1789 - Le cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric
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- | __NOTOC____NUMBERHEADINGS____NOEDITSECTION__<i>Alors que les trois ordres représentant le peuple français sont convoqués par le Roi, toutes les paroisses vont s'atteler à rédiger en ce début de 1789 leurs cahiers de charges et doléances. Celle d'Ergué-Gabéric, naturellement, n'échappe à cette tâche d'expression citoyenne.</i> | + | __NOTOC____NUMBERHEADINGS____NOEDITSECTION__<i>Alors que les trois ordres représentant le peuple français sont convoqués par le Roi, toutes les paroisses vont s'atteler à rédiger leurs cahiers de charges et doléances et élire leurs députés du Tiers-État.</i> |
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- | [[Image:doleances.jpg|120px|right]] | + | La population d'Ergué-Gabéric, naturellement, n'échappe à cette tâche d'expression citoyenne, officialisée en ce jour de Pâques du 12 avril 1789 lors d'une assemblée de paroisse composée de 10 représentants. Cahier conservé aux Archives départementales du Finistère sous la cote 10B22. |
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- | |colspan=2|Autres lectures : {{Tpg|1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1791 - Rattachement à Ergué-Gabéric de Kerampensal, Cleuyou et Kerelan}}{{Tpg|Le domaine congéable et les communs de village}}{{Tpg|1789 - Séances de la sénéchaussée de Quimper pour les cahiers de doléances}} | + | [[Image:CahierDoléancesEGDebut.jpg|190px|right]] |
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- | + | Autres lectures : {{Tpg|1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1791 - Rattachement à Ergué-Gabéric de Kerampensal, Cleuyou et Kerelan}}{{Tpg|RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village}}{{Tpg|1792-1797 - Pétition quimpéroise contre l'abolition des domaines congéables}}{{Tpg|1789 - Séances de la sénéchaussée de Quimper pour les cahiers de doléances}}{{Tpg|SAVINA Jean & BERNARD Daniel - Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper}}{{Tpg|BERNARD Daniel - Propagande en langue bretonne en janvier 1789}}{{Tpg|René Lanmeur, prêtre et chapelain (1784)}} | |
- | + | ==Présentation== | |
- | ==Le Contexte historique== | + | |
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- | ===La convocation des États Généraux=== | + | Les États Généraux, assemblée composée des représentants des trois ordres, n'avaient pas été sollicités depuis 1614. Le roi Louis XVI, face à une crise financière et sociale, les convoque. |
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- | Les États Généraux, assemblée composée des représentants des trois ordres, n'avaient pas été sollicités depuis 1614. Le roi Louis XVI, face à une crise financière et sociale, les convoque. Dans sa lettre circulaire du 16 mars 1789, il écrit : « <i>Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets, pour nous aider à surmonter toutes les | + | |
- | difficultés où nous nous trouvons, relativement à l'état de nos finances, et pour établir, | + | |
- | suivant nos veux un ordre constant et invariable dans toute la partie du gouvernement, qui | + | |
- | intéresse le bonheur de nos sujets et la prospérité de notre Royaume</i> ». | + | |
Pour ce qui concerne les députés du Tiers État, leur élection doit se faire selon un mode de scrutin à trois échelons : | Pour ce qui concerne les députés du Tiers État, leur élection doit se faire selon un mode de scrutin à trois échelons : | ||
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* Chaque paroisse désigne des représentants, et rédige un cahier de Doléances. | * Chaque paroisse désigne des représentants, et rédige un cahier de Doléances. | ||
- | * Les représentants des paroisses de la Sénéchaussée (de 10 à 50 paroisses en général) rédigent un cahier des charges commun et désignent des représentants au prorata (théoriquement) de la population. | + | * Les représentants des paroisses de la Sénéchaussée, de 10 à 50 paroisses, rédigent un cahier des charges commun et désignent des représentants au prorata de la population. |
