1860 - Enfance bafouée et abus sexuel dans un fossé de la Croix Rouge
Un article de GrandTerrier.
Version du 8 novembre ~ miz du 2015 à 08:24 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version actuelle (16 août ~ eost 2020 à 10:02) (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) |
||
(5 intermediate revisions not shown.) | |||
Ligne 2: | Ligne 2: | ||
|width=25% valign=top rowspan=2| | |width=25% valign=top rowspan=2| | ||
{{StatutLogoLeftDoc3 | avancement=2}} | {{StatutLogoLeftDoc3 | avancement=2}} | ||
- | |width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>L'affaire de mœurs d'un dénommé Mathurin H. détaillée par la transcription du dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4 U 168).</i> | + | |width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>L'affaire de mœurs d'un dénommé Mathurin H. détaillée par la transcription du dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4U2/168).</i> |
Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « <i>Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle</i> », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures. | Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « <i>Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle</i> », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures. | ||
Ligne 24: | Ligne 24: | ||
* Le maire, [[Michel Feunteun, maire (1855-1862)|Michel Feunteun]], habitant le village voisin de Congallic, immédiatement consulté après les faits. | * Le maire, [[Michel Feunteun, maire (1855-1862)|Michel Feunteun]], habitant le village voisin de Congallic, immédiatement consulté après les faits. | ||
* Le docteur en mèdecine [[Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur|René Bolloré]] (qui quelques années plus tard prendra la direction de la papeterie d'Odet) qui est appelé à « <i>visiter</i> » la petite fille et à faire son rapport pour le procès. | * Le docteur en mèdecine [[Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur|René Bolloré]] (qui quelques années plus tard prendra la direction de la papeterie d'Odet) qui est appelé à « <i>visiter</i> » la petite fille et à faire son rapport pour le procès. | ||
- | * Les agents publics de la gendarmerie et de la justice, notamment l'instituteur Jean-Marie Le Grignoux, interprète de la langue bretonne mandaté par le juge pour interviewer les acteurs et acteurs de l'agression. | + | * Les agents publics de la gendarmerie et de la justice, notamment l'instituteur Jean-Marie Le Grignoux, « <i>interprète de la langue bretonne</i> » mandaté par le juge pour interviewer les acteurs et acteurs de l'agression. |
- | Le scénario et les circonstances relatées décrivent un univers un peu sombre : | + | Le scénario et les circonstances relatées décrivent un univers un peu sombre et surprenant : |
- | * Ruralité : la scène se passe dans une commune rurale. Ce mardi-là de fin octobre, la petite fille qui n'est pas à l'école (ses frères plus âgés y sont), surveille « <i>le blé noir qui est à sècher</i> » devant la maison familiale. | + | * <u>Ruralité</u> : la scène se passe dans un univers marqué par une activité agricole dominante et des métiers d'artisans (maréchal, tailleur d'habit, cabaretière). Ce mardi-là de fin octobre, la petite fille qui n'est pas à l'école (ses frères plus âgés y sont), surveille « <i>le blé noir qui est à sècher</i> » devant la maison familiale. |
+ | * <u>Langue</u> : la langue parlée est le breton et la population ne comprend, ni ne parle le français. Pour tous les interrogatoires la justice passe par un « <i>interprète de la langue bretonne, domicilié de Quimper, lequel a prêté entre nos mains le serment de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents</i> ». | ||
+ | * <u>Religion</u> : l'inculpé est occupé à faire la quête pour le compte de son père qui est « <i>bedeau </i> », c'est-à-dire fabricien <ref name=Fabrique>{{K-Fabrique}}</ref>, de la chapelle de Kerdévot. Lorsqu'il doit avouer son crime, il confesse sa faute : « <i>comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon !</i> ». | ||
|width=4% valign=top align=justify| | |width=4% valign=top align=justify| | ||
|width=48% valign=top align=justify| | |width=48% valign=top align=justify| | ||
[[Image:FemmesBretonnesCP.jpg|center|400px|thumb]] | [[Image:FemmesBretonnesCP.jpg|center|400px|thumb]] | ||
- | * Religion : bedeau, quette | + | * <u>Protection maternelle</u> : comme l'a noté Isabelle Le Boulanger dans son livre, devant les pleurs de sa fille, sa mère est attentive aux effets psychologiques, mais ne cherche pas à savoir s'il y a eu pénétration et déchirure de l'hymen. Elle dit au gendarme « <i>n'avoir point visitée sa petite pour ne point éveiller chez elle des idées fâcheuses, que du reste elle n'avait parue de tien ressentir. </i> » |
- | * Langue : breton, interprète, bretonnisme | + | |
