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Les billets hebdos de l'actualité du GrandTerrier

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1 Complément d'enquête en 1908

« Jeter la soutane aux orties », exp. : renoncer, abandonner par inconstance au départ, signifie abandonner scandaleusement l'état monacal, puis par extension, abandonner l'état ecclésiastique, par extension encore abandonner par inconstance ; source : dictionnaire en ligne Reverso.

Présentée brièvement sur le site Internet Quimper.Bzh dans la rubrique Mémoires des Archives Départementales de Quimper, cette pièce publiée cette semaine sur GrandTerrier est extraite des comptes rendus d’enquête du commissaire Judic et constitue un véritable morceau d'anthologie.

On y découvre les détails d'une affaire de mœurs qui, s'il ne s'agissait pas d'un religieux, n'aurait peut-être pas constitué un délit d'outrage public: « Le mardi 21 avril, dans l'après-midi le sieur Sergent, Frère des Écoles Chrétiennes, est allé se promener dans la commune d'Ergué-Gabéric en compagnie de la jeune Pxxx Jeanne, âgée de 16 ans ... Ils se couchèrent l'un près de l'autre dans un champ. Le bon Frère dégrafa le corsage de la jeune fille, lui retira son corset pour être plus à l'aise et se mit en devoir de l'embrasser. Ce qui se passa ensuite, on le devine. »

Les frères des écoles chrétiennes ou lasalliens formaient un institut religieux laïc de vie consacrée, de droit pontifical, fondé à Reims en 1680 par saint Jean-Baptiste de La Salle, et voué à l'enseignement et à la formation des jeunes, en particulier des plus défavorisés. Bien qu'ayant formulé les vœux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, les Frères n'avaient pas le statut de prêtres, mais portaient néanmoins une soutane noire non boutonnée avec un large rabat blanc, et ils étaient familièrement surnommés les « Frères quatre bras » à cause de leur grand manteau à manches flottantes.

Le lendemain, un des trois vicaires de la paroisse d'Ergué-Gabéric alla rencontrer le témoin principal de l'affaire, à savoir le charron et débitant de boisson Yaouanc, et lui déclara qu'il « s'agissait certainement d'un civil déguisé en Frère ». Avec sans doute l'intention de supprimer les preuves, le vicaire récupéra un des objets subtilisés par les témoins avant la fuite des amoureux, le chapeau du frère. Les autres pièces à conviction furent conservées pour l'enquête : « le parapluie du Frère, le chapeau, le corset, le tour de cou et le parapluie de la jeune fille ». Et cette dernière avoua les faits lorsqu'elle fut interrogée par le commissaire Judic.

Le commissaire Pierre Judic était une véritable personnalité connue de tous les quimpérois de cette période 1906-1922, comme le montre les nombreuses coupures de presse locale relatant ses enquêtes. Il était de toutes les affaires en région cornouaillaise, accompagnant les forces de l'ordre lors des opérations d'inventaire des biens de l'Église, interrogeant tous les accusés et témoins, et parlant même couramment la langue bretonne, ce qui lui était bien utile pour comprendre les dessous de certains faits divers.

Que devint le frère Sergent ? Sans doute fut-il muté loin du lieu de ses méfaits, ou alors il préféra « jeter sa soutane aux orties » ...

En savoir plus : « 1908 - Un scandale clérical à Ergué-Gabéric dévoilé par le commissaire Judic » Billet du 29.11.2014

2 Un jeune sorcier bas-breton

« On peut supposer que beaucoup de Bretons, dont le père n'avait pas mille francs de rente, à l'époque de leur naissance, croient un peu à la sorcellerie », Henri Beyle, alias Stendhal, Mémoires d'un touriste, 1838

Stendhal, lecteur assidu de la « Gazette des Tribunaux », tira son célèbre personnage de Julien Sorel du « Rouge et Le Noir » d'une affaire réelle. De même, pour illustrer son assertion sur les sorciers bretons dans ses « Mémoires d"un touriste », l'écrivain voyageur nous a fait découvrir la présentation dans cette Gazette du procès d'Yves Pennec, prétendu magicien d'Ergué-Gabéric.

Nous n'avions pas, jusqu'à présent, vérifié le texte original de la Gazette. Chose faite, on se rend compte que la retranscription de Stendhal est incomplète, le titre "UN SORCIER - MOEURS BRETONNES - CE QUE VAUT UNE FILLE" n'a pas été repris, et quelques paragraphes ont été tronqués ou omis.

La valeur d'une fille fait notamment référence aux échanges sur une prétendue dot : « il prétendit qu'il avait jusqu'à la concurrence de mille écus », l'écu - en breton skoed, représentant une somme de 3 francs. Le père répondit qu'il n'attendait pas plus de 1500F. Le maire a même confirmé que ce type d'échange lui semblait normal : « C'est vrai ce que dit le témoin ; une fille vaut cela dans notre commune ».

Norbert Bernard a publié en 2005 une étude très documentée sur le dossier des procédures du procès, et il y confirme que le surnaturel ne masquait que partiellement le côté prosaïque d'une affaire de vol. Sur les conseils d'Annick Le Douget, nous avons consulté le compte-rendu du président de séance Le Minihy dans la série BB20 des Archives Nationales.

