhumation du 22 janvier 1776, et se termine par un baptême du 27 décembre 1792 et un décès le 25 décembre 1792. Les prêtres qui chronologiquement signent les actes sur cette période sont respectivement :
Le recteur Clet de Lécluze de 1776 à 1781 ou le curé Pierre Le Kernévez de 1776 à 1783.
Le recteur Joseph-Emmanuel Galloy de 1781 à 1782.
Le recteur Jean Le Gall en 1783 ; le curé R. Rochedreux en 1784 ; le prêtre Pierre Diquelou de 1784 à 1785 .
Le recteur Pierre-Alain Denis de 1784 à 1787, ou le curé René Lanmeur en 1784 à 1788, .
Le recteur réfractaire Alain Dumoulin de 1787 à 1791, ou le curé Vallet de 1785 à 1790, et le curé Jean-Baptiste Tanguy en 1790.
Le recteur assermenté Daniel Corentin Yven en 1791-1792, le vicaire Michel Huitric en 1791, le vicaire Mathieu Le Gall en 1792.
Le recteur assermenté Rolland Coatmen à partir du 1er juillet 1792.Avec les actes de 1792, on commence à voir les changements administratifs induits par la Révolution de 1789. Tout d'abord le registre est créé avec une introduction contresignée par le « juge au district de Quimper » et non plus le « lieutenant du présidial ».
Au 2e semestre, avec l'arrivée du recteur Rolland Coatmen, on perçoit d'autres petites évolutions comme la transformation du « Monseigneur Evêque » en « Citoyen Evêque ». De même les dates, même si elles sont toujours rédigées selon l'ancien style (le calendrier républicain va apparaître en 1793), l'an 1792 est complété de trois mentions successives : « quatrième de la Liberté » dès le 26 août, « premier de l'égalité » en septembre, « premier de la République » à partir d'octobre.
En savoir plus : « 1776-1792 - Les derniers registres BMS paroissiaux »
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