Les premiers conseillers municipaux républicains, Le Progrès et Le Finistère 1912
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- | <i>Deux journaux locaux, de bords politiques très opposés, conservateurs et républicains, s'affrontent pour défendre leurs lignes politiques et expliquer les résultats des élections municipales.</i> | + | <i>Deux journaux locaux, de bords politiques très opposés, réactionnaires et républicains, s'affrontent pour défendre leurs lignes politiques et expliquer les résultats des élections municipales.</i> |
- | Autres lectures : {{Tpg|1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet}}{{Tpg|Louis Le Roux, maire (1906-1925)}}{{Tpg|1907 - Rapport de police sur la campagne d'un crocheteur socialiste}}{{Tpg|Chroniques nautiques gabéricoises de Yan Goaper, Le Progrès du Finistère 1908}}__NOTOC__ | + | Au-delà des invectives de part et d'autre émaillées de vers bretons et de bretonnismes, on découvre le rôle surprenant et central de l'instituteur du « hameau » de Lestonan. |
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+ | Autres lectures : {{Tpg|1919 - Liste d'Union Réactionnaire et Républicaine aux municipales}}{{Tpg|1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet}}{{Tpg|AC'H François et RAULT Roger - Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930}}{{Tpg|Louis Le Roux, maire (1906-1925)}}{{Tpg|1907 - Rapport de police sur la campagne d'un crocheteur socialiste}}{{Tpg|Chroniques nautiques gabéricoises de Yan Goaper, Le Progrès du Finistère 1908}}{{Tpg|1908 - Famille réactionnaire et prévisions électorales par le préfet}}__NOTOC__ | ||
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- | Les deux journaux « <i>Le Progrès du Finistère</i> » <ref name="ProgresFinistere">{{ProgresFinistère}}</ref> et « <i>Le Finistère</i> » <ref name="LeFinistere">{{LeFinistère}}</ref> se sont étripés en mai et août 1912 <ref name=Chuto>{{Chuto}}</ref> pour ces élections où pour la première foix six conseillers républicains vont cohabiter avec les élus conservateurs. | + | Les deux journaux « <i>Le Progrès du Finistère</i> » <ref name="ProgresFinistere">{{ProgresFinistère}}</ref> et « <i>Le Finistère</i> » <ref name="LeFinistere">{{LeFinistère}}</ref> se sont étripés en mai et août 1912 <ref name=Chuto>{{Chuto}}</ref> pour ces élections où pour la première fois six conseillers républicains vont cohabiter avec les élus conservateurs. Il faut dire que jusqu'à présent, depuis plus de trente ans, la mairie est dirigée exclusivement par des conservateurs dits réactionnaires. En 1904 le score des élections était de 64 % : « <i>Les 21 conseillers sortants libéraux ont été réélus par 345 voix contre 194. C'est un magnifique résultat. L'ancien Conseil a obtenu une écrasante majorité </i> ». |
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+ | En 1912 la situation est différente, et les correspondants locaux des journaux s'invectivent sous des pseudos et des qualificatifs choisis. Du côté des Réactionnaires, le journaliste conservateur du Progrès se présente comme le « <i>Goaper</i> » <ref name=Goaper>{{BR-Goaper}}</ref>, c'est-à-dire le "moqueur", et qualifie le camp opposé de Gugusses. Le journaliste républicain du Finistère se cache quant à lui derrière le collectif « <i>groupe d'électeurs libres</i> » ou le pseudo « <i>Le véridique</i> » et utilise généralement du terme « <i>cléricaux</i> » pour désigner ses adversaires. | ||
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+ | Outre des bretonnismes comme « <i>tailler les chupens</i> » <ref name=Chupen>{{BR-Chupen}}</ref>, la langue bretonne est aussi un support pour lancer des attaques, comme ces vers composés par les conversateurs, traduits en français par les républicains, avec semble-t-il une approximation sur le sens du mot « <i>turben</i> » <ref name=Turben>{{BR-Turben}}</ref> désignant son écharpe : | ||
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+ | « <i>Radicalet lipet ho peg | ||
+ | <br>Turben ar mair n'a po quet. | ||
+ | <br>Taïllet vo deoc'h guiz eo gloat | ||
+ | <br>Bebet chupen deuz en hed</i> ». | ||
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+ | <small>« Radicaux, léchez votre bouche, | ||
+ | <br>Le turban du maire vous n'aurez pas. | ||
+ | <br>On vous taillera comme il vous est dû | ||
+ | <br>Une veste de votre longueur ! »</small> | ||
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+ | Mais le clou des échanges les plus vifs est l'affaire de l'instituteur de Lestonan, Paul-Emile Godet <ref name=n4>{{PR-Godet}}</ref>. La situation de départ est décrite par le correspondant du Progrès : « <i>Tout un quartier de la commune était mécontent du maintien d'un instituteur de hameau auquel les pères de familles ne peuvent ou ne veulent pas confier leurs enfants. On m'a dit qu'il n'avait que 5 élèves, alors que son école aurait pu en compter 70 à 80</i>. » | ||
