Kanaouennou brezhonek kompozet ha kanet gant Jos ar Saoz - GrandTerrier

Kanaouennou brezhonek kompozet ha kanet gant Jos ar Saoz

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Rummad : Brezhoneg    
Lec'hienn : GrandTerrier

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« Tri ugent vloaz em eus bevet, er maez deus va bro garet » (J’ai vécu soixante ans hors de mon pays adoré). Ainsi commence cette première chanson « Chanson va buhez » composée par un grand voyageur gabéricois, matelat de la Royale et colon à Ben-Ahmed au Maroc.

Collectage de 3 chansons en 1976 par le groupe Daspugnerien Bro C'hlazig, actuellement dans le fonds Dastum, transcriptions de Bernez Rouz de l'association Arkae, traductions Bernez Rouz et GrandTerrier, et évocation littéraire d'Hervé Jaouen ("Les soeurs Gwenan").

Autres lectures : « 1904-1919 - Joseph Le Saux à la Royale et au bataillon marocain de la Chaouïa » ¤ « Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 » ¤ 

Ben-Ahmed en 1933
Ben-Ahmed en 1933

[modifier] Présentation

Joseph-Marie Le Saux est né le 9 juin 1883 [1] au village de Réunic, près de Kerdévot en Ergué-Gabéric, son père Pierre et sa mère Marie-Anne Quéméré étant les cabaretiers du lieu-dit.

Boulanger installé à Plogastel-Daoulas, il s'engage dans la Marine Nationale en 1904 et part pour deux ans en Indochine, puis toujours militaire en Afrique, au Maroc où il s'installe en 1919 comme colon. À l'indépendance du Maroc, il revient en France et finit ses jours en maison de retraite à Fouesnant en 1978.

C'est là, en 1976, que les Daspugnerien Bro Ch'lazig l'enregistrent, chantant ses trois chansons favorites : « Chanson va buhez », « Ar martolod yaouank », et « Ti bras koad ar voc'h », 11 à 18 complets de deux vers en rimes, le tout dans sa langue natale bretonne cornouaillaise.

La première « Chanson va buhez » (Chanson de ma vie) a pour thème ses voyages  : « Yaouank c'hoazh me oa kuitaet va bro gozh Breizh-izel, Evit mont da c'hounez ma boued e-barzh ar broioù pell » (Jeune encore, j’ai quitté mon vieux pays de Basse-Bretagne Pour gagner mon pain dans de lointaines contrées).

Et son installation sur les terres marocaines : « Boulanjerezh da gomaéns e barzh Kasbah Ben Ahmed Kafe, hotel ha restaurant ‘barzh ar vro-se em eus graet. Defrichet em eus douaroù, pevar c'hant devezh-arat Savet am eus eno tier evit an dud da lojañ. » (J’ai été boulanger au début à la Casbah Ben-Ahmed Puis j’ai tenu un café, hôtel, restaurant dans ce même endroit. J’ai défriché deux cents hectares de terres, J’y ai construit des logements pour que les ouvriers y vivent).

La deuxième « Ar martolod yaouank » (Le jeune matelot) s'attarde sur les premières années à Saïgon, sur la canonnière cuirassée "Acheron", où il reçoit une lettre de sa dulcinée : « Setu aze konfidañsoù da vestrezik Mari En em hastit martolod yaouank da zont d'he c'honsoli  » (Voilà les confidences de ma chère Marie En pressant son jeune marin de rentrer la consoler).

 
La canonnière cuirassée Acheron en baie de Saïgon en 1906
La canonnière cuirassée Acheron en baie de Saïgon en 1906

La troisième chanson « Ti bras koad ar voc'h » (Résidence "Bois du bourg") est pour ses congénères de l'EHPAD de Fouesnant : « E-barzh an ti bras-se bremañ tud kozh kazi abandonet A gav c'hoazh tammoù plijadur digant o c'hamaraded » (Dans cette grande maison maintenant vieux quasi abandonnés Trouvent encore des plaisirs dans la camaraderie).

Et par ailleurs il faut signaler le livre « Les soeurs Gwenan » d'Hervé Jaouen, ce magnifique roman consacré aux filles du marin de la Royale Joseph Gwenan et où la figure tutélaire du chanteur est évoquée : « Un matelot chantait, accompagné par la douce musique de l’eau sur la coque, « La chanson de ma vie », écrite au début du siècle par Jos ar Saoz, un gars d’Ergué-Gabéric engagé dans la Royale : Da Saigon en Indochin digentañ e oan bet, Goude oan deuet d’an Afrik da vro an Arabed (D’abord j’ai été à Saigon, en Indochine, Et ensuite je suis allé en Afrique, au pays des Arabes.) ».