Contrairement au compte-rendu de la Gazette des Tribunaux et de Stendhal, le rapport du juge ne présente pas non plus l'accusé comme un héros « enfant de l'Armorique à l'épaisse chevelure » et les allégations de sorcellerie ne sont pas vraiment prises au sérieux. Les faits révélés par le procès montrent plutôt des scènes typiques et récurrentes d'une société rurale au 19e siècle : Image:Right.gifImage:Spacer.jpgDépendance alcoolique et jeux de cartes ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe poids social de la parole du maire ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes voix et les légendes bretonnes ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLa valeur de l'argent dûment gagné ... Quant à la somme du trésor qu'Yves Pennec prétend avoir trouvé, à savoir « 300 francs en pièces de 6 livres et de cinq francs », sa décomposition est intéressante et nous renseigne sur les pièces en circulation en 1839. En effet, normalement, depuis la Révolution, il n'existait plus que des francs en circulation, et les pièces de 5 francs étaient devenues courantes. Par contre il est également question ici de pièces dites « écu de 6 livres » qui en fait avait en 1838 une valeur d'échange de 5 francs et 80 centimes. Norbert Bernard avance quant à lui cette hypothèse : « La mention de ce type de pièce, ainsi que de leur change, confortent l'idée d'un trésor qui aurait donc pu être enterré avant ou pendant la Révolution ».

En savoir plus : « 1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier » et « Un sorcier - Moeurs bretonnes - Ce que vaut une fille, Gazette des Tribunaux 1838 » Billet du 23.11.2014

DU ROMAN AUX ARCHIVES - Suite au billet de la semaine dernière sur la parution du tome 2 du « Chevalier Kerstrat », quelques échanges avec l'auteur nous ont permis de compléter le dossier et la biographie du chouan noir gabéricois: « Marie-Hyacinthe de Geslin, chouan, seigneur de Pennarun et de Quimperlé », « PEYRON Paul - La chouannerie dans le Finistère », « BERNARD Daniel - Recherches sur la chouannerie dans le Finistère »

3 Gélin de Pennarun, chouan noir

« — Mais où as-tu pêché tous ces renseignements ? Ce n'est quand même pas dans ta campagne d'Ergué ! — Apprenez, mossieu, que notre pays d'Ergué n'est pas aussi perdu dans la basse Bretagne que ces pays arriérés de . . .  ».

Cette semaine, le deuxième tome des aventures du chevalier Kerstrat de Bernard Baffait est enfin publié par l'éditeur breton Pascal Galobé. On l'attendait avec impatience, et c'est avec fierté qu'on l'a dévoré, car la commune d'Ergué-Gabéric y est à l'honneur.

Dans le premier tome, Jean-Hyacinthe Tréouret de Kerstrat évoluait parmi des compagnons animés par un idéal et un code de l'honneur. Dans le deuxième récit, le désastre de Quiberon a semé le découragement parmi les combattants du roi. Des chefs de guerre vont continuer cependant le combat, en pratiquant des trafics profitables, des chantages et des assassinats.

Et parmi eux Marie-Hyacinthe de Geslin du château de Pennarun en Ergué-Gabéric, dont la légende disait qu'il était resté en résistance sur ses terres familiales : « Il commande une bande de Chouans ; la rumeur dit qu’il a la main lourde. Il impose des prélèvements aux agriculteurs, un impôt aux gens de la ville, et gare à celui qui cherche à se défiler ! Il aurait du sang sur les mains ».

L'histoire commence en octobre 1795 par l'évasion imaginée du héros Kerstrat qui allait être fusillé à Brest par un peloton d'exécution suite à sa condamnation pour avoir « fait par­tie du Rassemblement armé contre la République ». Cet épisode nous permet de vivre avec lui les affrontements entre les Républicains et les Chouans noirs de la région d'Ergué-Gabéric, Briec et Gourin :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgTout d'abord, le point central du livre est situé sur Ergué-Gabéric, à proximité du manoir de Pennarun, l'habitation historique des Gélin, et d'où sont lancées les expéditions punitives contre les « patauds », les curés constitutionnels et les acheteurs de biens nationaux et, ce à Langolen, Querrien, Coray, Elliant ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe personnage de Gélin et son rôle de chef de division y sont précisément détaillés : « un homme proche de la trentaine, vêtu de hauts de chausse – ces culottes bouffantes qu’affectionnaient les paysans bretons – et d’une veste longue ouverte sur une chemise d’un blanc écru » ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes lieutenants et associés de Gélin ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLes autorités républicaines de Quimper ... Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt enfin les « tommerien » ...

Manifestement la série du chevalier Kerstrat de Bernard Baffait est une évocation très bien argumentée de la période révolutionnaire : ce n'est pas un roman historique de plus, c'est un véritable récit historique délicatement romancé. Tous les détails, les personnages, les situations y sont crédibles, au cœur de ce pays bas-breton, en contexte de guerre, de terreur, d'émigration et de chouannerie ...

