Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier
Un article de GrandTerrier.
Chaque semaine, un nouveau billet annonçant un ou plusieurs articles sur le site GrandTerrier.
Une compilation des billets est publiée en fin de trimestre sous la forme des chroniques du Bulletin Kannadig. Anciens billets hebdos : [Actualité, archives] Les anciennes affichettes : [Accroches à la une] Modifications d'articles : [Journal des MàJs] |
1 Vaisselle et accoutrements en 1572
05.02.2022 - Le plus ancien inventaire après décès (hors "aveux" nobles) conservé aux Archives départementales du Finistère : grand merci à Daniel Collet pour la transcription du document du XVIe siècle. Nota bene : la semaine prochaine les chroniques papetières du bicentenaire se poursuivent.
L'orthographe des noms des deux personnes de la dite succession est incertaine : la transcription littérale semble être « Bourreban / Kernehant », mais au regard des patronymes gabéricois habituels il s'agirait plutôt pour le mari de la variante « Bourrebau », couramment orthogra-phiée Bourrebao ou Bourbao, et « Kervehant » pour sa femme décédée. Il est question donc de la succession de la défunte Kervehant, prénommée Olive, au profit des enfants mineurs Guillaume, Olivier et Jean qui héritent des biens meubles de la maison parentale de Kerjestin. L'inventaire a pour but de « priser » (estimer) et totaliser la valeur des habits, meubles et vaisselles laissés après elle. À raison de 20 deniers pour un sou et de 20 sous pour une livre, on arrive à un total de 66 livres 17 sols et 4 deniers. Le mari veuf Yvon Bourrebau en conserve la propriété jusqu'à son décès moyennant le paiement à ses enfants de la dite somme (ou son reliquat).
De la sous-série B-253 à B-371, « Apposition de scellés, inventaires et ventes de meubles, faits en paroisse », des Archives Départementales du Finistère il s'agit du plus vieux inventaire après décès, si l'on excepte bien sûr les anciens aveux de domaines nobles. Pour le département du Finistère, le second des inventaires est daté de 1685 en la paroisse de Beuzec-cap-Caval, et à Ergué-Gabéric il faut attendre 1726 pour démarrer la séquence des autres inventaires.
À la lecture du document, ce qui frappe c'est la pauvreté de la défunte. L'inventaire semble un peu misérable par rapport aux documents de succession et de dot du XVIIe siècle d'Ergué-Gabéric que le mémorialiste Antoine Favé a étudié, la vaisselle et le vestiaire y étant bien plus conséquents en volumes et prix.
En 1572 Olive Kervéhant ne laisse que peu de meubles : une table « coulante » (couvrant un garde-manger), une seule armoire, quelques coffres et un « charnier » pour stocker la viande salée. Comme « accoutrements » (habits) elle n'a que deux jupons (« cotillons »), un tablier (« devanteau »), trois jupes (« cottes ») et trois coiffes (« courichiers »).
Et pour compléter l'affaire deux poêles de bronze (« airain »), deux plats d'étain, la poterie et faïences de Quimper ne se sont pas encore répandues dans les campagnes en cette fin XVIe siècle. Elle n'a pas de lit, mais sans doute son mari survivant en reste le propriétaire premier. Par contre il est surprenant qu'une charrue et son soc soient prisés en son nom.
La raison d'être de l'inventaire des biens meubles, excluant les biens immobiliers comme les bâtiments, est que l'exploitation de Kerjestin est régie sous le mode de « domaine congéable » . Ce mode de tenue est très courant en basse-Bretagne jusqu'au XIXe siècle, le propriétaire foncier noble restant propriétaire des éléments du fonds et pouvant congédier son domanier à sa convenance.
