Les mémorialistes, historiens et passionnés d'archéologie du 19e et 20e siècle ne l'ont guère mentionnée dans leurs inventaires : ni Paul Peyron et Jean-Marie Abgrall dans leur notice de la paroisse d'Ergué-Gabéric, ni René Couffon et Alfred Le Bars dans leur répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et du Léon, ni Louis Le Guennec dans son histoire de Quimper Corentin et son canton. À croire que l'ouvrage était très haut perché et qu'il fallait de bons yeux pour l'apercevoir.
Par contre Anatole Le Braz avait bien remarqué le bas relief le 29 juin 1899 : « Venu ce soir à Kerdévot. Remarqué l’hermine ailée qui est sculptée au fronton de la Tour ». L'aile en question est la représentation de la bannière ducale ornée de mouchetures d'hermine que l'animal porte comme une écharpe. On a donc ici deux variantes de l'hermine :
La « moucheture » classique sur la bannière ou jarretière.
L'écu « d'hermine plain », c'est-à-dire entièrement blanc et tacheté de mouchetures noires, fut adopté au début du règne de Jean III le Bon (1312-1341). Cette fourrure héraldique était constituée des peaux de l'animal cousues côte à côte et alternées en hauteur ; et les queues à l’extrémité toujours noire étaient posées en quinconce au centre de chaque peau et attachées par trois petites agrafes.
L'animal dénommé « hermine passante » en héraldique.
Ses premières utilisations datent de la fin du 14e siècle, sur les pièces de monnaie bretonnes, et sur le collier de l'ordre de l'Hermine, ordre militaire et honorifique institué par le duc Jean IV.
Le duc Jean IV, entre 1380 et 1385, fit également construire le château de l'Hermine à Vannes pour renforcer l'enceinte de la ville et y créer la résidence des ducs de Bretagne jusqu'au milieu du XVe siècle. Les armoiries de la Vannes avec une représentation d'une « hermine passante cravatée d'hermine doublée d'or » sont attestées depuis le 15e siècle.
Par ailleurs, les deux navires qui permirent au Malouin Jacques Cartier de découvrir le Canada avaient pour nom la Grande et la Petite Hermine. Et la ville de St-Malo a également adopté une « hermine passante » dans la composition de son blason.
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Quant à Ergué-Gabéric la présence de l'emblème ducal est manifeste sur la maitresse-vitre de l'église paroissiale. Et également, comme dit en introduction, à la chapelle de Kerdévot, sur le bas-relief du clocher, mais également sur la charpente du chœur sous la forme d'un écu plein de Bretagne, peut-être sur un blason sculpté (aujourd'hui martelé) au-dessus du porche principal, et enfin sur une sablière de la nef sur un écu ducal en alliance avec les fleurs de lys du roi de France (Note: des clichés photographiques de ces écus seront ajoutés prochainement au présent article).
Ce dernier blason, daté par son alliance dans les années qui suivirent le premier mariage royal d'Anne de Bretagne, en 1491, amène l'hypothèse de travaux sur la couverture de la nef plus tardifs que ceux du chœur du fait que le vitrail porte la date de 1489.
Il est vraisemblable que le bas-relief de l'hermine passante devait était là en cette fin du 15e siècle. Certes le clocher a été reconstruit après sa chute en 1702 (avec l'ajout de tourelles latérales), mais la pierre ducale ancestrale a du être replacée à l'identique en sa place privilégiée. La position en hauteur de l'hermine et du blason voisin des Lopriac (également présent sur la sacristie) leur a permis d'échapper aux opérations de martèlement à la Révolution à la différence des blasons juste au-dessus du porche.
Les armoiries des Lopriac « De sable ; au chef d'argent, chargé de trois coquilles de gueules » sont la marque de Guy-Marie de Lopriac, comte de Donges, maréchal des camps et armées du Roi, seigneur de Botbodern en Elliant, qui finança les travaux de restauration du clocher et de construction de la sacristie en 1702-1705 ; sur le clocher l'écu est entouré de palmes et timbré d'une couronne comtale.
Roger Barrié, spécialiste reconnu des chapelles cornouaillaises et de leurs vitraux, a analysé les raisons économiques et culturelles de la présence ducale (cf texte ci-après) dans les campagnes bretonnes dès le 15e siècle : les nombreux voyages des ducs dans tout le pays, leurs programmes d'aide à la constructions de sanctuaires au 15e siècle, et les exonérations de charges pour accélérer les chantiers ... En contrepartie les chapelles portaient les emblèmes de leurs donateurs.
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