En savoir plus : « BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouans noirs » Billet du 16.11.2014

Profitons du lieu pour publier un billet humoristique du « Progrès du Finistère » de 1908 : « Le sieur C.S, qui tenait la tête, dérapa, et son ingrate bécane l'abandonnant, il s'en fut à droite, décrivant une belle trajectoire, piquer une tête dans le fameux et tant redouté "Toul-ar-C'hemener" ». En savoir plus : « Une belle pelle à vélo dans la côte de Pennarun, Le Progrès du Finistère 1908 »

4 Mister Breizh-Izel en 1839

« BB 20/103, 3e trim 39, Aff Hervé Kerluen, domestique laboureur d’Ergué Gabéric, 21 ans, vol domestique de grains, acquitté grâce à sa beauté ».

Annick Le Douget, pendant la préparation de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale, publiée sous le nom évocateur de « Violence au village », avait repéré cette pièce ainsi dans ses notes de recherche.

En effet Théophile Le Meur, président juge de Quimper, note dans son compte-rendu d'assises (conservé aux Archives Nationales) : « Tous ont été touchés de la jeunesse, du physique remarquable de Kerluen, qui est l'un des plus beaux hommes de la basse bretagne, et il a été acquitté à sept voix contre cinq, d'après ce que j'ai appris plus tard, malgré sa culpabilité évidente, à mes yeux du moins. »

Les circonstances du délit : un jeune domestique est surpris par son maître à subtiliser des gains de seigle, qu'il met dans un sac qu'il compte vendre le lendemain à Quimper.

Sa ligne de défense : Hervé Kerluen voulait profiter du fruit de cette vente pour se rembourser d'un prêt que le domestique aurait consenti à son patron pour qu'il puisse s'enivrer au cabaret le jour du baptême du fils de la ferme, « un peu, mais pas de manière à perdre la raison.  », le tout en toute discrétion vis-à-vis de la patronne. Dans les débats il est aussi question d'autres vols récents pour lesquels le domestique avait été soupçonné.

Comme cela était coutumier en Basse-Bretagne au 19e et même au siècle suivant, le jeune homme (et sans doute d'autres témoins) fut interrogé par un traducteur auxiliaire de justice, car il ne savait «  ni lire ni écrire ... ; ne parlant que le breton ».

Cette affaire constitue une photo des relations sociales qui se nouaient entre les domestiques et leurs employeurs cultivateurs, le pouvoir d'autorité n'étant pas unilatéral, le domestique pouvait être amené à prêter de l'argent à son patron, et exercer une pression sur lui. Les autres composantes sociologiques sont le matriarcat (les hommes avaient peur des femmes, leur cachant leurs petites affaires), l'alcoolisme (les cabarets étaient dans la commune d'Ergué-Gabéric), et la religion (le baptême d'un tout nouveau né rassemblait tout le monde au bourg). Et enfin on a un maire cultivateur qui ne prit pas vraiment parti entre ses administrés, allant jusqu'à exprimer ses doutes sur la culpabilité d'un électeur potentiel.

En savoir plus : « 1839 - Acquittement d'Hervé Kerluen, un des plus beaux hommes de Basse-Bretagne »

Billet du 08.11.2014 - La semaine prochaine on poursuivra les chroniques judiciaires du 19e siècle par une revue réactualisée du procès d'Yves Pennec, celui que Stendhal avait évoqué dans ses mémoires de touriste : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... ».


NEWS - KELOÙ AR VRO - En cette veille du 11 novembre, le second tome de la saga des Gabéricois de 1914-1918 est disponible sous le titre « Cornouaillais dans la Grande Guerre », où une vingtaine d’itinéraires de Poilus sont retracés, toujours grâce aux travaux de collecte et de recherche de Jean-François Douguet. On l'a commandé (formulaire sur le site Internet d'Arkae), et on en fera la revue complète sur le site Grandterrier dès réception.

SUITE DU DERNIER BILLET - Suite à l’évocation d'une jeune institutrice à l'école communale des filles du bourg en 1893-98, un correspondant nous a communiqué une merveilleuse photo de jeunes élèves de cette même école, 37 ans plus tard : « 1935 - Classe de l'école Communale des filles au Bourg ». Par rapport à aujourd'hui, les abords de cette école avaient un autre charme en ce temps-là !

5 Une institutrice "bonne et douce"

« Marie Le Capitaine, née en 1873 à St-Ségal d'un père "poseur de voies ferrées", premier poste d'institutrice au bourg d'Ergué-Gabéric en 1893  »

Billet du 01.11.2014
Billet du 01.11.2014

Son dossier de suivi conservé aux Archives Départementales du Finistère, contient, pour sa période de 5 ans à l'école communale des filles du bourg, d'une part sa fiche d'affectations, et d'autre part les trois visites des inspecteurs primaires Journin en 1895-1896 et Creantulo en 1898.

Ils ne sont vraiment pas tendres ces fonctionnaires de l'Instruction Publique, et pourtant :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgElle doit diriger et animer une classe de plus de soixante élèves réparties sur plusieurs niveaux d'âges.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQuelques appréciations positives : « Bonne et douce jeune fille » ; « Beaucoup d'ordre ; aptitude marquée pour le travail manuel. » ; « Melle Capitaine a de la bonne volonté ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgMais les critiques tombent très vite : « elle manque d'ardeur et de savoir faire » ; « Peu, très peu de résultats » ; « Note : 9 / 20 ».

