L'appel de la C.F.T.C. aux ouvriers de la papeterie d'Odet, Le Progrès du Finistère 1936 - GrandTerrier

L'appel de la C.F.T.C. aux ouvriers de la papeterie d'Odet, Le Progrès du Finistère 1936

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Catégorie : Journaux
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§ E.D.F.

Alors que le patron historique est décédé l'année précédente, le Progrès du Finistère [1], journal catholique de combat, publie un appel du syndicat C.F.T.C.. aux ouvriers de l'entreprise Bolloré à adhérer.

Autres lectures : « 1937 - L'abbé Le Goff contre le travail le dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec » ¤ « Jean Jadé et René Bolloré contre le Cartel des gauches, Le Progrès du Finistère 1925‎ » ¤ « Youenn Briand, ancien conducteur de la machine à papier n° 7 » ¤ « Les amitiés littéraires de Gwenn-Aël Bolloré » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Un an et demi après le décès de René Bolloré, patron des papeteries d'Odet et Cascadec, on trouve dans le « Progrès du Finistère » [1] cette annonce du 1er août 1936 dans laquelle le syndicat professionnel des ouvriers papetiers de la région de Quimper, affilié à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, lance un appel à rejoindre ses rangs : « Tous les ouvriers, ouvrières et employés de l'usine d'Odet sont invités à rejoindre ce syndicat ».

Après des citations de quelques hommes politiques membres du gouvernement du Front populaire [2], l'encart cite abondamment des propos d'évêque lorsqu'il s'agit de se démarquer de la C.G.T. : « Il ne saurait être question pour un catholique d'adhérer à la C.G.T. à cause de la doctrine qu'elle professe et des moyens d'action qu'elle préconise. ... des principes tels que " lutte des classes ", " expropriation capitaliste ", " grève générale ", " action directe ", sont en opposition avec la morale chrétienne et même la morale tout court ».

 

Prônant la « collaboration des classes » plutôt que la « lutte des classes », les auteurs du tract sont confiants sur les adhésions à venir : « ces paroles sont claires et nous savons qu'à Ergué-Gabéric il est encore de nombreux ouvriers et ouvrières capables de les entendre ».

Et les adhérents de la C.G.T. sont prévenus : « les ouvriers et ouvrières veulent sauvegarder la liberté syndicale inscrite dans la loi ... Ils ne veulent pas du monopole et de la dictature d'un syndicat unique. Après tout, les ouvriers affiliés à la C.G.T. seraient mal venus d'en vouloir à des camarades qui usent comme eux de la liberté syndicale ».

La technique de communication de la C.F.T.C. est basée à la fois sur un message de légitimité de la part du gouvernement des congés payés et sur les recommandations des autorités supérieures religieuses. Quoi d'étonnant finalement que cette invitation de Léon Blum par l'un des fils de René Bolloré à venir se reposer à Odet, 10 ans après, en 1946 : « Les amitiés littéraires de Gwenn-Aël Bolloré » ?

[modifier] 2 Transcription

Ergué-Gabéric. Papeteries d'Odet

Il vient d'être constitué pour Quimper et la région, un syndicat professionnel des ouvriers papetiers et assimilés. Il est affilié à la C.F.T.C. Tous les ouvriers, ouvrières et employés de l'usine d'Odet sont invités à rejoindre ce syndicat, ils peuvent s'adresser aux militants locaux qui leur donneront tous les renseignements utiles, ou au Secrétariat social, 14, rue Laënnec, à Quimper.

Pourquoi un deuxième syndicat alors que la grande majorité s'est déjà enrôlée dans la C.G.T. ?

1° Parce qu'il y a des ouvriers et ouvrières qui veulent sauvegarder la liberté syndicale inscrite dans la loi, et qui tiennent à en profiter. Ils ne veulent pas du monopole et de la dictature d'un syndicat unique. Après tout, les ouvriers affiliés à la C.G.T. seraient mal venus d'en vouloir à des camarades qui usent comme eux de la liberté syndicale.

2° Parce que la C.F.T.C. est reconnue par la loi : le 11 Juin 1936, M. Lebas [3], ministre du Travail, déclarait aux représentants de la C.F.T.C :

« Vous êtes une organisation ouvrière et vous êtes une force. Vous avez le droit de vous faire entendre ».

Le 17 Juin au Sénat, le même M. Lebas disait : « Voulez-vous que je prenne un exemple ? À Paris, dans la corporation si importante des employés de toutes catégories, quelle est l'organisation qui représente le mieux cette grande corporation des employés ? C'est une organisation qui n'adhère pas à la C.G.T. C'est une organisation qui adhère à la C.F.T.C. Je dis que dans ce cas ce n'est pas une organisation syndicale confédérée qui sera représentée dans la commission mixte, mais que ce sera l'organisation syndicale adhérente à la C.F.T.C. ».