* Une réunion des représentants d'arrondissement, division administrative regroupant plusieurs sénéchaussées, rédige un cahier des doléances commun et désigne les députés des États Généraux. | * Une réunion des représentants d'arrondissement, division administrative regroupant plusieurs sénéchaussées, rédige un cahier des doléances commun et désigne les députés des États Généraux. | ||
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+ | La vaste sénéchaussée de Quimper couvrait, avec ses 85 paroisses et trêves, près du tiers du département actuel du Finistère. Son sénéchal, Augustin-Bernard-François Le Goazre de Kervélégan (1748-1825), ardent défenseur de la cause du Tiers-Etat, faisait partie de la délégation du Tiers breton que le roi avait reçue le 14 mars à Versailles. Rentré à Quimper le 26 mars, il publia le lendemain une ordonnance de règlement pour sa sénéchaussée. | ||
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+ | Les premiers cahiers de paroisses de la sénéchaussée de Quimper sont rédigés et authentifiés le dimanche 5 avril, jour des Rameaux, notamment à Plonéis. Ce jour-là, en l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric la convocation royale est lue publiquement, et lors du prône la convocation le dimanche suivant de l'assemblée paroissiale est annoncée publiquement pour la validation du texte des doléances et la désignation des députés. C'est « <i>Messire René Lanmeur, ancien prêtre et chapelain de ladite paroisse</i> » qui célèbre cette messe, en remplacement du recteur en titre, Alain Dumoulin, réfractaire aux idées de la Révolution. | ||
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+ | Le dimanche 12, jour de Pâques, a lieu à Ergué-Gabéric cette réunion importante, avec un maximum de transparence et de publicité, alors que certaines autres paroisses se sont contentées d'un « <i>son de cloche</i> » en milieu de semaine. Les membres de l'assemblée, réunis dans la sacristie de l'église paroissiale, ont demandé la présence du procureur du présidial de Quimper, explicitement « <i>appelé par les délibérants</i> ». Et ils valident leur « <i>cahier de charges, doléances, plaintes et remontrances</i> » en adoptant le même texte qui avait été choisi par Plonéis le dimanche précédent. | ||
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+ | Et ensuite ils nomment leurs deux députés pour les représenter à l'assemblée de la sénéchaussée. Seul le nom du premier député gabéricois est inscrit dans le présent document, à savoir Jean Le Signour de Keranroux, le second nom étant laissé à blanc. Dans le procès-verbal de la sénéchaussée de Quimper, Augustin Gillart de Congalic est mentionné comme deuxième député. | ||
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- | ===La sénéchaussée de Quimper=== | + | Les cahiers d'Ergué-Gabéric et de Plonéis notamment sont rigoureusement identiques, du même papier et de la même écriture. Le contenu des articles constitue une synthèse équilibrée des revendications d'une paroisse rurale, et a été certainement influencée par une circulaire rédigée en breton « <i>Circulaire aux Bas-Bretons des environs de Quimper sur les demandes à soumettre dans l'intérêt du peuple</i> » où |
+ | seules les propositions n° 2 (gardes-cotes) et n° 10 (Représentation des recteurs) n'ont pas été intégrées dans le cahier final : | ||
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+ | <b>1.</b> Fidélité au roi (intro de la circulaire). | ||
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+ | <b>2.</b> Contribution dette nationale (intro de la circulaire). | ||
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+ | <b>3.</b> Tous ordres tous impôts selon moyens (propositions nos 4, 5 et 6 de la circulaire). | ||
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+ | <b>4.</b> Rémunération de tout le clergé (prop. n° 9). | ||
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+ | <b>5.</b> Entretien des chemins publics (prop. n° 1). | ||
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+ | <b>6.</b> Abandon du franc-fief de défense armée (extension de la prop. n° 3). | ||