En cette fin du 19e siècle, quels sont l'état général et le fonctionnement de la première école publique communale, mise en service en 1854-55 :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgIl y a deux classes en ces années 1890, pour un total de 116 élèves, et l'école est sous la direction de Melle Rolland, institutrice de la première classe.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgIl manque de la lumière dans la 2e classe et le logement de l'institutrice stagiaire est étriqué, comme l'indiquent ses vœux : « Je désirerais une classe plus claire, mieux aérée et un logement plus convenable. »

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEn 1898, il est noté que l'état de la porte de la salle de classe laisse à désirer : « La classe est assez propre mais la porte est délabrée ». Pour le mobilier de la classe et son côté rudimentaire, on peut aussi se référer au devis de construction de cette première maison d'école à Ergué-Gabéric en 1854 : « 5 tables et bancs, 1 table pour le maitre, 1 tableau noir et chevalet, un poële en fonte avec tuyau, 25 encriers en plomb ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe niveau scolaire des jeunes filles gabéricoises n'est pas très élevé, la fréquentation étant par ailleurs passable ou assez bonne : « La majorité des élèves n'a retiré aucun fruit des exercices faits aujourd'hui. 5 ou 6 sur 20 ont compris le problème donné, les autres ne l'ont pas compris.  » ; « Les élèves ne sont pas suffisamment exercées à parler, elles ne s'expriment pas toujours correctement. ».

Bien que cela n'est pas noté par l'Inspecteur, on peut supposer que l'usage de la langue française est concurrencé par la pratique locale du breton dans la vie quotidienne, cela expliquant certaines difficultés d'expression : « Dans les exercices de langage, on doit habituer les élèves à répondre par de petites phrases et non par des mots seulement. ».

En savoir plus : « 1893-1898 - Inspections de la classe d'une institutrice stagiaire au bourg » et « 1886 - Ouverture de l'école communale des filles dans la maison d'école du Bourg »

6 Une malle d'anciennes photos

« La photographie est une pratique d'envoûtement qui vise à s'assurer la possession de l'être photographié. », Le Roi des Aulnes (1970), Michel Tournier

Les collectionneurs de vieilles photos pratiqueraient-ils aussi l'envoûtement vaudou ?

En tout cas, nous en connaissons qui, au contraire, sont avides de partager leurs trouvailles, de connaître ou de faire connaître la vie des personnes qui sont passées au début du 20e siècle dans les studios des photographes quimpérois Joseph-Marie Villard et Etienne Le Grand, ou dans les années 1970 devant les flashs des reporters des « Actualités Photographiques Parisiennes »

Témoins ces clichés de sujets gabéricois à faire défiler ci-contre, lesquels nous été communiqués récemment par des spécialistes de la brocante :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgDeux couples de mariés, tous les quatre en habits bretons photographiés par Etienne Le Grand, et où les deux frères arborent une discrète moustache. Ne les ayant pas encore identifiés, un appel est lancé, au travers du concours initié il y a quelques mois « 1880-1940 - Les plus beaux couples gabéricois en costumes bretons », pour leur donner noms, prénoms, dates, lieux de vie ...

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgUne photo du couple formé par Jean Le Dé de Boden et de Josephe Nédélec de Lezergué, photographiés en 1911 par Joseph-Marie Villard. La mariée est la tante de celui qu'on surnommait Jean Lezergué, dernier « chatelain » agriculteur du manoir du même nom.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt enfin six photos d'un studio parisien où l'on voit les membres du bagad « Ar Re Goz » en costumes traditionnels, invités au palais de l’Élysée par M. et Mme Giscard d'Estaing pour le 14 juillet 1976. On y reconnait entre autres le penn-talabarder gabéricois Pierre Roumégou, mais qui nous dira qui sont les 20 autres musiciens retraités et les 3 jeunes belles filles aux trois coiffes différentes ?

 

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En savoir plus : « Deux couples de mariés non identifiés », « 1911 - Les mariés Jean Le Dé de Boden et Josephe Nédélec de Lezergué » et « 1976 - Le bagad Ar Re Goz invité au palais de l'Elysée »                                              Billet du 25.10.2014

7 Intron Varia an Aerouant Kerzevot

« AEROUANT, masc., (a)erevent : démon, dragon, & (br-kr.) ennemi, monstre, (& loc.) météore, nuée ardente. », dictionnaire Francis Favereau

Billet du 18.10.2014
Billet du 18.10.2014

Près de l'entrée sud de la chapelle, face à la légendaire statue de Notre-Dame de Kerdévot en compagnie de ses angelots, une autre mystérieuse Vierge à l'Enfant foulant un démon-poisson de son pied gauche.

Dans un billet récent de son blog « lavieb-aile.com », Jean-Yves Cordier nous décrit la particularité méconnue de cette statue : « un coup d'œil trop rapide passerait à coté de la Bête écrasée sous son pied. Pourtant, elle n'est pas morte, l'infecte ophioïde aux écailles puantes, l'anguipède à la queue entortillée par les spasmes du vice : elle vous fixe de ses yeux rouges. On en admire que mieux la splendide maîtrise avec laquelle Marie, regard fier et serein, tient son Fils préservé du vert maléfice. »

Dans son livre sur les démones bretonnes, la japonaise Hiroko Amemiya, spécialiste des contes et tradition orale, en fait cette description : « Couché sur le côté, sous le pied gauche de la Vierge. Gueule légèrement ouverte. Yeux rouges. Le corps, vert foncé, est couvert d'écailles sculptées. »

Mais est-ce un démon de sexe féminin, une « démone » que Louis Le Thomas et Amemiya Hiroko ont si bien décrite dans leurs ouvrages respectifs ? La bête de Kerdévot n'est pas représentée comme une femelle, car ses possibles mamelles sont cachées dans les plis de la robe rouge de la Vierge. Par contre, suivant la classification de Louis Le Thomas (démon-poisson et démon serpent), on peut penser, du fait des écailles sur la queue, qu'il s'agit d'un animal aquatique et non d'un serpent terrestre.

