18.01.1924
Scaër. Une grève aux Papeteries de Cascadec.
Les ouvriers papetiers, de la Papeterie de Cascadec n'ont jamais été gâtés par un salaire élevé. S'ils ont patienté très longtemps ce n'était sans doute pas une raison pour patienter toujours. Et la semaine dernière, en raison du prix élevé de la vie, ils décidèrent de demander de l'augmentation.
Aux Papeteries de Cascadec il n'y a aucun ouvrier syndiqué. Les uns disent que ça a du bon, d'autres prétendent le contraire. Toujours est-il qu'eux mêmes se sont trouvés parfaitement gênés quand il s'est agi de poser leurs revendications.
Qui allait se sacrifier pour les autres ?
Jégou, 32 ans, en prit l'initiative.
Il y a aux Papeteries deux équipes, une de jour, l'autre de nuit. Lundi vers deux heures du matin, l'équipe de nuit cessa le travail. Le gardien en rendit compte immédiatement au contremaître, M. Rannou René, 58 ans, qui se leva pour venir voir ce qui se passait. Quand il se présenta devant les ouvriers, Jégou exposa au nom de ses camarades la raison pour laquelle le travail avait cessé. Que se passa-t-il alors ? Que répondit le contremaître ? Puisqu'on accuse Jégou ... ce pelé, ce galeux ... d'où venait tout le mal, - comme l'âne de la fable ! - de l'avoir frappé (?).
Le lendemain M. Bolloré, le puissant et richissime papetier de Cascadec, averti par M. Rannou de ce qui venait de se passer, arriva sur les lieux. Après une courte apparition à son établissement il prit en auto le chemin de Quimperlé et s'en vient porter plainte. M. le Procureur de la République fit immédiatement mettre en état d'arrestation, sous l'inculpation d'entrave à la liberté du travail, le malheureux Jégou, qui fut conduit à Quimperlé, menottes aux mains, entre deux gendarmes.
Cette histoire se passe de commentaires.
Nous en reparlerons en temps voulu.
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25.01.1924
Aux papeteries de Cascadec.
Nous relations la semaine dernière les circonstances dans lesquelles avait été opéré l'arrestation, sous l'inculpation d'entrave à la liberté du travail, de Jégou.
L'Union Agricole qui l'a littéralement écrasé dans ses colonnes a trouvé à nous opposer que nous faisions risette aux grévistes, que M. Bolloré, propriétaire des Usines de Cascadec est un philanthrope faisant des largesses à certains de ses ouvriers. Il a même prétendu que nous démentirions aujourd'hui ce que nous avancions la semaine dernière.
L'attitude de M. Le Berre [3] n'a rien qui nous étonne. Ne le trouvons nous pas toujours - peu importe la vérité - du côté des forts, des riches, des puissants, contre les faibles. Un malheureux pour lui n'a droit à aucune considération, un ouvrier n'est rien dans une usine quand on a parlé du patron.
Eh bien ! à Cascadec, les ouvriers travaillaient 12 heures par jour pour le prix modique de 14 fr. Est-il régulier d'imposer pour un salaire aussi réduit une quantité aussi importante d'heures de travail, quand la loi en fixe le maximum à huit, à des ouvriers contraints et forcés, de par les circonstances, à prêter leur bras à la seule industrie locale ?
L'autorité compétente devait-elle ignorer cette infraction ?
Le geste de Jégou en a provoqué l'intervention. Il est vrai qu'on lui a fait payer son audace. Mais s'il s'est sacrifié pour ses camarades, il en résulte néanmoins que les heures de travail ont été ramenées de 12 heures à 8, selon la loi, pour le même salaire journalier de 14 francs.
On dit même qu'une augmentation de salaire serait envisagée.
Ont-ils eu tort ou raison de réclamer, les ouvriers de Cascadec ?
Quant aux gratifications dont parle M. Le Berre [3] , quelques ouvriers, ceux qui mènent la barque, ont eu peut être à recevoir une juste récompense de leurs initiatives personnelles, quant aux autres, payés à 14 fr. pour 12 heures de travail, ils n'ont jamais jusqu'à ce jour eu la moindre aumône ... les menaces en cas de réclamations ... voire même l’exécution en la personne de Jégou !
