L'art poétique selon Jean-Marie Déguignet dans son panégyrique à ses écrits
Un article de GrandTerrier.
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- | ... panégyriques <ref name="Panégyrique">{{K-Panégyrique}}</ref> | + | Dans ce cahier n° 20 de ses mémoires, Jean-Marie Déguignet introduit son poème sur un mode presque humoristique : « <i>Maintenant je vais adresser un petit panégyrique <ref name="Panégyrique">{{K-Panégyrique}}</ref> à mes écrits, mes seuls amis qui me consolent un peu de l'ennui et de la misère dans mes vieux jours.</i> ». Généralement un éloge panégyrique est prononcé en l'honneur d'un personnage adulé, mais ici en l’occurrence l'auteur n'a plus de modèle à honorer. |
alexandrin, rimes AABB ... | alexandrin, rimes AABB ... | ||
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personnification de ses écrits, parallèles de vie ... | personnification de ses écrits, parallèles de vie ... | ||
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- | <tt>C’est à vous, mes écrits, qu’aujourd’hui je m’adresse, | + | <tt><center>I à V</center> |
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+ | C’est à vous, mes écrits, qu’aujourd’hui je m’adresse, | ||
<br>Vous les consolateurs de ma triste vieillesse. | <br>Vous les consolateurs de ma triste vieillesse. | ||
<br>Vous êtes mes enfants, enfants infortunés, | <br>Vous êtes mes enfants, enfants infortunés, | ||
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<br>Ou même être imprimés, édités, | <br>Ou même être imprimés, édités, | ||
<br>Pour être par les sots critiqués, insultés, | <br>Pour être par les sots critiqués, insultés, | ||
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+ | <center>VI à X</center> | ||
Ainsi que sont toujours les écrits les plus francs, | Ainsi que sont toujours les écrits les plus francs, | ||
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<br>Car vous dites trop haut de bonnes vérités | <br>Car vous dites trop haut de bonnes vérités | ||
<br>Pour n'être pas encore traités, de faussetés | <br>Pour n'être pas encore traités, de faussetés | ||
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+ | <center>XI à XV</center> | ||
Et n'être pas traqués par les gens à soutanes | Et n'être pas traqués par les gens à soutanes | ||
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<br>C'est ainsi qu'en tout temps les peuples sont trompés | <br>C'est ainsi qu'en tout temps les peuples sont trompés | ||
<br>Par les belles fables des écrivains gagés. | <br>Par les belles fables des écrivains gagés. | ||
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+ | <center>XVI à XX</center> | ||
Partout et en tout temps l'horrible fausseté | Partout et en tout temps l'horrible fausseté | ||
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<br>Et par ma vision qui n'a rien d'étrange | <br>Et par ma vision qui n'a rien d'étrange | ||
<br>Je vois d'ici le Nil, l'Euphrate et le Gange <ref name=n10>Nil, Euphrate et Gange étaient réputés être les fleuves du Paradis. Ils s'agit en tout cas de fleuves sacrés.</ref> | <br>Je vois d'ici le Nil, l'Euphrate et le Gange <ref name=n10>Nil, Euphrate et Gange étaient réputés être les fleuves du Paradis. Ils s'agit en tout cas de fleuves sacrés.</ref> | ||
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+ | <center>XXI à XXV</center> | ||
Des bords desquels jadis tant de peuples divers | Des bords desquels jadis tant de peuples divers | ||
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<br>Je vois partir Enée <ref name=n16>Enée : prince troyen, héros d'Enéide, où il est conté qu'il quitta Troie en flamme portant son père sur ses épaules.</ref> portant sur ses épaules | <br>Je vois partir Enée <ref name=n16>Enée : prince troyen, héros d'Enéide, où il est conté qu'il quitta Troie en flamme portant son père sur ses épaules.</ref> portant sur ses épaules | ||
<br>Son père et ses dieux ayant encore des rôles | <br>Son père et ses dieux ayant encore des rôles | ||
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+ | <center>XXVI à XXX</center> | ||
Plus grands que les premiers à jouer en ce monde ; | Plus grands que les premiers à jouer en ce monde ; | ||
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<br>Ont relevé très haut les vertus, les honneurs | <br>Ont relevé très haut les vertus, les honneurs | ||
<br>En confondant les dieux et toutes leurs horreurs. | <br>En confondant les dieux et toutes leurs horreurs. | ||
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+ | <center>XXX à XXXV</center> | ||
Je vais encore plus loin, le temps préhistorique | Je vais encore plus loin, le temps préhistorique | ||