Le domaine de Kerjestin, en cette fin de XVIe siècle est détenu par les Rohan-Guéméné de Gié. Comme les Rohan sont proches du roi Henri IV et sont des résistants protestants, des « hérétiques » dit-on à l'époque, toutes les terres de Kerjestin seront confisquées en 1592 par la Ligue Catholique, avant d'être incorporées plus tard dans le domaine napoléonien de la Légion d'Honneur. .
En savoir plus : « 1572 - Inventaire de succession du ménage Bourrebau-Kervehant à Kerjestin »
2 Une expo pour le bicentenaire
29.01.2022 - L'exposition privée au 1er étage du manoir d'Odet est consacrée à l'histoire locale de l'entreprise papetière Bolloré, avec des vitrines d'objets, des documents d'archives, des photos et vidéos, sans oublier un mur entier présentant de façon didactique la fabrication du papier. Ce musée papetier a été préparé dans la perspective des fêtes du bicentenaire qui seront célébrées le 17 février à Odet et le 7 juillet 2022 à Paris.
La construction de l'espace musée au manoir d'Odet a eu lieu en 2012-2013 sur l'initiative de Vincent Bolloré comme une première étape vers la commémoration du bicentenaire de son entreprise familiale en 2022 et en écho de la fête du centenaire des papeteries de son grand-père René en 1922. La réalisation a été confiée à la société parisienne Ivoire Production et a mobilisé des contributions multiples des services de communication, et des anciens ouvriers papetiers.
Ainsi pour le mur technique qui décrit les étapes de fabrication du papier dans les usines d'Odet, Cascadec et Troyes on notera d'abord ce croquis réalisé par l'ancien ouvrier et dessinateur Man Kerouredan : déjà en 1954 il en avait fait une esquisse dans son rapport de stage à Odet.
Ensuite chaque étape de fabrication, de la chiffonnerie à l'emballage, est agrémentée d'illustrations photographiques et figuratives : les premières sont fournies par le grand photographe du Front Populaire, Isaac Kitrosser (revue Réalités, 1949) et les secondes par l'ingénieur chimiste Louis Barreau en activité à Cascadec et Odet de 1925 à 1964.
Et enfin les techniques de fabrication sont commentées par des anciens ouvriers et ouvrières, témoins et acteurs de ce savoir-faire papetier :
Marjan Mao à la chiffonerie : « Au début on faisait tout avec une petite faucille. La faucille était petite et elle avait les deux côtés tranchants pour couper les cordes, ficelles et filets. »
Marianne Saliou à l'emballage : « Quelquefois, on mettait 40 caisses de Cascadec avec 60 d'Odet pour faire 100. »
Louis Bréus et Hervé Gaonac'h, tous les deux sécheurs de faction : « La machine 8 tournait doucement au début, et à la fin elle tournait à 120 mètres la minute », « On arrêtait la machine quand il fallait changer de toile. On disait "chañch form" en breton. Et ça pouvait arriver la nuit. »
Jean Le Berre embauché en 1935 : « Une fois la pâte blanchie, elle était transportée dans des wagonnets jusqu'aux piles raffineuses. »
Et également les dessinateurs déjà cités, Louis Barreau expliquant le rôle du « gouverneur » à la pile de raffinage et Man Kerouredan admiratif des performances des appareils plus récents comme les Erkensators et les cleaners.
En savoir plus : « Le mur technique papetier au musée du manoir d'Odet »
3 Médaillés du travail et 80 ans
22.01.2022 - Évocation d'une grande fête à la papeterie Bolloré d'Odet le 2 mai 1927 (5 ans après le centenaire) grâce aux clichés du photographe quimpérois Etienne Le Grand, une coupure du journal de L'Union Agricole et un article du bulletin paroissial « Intron Varia Kerzevot » : l'anniversaire des 80 ans de la mère du patron, une messe commémorative dans la chapelle privée et une fête du travail avec de nombreuses remises de médailles.
