Jean Jadé et René Bolloré contre le Cartel des gauches, Le Progrès du Finistère 1925
Un article de GrandTerrier.
|
Le déroulement d'une conférence dans les colonnes du Progrès du Finistère [1]
, journal catholique de combat, dans lequel le correspondant journaliste dénigre allègrement les positions du Bloc de gauche et de l'un de ses représentants locaux.
Autres lectures : « Jean-Louis Le Roux, maire (1925-1929) » ¤ « Jugement suite à contestation des élections municipales à Odet, L'Ouest-Eclair 1929 » ¤ « Bénédiction de l'école libre d'Odet, Semaine Religieuse 1928 » ¤ « L'appel de la C.F.T.C. aux ouvriers de la papeterie d'Odet, Le Progrès du Finistère 1936 » ¤
[modifier] 1 Présentation
Jean Jadé Lors du débat amorcé par la « voix de crécelle » d'un maréchal-ferrant de gauche, on apprend que le recteur, commentant la parabole du bon Pasteur, a mis « ses paroissiens en garde contre certains loups qui revêtent parfois la peau d'une brebis pour pénétrer dans la bergerie et y exercer leurs ravages ». |
De la même façon, le journaliste invite à la réflexion avant le vote : « Les habitants d'Ergué-Gabéric ont bonne réputation, ils n'aiment pas à danser avec les ours, ils ne voudraient pas hurler avec les loups, encore moins braire avec les ânes ». Mais ni les efforts du conférencier, ni l'engagement et la présence de René Bolloré, ni les formules choc mordantes du journaliste n'empêcheront le radical Jean-Louis Le Roux de l'emporter aux élections municipales d'Ergué-Gabéric, et René Poupon, « Le Loup ou L'Âne de Réunic » d'occuper un poste de conseiller. |
[modifier] 2 Transcription
Ergué-Gabéric. Conférence de M. Jadé Dimanche dernier, vers 5 heures, après avoir porté la parole dans quatre autres réunions, M. Jadé Devant une salle comble, composée en partie de paysans, en partie d'ouvriers de la Papeterie d'Odet, parmi lesquels se trouvait M. Bolloré, leur sympathique et dévoué directeur, le jeune et vaillant député du Finistère, d'une voix forte et bien timbrée, fait le procès des partis de gauche et montre clairement les méfaits et la politique désastreuse du Cartel. Vers la fin de la séance, la conférence étant contradictoire, M. Jadé Une voix crécelle se fait entendre au fond de la salle. C'est celle du maréchal - Oh ! pas celle d'un maréchal de France - mais celle du maréchal-ferrant de Réunic, René Poupon, ancien enfant de chœur de Briec et ex-premier chantre de l'église paroissiale. Prenant son courage à deux mains, et escomptant déjà les applaudissements de la salle, René Poupon de son air narquois : « Pourquoi, dit-il, traite-t-on de loups les candidats de l'une des listes de la commune ? ». M. Jadé Mis en demeure de déclarer si la liste en question était pour ou contre le Cartel, René Poupon ne répondit pas, mais se contenta de dire que les candidats de cette liste étaient républicains. |
Tout le monde sait que, pour lui, le mot républicain est synonyme de sectaire et de anticlérical. - « Si votre liste, conclut M. Jadé Un tonnerre d'applaudissements salua ces paroles, et notre conseiller manqué sortit de la salle la tête basse et riant jaune. Il a montré un peu trop le bout de l'oreille, oh ! pas celle du loup, mais d'un autre animal qui en est encore mieux pourvu. Les rires de l'assemblée et les applaudissements prodigués au Député orateur ont-ils suffisants pour le lui faire sentir ? Si nous avions un conseil à donner au maréchal-ferrant, nous lui dirions : « Manier la plume, manier la parole dans une réunion, attirer dans un bistro et une salle de danse les jeunes gens, la plupart des paroisses voisines, cela ne vaut rien pour vous. Votre enclume vous irait mieux, le métier est honnête et lucratif ». Les habitants d'Ergué-Gabéric ont bonne réputation, ils n'aiment pas à danser avec les ours, ils ne voudraient pas hurler avec les loups, encore moins braire avec les ânes. D'autre part, nous estimons que l'élection est une chose trop sérieuse pour qu'on veuille en faire une comédie dans laquelle un prétendu Auguste et majestueux personnage viendrait racoler des pantins dont il manierait la ficelle. En résumé, mauvaise journée dimanche, au Grand Ergué, pour les partisans du Cartel. Le Bloc de Gauche, qui se formait si péniblement, est virtuellement disloqué grâce à la sottise de son fameux défenseur. Le maréchal, ou mieux Le Loup ou L'Âne de Réunic, comme vous le voudrez, l'aura marqué du signe de la débâcle. |
[modifier] 3 Coupure de presse
[modifier] 4 Annotations
- L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑]
- Jean Yves Jadé est né en 1890 à Brest et décédé en 1936 à Quimper. Profondément croyant, il exerçait la profession d'avocat dans sa ville natale. À 29 ans, il est élu Député du Finistère en 1919, sur la liste républicaine et démocratique d'union nationale. En 1928, candidat républicain démocrate dans la 2° circonscription de Quimper, il est élu au second tour contre Georges Le Bail, autre avocat, de gauche. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5]
- Le Cartel des gauches, victorieux aux élections législatives françaises de mai 1924 puis de 1932, est une coalition qui regroupe les radicaux (dominant la gauche jusqu'en 1936) et les socialistes. Le Cartel des gauches se constitue à la fin de l'année 1923 contre le Bloc national, en associant 4 groupes politiques : les Radicaux indépendants (frange de droite des radicaux) ; les radicaux-socialistes, unifiés désormais ; les républicains-socialistes, des socialistes indépendants (Paul Painlevé) ; la SFIO. [Ref.↑]
Thème de l'article : Revue de presse Date de création : Octobre 2012 Dernière modification : 15.08.2019 Avancement : [Développé] |