Tel est le démenti que nous portons aux attaques perfides et intéressées de l'Union Agricole, l'ennemi des pauvres et des faibles.
Quant aux renseignements que nous tenons de source certaine et digne de foi sur la personne de Jégou, les voici : homme sobre, sérieux, estimé, et pas du tout bolcheviste (*).
Que faut-il de plus pour rappeler M. Le Berre [3] à la vérité ?
(*) Le mot « bolcheviste » a ici sa place, car en autre lieu -- la tradition Blocnationaliste voulant que toutes les personnes qui ne sont pas du Bloc, soient honorées de l'épithète pmpeuse de bolcheviste -- où l'on ne se montra pas plus favorable pour Jégou, on le traita très simplement de Bolcheviste.
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01.02.1924
L'affaire des Papeteries de Cascadec. Jégou est remis en liberté. « Jégou est en prison, depuis 16 jours, pour un motif qui n'existe pas », déclare son avocat.
Mercredi dernier, Jégou, l'ouvrier papetier, de Cascadec, arrêté dans les circonstances que nous savons a, après 16 jours de prévention, comparu devant le tribunal correctionnel de Quimperlé, pour violences légères et entrave à la liberté du travail.
Nous ne relaterons pas les faits, nos lecteurs les connaissent, rappelons, seulement, que Jégou fût arrêté sous l'inculpation d'entrave à la liberté du travail, le fait de violences ne motivant pas l'arrestation.
Or, ce qui doit être retenu du verdict du tribunal, c'est que Jégou a été condamné à 15 jours de prison avec sursis pour violences légères, le motif d'arrestation : « l'entrave à la liberté du travail » ayant été complètement écarté par le tribunal.
Jégou a donc fait 16 jours de prison qu'il n'aurait pas dû faire. Il a donc été arrêté alors que, nous l'avons répété, il n'aurait pas dû l'être, ne s'étant jamais rendu coupable d'entrave à la liberté du travail.
Mais alors ?
Est-ce la lettre de cachet ?
Le Ministre est saisi, ainsi que la Ligue des Droits de l'Homme, de cette affaire sensationnelle qui ne manquera certes pas d'intérêt à être mises en lumière.
Jégou n'avait agi en demandant de l'augmentation que, comme délégué de ses camarades qui l'en avaient chargé. C'est ce que disent, du reste, les témoins à la barre. Jégou fut pris comme victime pour effrayer les autres et le désir du patron fut exécuté comme un ordre.
C'est entre deux gendarmes, les menottes aux mains, que deux jours après Jégou gagnait la maison d'arrêt de Quimperlé, pour un motif qui, déclare son défenseur, n'existait pas.
Et, nous entendons à l'audience un réquisitoire très dur pour Jégou, rempli de fleurs à l'adresse de M. Bolloré. M. Bolloré, nous dit-on, est un philanthrope, il ne conserve l'usine de Cascadec que par charité pour les ouvriers qui y travaillent. Heureusement, le défenseur n'en dit pas autant ... il démontre par les travaux colossaux qui y ont été faits que si cette usine ne rapportait rien, ces dépenses n'auraient pas été engagées. M. Bolloré a gagné de l'argent pendant la guerre, il en gagne encore, ses dépenses le justifient.
Néanmoins, Jégou est doublement victime, car il a été, ainsi que sa femme, mis sur la rue pour avoir demandé de l'augmentation pour ses camarades qui sont heureux de profiter de son sacrifice, puisqu'à la date du 1er février la journée de huit heures est rétablie aux papeteries de Cascadec pour le même salaire de 14 fr. par jour.
Car, il ne faut pas oublier que M. Bolloré a violé la loi en imposant 12 heures de travail à ses ouvriers ... mettra-t-on autant d'empressement à sanctionner cette infraction ?
Et c'est ce qu'on appelle la justice !