Au delà de cette description que sait-on de ce type de statuaire typiquement bretonne ? Quelle est la signification de sa présence à Kerdévot ? Quel était son nom en breton : « Intron-Varia an Erc'h » (neige) ? "« IV an Nec'h » (angoisse) ? « IV an Trec'h » (victoire) ou « IV an Aerouant » (démon ou dragon) ?

Sur GrandTerrier on propose cette dernière variante « Intron Varia an Aerouant » (N.-D. du Démon), dont la première syllabe est plus proche de « Nec'h » ou « Erc'h ». Le terme breton « Aouerant » indique généralement un dragon, mais peut également désigner un démon, un ennemi, un monstre, une météore, une nuée ardente ... De quoi alimenter un imaginaire auréolé de la légende de la peste d'Elliant.

En savoir plus : « Une Vierge à l'Enfant et au Démon-Poisson à Kerdévot » et « AMEMIYA Hiroko - Vierge ou Démone »

8 Âmes fières et esprits valeureux

Frédéric Morvan, né à Brest en 1965, est spécialiste de l'histoire de la Bretagne du XIIe au XVe siècle. Après avoir été chercheur, il enseigne aujourd'hui dans le secondaire dans le Finistère nord et anime le « Centre d'Histoire de Bretagne / Kreizenn Istor Breizh ».

Billet du 11.10.2014
Billet du 11.10.2014

Ce livre « Les Bretons - L'esprit valeureux et l'âme fière (1870 - 1970) », édité par Édouard Boulon-Cluzel chez Michel Lafon, fait sa sortie en librairie jeudi prochain le 16 octobre.

Un grand livre-objet magnifique - en l’occurrence l'adjectif n'est pas galvaudé, croyez-nous ! - retraçant les 100 ans qui ont façonné la Bretagne que nous connaissons aujourd'hui, avec une trame textuelle rédigée par un grand historien, et plus de 500 documents iconographiques dont certains sont reproduits à l'identique et tirés à part, pour le plaisir - et une émotion réelle - de pouvoir toucher des objets témoins de notre histoire.

Outre les sujets développés par Frédéric Morvan, des « Oubliés de Conlie » jusqu'au dernier titre « Avenir et héritage », ce qui nous émeut le plus, ce sont bien sûr les pièces concernant la commune d'Ergué-Gabéric :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 17 : chapitre « Une aristocratie influente », citation des mémoires de J.-M. Déguignet, extrait du récit des élections législatives d'octobre 1877 à Ergué-Armel.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 21 : quatre pages de deux carnets manuscrits d'Anatole Le Braz à propos du décès de son "protégé" Jean-Marie Déguignet pour le chapitre « Encore un tiers état ? ». Le CRBC de Brest, le conservateur de ces cahiers, en a fourni la copie numérique, et sa reconstitution glissée dans son étui intercalaire, avec sa couverture et son papier quadrillé, est d'une authenticité incroyable. Le texte complet est retranscrit en fin d'ouvrage page 92.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 36 : la description de la commune d'Ergué-Gabéric par le préfet, alors que le candidat républicain Louis Hémon se bat contre le conservateur Jean-René Bolloré. Les photos de la fiche préfectorale et du tract électoral en breton servent d'illustrations au chapitre « Le ralliement à la République ».

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgPage 47 : chapitre « La restauration industrielle » : témoignage de J.-M. Déguignet, suite à sa visite à la papeterie Bolloré d'Odet : « j'entrevis trois ou quatre individus, les bras croisé sur la poitrine à la manière des paysans bretons. Ils étaient là comme des fantômes, les yeux fixés sur les machines, ne bougeant, ni parlant. ».

Au-delà de ces quatre pièces gabéricoises, les nombreux objets insérés dans le livre-objet, venant de tous les pays de Bretagne, sont tous très instructifs et édifiants. Achetez donc le bel ouvrage pour votre bibliothèque personnelle, et ... si possible offrez-en d'autres exemplaires à vos proches et amis chers !

En savoir plus : « MORVAN Frédéric - Les Bretons (1870-1970)»

9 Le pardon de Pierre Roumégou

« Les femmes mariées dans l'année portaient la statue de Sainte Anne lors de la procession, tandis que les jeunes filles de 17 ans portaient celle de la Sainte Vierge (elles étaient parées de costumes bretons richement brodés) »

Pierre Roumégou, quand il fut mis, en 1962, en retraite de la marine et du bagad de Lann-Bihoué qu'il avait fondé, consacra son énergie à sa commune et sa paroisse d'Ergué-Gabéric.

Il était fabricien de Kerdévot, et dans les années 1970-1980 il a été le correspondant local du journal du Télégramme. À ce double titre, il a montré qu'il avait une affection particulière pour la chapelle de Kerdévot. C'est d'ailleurs en cet endroit, devant le calvaire, que la photo familiale de ses noces d'or avec Marie Gourmelen sera prise en 1986.