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+ | Partant de ce constat, le Progrès avance le raisonnement des électeurs d'Odet : « <i>La Municipalité sortante ne peut rien à la préfecture. Tâchons d'en nommer une autre qui aura l'oreille du Préfet. Ce sera pour nous un gain très sérieux. Nous ne serons plus obligés d'envoyer nos enfants à l'école du bourg</i> ». | ||
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+ | Le correspondant du Finistère s'offusque de cette explication : « <i>Quelle jolie trouvaille ! Quel mensonge naïf et quel aveu d'incapacité ! Le mensonge surtout est flagrant. A-t-on laissé la liberté du vote aux électeurs de ce quartier ? Au premier tour, ils sont menés au scrutin comme un vil troupeau. En échange d'un morceau de pain, on leur prend non seulement leur travail, mais aussi la liberté de penser, la liberté d'émettre leur opinion dans un des actes les plus importants de la vie : le vote</i>. » | ||
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+ | Le journaliste ajoute : « <i>Ces 38 voix et quelques autres ne sont pas allées à la République contre l'instituteur. Non, les républicains les ont gagnés parmi les nouveaux inscrits et parmi les abstentionnistes aux élections législatives. Et si l'exode de beaucoup d'ouvriers de la commune vers Paris et autres lieux n'était pas aussi grand, il est fort probable que la majorité serait passée de droite à gauche</i>. » | ||
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+ | Au-delà de sa défense, les Républicains considèrent Emile Godet comme l'un des leurs : « <i>(Il y a 4 ans) l'un des candidats (conservateurs) les plus importants vient chez l'instituteur en question, lui demande, non de voter pour lui, mais de ne pas lutter contre lui. - Il y a trois semaines, le même candidat le menaçait publiquement de le faire partir... Les Républicains continueront leur marche en avant. L'instituteur ne sera sans doute plus là, mais mort ou vivant il sera sans dans leur pensée et avec eux il criera : « Vive le Grand-Ergué républicain ! »</i>. » | ||
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+ | En réalité, 6 et 4 ans auparavant, le clan conservateur avait bien demandé le départ de l'instituteur via des dénonciations à l'Inspecteur en 1906 (cf livre de François Ac'h et Roger Rault sur l'école publique de Lestonan), et par une pétition en 1908. Témoin cet encart dans Le Progrès du Finistère : « <i>Que sont devenues les pétitions et les deux lettres signées par 14 mères de famille, concernant l'instituteur de Lestonan ? Il serait grand temps d'y répondre</i> ». | ||
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+ | Aux élections municipales suivantes, en 1919, les élus des deux bords, quelles que soient leurs sensibilités réactionnaires ou républicaines, se porteront candidats sur une liste unique d'union. | ||
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Version actuelle
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Deux journaux locaux, de bords politiques très opposés, réactionnaires et républicains, s'affrontent pour défendre leurs lignes politiques et expliquer les résultats des élections municipales. Au-delà des invectives de part et d'autre émaillées de vers bretons et de bretonnismes, on découvre le rôle surprenant et central de l'instituteur du « hameau » de Lestonan. Autres lectures : « 1919 - Liste d'Union Réactionnaire et Républicaine aux municipales » ¤ « 1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet » ¤ « AC'H François et RAULT Roger - Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930 » ¤ « Louis Le Roux, maire (1906-1925) » ¤ « 1907 - Rapport de police sur la campagne d'un crocheteur socialiste » ¤ « Chroniques nautiques gabéricoises de Yan Goaper, Le Progrès du Finistère 1908 » ¤ « 1908 - Famille réactionnaire et prévisions électorales par le préfet » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Les deux journaux « Le Progrès du Finistère » En 1912 la situation est différente, et les correspondants locaux des journaux s'invectivent sous des pseudos et des qualificatifs choisis. Du côté des Réactionnaires, le journaliste conservateur du Progrès se présente comme le « Goaper » Outre des bretonnismes comme « tailler les chupens »
Mais le clou des échanges les plus vifs est l'affaire de l'instituteur de Lestonan, Paul-Emile Godet Partant de ce constat, le Progrès avance le raisonnement des électeurs d'Odet : « La Municipalité sortante ne peut rien à la préfecture. Tâchons d'en nommer une autre qui aura l'oreille du Préfet. Ce sera pour nous un gain très sérieux. Nous ne serons plus obligés d'envoyer nos enfants à l'école du bourg ». |