Tiens ... tiens ... étrange cette prédiction ! M. Le Berre [3] ne nous isait-il pas la semaine dernière que les débats de cette affaire nous montreraient la philanthropie et les largesses de M. Bolloré. C'est tout de même curieux cet esprit divin de M. Le Berre [3] ... à moins qu'il ne soit dans le secret des Dieux ... il est toujours - c'est encore lui qui le dit - du côté de la justice ! ...
Heureusement, fort heureusement qu'une autre cloche est venue couvrir, et sans aucune peine, l'écho de la première, et que, si personne n'a cru aux éloges à l'adresse du personnage en question, tous ont retenu les arguments de la défense qui sont en complète contradiction sur ce point.
N'en déplaise M. Le Berre [3] qui pour une fois encore a tort. Il ne l'avouera pas. Il insistera même pour applaudir à l'arrestation de ce malheureux ouvrier, arrestation condamnée par le Tribunal lui-même. Il persistera à flatter la plouterie comme un élément d'ordre et à flétrir ses victimes comme des éléments de d"sordre.
Et c'est ainsi que juge la roture toute cette camelotte royaliste qui se prétend « du sang » et dont le rêve, irréalisable à notre siècle, est de faire marcher à la trique, le pauvre peuple asservi?
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22.02.1924
Et pour bien démontrer que, ce que vous prêtez aux autres est bien le propre des vôtres, nous donnons à méditer les lignes suivantes que, nous empruntons pour la circonstance, à notre confrère « le cri du Peuple ».
« Mme Coutance, surveillante de salle à la papeterie de Cascadec et porte-paroles du richissime propriétaire Bolloré, parcourait un jour de novembre dernier, toutes les salles de l'usine, demandant aux ouvriers et ouvrières de verser la somme de 2 fr. 50 pour la Propagation de la Foi. Les ouvriers, trouvant que la somme demandée était trop forte, décidèrent, sur des instances pressantes, de verser 1 fr. seulement ; mais, comme ils ne possédaient pas sur eux l'argent nécessaire, il fut décidé que la collecte se ferait le lendemain.
« Le lendemain et après entente, les ouvriers revinrent sur leur promesse, et, refusant toute obole, décidèrent d'en faire un autre usage avec le produit de la collecte.
Quelle ne fut alors leur surprise de se voir retenir à la paye mensuelle et à chacun, la somme de 1 fr. sur leur maigre salaire et cela sans explication.
Que faire ? Toute rouspétance aurait entraîné immédiatement le renvoi du réclamant.
Ceci se passe de commentaires. »
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07.03.1924
Scaër. Aux papeteries de Cascadec.
Après les incidents dont nous avons parlé qui ont abouti à l'arrestation arbitraire de Jégou, M. Bolloré propriétaire des Usines de Cascadec a du se conformer lui aussi aux lois en vigueur.
Nous apprenons en effet que la loi de huit heures qui avait toujours été inconnue jusqu'à cette date, du puissant papetier, vient d'être mise en vigueur. Depuis le 1er février les ouvriers et ouvrières forment trois équipes travaillant chacune huit heures.
Nous espérons toutefois qu'une sanction sera prise contre ce patron qui a si longtemps violé la loi.
Il est heureux, enfin, que la situation des ouvriers de Cascadec se soit améliorée. Il fallait un grand coup, M. Bolloré n'a qu'à s'en prendre à lui s'il s'est produit.
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18.04.1924
Scaër. Papeteries de Cascadec.
Nous recevons la lettre suivante :
Nantes, le 31 mars 1924
Monsieur,
Dans un article paru le 7 ars dernier dans L'Echo de Bretagne, faisant suite à une série d'imputations calomnieuses auxquelles j'avais jegé, jusqu'ici, inutile de m'arrêter, vous articulez contre moi un fait qu'il est de mon devoir de démentir formellement.
Ce fait est relatif à l'application de la loi de huit heures dans les Papeteries de Cascadec.