Et en 1980 il composa, de sa très belle écriture, un article manuscrit sur les us et coutumes autour de la chapelle de Kerdévot au début du siècle. Cet écrit devait être inclus dans un bulletin de la Commission Extra-municipale de Recherches Historiques, mais ne fut pas publié faute de place. On découvre dans cet article sa pleine connaissance des chemins et voies de traverses communales qui étaient empruntées par les pardonneurs de Kerdévot.

Pour son métier de journaliste local, son atout était de connaitre toute le monde et d'avoir un bon sens de l'observation : « Toutes les personnes désignées pour porter une enseigne donnaient un pourboire au recteur, ceci se faisant dans la sacristie. Ceux qui, pour une raison quelconque, n'avaient pas pu assister au pardon n'étaient pas oubliés : ils recevaient des bonbons achetés aux Romanichels ». Comme Pierre était également conseiller municipal, l'autre correspondant vedette du journal Ouest-France, Laurent Quevilly, lui dédicaça en 1986 son premier dessin d'une série de caricatures d'élus : «  Et celui-là, nul n'est besoin de le présenter ! ».

Dans les colonnes du Télégramme, Pierre Roumégou a régulièrement fait des compte-rendus des pardons de Kerdévot de début septembre. Celui de 1979 en est un exemple, un peu développé. Et cette fois, le journaliste a bien pris des photos, il n'a pas oublié de mettre une pellicule dans son appareil, comme cela arrivait assez souvent, parait-il !

Et cette année 1979, les traditions bretonnes furent bien respectées : « Puis, ce fut la grande procession très suivie par la majorité des personnes présentes et dans laquelle nous avons remarqué, parmi les porteurs d'enseignes et de croix, des femmes et des hommes portant le costume breton, carence qui avait été tant déplorée l'an dernier. »

En savoir plus : « Souvenirs du pardon de Kerdévot par Pierre Roumégou », « Pierre Roumégou (1910-1996), penn-talabarder et correspondant local », « Articles dans Le Télégramme»

Billet du 04.10.2014


À signaler : un très bel article, sous le titre « Les bannières, c'est comme les papillons. Le Grand Pardon de Kerdévot », signé Jean-Yves Cordier, sur son blog « lavieb-aile » qui porte si bien son nom. On peut y admirer toutes les magnifiques bannières de procession, faces avant et arrière, qui ont été déployées lors du dernier pardon.

10 Kannadig ar c'hozh-amzer 2014

« Souvenirs, souvenirs, De nos beaux jours de l'été, Lorsque nous partions cueillir, Mille fleurs, mille baisers ... On dit que le temps vous emporte, Et pourtant ça, j'en suis certain, Souvenirs, souvenirs, Vous resterez mes copains », Johnny Halliday

La chanson de Johnny résonne certainement dans vos têtes. Et les anciens élèves de l’école communale du bourg ont sans doute eu aussi cette nostalgie lorsqu’ils ont échangé leurs souvenirs d’après guerre sur le site GrandTerrier.

Ce sujet scolaire est donc le tout premier article du nouveau bulletin automnal. Ce dernier est toujours au format réduit A4, introduit juste avant l’été pour les raisons suivantes :

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe coût croissant d’impression et de publi-postage.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe poids limite en tarif économique imposé par la Poste.

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgLe désir de s'aligner sur l’étymologie de Kannadig,
le « petit  (–ig) bulletin » (kannad).

La première livraison en demi A4 n’ayant pas été optimale pour les lecteurs à la vue sensible, on a essayé cette fois d’améliorer la taille des polices et le positionnement des images.

La page de couverture a été allégée, la table de matières déplacée au recto, avec ajout d'une photo énigme à identifier et localiser (cf ci-contre).

Et on a même pu ajouter quatre pages supplémentaires pour un poids toujours en « -ig ». C'est l'occasion unique de citer le fameux « Small is beautiful ! » en breton : « ar pezh a zo bihannig a zo brav ! ».

Sommaire complet :
1. L’école communale des garçons du bourg en 1946
2. Le ruisseau de Douric Piriou et le Pont-Banal
3. Arrivée des conseillers républicains en 1912
4. À la recherche des traces de Sainte-Appoline
5. La violente et sidérante affaire Le Jaouanc
6. La carte aux trésors du moulin de Kerfors,

7. Plus de six cents poilus gabéricois partirent
8. Les traces des ruines du manoir de Kerfors
9. Les biens du prêtre déporté Alain Dumoulin
10. Les fameuses crêpes légendaires de Kerdévot
11. Médaille présidentielle d’honneur agricole en 1896
12. Jean-Marie Déguignet et l’alcoolisme breton
13. Le GrandTerrier d’Erc’hié-Vrâz par Auguste Brizeux

En savoir plus : « Kannadig n° 27 Septembre 2014 »

Billet du 27.09.2014

Addendum : en lien avec le dernier article, on vous propose un petit exercice phonétique : traduisez Vras/Vrâz en français, mettez ce terme « Grand » devant « Erc’hié », et prononcez le à voix haute …

11 Jean-Marie il est malade

« Jean-Marie il est malade, Il lui faut le médecin (bis). Le méd'cin dans sa visite Lui a interdit le vin. Refrain : Moi qu'aimais tant... tant, tant, tant ! Moi qu'aimais tant Jean-Marie (bis) », traditionnel breton

Dessin de Vincent Rif - - - - - Billet du 13.09.2014

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgQuel regard portait Jean-Marie Déguignet sur l'alcoolisme dans ses mémoires de paysan bas-breton  ?

