Modèle:EchodeBretagne-Jégou-05 - GrandTerrier

Modèle:EchodeBretagne-Jégou-05

Un article de GrandTerrier.

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« Nous apprenons, dites-vous, que la loi de huit heures qui avaient toujours été inconnue jusqu'à cette date, de puissant papetier, vient d'être mise en vigueur. Depuis le 1er février, les ouvriers et ouvrières forment trois équipes travaillant chacune huit heures ».

Et vous ajoutez « que vous espérez bien qu'une sanction sera prise contre ce patron qui a trop longtemps violé la loi ».

Je tiens à ce que la bonne foi de vos lecteurs soit complètement éclairée sur ce point.

Avant même que les décrets rendant exécutoire la loi de 8 heures dans les Papeteries aient été promulgués, je me suis préoccupé de leur application dans mes usines. Et malgré les difficultés très réelles que rencontrait cette application et que le Ministère du Travail reconnaissait lui-même, je me suis orienté, sans plus attendre, vers un nouveau régime de travail répondant aux prescriptions des dit Décrets qui n'étaient encore qu'à l'état d'avants-projets.

C'est ce nouveau régime, auquel je me suis astreint bénévolement à une date où la loi n'était pas encore applicable aux Papeteries que vous présentez à vos lecteurs comme une soumission tardive de ma part à une loi que j'aurais jusque là violée !

Ce simple exposé des faits, sans commentaires, montrera à vos lecteurs ce qu'ils doivent penser du bien fondé de vos accusations. Il en résulte que loin d'avoir violé la loi, je l'ai appliquée avant d'y être tenu.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. R. BOLLORÉ.

Nous publions volontiers cette lettre. Elle ne changera d'ailleurs pas l'opinion de nos lecteurs, d'accord avec celle de la population ouvrière de Cascadec, et de Scaër, sur le puissant et richissime papetier, pas plus d'ailleurs qu'elle ne modifiera le jugement que tous ont porté sur lui dans le rôle qu'il a joué contre l'ouvrier Jégou, dont nous avons du prendre en toute justice la défense, et pour qui, la Ligue des Droits de l'Homme elle-même fut appelée à intervenir. C'est d'ailleurs, cette affaire Jégou qui motivant notre intervention en même temps que celle de plusieurs de nos confrères, nous amena à agiter cette question de loi de 8 heures.

La loi de 8 heures, en effet, ne fut appliquée aux usines de Cascadec qu'à la suite de l'incident que nos lecteurs connaissent. Jusque-là, il n'en avait pas été question.

Quant à savoir si M. Bolloré en avait envisagé antérieurement, comme il dit, l'application, c'est une autre question, il ne l'a dit, d'ailleurs, à personne. Nous n'avons qu'à constater un faut : avant le 1er février les ouvriers papetiers de Cascadec travaillaient 12 heures par jour.

Il ajoute qu'il s'est décidé à appliquer cette loi de 8 heures avant même d'y être forcé. Il se peut que l'industrie du papier soit admise à bénéficier d'une dérogation ... pourtant, M. Bolloré l'a appliquée cette loi tardivement, sans doute, appliquée néanmoins. Si c'est un droit nous ne lui contestons pas, bien que sa rectification tardive ne prouve guère qu'il ait été aussi sûr de ce droit au moment où il appliqua ce nouveau régime de travail. Car, en somme, dans les Chemins de Fer qui sont tous soumis à cette loi, les difficultés d'application en étaient beaucoup plus grandes, qu'elles ne peuvent l'être dans les papeteries, en l'y a tout de même appliquée.

Enfin, admettons que M. Bolloré ait agi de motu proprio, nous en prenons note, pour établir sa conduite à l'égard de l'ouvrier Jégou, en faveur duquel toutes les voix s'étaient levées. Il a tout simplement cherché, mais en vain, à ramener l'opinion en sa faveur.

En tous cas, si les ouvriers de Cascadec ne sont pas admis légalement au bénéfice de la loi de 8 heures, était-ce une raison pour leur imposer, pour 12 heures de travail, un salaire inférieur à celui accordé pour 8 heures, aux ouvriers des autres industries ?

Nous voulons bien ne pas contester la philanthropie de M. Bolloré ... mais, l'opinion du personnel, sous ses ordres, milite avant l'action spontanée qu'il se prête.