Léonie Marie Blanche Surrault, née le 4 mai 1847 à Saintes en Charente Maritime, épouse le papetier René Guillaume Bolloré en 1876. Ce dernier décède en 1904, et leur fils René prend la succession de l'entreprise familiale. Léonie est désormais appelée "Madame Bolloré mère" pour la différencier de sa bru. Elle décèdera dans sa 101e année le 18 février 1948. On ne la voit pas sur les clichés du photographe Le Grand pour la fête de ses 80 ans, mais les discours lors du banquet et les commentaires de journaliste lui rendent un hommage appuyé :
« ses qualités du cœur et de l'intelligence ont conquis l'estime et la vénération de tous »
« Tous nous formulons le vœu que Dieu vous accorde la grâce de voir et de bénir les enfants de vos petits enfants. Ad multos annos ! »
« vous avez vu s'élever les maisons de la Cité ouvrière de Ker-Anna qui témoignent de la sollicitude de Monsieur Bolloré pour le bien de ses ouvriers ».
« ce qui a réjoui le plus votre piété c'est, j'en suis sûr, l'érection d'une chapelle à l'emplacement de l'ancienne »Sa piété et ses œuvres sociales sont largement appréciées localement. On notera que la projection des films commémoratifs lors de la fête inclut : « la visite de Madame Bolloré à la cité ouvrière, les danses bretonnes autour du puits de la Cité » (ces séquences ont-elles disparu aujourd'hui ou sont-elles conservées par la famille Bolloré ?).
La fête de mai 1927 a été photographiée et filmée par plusieurs professionnels : « de nombreux photographes braquent leurs appareils, le cinéma tourne ».
Et notamment il nous reste ces 14 admirables clichés d'Etienne Le Grand, photographe originaire de Lestonan :
On y voit le patron René Bolloré officiant les remises de médailles, accompagné de son épouse de blanc vêtue et de son fondé de pouvoir Louis Garin à la barbichette fournie.
Les ouvrières et ouvriers médaillés, tous et toutes en costumes traditionnels ou en habits de ville : « tous portaient le costume national, chupen compris ».
Les invités à la fête à la sortie de la messe de 11 heures, dont de nombreuses femmes portant la coiffe et des enfants endimanchés.Le nombre de médaillés pour les deux usines d'Odet et de Cascadec est impressionnant : « Il y eut plus de 60 de la nouvelle promotion, ce qui porte à 106 le nombre des médaillés d'Odet et de Cascadec. ». Le journaliste de l'Union Agricole signale que les médailles ne sont pas réservées aux ouvriers : « Il y a même un ingénieur qui reçoit sa récompense pour 27 ans de service », il s'agit de Yves Charuel du Guérand, ingénieur chimiste et beau-frère de René Bolloré. Dans la liste nominative publiée dans le bulletin paroissial on note aussi quelques contremaitres : Rannou Jean, Garin Louis, Briand Abel.
Mais la population ouvrière reste majoritaire, et notamment pour 50 ans de services la doyenne Anne-Marie Le Grand, veuve, qui reçoit sa médaille de vermeil (4 ont déjà été octroyées les années précédentes).
En savoir plus : « 1927 - Fête du travail et 80 ans de Léonie Bolloré à Odet »
4 Bulletin n° 56 matriculaire et patrimonial
Billet du 15.01.2022 - Le premier bulletin trimestriel de 2022 avec ses 28 pages ou 7 feuillets A4 recto verso pliés en A5 ; envoi postal dans la semaine. Et toujours pour l'année entamée les billets hebdos publiés chaque samedi et rassemblés dans le prochain bulletin d'avril.
Soldats, révolutions, actes et photos … Ce bulletin, couvrant les articles de l’automne dernier, donne une belle part aux registres-matricules de plusieurs soldats de la période 1880-1920 :
- Un ancien du Tonkin (1885), deux poilus de 1914-18 (Pierre Tanguy et Jean Lazou), et un matelot de la Royale.
- Grâce au premier soldat, Pierre-Marie Tonkin, le patrimoine gabéricois s’est enrichi d’une bannière de procession.
