La fontaine de saint Alar à Creac'h-Ergué - GrandTerrier

La fontaine de saint Alar à Creac'h-Ergué

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search
Catégorie : Patrimoine
 Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [Développé]
§ E.D.F.
Saint Alar, qu'on confont souvent avec saint Éloi, a alimenté nombre de légendes, et particulièrement autour du site naturel du Stangala, notamment cette fontaine qu'on appelait « Feunteun Sant-Alar ».

Louis Le Guennec [1] situe non loin du rocher de la papeterie d'Odet la fameuse fontaine dont l’eau se changeait en vin pendant une heure chaque centenaire, mais elle était un peu plus en amont.

Autres lectures : « Sant Alar (5e siècle) » ¤ « Les légendes du Stangala par Louis Le Guennec, Dépèche & Quimper-Cornouaille 1929-34 » ¤ « DEGUIGNET François-Marie et LE GUENNEC Louis - Contes et légendes du Grand-Ergué » ¤ « Les fontaines sanctifiées gabéricoises » ¤ « LE GOFF Yves - Kannadig Intron Varia Kerzevot » ¤ 

[modifier] 1 Témoignage

Man Kerouredan qui a vu la fontaine en fonctionnement quand il était gamin précise : « La fontaine ne se trouvait pas au Stangala, elle se trouvait plus en amont, sur les terres de Creac’h-Ergué dominant l’Odet, à gauche d’un sentier qui allait de la ferme de la famille Duvail au hameau de Pont-Saint-Alar ».

En février 1929, dans le bulletin paroissial « Kannadig Intron Varia Kerzevot » confirme la version « Creac’h-Ergué ».

Man et ses amis ont même testé la véracité de la légende : « Guy Kerouredan, André Rivière (un cousin de Paris de Marie et Thérèse Menn de Ty-Coat), Jean Quéau et moi-même, avec l’autorisation de Lanic Duvail avons campé près de cette fontaine en 1943. Notre casserole n’a récupéré que du château la Source, pas la moindre goutte de vin blanc. Sant Alar a sans doute jugé que vous étions trop jeunes pour le vin blan. À part peut-être Jean Quéau qui a été enfant de cœur à la chapelle de l’usine d’Odet ... »

Mais aujourd’hui en 2008, vous ne risquez plus de récupérer ce gentil vin blanc, car, depuis les années 1950 la fontaine, ainsi que le lavoir, n’existent plus. La légende appartient bien au passé !

 
Dessin de Mann publié dans un bulletin municipal
Dessin de Mann publié dans un bulletin municipal

[modifier] 2 Articles de 1929 et 1934

Kannadig, février 1929

Avant de quitter les rives de l’Odet, remontons la rivière jusqu’au Pont-Sant-Alar, au bas du beau village de Creac’ h-Ergué, dépendant jadis du seigneur-évêque de Quimper. Au flanc du coteau,se trouve une fontaine très abondante qui se déverse dans un doué entouré d’épines noires. Doué, en breton, cela veut dire lavoir, et cela veut dire Dieu. Il y a toujours une fontaine, avec sa vieille cuve en granit; bien souvent un lavoir, à côté des chapelles bretonnes. Le Christianisme celtique ne fut pas rigoureux aux légendes et pratiques des cultes primitifs. Il s’est contenté de bénir les vieux démons, près des lieux qu’ils ont hantés, au bord des sources, au sommet des collines, parfois sur la roche d’un menhir, il a simplement posé les signes de la religion. Tantôt un petit sanctuaire connus des seuls paysans, tantôt une douloureuse descente de croix qui se lève sur une margelle, tantôt le crane d’un vieux saint. Le plus souvent, c’est une croix basse de granit portant le Crucifié.