Le correspondant du Finistère s'offusque de cette explication : « Quelle jolie trouvaille ! Quel mensonge naïf et quel aveu d'incapacité ! Le mensonge surtout est flagrant. A-t-on laissé la liberté du vote aux électeurs de ce quartier ? Au premier tour, ils sont menés au scrutin comme un vil troupeau. En échange d'un morceau de pain, on leur prend non seulement leur travail, mais aussi la liberté de penser, la liberté d'émettre leur opinion dans un des actes les plus importants de la vie : le vote. » Le journaliste ajoute : « Ces 38 voix et quelques autres ne sont pas allées à la République contre l'instituteur. Non, les républicains les ont gagnés parmi les nouveaux inscrits et parmi les abstentionnistes aux élections législatives. Et si l'exode de beaucoup d'ouvriers de la commune vers Paris et autres lieux n'était pas aussi grand, il est fort probable que la majorité serait passée de droite à gauche. » Au-delà de sa défense, les Républicains considèrent Emile Godet comme l'un des leurs : « (Il y a 4 ans) l'un des candidats (conservateurs) les plus importants vient chez l'instituteur en question, lui demande, non de voter pour lui, mais de ne pas lutter contre lui. - Il y a trois semaines, le même candidat le menaçait publiquement de le faire partir... Les Républicains continueront leur marche en avant. L'instituteur ne sera sans doute plus là, mais mort ou vivant il sera sans dans leur pensée et avec eux il criera : « Vive le Grand-Ergué républicain ! ». »
Aux élections municipales suivantes, en 1919, les élus des deux bords, quelles que soient leurs sensibilités réactionnaires ou républicaines, se porteront candidats sur une liste unique d'union. |
[modifier] 2 Transcriptions
Le Progrès du Finistère du 04.05.1912
Le Progrès du Finistère du 18.05.1912
Le Progrès du Finistère du 01.06.1912
Le Progrès du Finistère du 24.08.1912
Le Progrès du Finistère du 31.08.1912
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Le Finistère du 04.05.1912
Le Finistère du 11.05.1912
Le Finistère du 11.05.1912
Le Finistère du 18.05.1912
Le Finistère du 25.05.1912
Le Finistère du 01.06.1912
Le Finistère du 17.08.1912
Le Finistère du 17.08.1912
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[modifier] 3 Coupures de presse
Le Progrès du Finistère | |||||
Le Finistère | |||||
[modifier] 4 Annotations
- L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑]
- Le Finistère : journal politique républicain fondé en 1872 par Louis Hémon, bi-hebdomadaire, puis hebdomadaire avec quelques articles en breton. Louis Hémon est un homme politique français né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère) et décédé le 4 mars 1914 à Paris. Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat et se lance dans la politique. Battu aux élections de 1871, il est élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876. Il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère. En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions en 1914. [Ref.↑]
- Information et document communiqués par Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden : § [ses publications] . La dernière parution est « Bien-aimée Marie-Anne avec de belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise. [Ref.↑]
- Goaper, sm : terme d'argot peut signifier en langue française « vaurien, coupe-jarets », et provenir du mot espagnol « guapear » (faire le brave). C'était le nom donné à Paris aux vagabonds sans domicile, sans travail, et qui cherchaient des occasions de vol. Mais il est plus vraisemblable qu'il vienne ici d'un mot breton « goaper » qui veut dire « moqueur ». Charles Armand Picquenard dans son article « Le parler populaire de Quimper » publié dans Annales de Bretagne cite en 1911 ainsi ce terme : « Goape, goapeur : moqueur ». En breton gwapaer / goapaer », « hennezh zo goapaer ». [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Chupenn, chupen, sf, pluriel chupennoù) : veste courte pour homme, veston, pourpoint (Wiktionary). Emprunté du breton, le terme est devenu du genre masculin en parler quimpérois (C.A. Picquenard). Au sens figuré le terme peut avoir la même connotation que l'expression française de « tailler une veste ». [[:Template:BR-Chupenn|[Terme BR]]] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Turben, masculin, pluriel -où : turban, & ceinture (de tissu traditionnel). Source : dict. Favereau. Au sens figuré, pour désigner les attributs d'un maire, la tradition en français serait plutôt « ceinture », ou mieux « écharpe » tricolore. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Paul Emile Godet, est né à Neuilly-le-Dien (Somme) le 19 octobre 1864. Il est affecté dans le Finistère à Lambézellec en 1883, puis à Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna-Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel. En octobre 1898 il est nommé directeur à l'école des garçons de Lestonan où il va rester 14 ans jusqu'en 1912. [Ref.↑]
Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric Date de création : juillet 2014 Dernière modification : 14.03.2020 Avancement : [Développé] |