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+ | <b>7.</b> Justice royale et de proximité (reformulation de la prop. n° 7). | ||
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+ | <b>8.</b> Abandon des coutumes et du domaine congéable (initiative locale). | ||
- | La vaste sénéchaussée de Quimper couvrait, avec ses 85 paroisses et trêves, près du tiers du département actuel du Finistère. Son sénéchal, Augustin-Bernard-François Le Goazre de Kervélégan (1748-1825), ardent défenseur de la cause du Tiers-Etat, faisait partie de la délégation du Tiers breton que le roi avait reçue le 14 mars à Versailles. | + | <b>9.</b> Solidarité vis-à-vis des doléances du tiers-état (intro et conclusion de la circulaire). |
- | Rentré à Quimper le 26, il publia le lendemain une ordonnance de règlement pour sa sénéchaussée, qui prenait quelques libertés avec le calendrier royal. L'assemblée de la sénéchaussée était en effet fixée au 16 avril, deux semaines après la date prévue officiellement. Ce délai permit aux habitants des villes et des campagnes de tenir, sans trop de précipitation, des réunions qui furent parfois agitées, notamment dans les petites villes de Douarnenez et de Pont-L'Abbé. | + | L'originalité du cahier d'Ergué-Gabéric et de Plonéis tient essentiellement dans son article 8, et plus particulièrement en la demande de transformer le système de « <i>fief anomal</i> » ou domaine congéable <ref name=DomaineCongeable>{{K-DomaineCongéable}}</ref> en système censitif, ceci pour éviter les congéments abusifs que devaient subir les domaniers. A ce titre, la paroisse d'Ergué-Gabéric se range parmi les paroisses dites « <i>abolitionnistes</i> » <ref>Alain Le Bloas, dans son étude « <i>La question du domaine congéable dans l'actuel Finistère à la veille de la Révolution</i> » de 2003, considère l'article 8 du cahier du groupe de Plonéis qui réclamet la suppression du " fief anomal ou domaine congéable converti en censive " comme l'emblème des revendications des paroisses rurales abolitionnistes (réclamant l'abolition du domaine congéable).</ref>. |
- | 184 députés des villes et des paroisses (dont Jean Le Signour et Augustin Gillard d'Ergué-Gabéric) comparurent le 16 avril à la réunion de sénéchaussée, tenue dans une salle du collège. Le 20 avril, les députés adoptèrent le cahier général de la sénéchaussée de Quimper et désignèrent les électeurs chargés de les représenter à l'assemblée commune de Quimper et de Concarneau. | + | A la suite de débats contradictoires, le texte retenu dans le cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau est l'article 11 du chapitre « Des abus » : « <i>Que le droit de moute, les corvées en nature, droits de fours banaux et péages soient supprimées ; que la rente domaniale soit convertie en censive, et que le propriétaire ne puisse plus accorder de congément</i>. » |
- | Les 16 électeurs se réunirent le lendemain et adoptèrent le cahier commun aux deux sénéchaussées, puis procédèrent à l'élection des députés pour Versailles. Ils choisirent 3 Quimpérois, les Concarnois eurent comme seule consolation de voir choisir dans leurs rangs les premier et deuxième suppléants. | + | Néanmoins, avec la pression du lobby foncier, l'assemblée constituante par la loi du 6 aout 1791 maintiendra ce régime de domaine congéable <ref name=DomaineCongeable>{{K-DomaineCongéable}}</ref> avec, en cas de rupture, le remboursement de la valeur des édifices. Après une tentative de transformation en 1792, les propriétaires fonciers seront confirmés dans leurs droits en 1797. Le domaine congéable subsistera tout au long du |
+ | 19e siècle avec une hostilité maintenue entre domaniers et fonciers, avant de disparaître définitivement en 1947 grâce à une loi à l'initiative du député communiste finistérien Alain Signor. | ||
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- | Seul le nom du premier député gabéricois est inscrit dans le présent document, le second étant laissé à blanc. Dans le procès-verbal de la sénéchaussée de Quimper, Augustin Gillart de Congalic est mentionné comme deuxième député. | + | <br>{{Citation}} |