- Avec le dernier matelot, Jos ar Saoz, on dispose de chansons en breton sur son passé de matelot et de colon au Maroc.
Les trois articles suivants sont centrés d’une part sur des documents d’archives de la révolution française, et d’autre part sur la lecture marxiste, voire trotskiste, des mémoires de Jean-Marie Déguignet.
Ensuite, les actes paroissiaux du XVIIIe siècle, grâce à la numérisation complète des doubles registres des Archives Départementales du Finistère, avec l’analyse d’un acte de 1728 autorisant l’inhumation d’un suicidé « hors les lieux saints ».
Les derniers articles incluent des photos, que ce soit les clichés aériens des Boeings de l’I.G.N. au-dessus de la campagne gabéricoise entre 1948 et 1993, ou alors un reportage en Sud-Nivernais consacré à un retable flamand du XVe siècle qui ressemble étrangement à celui de Kerdévot.
Et enfin, on vous propose une nouvelle version des aventuriers de l’Arche perdue sur le pont de Sant Alar entre Kermadoret (Landudal) et Creac’h-Ergué.
Lire le bulletin en ligne : « KANNADIG n° 56 JAN. 2022 »
5 Enterrement pour une mort suspecte
08.01.2022 - En fin d'année 2021 les Archives Départementales du Finistère ont numérisé et mis à disposition la collection communale des actes BMS (Baptêmes, Mariages, Sépultures) pour les années 1629-1752, comblant les années lacunaires du second exemplaire départemental déjà numérisé, notamment cet acte de décès de janvier 1728 traitant de la mauvaise réputation des suicidés et fêtards et de leurs inhumations hors des cimetières.
« Appelé pour sonner à une noce », c'est-à-dire jouer du biniou ou de la bombarde pour le grand plaisir des danseurs d'un mariage, Hervé Riou, après avoir bu plus que de raison, s'enferme dans un four à pain encore chaud. La mort étant considérée comme un suicide, il est enterré dans une fosse « hors les lieux saints », près du calvaire de Kergaradec, et non dans le cimetière. Hervé Riou, né aux environs de 1668, est veuf en première noce de Marie Monfort. Huit enfants sont nés dont Hervé, témoin à l'enterrement de son père. Hervé Riou épouse en seconde noce Josèphe Jourdren le 28.01.1723 à Ergué-Gabéric et un enfant est né de ce mariage.
Plusieurs mariages ont eu lieu en ce début 1728, mais la présence de Maurice le Barz comme témoin lors de l’inhumation incite à croire que les faits se sont déroulés durant les réjouissances de son mariage avec Françoise le Meur, le 26.01.1728 à Ergué-Gabéric. Il est le fils de Mathieu le Barz et de Marie Lozeach, et son père est qualifié de « Messire » lors des naissances à Kernaon de certains de ses 12 enfants.
À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précise qu'il s'agissait du « four du village » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale.
Quant à l'inhumation, « attendu son genre de mort extraordinaire », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « une fosse faite exprès et bénite » (et non une fosse commune) au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire", il lui reproche également « l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.
Il faut dire qu'au XVIIIe siècle la question du lieu d'inhumation génère de multiples conflits à Ergué-Gabéric : ainsi, suite à l'interdiction de 1719 par le Parlement de Bretagne des tombes à l'intérieur des églises au profit des cimetières extérieurs, des femmes gabéricoises organisent en 1742 une inhumation illégale dans l'église St-Guinal à laquelle le recteur Edy doit s'opposer.