« Nous apprenons, dites-vous, que la loi de huit heures qui avaient toujours été inconnue jusqu'à cette date, de puissant papetier, vient d'être mise en vigueur. Depuis le 1er février, les ouvriers et ouvrières forment trois équipes travaillant chacune huit heures ».
Et vous ajoutez « que vous espérez bien qu'une sanction sera prise contre ce patron qui a trop longtemps violé la loi ».
Je tiens à ce que la bonne foi de vos lecteurs soit complètement éclairée sur ce point.
Avant même que les décrets rendant exécutoire la loi de 8 heures dans les Papeteries aient été promulgués, je me suis préoccupé de leur application dans mes usines. Et malgré les difficultés très réelles que rencontrait cette application et que le Ministère du Travail reconnaissait lui-même, je me suis orienté, sans plus attendre, vers un nouveau régime de travail répondant aux prescriptions des dit Décrets qui n'étaient encore qu'à l'état d'avants-projets.
C'est ce nouveau régime, auquel je me suis astreint bénévolement à une date où la loi n'était pas encore applicable aux Papeteries que vous présentez à vos lecteurs comme une soumission tardive de ma part à une loi que j'aurais jusque là violée !
Ce simple exposé des faits, sans commentaires, montrera à vos lecteurs ce qu'ils doivent penser du bien fondé de vos accusations. Il en résulte que loin d'avoir violé la loi, je l'ai appliquée avant d'y être tenu.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. R. BOLLORÉ.
Nous publions volontiers cette lettre. Elle ne changera d'ailleurs pas l'opinion de nos lecteurs, d'accord avec celle de la population ouvrière de Cascadec, et de Scaër, sur le puissant et richissime papetier, pas plus d'ailleurs qu'elle ne modifiera le jugement que tous ont porté sur lui dans le rôle qu'il a joué contre l'ouvrier Jégou, dont nous avons du prendre en toute justice la défense, et pour qui, la Ligue des Droits de l'Homme elle-même fut appelée à intervenir. C'est d'ailleurs, cette affaire Jégou qui motivant notre intervention en même temps que celle de plusieurs de nos confrères, nous amena à agiter cette question de loi de 8 heures.
La loi de 8 heures, en effet, ne fut appliquée aux usines de Cascadec qu'à la suite de l'incident que nos lecteurs connaissent. Jusque-là, il n'en avait pas été question.
Quant à savoir si M. Bolloré en avait envisagé antérieurement, comme il dit, l'application, c'est une autre question, il ne l'a dit, d'ailleurs, à personne. Nous n'avons qu'à constater un faut : avant le 1er février les ouvriers papetiers de Cascadec travaillaient 12 heures par jour.
Il ajoute qu'il s'est décidé à appliquer cette loi de 8 heures avant même d'y être forcé. Il se peut que l'industrie du papier soit admise à bénéficier d'une dérogation ... pourtant, M. Bolloré l'a appliquée cette loi tardivement, sans doute, appliquée néanmoins. Si c'est un droit nous ne lui contestons pas, bien que sa rectification tardive ne prouve guère qu'il ait été aussi sûr de ce droit au moment où il appliqua ce nouveau régime de travail. Car, en somme, dans les Chemins de Fer qui sont tous soumis à cette loi, les difficultés d'application en étaient beaucoup plus grandes, qu'elles ne peuvent l'être dans les papeteries, en l'y a tout de même appliquée.
Enfin, admettons que M. Bolloré ait agi de motu proprio, nous en prenons note, pour établir sa conduite à l'égard de l'ouvrier Jégou, en faveur duquel toutes les voix s'étaient levées. Il a tout simplement cherché, mais en vain, à ramener l'opinion en sa faveur.
En tous cas, si les ouvriers de Cascadec ne sont pas admis légalement au bénéfice de la loi de 8 heures, était-ce une raison pour leur imposer, pour 12 heures de travail, un salaire inférieur à celui accordé pour 8 heures, aux ouvriers des autres industries ?
Nous voulons bien ne pas contester la philanthropie de M. Bolloré ... mais, l'opinion du personnel, sous ses ordres, milite avant l'action spontanée qu'il se prête.