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Aujourd'hui 12 avril 1789, en l'assemblée convoquée au prône de la grand-messe d'Ergué-Gabéric le cinquième jour du présent mois à la manière accoutumée, ont comparu au lieu ordinaire des délibérations, devant nous Maître Pierre Augustin Mellez, procureur au présidial de Quimper appelé par les délibérants, Hervé Corentin Lizien demeurant au lieu de Mélennec, procureur terrien de ladite paroisse, Jean Jaouen du lieu de Poulduic, Jean Le Signour du lieu de Keranrous, Jean Philippe du lieu de Quélennec Bras, René Le Guennau du lieu de Sulvintin, Sébastien Mahé du lieu de Lézouanach, Augustin Gillart du lieu de Gongallic, Jean Lozach du lieu de Kervien, Jérôme Crédou du lieu de Crechergué, Louis Le Bihan | Aujourd'hui 12 avril 1789, en l'assemblée convoquée au prône de la grand-messe d'Ergué-Gabéric le cinquième jour du présent mois à la manière accoutumée, ont comparu au lieu ordinaire des délibérations, devant nous Maître Pierre Augustin Mellez, procureur au présidial de Quimper appelé par les délibérants, Hervé Corentin Lizien demeurant au lieu de Mélennec, procureur terrien de ladite paroisse, Jean Jaouen du lieu de Poulduic, Jean Le Signour du lieu de Keranrous, Jean Philippe du lieu de Quélennec Bras, René Le Guennau du lieu de Sulvintin, Sébastien Mahé du lieu de Lézouanach, Augustin Gillart du lieu de Gongallic, Jean Lozach du lieu de Kervien, Jérôme Crédou du lieu de Crechergué, Louis Le Bihan | ||
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- | Le texte relativement court du cahier - seulement 9 revendications - était vraisemblablement un modèle que plusieurs paroisses ont adopté. Les cahiers d'Ergué et de Plonéis notamment sont rigoureusement identiques, du même papier et de la même écriture. | + | <br>{{Citation}} |
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CAHIER DE CHARGES ET DOLÉANCES DE LA PAROISSE D' ERGUE GABERIC POUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX FIXES AU 27 AVRIL 1789. | CAHIER DE CHARGES ET DOLÉANCES DE LA PAROISSE D' ERGUE GABERIC POUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX FIXES AU 27 AVRIL 1789. | ||
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Mettez P(rocureur) au présidial. | Mettez P(rocureur) au présidial. | ||
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- | <br>L'originalité de ce cahier tient essentiellement dans son article 8, et plus particulièrement en la demande de transformer les domaines congéables <ref name=DomaineCongeable>{{K-DomaineCongéable}}</ref> de Basse-Bretagne en système censitif, ceci pour éviter les congéments abusifs que devaient subir les domaniers. | ||
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- | Le texte retenu dans le cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau est l'article 11 du chapitre « Des abus » : « <i>Que le droit de moute, les corvées en nature, droits de fours banaux et péages soient supprimées ; que la rente domaniale soit convertie en censive, et que le propriétaire ne puisse plus accorder de congément</i>. | ||
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- | L'assemblée constituante par la loi du 6 aout 1791 maintiendra ce régime de domaines congéable <ref name=DomaineCongeable>{{K-DomaineCongéable}}</ref> avec, en cas de rupture, le remboursement de la valeur des édifices. Après une tentative de transformation en 1792, les propriétaires fonciers seront confirmés dans leurs droits en 1797. | ||
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Version actuelle
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Alors que les trois ordres représentant le peuple français sont convoqués par le Roi, toutes les paroisses vont s'atteler à rédiger leurs cahiers de charges et doléances et élire leurs députés du Tiers-État. La population d'Ergué-Gabéric, naturellement, n'échappe à cette tâche d'expression citoyenne, officialisée en ce jour de Pâques du 12 avril 1789 lors d'une assemblée de paroisse composée de 10 représentants. Cahier conservé aux Archives départementales du Finistère sous la cote 10B22. |