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<br>Il vogue nuit et jour de planètes en planètes, | <br>Il vogue nuit et jour de planètes en planètes, | ||
<br>Du Soleil à la Lune, d'Uranus aux comètes. | <br>Du Soleil à la Lune, d'Uranus aux comètes. | ||
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+ | <center>XXXVI à XXXX</center> | ||
Et cet esprit qu'ici on dirait taciturne | Et cet esprit qu'ici on dirait taciturne | ||
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<br>C'est ainsi que grâce à mes heureux-écrits. | <br>C'est ainsi que grâce à mes heureux-écrits. | ||
<br>Je vois toutes choses même le paradis. | <br>Je vois toutes choses même le paradis. | ||
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+ | <center>XXXXI à XXXXV</center> | ||
Ce bouge inventé par le bandit Jésus | Ce bouge inventé par le bandit Jésus | ||
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<br>Laissant là son vieux corps accroupi comme un sot | <br>Laissant là son vieux corps accroupi comme un sot | ||
<br>Pendant qu'il va heureux se promener là-haut | <br>Pendant qu'il va heureux se promener là-haut | ||
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+ | <center>XXXXVI à L</center> | ||
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Parmi les merveilles de la grande Uranus | Parmi les merveilles de la grande Uranus | ||
<br>Et voir les belles filles de la belle Vénus. | <br>Et voir les belles filles de la belle Vénus. | ||
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<br>Cependant d'après [eux] elle est une substance | <br>Cependant d'après [eux] elle est une substance | ||
<br>Douée d'activité, force, intelligence | <br>Douée d'activité, force, intelligence | ||
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+ | <center>L à LIV</center> | ||
Et qui ne meurt jamais, se porte toujours bien. | Et qui ne meurt jamais, se porte toujours bien. |
Version du 24 janvier ~ genver 2018 à 17:59
La cahier manuscrit n° 20 de Jean-Marie Déguignet, publié en 2001 dans l'édition intégrale de ses mémoires « Histoire de ma vie » et dans l'édition partielle « Rimes et révoltes », contient un magnifique poème de 54 strophes introduit par l'auteur comme un « Petit panégyrique [1] à mes écrits ».
Ce poème a été inséré dans l'Anthologie de la Poésie française de Christian Tanguy et fait également l'ouverture de la nouvelle édition anglaise des mémoires du paysan bas-breton. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « TANGUY Christian - Florilège, anthologie de la Poésie française » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Memoirs of a Breton Peasant » ¤ « Les sagesses antiques de Jean-Marie Déguignet et de Michel Onfray » ¤ |
1 Présentation
Dans ce cahier n° 20 de ses mémoires, Jean-Marie Déguignet introduit son poème sur un mode presque humoristique : « Maintenant je vais adresser un petit panégyrique alexandrin, rimes AABB ... |
personnification de ses écrits, parallèles de vie ... découpage du poème ... philosophie ... |
2 Le petit panégyrique
C’est à vous, mes écrits, qu’aujourd’hui je m’adresse,
Mais que deviendrez-vous hélas après ma mort
À faire des cornets chez l’épicier voisin
Si vous êtes mangés par les souris, les rats
Ou rester pourrir comme ces vieux grimoires
Ainsi que sont toujours les écrits les plus francs,
Tandis que des écrits comme les Évangiles,
Ainsi que ces écrits tout aussi mensongers
Vous seriez mal à l’aise parmi ces faussetés
Restez donc ignorés dans cette paix profonde
Et n'être pas traqués par les gens à soutanes
Oui, « le vrai seul est beau, seul il est aimable
Tu parles bien mon vieux, p'est ainsi que tu fis
De ton roi de sérail, ignoble Salomon Tu fis même, farceur, en vers dithyrambiques,
Partout et en tout temps l'horrible fausseté
Mais j'allais m'égarer dans les écrits d'autrui
Dans ces écrits loyaux qui tombent de ma plumé
Souvent en leur source, je bois, je m'enivre
Sans sortir de mon trou et sans aucun effort
Des bords desquels jadis tant de peuples divers
Qui apportent partout par le fer, la rapine
Sauvages, sanguinaires et sans foi et sans lois
Et forcer les peuples, par le fer et le feu,
Je vois le brave Hector Plus grands que les premiers à jouer en ce monde ;
Je vois encore ce grec nommé Alexandre |
Cet enragé guerrier, né roi d'une province
Et traînant après lui les horreurs de la guerre
Mais heureusement aussi pour l'espèce humaine
Je vais encore plus loin, le temps préhistorique
Car je le vois naître et sortir de Phébus Allant et revenant dans un mouvement rapide
Des prêtres, des fripons, des nationalistes,
Mais mon esprit encore par ses forces, ses veilles,
Et cet esprit qu'ici on dirait taciturne
Est toujours gai, riant et heureux de vivre
Dans tous ces beaux mondes les hommes sont heureux.
