Une rabine de platanes centenaires au manoir de Cleuyou - GrandTerrier

Une rabine de platanes centenaires au manoir de Cleuyou

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Catégorie : Patrimoine
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§ E.D.F.
Dans la série des richesses du patrimoine naturel communal, voici l'histoire ancestrale de cette allée d'arbres, appelée rabine, qui menait au manoir du Cleuyou.

Malheureusement, en mai 2013, les 22 derniers arbres, bien que tous sains, ont fait l'objet d'un abattage par les services de la voirie, ce qui prive la commune de témoins du passé, dont certains avaient été plantés il y a 160 ans en remplacement de leurs prédécesseurs. Le premier document d'archives connu mentionnant la rabine date de 1562.

Espérons simplement que les deux rangées d'arbres pourront être replantées prochainement pour une reconstitution de la rabine d'antan !

Autres lectures : « Archives du Cleuyou » ¤ « Les Le Guay (1804-1917), châtelains du Cleuyou au 19e siècle » ¤ « Souvenirs des fermes en activité au Rouillen, par Youenn Quillec » ¤ « Plan d'ensemble au 1/10000 de la commune et ses chemins ruraux en 1919 » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Comme l'écrivait le linguiste Dom Louis Le Pelletier (1663-1733) une rabine est « une allée de grands arbres plantés sur l'avenue d'une maison de noblesse et de quelque monastère ».

Ces deux rangées d'arbres étaient considérées dans les usements de basse bretagne, au travers des domaines congéables, comme une catégorie à part, distincte des hautes futaies et des bois taillis. Une futaie est un bois ou une forêt composée de grands arbres adultes issus de semis. Son opposé est le régime de taillis, dont les arbres sont issus de régénération végétative. Les convenanciers disposaient, pour se chauffer notamment, d'un droit de coupe de ces hautes futaies et bois taillis.

Par contre ils ne pouvaient ni couper, ni même émonder, les bois de rabine qui étaient protégés, et outre le sacrilège, les contrevenants pouvaient être attaqués en justice.

Ainsi, peut-on lire dans le Traité du domaine congéable d'Antoine Aulanier (St-Brieuc, 1847) : « Le domanier n'a aucun droit aux émondes des arbres fonciers plantés en rabines », et plus loin : « Les branches des arbres plantés en rabines, avenues ou bosquets, et celles des arbres qui ne s'émondent pas, appartiennent au propriétaire ».

 

A Ergué-Gabéric, les allées boisées mentionnées dans les textes anciens comme rabines, et protégées en tant que telles, étaient celles des manoirs de Lezergué, Kermorvan, Pennarun et du Cleuyou.

Après l'abattage contestable des 22 platanes de la rabine du Cleuyou, on a procédé à la datation des plus vieux arbres en comptant les anneaux de croissance visibles sur les troncs coupés. Sur les plus anciens on aboutit à un âge de 160 ans, ce qui indique qu'ils auraient été plantés dans les années 1850 par Prosper Le Guay [1], propriétaire du manoir et archéologue passionné.

[modifier] 2 Aveux et témoignage

En 1562, Louis Rubiern rend aveu [2] aux Régaires [3] pour le manoir du Cleuziou (Cleuyou) en mentionnant ses trois catégories d'arbres : « boys de haulte fustaye et rabines [4] et boys taillies ».

En 1620 et 1644, Louis et Pierre de Kermorial font la même déclaration pour Le Cleuziou suite au décès d'Anne Rubiern : « Item soubz pourpris [5], bois de haulte futtaye, rabine et aussy bois taillis ».

En 1794 l'expert en charge de l'estimation du manoir en tant que bien national préfère utiliser les expressions « la grande allée du manoir à Quimper » ou « l'allée principalle du manoir au chemin de Quimper sans veillons [6] ni brandons [7]. ».

Youenn Quillec se souvient des premières années du 20e siècle quand la longue rabine du Cleuyou avait bien plus que 22 arbres : « Pour aller au château du Cleuyou, on passait par une grande allée avec des arbres de chaque côté. C'est Malléjac de chez Renvoyé maintenant qui les a abattus presque tous. Au bout de l'allée qui débouchait sur la route de Coray en bas du Rouillen, il y avait une grande barrière ».

 
Tracé de la rabine en 1919
Tracé de la rabine en 1919

[modifier] 3 Annotations

  1. Prosper Le Guay, fils de Guillaume, lequel est originaire de Normandie et acquéreur du manoir du Cleuyou. Prosper est déclaré négociant et fabricant de fécules de pommes de terre, puis conseiller de préfecture. En 1846 Prosper est domicilié au manoir du Cleuyou, succédant à son père qui décède en 1861. Et en 1873 il y est toujours lorsqu'il s'inscrit comme l'un des premiers membres de la Société Archéologique du Finistère. [Ref.↑]
  2. Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief, à l'occasion d'un achat, d'une succession ou rachat. L’aveu est accompagné d’un dénombrement ou minu décrivant en détail les biens composant le fief. La description fourni dans l'aveu indique le détail des terres ou tenues possédées par le vassal : le village dans lequel se situe la tenue, le nom du fermier exploitant le domaine congéable, le montant de la rente annuelle (cens, chefrente, francfief) due par le fermier composée généralement de mesures de grains, d'un certain nombre de bêtes (chapons, moutons) et d'une somme d'argent, les autres devoirs attachées à la tenue : corvées, obligation de cuire au four seigneurial et de moudre son grain au moulin seigneurial, la superficie des terres froides et chaudes de la tenue. Source : histoiresdeserieb.free.fr. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  3. Régaires, s.m.pl. : administration en charge du domaine temporel d'un évêque, propriétaire et seigneur, au même titre que l'aurait été n'importe quel noble propriétaire d'un fief avec justice. Le plus souvent, ils provenaient de donations anciennes faites au cours des âges par des féodaux, qui souhaitant sans doute s'attirer des grâces divines ou se faire pardonner leurs péchés, avaient doté l'église de quelques fiefs avec les revenus en dépendant. Source : amisduturnegouet sur free.fr [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  4. Rabine, s.f. : allée de grands arbres plantés sur l'avenue d'une maison de noblesse et de quelque monastère ; source : Dom Pelletier. Ce mot existe en breton avec la même prononciation ; source : dictionnaire gallo de cc-duguesclin. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  5. Pourpris, s.m. : enceinte, un enclos et parfois une demeure, dans la France de l'ancien régime, et par métonymie l'espace ainsi entouré, c'est-à-dire le jardin. La réalité désignée dépasse celle d'un simple jardin en ce qu'elle recouvre les différents éléments d'un domaine physiquement bien délimité et fermé (mur, fossé, etc.). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  6. Veillon, vieillon, s.m. : « sous v(i)eillon », parcelle laissée en jachère naturelle. Le veillon est semble-t-il synonyme de « vieille terre », et composé d"herbes et de trèfles maintenus pendant au moins 2 ans. L'autre variété de jachère est le « brandon », dérivé du terme « brande », qui lui est constitué de bruyères sèches et inflammables. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  7. Brandon, s.m. : « sous brandon », désigne une parcelle tenue en jachère naturelle et constitué de bruyères sèches et inflammables. Le terme féminin « brande » désigne les terrains incultes où poussent les arbustes de bruyères. Source : TLFi. Une autre variété de jachère naturelle est le « veillon » qui lui est composé d'herbes ou vieux trèfles maintenus pendant au moins deux ans. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]


Thème de l'article : Richesses du patrimoine communal.

Date de création : Juin 2013    Dernière modification : 30.05.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]