- | * Médecine : obstétricien | + | * <u>Médecine</u> : un médecin est dépêché chez la victime sept jours après les faits. Il se trouve que ce docteur en mèdecine n'est autre que Jean-René Bolloré, qui n'a pas encore pris la succession de son oncle papetier à Odet. Il connait bien son sujet car il a présenté en 1850 une thèse intitulée « <i>De la métrorrhagie après les accouchements</i> ». En 1860 sa conclusion est la suivante : « <i>De ses observations on peut conclure qu'une tentative d'introduction d'un corps étranger (membre viril, doigt etc) dans la partie sexuelle de la fille B. ait eu lieu</i> ». |
- | * Protection maternelle : "idées facheuses" | + | |
- | * Justice : 2 ans, circonstances atténuantes (?) | + | * <u>Justice</u> : on peut être surpris de la façon dont les interrogatoires insistent sur le fait que « <i>l'enfant répondit que l'individu ne lui avait pas fait mal. </i> », les faits étant par ailleurs : « <i>il me releva mes jupes, déboutonna son pantalon et en sortit ce avec quoi il pisse et enfin me le mit dans le corps</i> ». La sentence finale est une « <i>peine de deux années d'emprisonnement par corps</i> », avec dans le délibéré des jurés une mention de « <i>circonstances atténuantes</i> », sans doute pour son repenti. |
|} | |} | ||
==Transcriptions== | ==Transcriptions== | ||
Ligne 142: | Ligne 144: | ||
<spoiler id="994" text="Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, ..."> | <spoiler id="994" text="Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, ..."> | ||
- | Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, et Corentin Provost, garçon maréchal de H., père, quettaient pour celui-ci, qui est bedeau de la chapelle de Kerdévot, en cette comme d'Ergué-Gabéric, vers onze heures 1/2 du matin, ces deux hommes, en passant près de mon cabaret, se séparèrent, Provost rentra chez moi, malgré l'observation que lui fit H., fils, de ne pas s'arrêter, parce qu'ils avaient encore beaucoup de chemin à faire, H. passa outre, Provost se fit servir pour 10 centimes d'eau-de-vie, puis ensuite alluma sa pipe. Dans cet intervale j'avais envoyé mes deux plus petites filles dire à mon mari et à mon domestique qui tissaient dans une maison contigüe, de venir diner. Ceux-ci étant entrés avec les deux petites filles, je leur demandais ce qu'était devenue ma fille ainée ? Ils me répondirent : il n'y a qu'un instant qu'elle était là, sur la route, à surveiller le blé noir qui est à sècher, nous ne savons pas ce qu'elle est devenue. Je sortis aussitôt et l'appelai ; mais elle ne me répondit pas, après être revenue dans ma maison je ressortis presqu'aussitôt et je vis ma fille à une vingtaine de pas de ma maison, qui s'en revenait en pleurant. Je la rejoignis ... par quel pressentiment je lui ... aussitôt les vêtements ... sur la partie ..., à l'intérieur des taches de sperme, je lui demandais ce qui lui était arrivée, elle me répondit que le petit Mathurin l'avait emportée, de la route, dans le champ et s'était mis sur elle dans le fossé, je ne voulais pas faire d'autres questions à ma fille, et lui enjoignis de rentrer aussitôt. Je quittais mon cabaret en courant à la recherche de Mathurin H. et au bout de quelques temps ne l'ayant pas trouvé, et pensant que peut-être il était allé chez moi chercher son domestique, je revins chez mon ..., comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon ! (aussitôt qu'H. était rentré chez moi il essuya de vifs reproches de la part de mon mari et d'autres hommes qui étaient à la maison parce que ma fille avait raconté ce qui lui était arrivée). Je dis à H. : vous allez venir avec moi chez le maire. Il me répondit : je n'irai pas, je n'oserai pas paraitre devant M. le maire, cependant j'insistai de ... avec moi et ma fille trouver ce magistrat, devant lequel il avoua de nouveau son crime et demanda pardon. M. le maire lui dit que je lui pardonnai, mais que la justice aurait son cours et je revins chez moi avec ma fille. | + | Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, et Corentin Provost, garçon maréchal de H., père, quettaient pour celui-ci, qui est bedeau de la chapelle de Kerdévot, en cette comme d'Ergué-Gabéric, vers onze heures 1/2 du matin, ces deux hommes, en passant près de mon cabaret, se séparèrent, Provost rentra chez moi, malgré l'observation que lui fit H., fils, de ne pas s'arrêter, parce qu'ils avaient encore beaucoup de chemin à faire, H. passa outre, Provost se fit servir pour 10 centimes d'eau-de-vie, puis ensuite alluma sa pipe. Dans cet intervale j'avais envoyé mes deux plus petites filles dire à mon mari et à mon domestique qui tissaient dans une maison contigüe, de venir diner. Ceux-ci étant entrés avec les deux petites filles, je leur demandais ce qu'était devenue ma fille ainée ? Ils me répondirent : il n'y a qu'un instant qu'elle était là, sur la route, à surveiller le blé noir qui est à sècher, nous ne savons pas ce qu'elle est devenue. Je sortis aussitôt et l'appelai ; mais elle ne me répondit pas, après être revenue dans ma maison je ressortis presqu'aussitôt et je vis ma fille à une vingtaine de pas de ma maison, qui s'en revenait en pleurant. Je