Ces jours derniers, M. Vincent Auriol [4] a appelé un délégué de la C.F.T.C. pour représenter le personnel de la banque en vue de l'établissement d'un contrat collectif.

Le Sénat vient aussi d'accepter un délégué de la C.F.T.C. et un autre de l'Artisanat Chrétien pour réglementer l'application de la loi sur l'Office du blé.

 

3° Parce que les ouvriers et ouvrières chrétiens veulent tenir compte de la voix de leurs évêques. Son Excellence Monseigneur Roques, archevêque d'Aix-en-Provence, vient encore d'écrire :

« Le syndicalisme chrétien offre toutes les sécurités et garanties désirables. Nous espérons que les travailleurs chrétiens sauront faire usage de leur liberté pour lui donner leur adhésion. Dans les circonstances présentes, c'est plus qu'une nécessité, c'est un devoir ».

« Par contre, il ne saurait être question pour un catholique d'adhérer à la C.G.T. à cause de la doctrine qu'elle professe et des moyens d'action qu'elle préconise. En se référant à la résolution du Congrès de Lyon (1919) et à la charte d'Amiens, l'on se rend compte que des principes tels que " lutte des classes ", " expropriation capitaliste ", " grève générale ", " action directe ", sont en opposition avec la morale chrétienne et même la morale tout court ».

« Nous exhortons vivement les salariés chrétiens non syndiqués à sortir d'un individualisme néfaste, afin de contribuer, par leur adhésion aux syndicats chrétiens, au règlement des difficiles problèmes qui appellent une solution ».

Ces paroles sont claires et nous savons qu'à Ergué-Gabéric il est encore de nombreux ouvriers et ouvrières capables de les entendre.

4° Parce que les syndicats C.F.T.C. ont une doctrine sociale basée sur la justice et la charité, sur la « collaboration des classes » et qu'ils veulent apporter leur contribution à l'organisation du monde nouveau qui se prépare.

Nous faisons donc appel à tous les ouvriers, ouvrières et employés chrétiens. Personne ne peut les empêcher de choisir leur syndicat. Ce n'est pas dans un an que nous leur demandons de venir à nous, c'est tout de suite. Dans un an, la liberté syndicale peut devenir lettre morte si tous les amis de la liberté ne se lèvent, et avec la liberté syndicale bien d'autres libertés peuvent sombrer.

Le Bureau du Syndicat professionnel des ouvriers papetiers et assimilés (C.F.T.C).

[modifier] 3 Coupure de presse

[modifier] 4 Annotations

  1. L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Le Front populaire est une coalition de partis de gauche qui gouverna la France de 1936 à 1938. Il réunissait les trois principaux partis de la gauche, la SFIO, le Parti radical-socialiste et le Parti communiste (qui soutenait les deux premiers sans participer directement au gouvernement), mais également toute une nébuleuse d'autres mouvements. Le gouvernement de Front populaire fut le premier de la IIIe République dirigé par les socialistes. Il initia plusieurs réformes sociales importantes et constitue encore actuellement une des références incontournables de la mémoire et de l'histoire de la Gauche française : les congés payés, la réduction du temps de travail avec la semaine de quarante heures et l'établissement des conventions collectives. [Ref.↑]
  3. Jean-Baptiste Lebas (souvent appelé Jean Lebas) est un homme politique français né en 1878 à Roubaix (Nord) et mort en déportation en 1944 au camp de Sonnenburg. Comptable de profession, il fut maire de Roubaix, leader socialiste et ministre du travail dans le gouvernement de Léon Blum en 1936. [Ref.↑]
  4. Vincent Auriol, né en 1884 à Revel (Haute-Garonne) et mort en 1966 à Paris, est un homme d'État français. Ministre socialiste des Finances, de 1936 à 1937, dans le cabinet du Front populaire dirigé par Léon Blum, puis garde des Sceaux de 1937 à 1938 dans les troisième et quatrième cabinet de Camille Chautemps, il occupe l'éphémère ministère chargé de la Coordination des services ministériels à la présidence du Conseil en 1938, dans le second cabinet de son ami Léon Blum. Président de l'Assemblée constituante en 1946, puis de l'Assemblée nationale de décembre 1946 à janvier 1947, Auriol est élu président de la République française ; il est le premier à occuper ce poste sous la IVe République. [Ref.↑]


Thème de l'article : Revue de presse

Date de création : Octobre 2012    Dernière modification : 2.12.2014    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]