[modifier] Transcriptions et traduction

I. Chanson va buhez

1. Tri ugent vloaz em eus bevet, er maez deus va bro garet
Mes al langach brezhonek n'em eus ket disoñjet

2. Yaouank c'hoazh me oa kuitaet va bro gozh Breizh-izel,
Evit mont da c'hounez ma boued e-barzh ar broioù pell :

3. Da Saïgon en Indochin digentañ e oan bet,
Goude oan deuet d'an Afrik da vro an Arabed.

4. E-barzh ar Marok em eus bevet pad pemp ploaz ha hanter-kant,
Ha 'm eus graet kalz micherioù ; gounezet 'm eus bet arc'hant.

5. Boulanjerezh da gomaéns e barzh Kasbah Ben Ahmed
Kafe, hotel ha restaurant ‘barzh ar vro-se em eus graet.

6. Defrichet em eus douaroù, pevar c'hant devezh-arat
Savet am eus eno tier evit an dud da lojañ.

7. Penvidik oan deut neuze, mes maleuruzamant
Va madoù zo bet kemeret gant ar gouarnamant.

8. Ar gouarnamant pehini ‘noa gwerzhet din tout an douaroù-se
Neus kemeret 'nezo en dro hep paeañ “indemnite”.

9. Soñj a teuas din neuze deus va bro Breizh-Izel,
Da behini a garan mont en dro da vervel.

10. Hag em eus kuitaet an Afrik evit dont da va bro,
Da Vreizh-izel va bro garet da c'hortoz va maro.

11. Ha betek an eur-se, me a gano brezhoneg
Langaj deus va yaouankiz n'em eus ket c'hoazh disoénjet.

12. Bremañ e-barzh va bro garet brezhonek, me a gan c'hoazh
Hirio ha gant plijadur e-barzh parrez 'n Erge-Vras.

 

I. Chanson de ma vie

1. J’ai vécu soixante ans hors de mon pays adoré
Mais je n’ai pas oublié la langue bretonne

2. Jeune encore, j’ai quitté mon vieux pays de Basse-Bretagne
Pour gagner mon pain dans de lointaines contrées :

3. D’abord j’ai été à Saïgon en Indochine
Et ensuite je suis allé en Afrique au pays des Arabes.

4. Au Maroc j’ai vécu pendant cinquante-cinq ans
Et j’ai pratiqué plusieurs métiers ; j’ai gagné de l’argent.

5. J’ai été boulanger au début à la Casbah Ben-Ahmed
Puis j’ai tenu un café, hôtel, restaurant dans ce même endroit.

6. J’ai défriché deux cents hectares de terres, J’y ai construit des logements pour que les ouvriers y vivent.

7. J’étais devenu riche, mais malheureusement
Mes biens ont été confisqués par le gouvernement.

8. Le gouvernement qui m’avait vendu toutes ces terres
Me les a reprises sans verser d’indemnités.

9. Je me souvins alors de mon pays de Basse-Bretagne
Dans lequel j’aimerais retourner finir ma vie.

10. Et j’ai quitté l’Afrique pour revenir au pays.
En Basse-Bretagne, mon cher pays j’attendrai la fin.

11. Et jusqu’à ce moment je chanterai en breton
Le langage de ma jeunesse que je n’ai pas encore oublié.

12. Maintenant dans mon cher pays bretonnant, je chante encore
Aujourd’hui et avec grand plaisir dans la paroisse du Grand-Ergué.