la rejoignis ... par quel pressentiment je lui ... aussitôt les vêtements ... sur la partie ..., à l'intérieur des taches de sperme, je lui demandais ce qui lui était arrivée, elle me répondit que le petit Mathurin l'avait emportée, de la route, dans le champ et s'était mis sur elle dans le fossé, je ne voulais pas faire d'autres questions à ma fille, et lui enjoignis de rentrer aussitôt. Je quittais mon cabaret en courant à la recherche de Mathurin H. et au bout de quelques temps ne l'ayant pas trouvé, et pensant que peut-être il était allé chez moi chercher son domestique, je revins ..., comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon ! (aussitôt qu'H. était rentré chez moi il essuya de vifs reproches de la part de mon mari et d'autres hommes qui étaient à la maison parce que ma fille avait raconté ce qui lui était arrivée). Je dis à H. : vous allez venir avec moi chez le maire. Il me répondit : je n'irai pas, je n'oserai pas paraitre devant M. le maire, cependant j'insistai de ... avec moi et ma fille trouver ce magistrat, devant lequel il avoua de nouveau son crime et demanda pardon. M. le maire lui dit que je lui pardonnai, mais que la justice aurait son cours et je revins chez moi avec ma fille. |
D. - Votre fille pleurait-elle réellement lorsque vous l'avez trouvée sur la route près de l'attentat ? | D. - Votre fille pleurait-elle réellement lorsque vous l'avez trouvée sur la route près de l'attentat ? | ||
Ligne 330: | Ligne 332: | ||
|width=48% valign=top|Lieu de conservation : | |width=48% valign=top|Lieu de conservation : | ||
*Archives Départementales du Finistère | *Archives Départementales du Finistère | ||
- | *Série 4U, Quimper | + | *Série 4U2, Quimper |
<gallery caption="Premiers documents - Nov. 1860" perrow=3> | <gallery caption="Premiers documents - Nov. 1860" perrow=3> | ||
Ligne 349: | Ligne 351: | ||
|width=48% valign=top| | |width=48% valign=top| | ||
Reférence, droit d'image : | Reférence, droit d'image : | ||
- | *Cote 4 U 168 | + | *Cote 4 U 2 / 168 |
*Usage privé et restreint. | *Usage privé et restreint. | ||
Version actuelle
| L'affaire de mœurs d'un dénommé Mathurin H. détaillée par la transcription du dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4U2/168).
Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures. Parmi celles-ci l'affaire de Mathurin H., âgé de 21 ans en 1860, maréchal-ferrant, violeur repentant, condamné à « la peine de deux années d'emprisonnement par corps ». | |||||
En savoir plus : « LE BOULANGER Isabelle - Enfance bafouée » ¤ « 1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre » ¤ « LE DOUGET Annick - Violence au village » ¤ « LE DOUGET Annick - La peine de mort en Bretagne » ¤ « LE DOUGET Annick - Crime et justice en Bretagne » ¤ « Croix Rouge, ar Groaz Ru » ¤ « BOLLORÉ Jean-René - De la métrorrhagie après les accouchements » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
À la lecture du dossier de l'affaire « Mathurin », on a l'impression de découvrir une véritable pièce de théâtre d'une époque heureusement révolue où ce qu'on appelait « attentat à la pudeur » serait aujourd'hui qualifié de pédophilie. Pour protéger les éventuels descendants, nous n'avons pas transcrit les noms de la victime et de son violeur. Les personnages de la scène de viol et du procès :
Le scénario et les circonstances relatées décrivent un univers un peu sombre et surprenant :
|
|
[modifier] 2 Transcriptions
Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher
Dossier
Document du 5 novembre 1860
Document du 7 novembre 1860
Document du 7 novembre 1860
Document du 9 novembre 1860 - 1er témoin
Document du 9 novembre 1860 - 2e témoin
|
Document du 9 novembre 1860 - 3e témoin
Document du 13 novembre 1860
Document du 25 novembre 1860
Document du 26 décembre 1860
Document n° 1 du 9 janvier 1861
Document n° 2 du 9 janvier 1861
|
[modifier] 3 Originaux
Lieu de conservation :
|
Reférence, droit d'image :
|
[modifier] 4 Annotations
Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : § Tout montrer/cacher
- Taillandier, s.m. : artisan, ouvrier qui fabrique les outils et instruments tranchants en fer utilisés dans certains corps de métiers (agriculture, menuiserie, marbrerie, etc.). Source : TLFi. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Fabrique, s.f. : désigne, avant la loi de séparation de l'église et de l'état, tantôt l'ensemble des biens affectés à l'entretien du culte catholique, tantôt le corps politique spécial chargé de l'administration de ces biens, ce au niveau de l'église paroissiale ou d'une chapelle. Les paroissiens trésoriers membres de ce corps étaient les « fabriciens », les « marguilliers » ou plus simplement jusqu'au 18e siècle les « fabriques » (s.m.). Les fabriques sont supprimées par la loi du 9 décembre 1905 et remplacées par des associations de fidèles. Source : site Internet restarhorniou. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Novembre 2015 Dernière modification : 16.08.2020 Avancement : [Développé] |