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgÉtait-il lui même atteint de la même dépendance toxicomaniaque que celle observée chez ses contemporains ?

Image:Right.gifImage:Spacer.jpgEt comment se démarquait-il par rapport à son ennemi Anatole Le Bras dans la lutte anti-alcoolique ?

À la deuxième question, l'ethnographe Philippe Carrer a déjà répondu ainsi : « Notre héros échappe, dans l'ensemble, au danger toxicomaniaque. Il n'y a guère que pendant la période assez brève où il place des assurances qu'il mentionne une nette surconsommation. »

C'est surtout en tant qu'observateur d'une société rurale du 19e siècle que les écrits du paysan bas-breton sont intéressants. La consommation d'alcool y était bien ancrée que ce soit lors d'évènements comme les élections et les pardons, mais aussi dans la vie familiale et professionnelle.

Au pardon de Kerdévot, il observe une consommation généralisée de boissons fortes : «  L'esplanade était entièrement couverte de débits et de longues tentes blanches, lesquelles étaient remplis de gens buvant des camots et demi-camots, c'est-à-dire de l'eau noircie mêlée de la plus mauvaise eau-de-vie ».

Dans sa vie familiale, Jean-Marie Déguignet a été très éprouvé par la chute de sa femme dans une dépression alcoolique dévastatrice. Profitant de sa situation de débitrice de boissons, Maryvonne « était en train de gaspiller stupidement tout l'argent qui nous restait », et favorisait la consommation de ses clients, « toujours fière et glorieuse, et toujours entre deux vins, elle ne faisait pas faute de leur en servir à bon compte ».

Dans sa vie professionnelle d'agent d'assurance, Déguignet avoue une consommation personnelle et collective lors de ses visites en milieu agricole, laquelle consommation semble coutumière : « Nous restâmes longtemps là car le cidre et le café fortement carabiné avaient délié toutes les langues.  », « nous ne pourrions jamais retourner au bourg, rapport à la neige et aussi rapport à la boisson que nous n'avions cessé d'ingurgité depuis le matin. »

Si Déguignet est effrayé par les désastres du fléau alcoolique, ce n'est pas pour autant qu'il approuve les anti-alcooliques moralisateurs comme Anatole Le Braz. Ce dernier faisant une conférence sur le sujet à Quimper en 1901, il s'insurge : « Mais que diable a pu dire ce jésuite au sujet de l'alcool qui n'aît pas été dit et redit cent fois par les déments de l'antialcoolisme !». Sa conférence fut une litanie d'anecdotes sur des cas d'alcoolisme contemporains, tout en faisant une allégorie d'une Bretagne mythique : « La Bretagne ne peut aspirer à ce grand rôle ... qu'à une condition ; c'est de dompter dès maintenant, quand elle peut encore en avoir la force et la volonté, ce terrible fléau qui la tue : l'alcoolisme. »

Mais Déguignet cite des extraits des célèbres « Légendes de la Mort en Basse-Bretagne », toute en apportant une contradiction empreinte de lutte de classes ...

En savoir plus : « Déguignet et l'alcoolisme en Bretagne au 19e siècle » et « CARRER Philippe - Ethnopsychiatrie en Bretagne »

Billet du 20.09.2014

12 Le Grand-Terrier d'Erc'hié Vrâz

« La version que je donne ici, et qui offre d'assez grandes différences avec celle de Brizeux, m'a été dictée, le 17 mai 1868, par Iann Floc'h, fossoyeur de la paroisse de Beuzec-Conq. », Louis-François Sauvé

Billet du 13.09.2014.
Billet du 13.09.2014.

Auguste Brizeux (1803-1858) est un poète romantique breton né à Lorient. Né en Bretagne bretonnante, Brizeux parlait le breton cornouaillais, et publia notamment un recueil de proverbes en 1845 : « Furnez Breiz » (Sagesse de Bretagne). Et dans cette œuvre poétique on peut lire une triade de Cornouaille : « Trivéder Kerné » :

« Person Kemper a zô skolaer,
  Ann hini Erc’hié-Vrâz marrer,
  ...
 »

Le recteur de Quimper est instituteur, Celui du Grand-Ergué, écobueur, ...

Que nous apprend cette triade cornouaillaise en breton sur notre commune ? Peut-être tout d'abord une autre façon de prononcer son nom en langue bretonne, mais sans doute aussi et surtout la réputation et le caractère de ses habitants au travers du métier fictif de son recteur.

En effet, le deuxième vers de la triade (« trivéder » en breton) est consacré à Ergué-Gabéric (ou Grand-Ergué) sous l'orthographe « Erc’hié-Vrâz », et non pas « Erg(u)e Vras » (et son g dur), le « c'h » étant prononcé ici par un son sourd et "enroué". On n'est finalement pas loin phonétiquement du « Grand-Terrier » de Cassini !