Autres lectures : « 1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric » ¤ « 1791 - Rattachement à Ergué-Gabéric de Kerampensal, Cleuyou et Kerelan » ¤ « RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village » ¤ « 1792-1797 - Pétition quimpéroise contre l'abolition des domaines congéables » ¤ « 1789 - Séances de la sénéchaussée de Quimper pour les cahiers de doléances » ¤ « SAVINA Jean & BERNARD Daniel - Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper » ¤ « BERNARD Daniel - Propagande en langue bretonne en janvier 1789 » ¤ « René Lanmeur, prêtre et chapelain (1784) » ¤
1 Présentation
Les États Généraux, assemblée composée des représentants des trois ordres, n'avaient pas été sollicités depuis 1614. Le roi Louis XVI, face à une crise financière et sociale, les convoque. Pour ce qui concerne les députés du Tiers État, leur élection doit se faire selon un mode de scrutin à trois échelons :
La vaste sénéchaussée de Quimper couvrait, avec ses 85 paroisses et trêves, près du tiers du département actuel du Finistère. Son sénéchal, Augustin-Bernard-François Le Goazre de Kervélégan (1748-1825), ardent défenseur de la cause du Tiers-Etat, faisait partie de la délégation du Tiers breton que le roi avait reçue le 14 mars à Versailles. Rentré à Quimper le 26 mars, il publia le lendemain une ordonnance de règlement pour sa sénéchaussée. Les premiers cahiers de paroisses de la sénéchaussée de Quimper sont rédigés et authentifiés le dimanche 5 avril, jour des Rameaux, notamment à Plonéis. Ce jour-là, en l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric la convocation royale est lue publiquement, et lors du prône la convocation le dimanche suivant de l'assemblée paroissiale est annoncée publiquement pour la validation du texte des doléances et la désignation des députés. C'est « Messire René Lanmeur, ancien prêtre et chapelain de ladite paroisse » qui célèbre cette messe, en remplacement du recteur en titre, Alain Dumoulin, réfractaire aux idées de la Révolution. Le dimanche 12, jour de Pâques, a lieu à Ergué-Gabéric cette réunion importante, avec un maximum de transparence et de publicité, alors que certaines autres paroisses se sont contentées d'un « son de cloche » en milieu de semaine. Les membres de l'assemblée, réunis dans la sacristie de l'église paroissiale, ont demandé la présence du procureur du présidial de Quimper, explicitement « appelé par les délibérants ». Et ils valident leur « cahier de charges, doléances, plaintes et remontrances » en adoptant le même texte qui avait été choisi par Plonéis le dimanche précédent. Et ensuite ils nomment leurs deux députés pour les représenter à l'assemblée de la sénéchaussée. Seul le nom du premier député gabéricois est inscrit dans le présent document, à savoir Jean Le Signour de Keranroux, le second nom étant laissé à blanc. Dans le procès-verbal de la sénéchaussée de Quimper, Augustin Gillart de Congalic est mentionné comme deuxième député. |
Les cahiers d'Ergué-Gabéric et de Plonéis notamment sont rigoureusement identiques, du même papier et de la même écriture. Le contenu des articles constitue une synthèse équilibrée des revendications d'une paroisse rurale, et a été certainement influencée par une circulaire rédigée en breton « Circulaire aux Bas-Bretons des environs de Quimper sur les demandes à soumettre dans l'intérêt du peuple » où seules les propositions n° 2 (gardes-cotes) et n° 10 (Représentation des recteurs) n'ont pas été intégrées dans le cahier final : 1. Fidélité au roi (intro de la circulaire). 2. Contribution dette nationale (intro de la circulaire). 3. Tous ordres tous impôts selon moyens (propositions nos 4, 5 et 6 de la circulaire). 4. Rémunération de tout le clergé (prop. n° 9). 5. Entretien des chemins publics (prop. n° 1). 6. Abandon du franc-fief de défense armée (extension de la prop. n° 3). 7. Justice royale et de proximité (reformulation de la prop. n° 7). 8. Abandon des coutumes et du domaine congéable (initiative locale). 