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10.10.1924
Mise au point. Nous lisons dans le Cri du Peuple :
« Notre journal a publié, à la date des 16 février et 1er mars dernier, à propos d'une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Quimperlé contre un ouvrier de la papeterie de Cascadec, deux articles de journaux à raison desquels M. Bolloré, propriétaire de cette usine, estimant que ces articles renfermaient des imputations de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, nous a assigné devant le tribunal civil de Quimperlé.
Nous avions accusé M. Bolloré :
1° D'avoir donné l'ordre à la directrice d'un atelier d'inviter les ouvriers de la papeterie à verser une certaine somme d'argent au profit d'une œuvre confessionnelle et, sur le refus des ouvriers d'obtempérer à cette injonction, d'avoir, lors de la paye mensuelle, retenu d'office un franc sur les salaires de chacun de ses ouvriers ;
2° D'avoir violé la loi sur les huit heures de travail.
En conséquence, nous basant sur ces faits, nous avions qualifié, en termes excessifs, l'attitude de M. Bolloré.
Depuis nous avons procédé à une enquête. Il en résulte :
1° Que les faits signalés ne sont pas conformes à la réalité ;
2° Que M. Bolloré, respectueux des idées de son personnel, n'a jamais fait de politique dans l'usine, ni exercé la moindre pression sur les ouvriers qu'il emploie ;
3° Qu'il est un des rares fabricants de papier qui ait appliqué la loi de huit heures dans ses usines alors que le règlement d'administration publique fixant les modalités d'application de cette loi n'est même pas encore paru.
Le Cri du Peuple regrette donc d'avoir été induit en erreur, par un correspondant occasionnel et mal informé, et, pour marquer sa bonne foi, il prend à sa charge les frais du procès, M. Bolloré renonçant aux dommages-intérêts demandés.
Ainsi se termine un incident où l'honorabilité de nul n'était en cause et où notre bonne foi reste entière.
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19.01.1924
Scaër. Entraves à la liberté du travail.
Lundi 14 janvier, Henri Jégou, 32 ans, ouvrier bobineur à Cascadec a été mis en état d'arrestation, pour avoir empêché les ouvriers Bochard Yves et Daëron, d'apporter, ce jour, vers midi, leur repas avec eux, à l'usine, au moment de la relève.
La veille, vers 2 h du matin, le surveillant, Henri Moysan, vint prévenir M. René Rannou, contre-maître, alors couché, qu'il se passait quelque chose d'anormal à l'atelier des bobineurs. M. Rannou s'y rendit aussitôt et constata que les machines avaient été arrêtées sans ordre. Ayant demandé ce qui se passait, Jégou s'avança vers lui et lui réclama de l'augmentation.
M. Rannou lui ayant répondu que ce n'était pas à lui qu'il fallait s'adresser, Jégou le saisit à bras le corps et le renversa sur une table. Il eut frappé si ses camarades Jean Rouat, Louis Diamant, Henri Gaillard ne lui avaient crié : « Ne frappe pas ! ».
Ayant appris ces faits, M. René Bolloré, papetier à Odet, en Ergué-Gabéric, et à Cascadec en Scaër, prévenu, arriva des Côtes-du-Nord vers 11 h 30. Il rassembla le personnel soit 32 ouvriers. Il leur fit comprendre ce qu'un tel procédé avait d'odieux, et ce qu'ils diraient si lui, patron, faisait lever un ouvrier, à 2 h du matin, pour lui annoncer que s'il ne consentait pas à travailler à salaire plus réduit, il le congédierait. Il pria ceux qui n'étaient pas contents de s'en aller.
Dix obtempérèrent dont Jégou qui menaça de l'arrivée d'un missionnaire de la bourse du travail de Brest. Ce Jégou qui compte trois ans de service à l'usine avait été renvoyé il y a six mois, puis repris sur ses instances et celles de sa famille.
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26.01.1924
À Cascadec.