Ici, c’est une statue de Saint Eloi (sant Alar) que des mains pieuses viennent de remplacer da,ns la niche vide depuis quelques années. Le grand serviteur de Dieu a goûté l’onde fraiche et pure de cette fontaine, lorsqu’il vint en Bretagne négocier la paix avec notre roi Judicaël pour le compte de Dagobert, roi de France, et pour en perpétuer la mémoire, sa bénédiction y a créé un prodige que l’on a constaté, au moins une fois. C’était au fort de la moisson ; le soleil dardait ses rayons ; la sueur perlait au front des batteurs au fléau, et la soif se faisait sentir intense au gosier des travailleurs. Ils n’étaient pas qu’à moitié de mauvaise humeur, lorsque, entrés dans la ferme de Creac’h-Ergué, ils eurent à vérifier que la cruche, placée sur la fenêtre, était vide. La servante en entendit de toutes les couleurs : jurons, quolibets et propos désagréables à l’adresse de la fille oublieuse.

La pauvre créature prend sont pot de grès et descend à la fontaine de Sant-Alar ; elle y arrive et plonge avec empressement le vase dans l’eau vive de la source, et s’en retourne à Creac’h-Ergué, sans perdre de temps, hors d’haleine. Les assoiffés goûtent au breuvage et s’aperçoivent que le contenu de la cruche était un bon et gentil vin se laissant boire fort volontiers. Pas une hésitation : voilà toute la maisonnée de se saisir de tous les vases et ustensiles disponibles, et de dégringoler la colline, pour se rendre à la fontaine. Leur déception fut amère : ils n’y trouvèrent qu’une eau claire, courante, sussurant un refrain moqueur.

Ami lecteur, je vais vous dire tout le secret. Le miracle de Cana se renouvelait chaque année à la fontaine de Saint-Eloi, mais seulement une heure par an : cette heure changeait annuellement, et, comme l’heure de la mort, nul ne pouvait la connaître à coup sûr. Puis, comme il y a 365 jours dans l’année et 24 heures dans le jour, il était difficile d’arriver à point nommé ! La servante de Creac’h-Ergué joua de chance : elle était tombée juste à l’heure « kouezet oa war an eur » ; quand survinrent les autres du village, l’heure était passée.

 

Louis Le Guennec, juillet-août 1934

L'emplacement de l'ermitage de saint Alar se trouve non loin de la grande papeterie Bolloré. On en montre encore la fontaine, dont l'eau possède, parait-il, une singulière vertu, celle de se changer en vin, une fois tous les cent ans, pendant une heure. Certaine après-midi, on battait le blé à la ferme voisine, le soleil tapait dur, et les travailleurs avaient asséché les deux cruches de la maison. Vite, on dépêche une des servantes à la fontaine pour les remplir. En revient un peu haletante, car la montée est rude.

Mais voici qu'en vidant leurs bols, les batteurs assoiffés s’aperçoivent, avec surprise et ravissement, que c'est un vin blanc du meilleur cru qui leur coule dans le gosier et leur ragaillardit l'estomac. L'heure fatidique dont parlaient les vieux a donc sonné. Il s'agit d'en profiter sans perdre aucune de ses précieuses secondes. Chacun saisit le premier récipient qui lui tombe sous la main et se précipite à toutes jambes vers la source miraculeuse. Hélas ! le premier qui y puise crache sa gorgée avec une grimace de désappointement et de dégoût. Trop tard ! l'heure du bon vin a déjà atteint son terme, et désormais, pendant tout un siècle encore, la fontaine ne donnera plus qu'un fade « sirop de grenouille ».

[modifier] 3 Annotations

  1. Louis Le Guennec (1878-1935), originaire de Morlaix, a été bibliothécaire de la ville de Quimper. Il a accumulé une très riche documentation sur le Finistère et de multiples croquis réalisés lors de ses balades d'archéologue et de mémorialiste. Dès 1902, il adhère à la Société archéologique du Finistère ; il écrivit de nombreux articles pour le bulletin de cette société, ainsi que de nombreux comptes-rendus dans le journal La Dépêche de Brest. [Ref.↑]


Thème de l'article : Richesses patrimoniales

Date de création : Février 2008    Dernière modification : 1.10.2021    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]