II. Ar martolod yaouank

1. Er bloavezh naontek kant pevar, an amzer a zo paseet
Hag e-barzh ar gêr a Vrest me oa ‘n em añgajet

2. Me moa sonjet ‘n em añgajet, e-barzh ar vartoloded
Evit mont da voiajiñ, d'ar pevar c'horn deus ar bed

3. Da Doulon oan bet kaset ur pennadig goude
Deus pelec'h oan partiet komansamant miz Here.

4. Evit mont d'ar broioù pell digant va batimant
Evit ober daou vloaz kampagn En Extrem-Orient.

5. Deus war bont va batimant deus kreiz ar morioù bras
E Breizh-izel a sonjen mes alas din siwazh.

6. E-lec'h pourmen ar pardonioù gant va mestrezik fidel
Emaon o ruilhal war ar morioù war ur batimant brezel

7. Emaon bremañ er C'hochinchin ur pennad amzer zo
En ur sevel deus ar mintin e roan ur sell tro-war-dro

8. Mes alas ne welan ket nemet broioù savaj
E pere e rankomp chom breman e-pad daou vloaz

9. Ar pezh a zeu d'am c'honsoli ur wechik an amzer
Eo pa zeuan gant plijadur da resev ul lizhe

10. Hag an devezh a hirio ur joa vras am eus bet
En ur lennat ul lizherik gant va mestrez skrivet

11. Hag e-barzh al lizher-se em eus kavet ur fleurenn
Pehini a lavaras din evel ur vouezh souverenn

12. War va delioù alaouret da vestrezik fidel
Pa he deus hi va daspugnet war douar Breizh-izel

13. He deus depozet ur bouch en da intension
An dour en he daoulagad en ur ouelet d'he mignon

14. Hag he deus din lavaret en ur serriñ he lizher
Te a hasto anezho da zont buan d'ar ger

15. Setu aze konfidañsoù da vestrezik Mari
En em hastit martolod yaouank da zont d'he c'honsoli

16. Ar chanson-man zo bet kompozet e-barzh ar ger a Saigon
Digant ur martolod yaouank deus bord an Acheron

17. Hag ar martolod yaouank-se hirio a zo deut kozh
Dek vloaz ha pevar ugent neus bremañ Jos Ar Saoz

18. Mes kanañ a ra atav hag hirio e kan c'hoazh
En enor d'an dud kozh pere zo oajet bras

II. Le jeune matelot

1. En l'an 1914, un certain temps s'est passé,
Alors qu'en ville de Brest je me suis engagé

2. J'ai pensé à m'engager, dans la marine,
Pour voyager, aux quatre coins du monde.

3. On a été envoyé à Toulon peu de temps après,
D'où on est parti au début du mot d'octobre.

4. Pour aller dans les contrées lointaines sur un navire,
Pour faire une campagne de deux années en extrême Orient.

5. Des ponts de bateaux ou des mers immenses
On pense à la Basse Bretagne, à son grand désarroi.

6. Au lieu de se promener aux pardons avec sa petite amie fidèle
On est balloté en mer sur un batiment de guerre

7. On est maintenant en Cochinchine depuis un certain temps
Se levant le matin à regarder autour de soi

8. Mais hélas je n'ai vu que les pays sauvages
Dans lesquels on n'est resté que deux années

9. Il n'y avait pour se consoler de temps en temps
Que de revevoir avec plaisir une lettre

10. Et un jour j'ai eu une grande joie
Avec une petite lettre écrite par mon amoureuse

11. Et dans cette lettre j'ai trouvé une fleur
Qui me disait comme une voix souveraine

12. Sur les feuillets dorés ma fidèle amie
Avait mis de la terre de Basse-Bretagne

13. Sa bouche avait déposé à mon intention
L'eau de ses yeux pour le bien de son chéri

14. Et elle me disait en fermant sa lettre
Qu'il fallait que je me presse de rentrer à la maison

15. Voilà les confidences de ma chère Marie
En pressant son jeune marin de rentrer la consoler

16. Cette chanson a été composée en ville de Saïgon
Par une jeune matelot à bord de l'Acheron

17. Et le jeune matelot aujourd'hui est devenu vieux
Quatre dix ans a déjà Joseph Le Saux

18. Mais il chante toujours et aujourd'hui encore une fois
En l'honneur des vieux qui ont un age canonique.

III. Ti bras koad ar voc'h

1. Bremañ e parrez Fouenant tre kichen e Kemper
Kalz tud kozh a gav hirio aezamant vat ha mizer

2. Un ti bras zo savet espres evit degemer tud kozh
E-lec'h e c'hallont debriñ ha kousket mat deus an noz

3. E-barzh an ti bras-se bremañ tud kozh kazi abandonet
A gav c'hoazh tammoù plijadur digant o c'hamaraded

4. En ur gaozeal deus ar vuhez start neusont bet
En ur labourat an douar pe war ar mor o pesketet

5. Hag ar re deus an dud kozh-se hag a c'hoari c'hartoù
Amañ gant o c'hamaraded e reont partiadoù

6. Gwelet a reer er maner zo merc'hed ha gwazed kozh
C'hoari c'hartoù asamblez a-wechoù betek an noz

7. Mes ar re gozh all koulskoude, pourmen a garont gwelloc'h
E yeont da ober neuze un droiadig barzh ar vorc'h

8. Barzh ar vorc'h e vez evet div pe deir gwerennad
Lod deus outo teu en dro un tammig badaouet

9. An ti bras-se zo dirijet digant an Itron Michel
Karet mat deus toud an dud kozh,« Tous disent du bien d'elle ».

10. Ar wirionez va doue, me gred lavaret deoc'h
An dud kozh a zo kontant barzh residañs Koad ar vorc'h

11. Ar chanson-man a zo kanet gant unan deus an dud kozh
Trizek bloaz ha pevar ugent en deus echu Ar Saoz

III. Résidence "Bois du bourg"

1. Maintenant dans la paroisse de Fouesnant tout près de Quimper
Les nombreuses personnes agées sont entre l'aisance et la misère