(Archives Départementales du Finistère. Référence 1049 E DEPOT 2. Voir la transcription textuelle réactualisée dans l'article.) À cette même époque les prêtres ont la latitude de refuser l'accès au cimetière aux décédés de mort violente et aux protestants. Avec la déclaration du 9 avril 1736, signée par le chancelier d'Aguesseau et Louis XV, les enterrements de morts suspectes sont tolérés moyennant l'ordonnance d'un juge criminel. Ici, en 1728, le desservant ecclésiastique d'Ergué-Gabéric exécute une mesure intermédiaire : il ne diligente pas d'enquête, il organise une inhumation à minima à l'écart du bourg et relate les circonstance dans l'acte de sépulture.
Dans un article publié par l'association Arkae de janvier 2003, Yves-Pascal Castel utilise l'expression d'« inhumations foraines » pour ce type d’obsèques et cite quelques exemples d'autres lieux d'enterrements civils et/ou épidémiques près de calvaires en Finistère (Bourg-Blanc, Locmaria-Plouzané).
* * * Depuis quelques années déjà, à la fin de l'année scolaire et juste avant la période estivale, un jeu et une balade bilingues sont organisés autour du bourg d'Ergué-Gabéric par le service patrimoine de la commune sous la forme d'une enquête sur la mort suspecte (« Enklask war dro maro an den kevrin ») d'Hervé Riou et son inhumation à Kergaradec. Versions française et bretonne proposées par Gaëlle Martin et Jean Billon. Rien ne vaut un jeu de piste pour mieux comprendre le contexte de cette affaire.
En savoir plus : « 1728 - Inhumation hors des lieux saints suite à une mort tragique dans un four à pain » et « Enklask war dro maro an den kevrin ~ Enquête sur la mort d'une personne mystère »
6 Emgann ar renkadoù ~ Lutte des classes
01.01.2022 - « Bloavezh mat e 2022, kalz a hunvreoù da gas war-araok » : encore une année révolutionnaire et plein de rêves fous à partager !
Jean-Marie Déguignet (1834-1905) est en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton s'est forgé ses opinions politiques. Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il l'écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence. »
Dans la deuxième série des cahiers publiés en 2001 sous forme d'Intégrale des Mémoires, c'est un florilège de déclarations et d'explications sur ces classes sociales en perpétuel affrontement :
Page 350, il expose sans ambages ses convictions sociales : « En politique, je suis un républicain des plus avancés, et en religion, libre-penseur, philosophe, ami de l'humanité », malgré sa méfiance vis-à-vis du socialisme page 516 : « L'histoire du socialisme depuis un siècle, c'est l'histoire du socialisme bourgeois, des jésuites et autres tonsurés qui ont et font toujours de mieux en mieux du vrai socialisme pratique. ».
Page 857, il dit sa déception vis-à-vis de ses amis prolétaires : « malheureusement, la plupart de ces prolétaires sont ignorants au suprême degré, insouciants, inconscients ... ».
Page 839, il dénonce le tzar à l'initiative d'une guerre meurtrière contre l'Empire du Japon : « cet empereur théo-autocrate de toutes les Russies ». Mais les cahiers s'achèvent en août 1905, à la mort de son auteur qui n'a pas pu commenter la révolution bolchévique. On aurait aimé l'entendre.Page 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière : « Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ» ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). - Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. ».