9. Solidarité vis-à-vis des doléances du tiers-état (intro et conclusion de la circulaire). L'originalité du cahier d'Ergué-Gabéric et de Plonéis tient essentiellement dans son article 8, et plus particulièrement en la demande de transformer le système de « fief anomal » ou domaine congéable A la suite de débats contradictoires, le texte retenu dans le cahier commun des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau est l'article 11 du chapitre « Des abus » : « Que le droit de moute, les corvées en nature, droits de fours banaux et péages soient supprimées ; que la rente domaniale soit convertie en censive, et que le propriétaire ne puisse plus accorder de congément. » Néanmoins, avec la pression du lobby foncier, l'assemblée constituante par la loi du 6 aout 1791 maintiendra ce régime de domaine congéable |
2 Le Cahier d'Ergué-Gabéric
2.1 Le procès verbal
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2.2 Le cahier de charges et doléances
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3 Les représentants locaux
A. Hervé Corentin Lizien de Mélennec, procureur terrien Mentions : cité dans le procès verbal comme procureur terrien de la paroisse et dans le cahier de charges, signe les deux documents. Avec ce titre officiel de procureur terrien, Hervé Lizien, métayer au Mélennec, né le 17.01.1762, marié à Marguerite Pennanech, est en cette fin du 18e siècle le personnage politique le plus influent de la commune. C'est lui qui sera chargé pendant l'été 1790 de coordonner le recensement, « État exact de la population de la paroisse d'Ergué-Gabéric, département de Finistère, district de Quimper ». En cette même année il sera également « commissaire nommé pour le Don patriotique ». Sa ferme est certainement l'une des plus importante de la paroisse avec 7 domestiques attitrés. A noter également qu'avant 1789, son père, Hervé Corentin également, fut nommé « greffier des délibérations du Corps politique d'Ergué-Gabéric » (1776), puis « Capitaine de la Compagnie du Gué de la paroisse d'Ergué-Gabéric » (1786). Leur instruction semble donc plus évoluée que celle de leurs pairs : « Hervé Lizien, père (1731-1787) et fils (1762-1794), agriculteurs et greffiers » ¤ . B. Jean Le Signour de Keranroux, député Mentions : cité dans le procès verbal comme député et dans le cahier de charges, signe les deux documents. Jean Le Signour est né à Ergué-Gabéric le 08/12/1733 et épouse Marie Berrou avec qui il aura 14 enfants. Désigné comme député dans le procès-verbal ci-dessus avec Augustin Gillard, il seront chargés de présenter le cahier de doléances de la paroisse lors de la convocation de toutes les paroisses à l'assemblée de la sénéchaussée de Quimper le 16 avril. Son nom apparaît dans le procès-verbal et le cahier des charges de la sénéchaussée. En 1790 il est cultivateur à Keranroux, et porté actif. Il n'emploie aucun domestique, mais il héberge chez lui 5 fils et 3 filles. C. Augustin Gillard de Congalic, député Mentions : cité dans le procès-verbal de la sénéchaussée de Quimper comme 2e député, non cité dans le cahier de charges de la commune qui laisse en blanc le nom du 2e député. Augustin Gillard est né à Ergué-Gabéric le 16/02/1748 et épouse Jeanne Le Poupon. Désigné comme député avec Jean Le Signour, ils seront chargés de présenter le cahier de doléances de la paroisse lors de la convocation de toutes les paroisses à l'assemblée de la sénéchaussée de Quimper le 16 avril. Agriculteur à Gongalic (ou Gougalic) et actif, Augustin Gillard (ou Gelard) héberge en 1790 dans sa maison trois filles, un beau-fils et deux domestiques. D. Jérôme Crédou de Crec'h Ergué Mentions : cité dans le procès verbal et le cahier de charges, signe les deux documents. Jerome Crédou est né le 18/07/1760 à Ergué-Gabéric et marié à Marie-Jeanne Jaouen et à Louise Le Meur en deuxième noces. En 1790 il est déclaré agriculteur actif et dispose de 4 domestiques dans sa ferme de Crec'h Ergué. Il va s'illustrer dans cette période troublée révolutionnaire en se portant acquéreur de la chapelle de Kerdévot pour 6.000 livres. Il prend soin d'ajouter en bas du document de vente le texte ci-dessous qui explique son acte de protection. Il restitue la chapelle par un acte de donation signé le 16 ventôse de l'an XII (5 mars 1804). Jérôme Crédou deviendra maire de la commune d'Ergué-Gabéric en 1815. |
