1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre - GrandTerrier

1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search
Catégorie : Archives    
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [Développé]
§ E.D.F.
Une tentative de viol en 1829 où le présumé coupable, Jean Le Jaouanc [1], est jugé par un conseil organisé au presbytère en charge de procéder à un « arrangement » avec pardon et compensation financière au profit de la victime, Marie-Anne Le Corre [2], tailleuse de son état.

Si la victime n'avait pas porté plainte trois ans après, l'affaire n'aurait pas laissé de traces, car le président de la cour d'assises n'aurait pas fait ce rapport en 1832.

Autres lectures : « LE DOUGET Annick - Violence au village » ¤ « 1839 - Acquittement d'Hervé Kerluen, un des plus beaux hommes de Basse-Bretagne » ¤ « 1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier » ¤ « STENDHAL - Mémoires d'un touriste » ¤ « BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec » ¤ 


[modifier] 1 Présentation

Cette affaire nous a été révélée par Annick Le Douget dans son livre « Violence au village - La société rurale finistérienne face à la justice (1815-1914) », issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale : « Il faut ici se remémorer la sidérante affaire Le Jaouanc de 1829-32 qui révélait un rituel de la justice communautaire non dénué de solennité, en présence du maire [3], du prêtre [4] et des notables du village d'Ergué-Gabéric ».

L'affaire fut jugée exceptionnellement fin juillet 1832 à Châteaulin, période pendant laquelle la cour d’assises avait été transférée, cas unique dans les annales judiciaires quimpéroises, « à cause du cholera-morbus qui exerçait alors des ravages à Quimper ».

Que s'est-il passé en 1829 exactement ? Une jeune fille exerçant la profession de tailleuse d'habits (comme son père et son frère) est agressée sexuellement sur un chemin peu fréquenté et de nuit par un agriculteur installé près du bourg d'Ergué-Gabéric.

 

Le soir-même la victime se confie au recteur, et le présumé coupable doit se présenter quelques jours plus tard au presbytère devant le curé et un comté formé du maire et des notables : « on lui fit promettre qu'il serait huit années consécutives sans s'enivrer, que jamais il le lui arriverait d'insulter Marie-Anne Le Corre. Cette promesse fut faire à genoux et en demandant pardon à Dieu. »

L'agression se reproduisant trois ans après, avec une ouvrière tailleuse comme témoin, Marie Anne Le Corre porta plainte. Elle n'obtint pas la condamnation du détraqué, et dut même quitter la commune et refaire sa vie dans une commune voisine.

Cette « sidérante affaire » est l'illustration parfaite de la manière dont on pouvait dans les campagnes finistèriennes, au 19e siècle, organiser une justice communautaire dont le but était d'assurer une certaine paix sociale, mais sans pour autant défendre des victimes et punir les coupables.

[modifier] 2 Transcriptions

Page 1

Quimper [5]. 3eme affaire. Séance du 31 juillet.

Jean Le Jaouanc [1], âgé de 36 ans, propriétaire cultivateur, né et domicilié en la commune d'Ergué-Gabéric, arrondissement de Quimper, marié - un enfant -, sait un peu lire et écrire, poursuivi antérieurement pour coups portés, acquitté de ces poursuites.

Accusé d'avoir commis une tentative de viol, en tout cas un attentat à la pudeur, sur la personne de Marie Anne Le Corre [2], journalière tailleuse, âgée d'environ 25 ans.

Dans le courant du mois de septembre 1829, Jean Le Jaouanc étant un soir, à nuit tombante, entré dans une maison où Marie Anne Le Corre était à travailler, il se proposa de faire route avec elle jusqu'à leur domicile, qui est à peu de distance l'un de l'autre.

Arrivés dans l'avenue dite de Penanrun, il attaqua cette fille et fit tous les efforts pour attenter à son honneur. Celle-ci lui fit lâcher prise en lui mordant fortement un doigt, et parvint à se soustraire à ses violences. Si l'on en croit la déclaration, les jupes avaient été relevées, son agresseur se serait mis en état de nudité, mais il n'y aurait eu aucun attouchement charnel.

Rentrée chez elle, Marie-Anne Le Corre [2] ne tarda pas à se rendre au presbytère pour y révéler à Monsieur le curé [4] les faits dont elle avait à se plaindre, mais étant tombée évanouie, elle ne put articuler le nom de Jaouanc. Le lendemain, le curé retourna chez elle et reçut sa déclaration. Le maire [3] de la commune devant lequel Marie-Anne Le Corre [2] forma plainte, ne trouvant pas assez de preuves, lui conseilla un arrangement. Tous les notables de la commune s'en mêlèrent, et dans une réunion qui

 

Page 2

eut lieu au presbytère, à laquelle fut appelé Le Jaouanc [1], on lui fit promettre qu'il serait huit années consécutives sans s'enivrer, que jamais il le lui arriverait d'insulter Marie-Anne Le Corre [2]. Cette promesse fut faire à genoux et en demandant pardon à Dieu. C'était bien une confession tacite de sa faute, néanmoins il n'en fit pas l'aveu.