Page 514-515, il y a cette longue description des effets de la mécanisation aux papeteries Bolloré à Odet. L'extrait ci-dessous a été mis en exergue dans un article de Yolande Levasseur dans les Cahiers du mouvement ouvrier édités par le C.E.R.M.T.R.I. (Centre d’Études et de Recherches sur les Mouvements Trotskystes et Révolutionnaires Internationaux) en 2000 : « Une nouvelle machine est arrivée l'autre jour du Creusot. Elle fait à elle seule l'ouvrage de dix ouvriers et, par conséquent, le patron a mis dix ouvriers dehors. On entend des économistes dire qu'on ne peut pas arrêter l'essor du génie. Mais ce génie va à l'encontre du but vers lequel il devrait tendre, c'est-à-dire à égaliser un peu le bonheur en ce monde entre tous les individus, tandis qu'il tend au contraire à accabler de richesses et bonheur quelques privilégiés seulement, en en éloignant de plus en plus des millions de malheureux. » Est-ce que finalement Déguignet n'aurait pas été marxiste-léniniste s'il avait vécu un peu plus longtemps ? En tout cas, voici ce que pense de ses mémoires une militante trotskiste en mai 2000 : « Ce livre est bien dangereux. Il l'est pour tous les tenants du consensus général, du politiquement correct. »
En savoir plus : « Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle » et « LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue »
7 Le matelot chanteur de la Royale
25.12.2021 - Trois chansons en 1976 collectées par les Daspugnerien Bro C'hlazig (fonds Dastum, transcriptions de Bernez Rouz d'Arkae), registre matricule (classe 1903, numéro matricule 566, archives départementales du Finistère), et évocation littéraire d'Hervé Jaouen ("Les soeurs Gwenan").
En savoir plus : « 1904-1919 - Joseph Le Saux à la Royale et au bataillon marocain de la Chaouïa » et « Kanaouennou brezhonek kompozet ha kanet gant Jos ar Saoz »
8 Un officier très crâne au feu
18.12.2021 - Nouvelle occasion d'enrichir notre "Espace des Poilus" : la grande guerre de Jean Lazou, né en 1895 à Plougasnou et futur instituteur en Alsace-Lorraine et à Lestonan, avec ses combats, citations et médailles., grâce à son registre matricule, l'historique du 25e RI et les journaux officiels.
En savoir plus : « 1914-1919 - Les actions d'éclat et la légion d'honneur posthume de Jean Lazou »
9 Croix de guerre et fourragère
11.12.2021 - Un poilu dans les tranchées de la grande guerre, blessé lors d'un assaut, étoile de vermeil, fourragère et croix de guerre : carnet militaire personnel, registre matricule (classe 1911, numéro matricule 302, archives départementales du Finistère) et Historique du 12e Cuirassiers (Gallica BnF).
En savoir plus : « 1915-1919 - Les combats de Pierre Tanguy en Marne, Somme, Aisne, Meuse et Allemagne »
10 La bannière de "Tonkin kozh"
Billet du 04.12.2021 - Une bannière pour remercier Dieu, Notre-Dame de Kerdévot et ses saints pour le retour "magnifique" d'un soldat de ses campagnes militaires au Tonkin : témoignages familiaux et registres matricules militaires des Archives Départementales du Finistère (cote 1 R 944).
« Bet ban l'Annam, ban Tonkin, ban Afriq, ha deut bet d'ar ger magnifik ! » (j'ai été à Annam, au Tonkin et en Afrique, et je suis revenu à la maison "magnifique"), ainsi s'exprimait Pierre-Marie Quintin (1861-1930) de Niverrot quand on l'interrogeait sur ses années d'opérations militaires de 1882 à 1887. On le surnommait affectueusement « Tonkin kozh », le vieux Tonkin, et par cette expression « magnifik » il disait sa fierté d'être revenu en bonne santé de ses pays en guerre. Et pour cette bannière de procession « Tonkin 1885 » que ses parents avaient fait faire à son retour à Niverrot, Pierre-Marie répétait souvent « C'est ma bannière ».
D'ailleurs son registre matricule confirme bien son incorporation dans le 2e régiment de zouaves, et ses campagnes respectives : « En Afrique du 26 novembre 1882 au 18 janvier 1885. Expédition du Tonkin du 19 janvier 1885 au 4 juillet 1886. En Annam du 5 au 30 juin 1886. Opération d'occupation du Tonkin du 1er juillet 1886 au 3 janvier 1887. En Afrique du 4 au 16 janvier 1887. ».