E. Jean Jaouen de Poulduic Mentions : cité dans le procès verbal et le cahier de charges, signe les deux documents. Jean Jaouen est né le 05/06/1758 à Ergué-Gabéric et marié à Marguerite Lizien. Déclaré actif en 1790 et cultivateur à Poulduic, il dispose de six domestiques. F. Jean Lozach de Kervian Mentions : cité dans le procès verbal et le cahier de charges, signe les deux documents. Jean Lozach est né le 25/07/1747 à Ergué-Gabéric et marié à Marie Pétillon. Déclaré actif en 1790 et cultivateur à Kervian, il dispose de cinq domestiques. G. René Le Guenneau de Sulvintin Mentions : cité dans le procès verbal et le cahier de charges, signe les deux documents. René Le Guenneau est né à Cuzon et marié à Marie Catherine Kernévez. Déclaré actif en 1790 et cultivateur à Sulvintin, il dispose de trois domestiques. H. Jean Philippe de Quelennec Bras Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Jean Philippe est né le 23/07/1730 à Ergué-Gabéric et marié à Catherine Le Meur. Il décède le 12/05/1790 avant le recensement et laisse 5 enfants à charge de sa veuve au Grand Quélennec. I. Sébastien Mahé de Lesvouanach Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Sébastien Mahé est né le 27/04/1749 à Ergué-Gabéric et marié à Marie Moysan. En 1790, âgé de 39 ans, il est déclaré agriculteur actif à Lesvouanach, mais il ne dispose d'aucun domestique. J. Louis Le Bihan du Carpon Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Louis Le Bihan est né le 26/09/1735 à Ergué-Gabéric et marié à Jeanne Rannou. En 1790, âgé de 54 ans, il est déclaré agriculteur actif au Carpon d'en Bas, mais il ne dispose d'aucun domestique. K. Alain Kernévez de Niverrot Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Alain Kernévez est né le 23/06/1739 et mariée à Anne Le Berre (décédée en 1788). Déclaré actif en 1790 et cultivateur au Niverrot, ses 3 filles et son gendre habite chez lui et il dispose de deux domestiques. L. Louis Le Calvez de Quenachdeniel Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Louis Le Calvez est né le 22/03/1755 à Ergué-Gabéric et marié à Marie Noelle Rannou. Déclaré actif en 1790 et cultivateur au Quénech Déniel, il dispose de deux domestiques. M. Nicolas Daouedal de Kerdiles Mentions : cité dans le procès verbal comme comparant, ne signe pas. Nicolas Daouedal est né le 14/10/1759 à Ergué-Gabéric et marié à Petronille Kergourlay. Déclaré actif en 1790 et cultivateur à Kerdiles, il dispose de trois domestiques. |
4 Annotations
- Domaine congéable, s.m. : mode de tenue le plus fréquent en Cornouaille et en Trégor au Moyen-Age pour la concession des terres. Ces dernières constituent le fonds et restent la propriété des seigneurs. Par contre les édifices sont concédés en propriété aux domaniers par le propriétaire foncier (généralement noble) qui peut, en fin de bail, congéer ou congédier les domaniers, en leur remboursant la valeur différentielle des édifices nouveaux ou améliorés. Cela comprend tout ce qui se trouve au dessus du roc nu, notamment les bâtiments, les arbres fruitiers, les fossés et talus, les moissons, les engrais. Ce régime qui ne sera pas supprimé à la Révolution malgré les doléances de certaines communes bretonnes, sera maintenu par l'assemblée constituante en 1791, supprimé en août 1792 et re-confirmé en 1797. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
- Alain Le Bloas, dans son étude « La question du domaine congéable dans l'actuel Finistère à la veille de la Révolution » de 2003, considère l'article 8 du cahier du groupe de Plonéis qui réclamet la suppression du " fief anomal ou domaine congéable converti en censive " comme l'emblème des revendications des paroisses rurales abolitionnistes (réclamant l'abolition du domaine congéable). [Ref.↑]
Thème de l'article : Etude de document ancien. Date de création : mai 2006 Dernière modification : 13.10.2022 Avancement : [Développé] |