Commentant la grève avortée de Cascadec, M. Coffrant, dans l'Echo de Bretagne, dit que les ouvriers papetiers n'y ont jamais été gâtés par un salaire élevé. Or, M. Rene Bolloré est, à juste titre, considéré, dans les milieux industriels, comme un patron modèle, prenant de l'hygiène et de l'habitation de ses ouvriers le plus grand souci. L'an dernier, la fête du centenaire de l'usine d'Odet donna lieu à des réjouissances de caractère familial où les cadeaux du patron prirent figure d'augmentations et de pensions ... M. Coffrant mieux renseigné démentira sans doute M. Coffrant trop pressé de faire sa cour.
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02.02.1924
Scaër. Entrave à la liberté du travail.
Dans un de nos derniers numéros, nous avons relaté les faits dont s'était rendu coupable, Henri Jégou, 32 ans, ouvrier bobineur, à la papeterie de Cascadec, qui, après avoir voulu frapper son contremaître, fut mis en état d'arrestation, le 14 courant, sous l'inculpation d'entrave à la liberté du travail. Cette dernière accusation portant sur ce motif que Jégou, en conseillant aux ouvriers Bochard et Daëron de ne point apporter leur repas, à la relève, n'a pas été admise par le Tribunal comme constituant l'entrave. La plaidoirie de Me Pierre Piton, avocat, l'a réfutée. Par ailleurs, Jégou s'en tire avec 15 jours de prison avec sursis pour violences légères.
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09.02.1924
Scaër. À la papeterie de Cascadec.
Le jugement rendu dans cette affaire fait droit à deux choses d'ordre différent. Jégou un ouvrier papetier, se livra à des violences légères sur la personne d'un contre-maître, M. Rannou, qu'il ne frappa pas grâce à l'intervention d'autres ouvriers papetiers.
Renvoyé six mois auparavant, repris par charité, il avait été, en dépit de cela, chargé par ses camarades de présenter des revendications. Bien fondées ou non, elles ne légitimaient pas l'acte d'être produites à 2 heures du matin, devant un contre maître que l'on fait lever brusquement, qui n'est pas chargé de les recevoir, et que pour plus de persuasion, Jégou, l'étendant sur la table, allait rosser.
Le Tribunal a condamné Jégou à quinze jours de prison. Le sursis lui a été accordé, les juges estimant sans soute que n'ayant pas frappé, il était suffisamment puni par la détention préventive. Nous ignorons si, sans cette prévention faite, le sursis lui eut été accordé.
D'autre part, le Tribunal n'a pas retenu le fait d'entraves à la liberté du travail. L'abandon de ce chef d'accusation n'est pas, comme le prétend l'Echo, pour nous attrister. Si le Tribunal de Quimperlé est assez connu pour son équité, nous avons entendu le son de la seconde « cloche » n'en déplaise à l'Echo, avec autant de sérénité, que celui de « la première ».
Nous n'avons rien contre Jégou, dut-il être persuadé, par MM. Le Louédec et Coffrant, que nous sommes ennemis des Petits et des Faibles et adorateurs de la Ploutocratie. Nous nous bornons, nous le répétons, à être contraire à l'injustice d'où qu'elle vienne. Nous n'avons pas à contrôler les contrats de travail passés entre M. Bolloré et ses manœuvres. Il ne s'agit point ici d'ouvriers. Nous connaissons, étant de la région d'Ergué, tout le bien que l'on dit généralement de ce grand industriel.
Nous ne le fréquentons point, et si, avec le Tribunal, nous estimons qu'il n'y a pas eu, dans les recommandations faites à Bochard et Daëron, de s'abstenir d'apporter leurs vivres, une entrave du travail proprement dite, on conviendra que les violences exercées sur Rannou, le fait de s'en être pris à lui à 2 heures du matin, constituent un suffisant motif de châtiment. Et reprenant le mot de M. Bolloré, que dirait M. Coffrant, cet ami des Faibles, si M. Le Louédec le faisait se lever à une heure indue, pour lui annoncer qu'il lui supprime la portion de salaire afférente à l'entretien de son auto !
L.B.
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