Marie-Anne Le Corre, qui avait prétendu à une indemnité de 1 500 francs, ne fut que très faiblement satisfaite d'un pareil arrangement. Cependant elle y donna bon gré mal gré son consentement. Bientôt elle devint un objet de mépris dans le pays, une chanson fut faite contre elle, personne ne voulut plus de ses services et elle fut obligée, pour gagner sa vie, d'aller demander de l'ouvrage dans d'autres communes.

Le 14 février 1832, Marie Anne Le Corre, accompagné d'une jeune ouvrière, dut faire rencontre de Le Jaouanc dans l'avenue de Penanrun, vers 6 heures du soir, au même lieu où la 1ère fois s'était passées, et être l'objet d'une nouvelle attaque de sa part. Il dit se présenter à elle dans une posture indécente, lui tenir le langage le plus obscène, et la menacer de la mort si elle ne consentait à ses désirs, mais, comme il était ivre, elle était parvenue facilement à éviter son approche, en prenant la fuite.

Cette fois elle porta directement la plainte devant le Procureur du Roi, qui ordonna des poursuites.

La jeune ouvrière de Marie Anne Le Corre affirma devant le Juge d'instruction la vérité des faits de la seconde attaque, tels qu'ils avaient été articulés par sa maîtresse, ; mais, aux débats, elle s'est rétractée, en protestant qu'elle n'avait rien vu ni entendu, et soutenant fortement que sa 1ère déclaration n'était due qu'au menaces et aux promesses dont avait usé envers elle sa maîtresse.

La réponse du jury ayant été négative sur toutes les questions, Jean Le Jaouan a été acquitté et mis en liberté.


[modifier] 3 Originaux

Lieu de conservation : Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine.

Série : BB/20, comptes d'assises

Cotes : BB/20/63, 3e trimestre 1832

 

Droit d'image : Protégé.

Usage : Accès privé et restreint aux abonnés inscrits

Accès : Connexion obligatoire sur un compte nominatif d'adhérent GrandTerrier.


[modifier] 4 Annotations

  1. 20/Prai/An04 (08/06/1796), Ergué Gabéric, Lieu-dit : Kerelou (Pays : Mellenick ) baptême ou naissance de JAOUANCQUE Jean Corentin. Enfant de Jean, âgé de 38 ans, cultivateur, et de LE QUENNEUDER Anne. Notes - acte daté du 20 prairial après 2 autres actes du 27. Les actes de baptêmes de ses frères sont déclarés indifféremment aux noms Le Yaouanc, Le Jeune et Le Jaouanc.
    02/11/1824 Ergué Gabéric (Pays : Mellenick ) . Mariage de LE YAOUANCQ Jean Corentin, né le 19 Prair An 4 à Ergué Gabéric, Cultivateur. Fils de Jean , présent et de LE QUENEUDER Anne, présente. Et de DAOUEDAL Marie Barbe, née le 16/6/1806 à Ergué Gabéric. Fille de Nicolas , décédé et de KERGOURLAY Corentine, présente. Sur le recensement de 1836 il apparait sous le nom de Jean Jeune, agriculteur à Kerellou. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
  2. 23/Fruc/An10 (10/09/1802.) Ergué Gabéric. Lieu-dit : Kerelan (Pays : Mellenick ) baptême ou naissance de LE CORRE Marie Anne Enfant de Maurice et de LE POUPON Marie Anne. Contrairement à son père et son frère Maurice, tous deux tailleurs à Loqueltas, Marie-Anne Le Corre n'est plus mentionnée dans le recensement de la population d'Ergué-Gabéric en 1836. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4]
  3. René Laurent), agriculteur de Squividan, est le maire d'Ergué-Gabéric de 1824 à 1846. [Ref.↑ 3,0 3,1]
  4. Yves Le Roux, originaire de Plouénan, fut recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric de 1822 à 1848. [Ref.↑ 4,0 4,1]
  5. Ou plutôt Chateaulin, où la cour d’assises avait été transférée en raison de l’épidémie de choléra qui sévissait alors à Quimper. [Ref.↑]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Novembre 2014    Dernière modification : 11.11.2014    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]