On a pu penser que la bannière avait été réalisée en l'honneur d'un autre soldat du Tonkin, Corentin Signour de Keranroux, car Anatole Le Braz lors d'une description du pardon de Kerdébot en 1899 écrit : « Elle a été offerte par Signour ». Or Corentin Signour, qui est bien de la même classe que Pierre-Marie Quintin, n'est allé ni en Afrique, ni en Annam, ni au Tonkin. Certes les initiales C.S. sont brodées sur la bannière, mais elles pourraient avoir été ajoutées ultérieurement, et marquent peut-être sa contribution financière par solidarité avec les vétérans du Tonkin ou alors une appropriation du fait de la représentation de saint Corentin.
En tous cas, Pierre-Marie Quintin est bien le soldat gabéricois des 2e Zouaves, parti en campagne plus de 5 ans de chez lui, de 1882 à 1887. Il participe aux opérations coloniales dans le Sud-Oranais algérien, et aux dernières batailles de la guerre franco-chinoise dans les nouveaux protectorats français d'Annam et du Tonkin. Le passage de l'un à l'autre des fronts est détaillé dans le journal du géographe Paul Sainmont, soldat du 2e zouaves lui aussi : « Vive la France, vive le Colonel, vive le Commandant, en avant pour le Tonkin ! » (discours à Oran le 7 janvier 1885).
Pierre-Marie recevra pour ses services un certificat de bonne conduite et la médaille commémorative du Tonkin, et la bannière rouge du Tonkin est bien la sienne.* * * * * En savoir plus : « La bannière et la médaille de Pierre-Marie Quintin alias "Tonkin Kozh" »
11 Les finances de l'an II
Billet du 27.11.2021 - Dans le cadre d'un décret de 1793 portant sur la refonte des finances publiques, un avoué quimpérois est mandaté un an plus tard pour produire l'état de l'actif et passif de la nouvelle municipalité d'Ergué-Gabéric : document 28 L 82 des Archives Départementales du Finistère.
Charles Le Blond est un commissaire et avoué de Quimper, qui a participé avec son collège Salomon Bréhier à un certain nombre d'expertises et évaluations de biens gabéricois confisqués à la noblesse et au clergé local dans les années 1790-95. Ici, le 8 thermidor ou 26 juillet 1794, il est chargé par le District, dans le cadre du décret du 24 août 1793 de l'an II de la République, d'établir l'état de l'actif et passif de la municipalité d'Ergué-Gabéric, cette dernière étant représentée par le maire François Laurans de Squividan et l'officier municipal Jean Le Jour de Boden.
Comme le décret de 1793 exige l'établissement d'un livre de compte dans chaque commune, l'expert Le Blond est dépêché auprès de toutes « les municipalités en retard » autour de Quimper dans la période d'un mois après la commission du 24 messidor.
Le rapport d'Ergué-Gabéric détaille tout d'abord l'actif immobilier constitué des rentes et fondations annuelles qui jusqu'à présents étaient versées aux conseils de fabrique, à savoir les corps politiques affectés à l'église paroissiale et dans chacune des chapelles de Kerdévot, St-Guénolé et St-André. L'actif dit mobilier est « le produit des comptes qu'ont deub rendre les différentes fabriques successivement » restitué en début d'année 1793 et non relatif au culte, pour une somme trouvée dans la caisse de 245 livres.
Le montant total de l'actif immobilier est de 576 livres et 5 sols, mais ces rentes et dons payées annuellement par une quarantaine de propriétaires fonciers ou domaniers sont loin d'être acquises car « les articles de rentes sont la plupart arriérés depuis la Révolution malgrez avertissements fréquents donnés de venir paier ».
Par contre les biens confisqués aux noble et clergé sont exclus du total car relevant désormais des domaines nationaux. Sont cités par exemple pour mémoire « la fondation du Cleuyou supprimée par confusion dans la propriété devenue nationale », « une rente de 48e paiable sur le clergé propriété nationale ».
Le premier objectif du décret du 24 août 1793 est d'ordonner « la formation d'un grand Livre pour inscrire et consolider la Dette publique non viagère ».