2. Une grande maison a été construite pour accueillir les vieux
Où ils peuvent manger et bien dormir la nuit

3. Dans cette grande maison maintenant vieux quasi abandonnés
Trouvent encore des plaisirs dans la camaraderie

4. En parlant de la dure vie qu'ils ont eu
De leur travail de la terre ou de leur pèches en mer

5. Et ces vieilles personnes jouent aux cartes
Ici avec leurs camarades ils font des parties

6. On voit au manoir des femmes et hommes agés
Jouer aux cartes ensemble jusqu'à la nuit

7. Mais les vieux cependant préfèrent se promener
Et vont faire un petit tour au bourg

8. Au bourg ils boivent deux ou trois verres
Et au retour ils vont un peu emmechés

9. La grand maison est dirigée par la mère Michèle
Aimée de tous les vieux, « Tous disent du bien d'elle »

10. En vérité mon Dieu je vous le dis
Les vieux sont contents à la résidence "Bois du bourg"

11. Cette chanson a été chantée par l'un de ces vieux
Quatre vingt treize ans échus de Le Saux


[modifier] Une mention littéraire

Le roman « Les soeurs Gwenan » (Terres de France, 2010) d'Hervé Jaouen en hommage à la Marine Nationale, autrement dit la Royale, par le biais des 4 filles de Joseph Gwenan. Ce dernier ayant embarqué à Brest en destination de l'extrème-Orient ou de l'Afrique, la figure tutélaire de Jos ar Saoz y est évoquée :

Prologue

Joseph Gwenan allait devenir marin, le seul et unique marin de la Royale de toute la lignée des Gwenan, un destin exceptionnel pour un descendant de travailleurs de la terre qui pour la plupart mouraient sans avoir jamais vu la mer.

Chapitre 1

Au cours de ses campagnes de marin de la Royale, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, il en avait vu, de la misère humaine.

4e partie, au chapitre 18

Ils appartenaient à la marine en blanc, qui ne quitte pas le navire, et non pas à la marine en kaki, qui descend se battre à terre. On les imaginait vêtus de leur bel uniforme immaculé, à bord d’un aviso invulnérable, remontant des fleuves jaunes sous des ciels flamboyants, et peut-être un matelot chantait-il, accompagné par la douce musique de l’eau sur la coque, « La chanson de ma vie », écrite au début du siècle par Jos ar Saoz, un gars d’Ergué-Gabéric engagé dans la Royale.

Yaouank c’hoazh me oa kuitaet va bro gozh Breizh-Izel,
Evit mont da c’hounez ma boued e-barzh ar broioù pell.
Da Saigon en Indochin digentañ e oan bet,
Goude oan deuet d’an Afrik da vro an Arabed

Traduction :
« Jeune encore, j’ai quitté mon vieux pays de Basse-Bretagne
Pour gagner mon pain dans de lointaines contrées.
D’abord j’ai été à Saigon, en Indochine,
Et ensuite je suis allé en Afrique, au pays des Arabes. »

 


[modifier] Annotations

  1. Naissance le 09/06/1883 - Ergué-Gabéric (Reunic) de LE SAUX Joseph Marie, fils de Pierre, Cabaretier, âgé de 26 ans et de Marie Anne QUEMERE, Cabaretière , âgée de 26 ans. Témoins : Joseph Le Saux 28 ans menuisier à Briec et Jean Quéméré 49 ans cultivateur. Mentions marginales : Marié à Ergué-Armel le 2 Septembre 1913 avec Jeanne Catherine le LOUET. Mariage dissous par divorce du 04/10/1944 au tribunal de Casablanca. Décédé en 1978 à la résidence Koad ar vorc'h de Fouesnant. Acte de naissance : Image:NaissanceJosephLeSaux1883.jpg [Ref.↑]


Thème de l'article : Oralité et écrits bretons

Date de création : Décembre 2021    Dernière modification : 9.01.2022    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]