À LA RECHERCHE DE COINS INCONNUS OU PEU CONNUS DE NOTRE RÉGION
EN CORNOUAILLE
Un beau paysage terrestre : Le Stangala
La Cornouaille, disions-nous à propos de la côte de la Pointe du Van à Poullan, est admirable en ses diversités. La mer, les rochers tumultueux, les plages reposantes, les champs, les bois lui forment une parure splendide. Elle a la Pointe du Raz, le promontoire de Penmarch, elle a Bg-Meil, et éden, elle a Castel-ar-Roch, hier inconnu, elle a cent autres coins pittoresques au bord de la grande bleue, mais elle a aussi Huelgoat, ce paysage enchanteur ...
Et puis, elle a le Stangala, moins connu, délaissé, peut-on dire, mais combien pittoresque et digne d'admiration !
Il convient, ici, de faire une remarque. Partout où nos richesses artistiques ou touristiques possèdent des voies d'accès commodes, des routes à peu près carrossables, elles connaissent la vogue. La plupart de ceux qui les ont contemplées veulent les revoir : du moins, ils en parlent, en des termes élogieux, à leurs proches. C'est un fait : il est rare de rencontrer, chez nous, un touriste qui s'en retourne vraiment désabusé.
Le Stangala, hélas ! ne connaît; pas plus que l'admirable côte de Beuzec et de Poullon, les facilités qu'offre une voie ordonnée et entretenue, en voiture, qu'à moins d'un bon kilomètre. Et c'est vraiment dommage. Formons le souhait qu'on remédie sous peu à cet état de choses.
Le Stangala (ou Stang-Alar, l'étang) est, en vérité, constitué par la vallée de l'Odet, en amont de Quimper, comprise entre les hauteurs de Créach-Ergué, en Ergué-Gabéric, et le moulin de Moulouyen, en Kerfeunteun. Il s'étend ainsi sur une longueur de dix kilomètres environ. Mais le Stangala, proprement dit, n'est long que de quatre kilomètres et comprend le Grand-Stangala, en amont, et le Petit-Stangala, en aval, sur le pittoresque parcours de la rivière l'Odet.
Pour le visiter, il faut partir de Quimper. Il existe deux itinéraires : par la route de Brest ou par celle de Coray.
Suivons d'abord cette dernière. Nous quittons Quimper à la route de Rosporden et traversons la voie ferrée. En face de la route menant au bourg d'Ergué-Gabéric, un chemin se présente à gauche que nous suivons et avec lequel nous gravissons les pentes de Squividan et poussons ensuite jusqu'à une maison blanche, à 100 mètres avant le village de Quélennec. Ici finit la route carrossable.
Un kilomètre et demi plus loin, par un mauvais chemin, nous arrivons à la ferme de Griffonnez. Un chemin creux et nous voici à l'entrée d'un plateau sauvage dominant, au Nord, un large vallon. À l'extrémité de ce plateau, à la pointe, sur un massif rocheux feutré de mousses épaisses, hérissé de blocs de granit et de houx, un spectacle grandiose nous attend.
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Nous dominons à pic, à une hauteur de près de 100 mètres, la vallée étroite, encaissée, au fond de laquelle, parmi les blocs roulés, coule l'Odet aux eaux rapides et bouillonnantes. Cette vallée est comme un vaste sillon qu'une charrue gigantesque aurait creusé en direction de Quimper, dont on aperçois, au loin, les deux flèches élancées de la cathédrale.
Au loin, les montagnes bleues de Locronan se profilent.
Et tout à l'entour, la riante nature développe les courbes de ses coteaux et ses landes au ton roux. Pour parvenir à cet endroit, l'Odet, des monts de Laz, a roulé ses eaux à travers les vastes prairies de Briec et de Langolen. Puis, avant la pointe de Griffonnez, il se recourbe autour de celle-ci en un méandre gracieux, en virage à « épingle à cheveux ». Dans son émouvant décor, ce paysage est comparable à ceux du Jura et des Vosges ou aux sauvahes décors de nos montagnes bretonnes de l'Arrée ou des Montagnes Noires.
L'autre itinéraire, avons-nous dit, consiste à prendre la route de Brest, puis, à quatre kilomètres de Quimper, à emprunter la vieille route de Briec, à droite, pour s'enfoncer un peu, à l'aventure, il faut bien le dire, dans la campagne, au travers des champs de Beg-ar-Ménez, jusqu'à ce qu'on découvre la vallée de l'Odet, puis le majestueux paysage constitué par l'altier promontoire du Griffonnez, au pied duquel roule l'Odet tumultueux.
La musique de l'eau, courant à travers les cailloux roulés et les blocs éboulés, repose et berce. Descendons vers le moulin du Pont. Il n'y a, du reste, plus de pont et le moulin, lui-même, a disparu. Mais, qu'importe, le charme du paysage nous saisit, nous subjugue. On voudrait demeurer là de longs ininstants.
Ici encore, la légende a fleuri. Écoutons à ce propos M. Le Guennec, l'érudit conservateur de la Bibliothèque municipale : « Les paysans vous raconteront comment saint Alor, patron d'Ergué-Armel, poursuivi par une bande de mécréants qui en voulaient à sa vie, sauta d'un bond par-dessus la vallée en laissant l'empreinte de sa chaussure sur le rocher d'où il avait pris sont miraculeux élan.
« Ils vous feront voir cette empreinte et aussi la fontaine de saint Alar, dont l'eau se change en vin pendant une heure chaque année.
« Tancée d'importance parce qu'au plus fort de la moisson, elle avait oublié sa cruche vide, une servante de ferme s'en courut à la fontaine, emplit son récipient et le rapporta tout d'une haleine.
« Quand les assoiffés y goûtèrent, ils s'aperçurent avec délectation que son contenu était un gai et gentil vin blanc se laissant très volontiers boire. Ce fut aussitôt la mobilisation générale de tous les ustensiles du village offrant quelque capacité, puis une dégringolade éperdue vers la fontaine.
« Hélas ! l'heure fatidique était déjà passée et l'on ne trouva plus dans le bassin qu'un frais, mais insipide "Château-Lassource" ... »
J. C(orcuff).
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