Mais ici en Basse-Bretagne, les assignats ou autre créance sur les fonds publics ne sont pas d'actualité, et pour Ergué-Gabéric il n'y en a rigoureusement aucune selon l'expert : « déclare aussy n'avoir aucun passif ».
Mais les objectifs secondaires sont bien « la remise et annulations des anciens titres de créances, l’accélération de la liquidation, la suppression des rentes dues aux Fabriques », et le rapport gabércicois en est l'exécution conforme.
* * * En savoir plus : « 1794 - Etat de l'actif et passif de la commune et suppression des fabriques »
12 La municipalité de l'an III
Billet du 20.11.2021 - Une affichette publique, en date du 26 pluviôse de l'an 3 du calendrier révolutionnaire, pour officialiser l'installation de la municipalité d'Ergué-Gabéric après la période troublée de la Terreur : document 10 L 58 des Archives Départementales du Finistère.
En savoir plus : « 1795 - Placard brestois d'installation de la municipalité de l'an III »
13 Remonter le temps en B-17
Billet du 14.11.2021 - À partir de 1946, l'IGN (Institut Géographique National) a fait voler ses gros avions photographes, notamment les célèbres Boeing B-17, sur le territoire français et d'outre-mer afin de prendre des clichés des villes, et ... de la campagne gabéricoise.
Les cartes de randonnées IGN de la seconde moitié du XXe siècle doivent leurs précisions aux missions de photographies aériennes menées sur le territoire français avec les équipements embarqués sur des avions militaires reconfigurés à l'issue de la seconde guerre mondiale. Des milliers de clichés argentiques N&B ou couleur ont été produits et exploités. Il y a quelques années nous avions déjà publié sur le GrandTerrier les deux premières vues aériennes de 1948 concernant le territoire de la commune d'Ergué-Gabéric. Le nouvel espace Internet de l'IGN ayant été ouvert assez récemment avec ce nom très évocateur (« Remonter le temps ») et mettant à disposition l'intégralité des photos numériques, il était temps pour nous de compléter cette collection par les éléments dématérialisés suivants :
Au total 31 vues aériennes ont été ajoutées. Chaque photo aérienne est positionnée sur une carte actuelle de la commune, soit par exemple le cliché 47 du 24 mai 1952 (partie sud-ouest du Stangala à Lezergué) :
- les clichés supplémentaires de 1948 couvrant les villages manquants sur les deux premiers.
- les vues aériennes des années suivantes, toujours en noir-et-blanc : 1952, 1961, 1968, 1978.
- les photos couleurs réalisées en 1993.
Les photos numériques de l'IGN se présentant au départ sous forme de fichiers de haute résolution (fichier jp2 de 10000 pixels), nous les avons convertis au format du logiciel Zoomify pour permettre une navigation plus aisée à l'écran. Pour chaque fenêtre Zoomify les villages ou lieux-dits sont repérés par un symbole "hotspot", à l'instar du bourg sur la vue aérienne couleur du 20 août 1993 :
Si l'on analyse la situation topographique de 1948-1993, on notera de nombreuses différences par rapport à aujourd'hui : des quartiers en construction (au Rouillen notamment), des routes aux tracés différents, des zones naturelles sans habitations et sans industries, des superficies de champs nettement plus petites. L'évolution du paysage est celle d'un territoire qui urbanise : la population constante de 2600 habitants de 1900 à 1948 s'accroit rapidement à partir de 1970 pour atteindre 6600 en 1993.
La liste alphabétique détaillée des hameaux et lieux dits est également annexée après les vues aériennes, avec un lien sur l'article toponymique et cartographie. La cartographie comparée de chaque village sera progressivement enrichie par le zoom sur les clichés de 1952 à 1993, comme cela avait été fait pour les vues aériennes de 1948.
En savoir plus : « Espace des missions aériennes de l'IGN entre 1948 et 1993 »
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