Partout dans ces mondes une grande: justice
On y voit que des hommes, des amis, et des frères
Ce bouge inventé par le bandit Jésus
Voilà comment je vis d'une seconde vie
Dans une seule nuit mon esprit agité.
Laissant sur son grabat son vieux et pauvre corps
Notre esprit, dit-on, est la moitié du corps
Parmi les merveilles de la grande Uranus
Qui éclaire son corps et rayonne en tous lieux
Fluide invisible mais perçant et subtil
Tous les psychologues et les théologiens
Une âme séparée, indépendante du corps
Et qui ne meurt jamais, se porte toujours bien.
Lucrèce Ceux-là ont confondu l'âme et la matière.
Il est naturel, nous le savons fort bien
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3 Annotations
- Panégyrique, s.m. et adj. : éloge panégyrique ou simplement panégyrique, du latin emprunté au grec panêguris, « assemblée de tout le peuple », discours public à la louange d'un personnage illustre, d'une nation, ou d'une chose et, dans l'occident chrétien, un sermon faisant l'éloge d'un saint. Le terme a pris aujourd'hui le sens plus général de louange ou d’apologie, et s’utilise parfois dans le sens péjoratif d’éloge emphatique ou exagéré (Wikipedia). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Despréaux : surnom de Boileau (1636-1711) auteur de l'Art poétique [Ref.↑]
- Grand Louis : Louis XIV. [Ref.↑]
- Auguste : empereur romain, petit-neveu de Jules César. [Ref.↑]
- Virgile : poète latin (70-19 av. J.-C.), auteur des Géorgiques et des Bucoliques. [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Jupiter : roi des dieux chez les Romains. [Ref.↑]
- Mars : dieu romain de la guerre et de l'agriculture. [Ref.↑]
- Apollon : dieu romain de la beauté. [Ref.↑]
- Dragonnade et Edit de Nantes : Louis XIV révoquat l'Edit de Nantes et pour forcer la conversion des derniers protestants les obligea à héberger ses troupes de dragons, d'où le terme de dragonnades. [Ref.↑]
- Nil, Euphrate et Gange étaient réputés être les fleuves du Paradis. Ils s'agit en tout cas de fleuves sacrés. [Ref.↑]
- La première transcription proposait « Mistides » avec un point d'interrogation. Il est plus probable qu'il faille lire Méotides, du fait des nombreux peuples migrateurs qui s'établirent dans cette région de l'Ukraine. [Ref.↑]
- Goth et Ostrogoth : Les Goths venaient de l'actuelle Scandinavie, les Ostrogoths sont une branche de ses derniers, dont le noms signifie : "les Goths de l'Ouest". Vandales : peuple d'Asie qui traversa toute l'Europe et s'installa en Andalousie. Gépides : peuple germain exterminé par les Lombards au VIe siècle. [Ref.↑]
- Pergame : ancienne ville d'Asie Mineure, siège d'un royaume. [Ref.↑]
- Dardanos : fondateur légendaire de Troie. [Ref.↑]
- Ilion : l'un des noms de Troie. [Ref.↑]
- Hector : chef troyen. [Ref.↑]
- Enée : prince troyen, héros d'Enéide, où il est conté qu'il quitta Troie en flamme portant son père sur ses épaules. [Ref.↑]
- Vénus : déesse romaine de l'amour. [Ref.↑]
- Alexandre : roi de Macédoine (336-323 av. J.-C.), surnommé Le Grand, pour avoir conquis l'empire perse. [Ref.↑]
- Phébus : le soleil chez les Romains. [Ref.↑]
- Lucrèce : poète latin (98-55 av. J.-C.). [Ref.↑]
- Pythagore : philosophe et mathématicien grec (VIe siècle av. J.-C.). [Ref.↑]
- Métempsychose ou métempsycose, s.f. : passage, transvasement d'une âme dans un autre corps, qu'elle va animer. Le métempsycosisme est la croyance selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps soit d'humains soit d'animaux, ainsi que de végétaux. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Février 2018 Dernière modification : 24.01.2018 Avancement : [Développé] |