Ensuite le métier annexe supposé et emblématique du recteur gabéricois est en breton « marrer », c'est-à-dire écobueur (*) ou défricheur. À comparer avec le « skolaer » quimpérois (instituteur ou donneur de leçon ?), ou le « gourenner » scaërois (lutteur ou bagarreur ?). D'ailleurs François Pennec, recteur concordataire d'Ergué-Gabéric, s'étant fait accusé en 1810 de « devenir fermier et de s'occuper au labourage », on peut se demander si ces successeurs au presbytère n'en ont pas fait autant.

Louis-François Sauvé a publié une version un peu différente et bien plus complète dans la Revue Celtique de 1872. Une version où l'on retrouve la même orthographe précédente, ce pour les deux communes Ergué voisines, petite et grande :

« Personn Erc'hie-Vras a zo falc'her,
  Personn Erc'hie-Vihan a zo minuzer ...
 »

Le recteur du Grand-Ergué est faucheur.
Celui du Petit-Ergué menuisier ...

À l'instar de son recteur « faucheur », la paroisse d'Ergué-Gabéric du 19e siècle a, avant tout, la réputation d'être rurale et ses champs y sont soigneusement fauchés pour servir de litière aux nombreuses vaches pie-noires.

En savoir plus : « BRIZEUX Auguste - Furnez Breiz, Trivéder Kerné » et « SAUVÉ Léopold-François - Lavarou koz a Vreiz-Izel »


(*) L'écobuage consistait à arracher la couche végétale des landes et pâtures en friche et une fraction de la terre superficielle que l'on faisait brûler après séchage et dont on répandait la cendre sur la parcelle même que l'on avait écobuée.

13 Médaille présidentielle agricole

« Suivant l'excellente tradition bretonne, M. Guyader avait voulu que les pauvres eussent leur part des réjouissances. Lundi matin, 150 indigents se sont assis à la table hospitalière de Squividan. », Le Finistère 1892

Billet du 06.09.2014.
Billet du 06.09.2014.

Alors que, 3 ans plus tôt, Sadi Carnot dut renoncer à son voyage à Quimper pour raison de santé, cette fois-ci pendant l'été 1896 le président de la République Felix Faure fait un grand voyage dans toute la Bretagne.

À son arrivée à Quimper dans l'après-midi du 8 août, le président est chaleureusement accueilli  : « À 6h. 7, le train fait son entrée en gare de Quimper ... Aux paroles de bienvenue du maire, le président répond : En venant ici, je savais y trouver une population patriote et républicaine. C'est vous dire qu'il y a déjà des liens entre nous. »

Dans le cadre de cette visite présidentielle, le préfet organise une remise de médailles industrielles et agricoles récompensant des ouvriers et des aide-agriculteurs des différentes communes de la région quimpéroise. Pour Ergué-Gabéric, un ouvrier agricole de 63 ans est sélectionné : Alain Le Berre, travaillant depuis 1865 à la ferme de Kerellou de Louis Le Roux.

Pour valider la nomination d'Alain Le Berre, le préfet Victor Proudhon demande son avis à Louis Guyader, agriculteur républicain à Squividan. Le préfet connait bien l'agriculteur, notamment pour avoir assisté au grand mariage de sa fille Perrine. De par son influence et engagement politique, Louis Guyader se substitue en quelque sorte au maire conservateur de l'époque.

La réponse est bien sûr positive : « Je soussigné, Guyader Louis, propriétaire à Squividan, certifie, connaitre parfaitement le sieur Le Berre Alain, aide-cultivateur, depuis plus de trente ans chez Mr Le Roux, Louis, à Kerellou, qu'il a toujours servi avec beaucoup de zèle, qu'il a été, à plusieurs reprises, l'objet de récompenses de la part des pouvoirs publics, et qu'il n'y a rien qui empêche qu'il lui soit attribué la récompense dont il est parlé ci-contre.  »

Mais malheureusement, quelques jours après la cérémonie, Alain Le Berre est victime d'un accident dans le cadre de son travail, lors d'un charroi de bois.

En savoir plus : « 1896 - Felix Faure remet la médaille d'honneur agricole à Alain Le Berre de Kerellou »

On savait que le républicain Louis Guyader avait marié sa fille en grandes pompes en 1892, les noces étant même relatées dans le quotidien national « Le Petit Journal ». En publiant aujourd'hui l'article détaillé sur ce mariage dans le journal « Le Finistère », nous découvrons que le repas fut servi dans l'école communale du bourg (évoquée dans le billet de la semaine dernière) : À l'heure du repas, la plupart ont trouvé place dans les salles de l'école communale, où de longues tables avaient été dressées pour la circonstance ». Et la fête fut très appréciée : « Pendant toute l'après-midi, les gavottes et les jabadaos se sont succédé dans la cour de l'école, si admirablement placée au sommet d'une colline qui domine les environs de Quimper. Impossible de souhaiter un cadre plus pittoresque à cette fête comme on en voit peu.  », et se prolongea tard dans la nuit. Le lendemain les pauvres furent invités au festin à la ferme de Squividan : « Suivant l'usage traditionnel, l'épousée les a servis elle-même. On a tué un bœuf à cette occasion. »

En savoir plus : « Un grand mariage breton à Squividan, Le Petit Journal et Finistère 1892 »


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