Lettre du 30 juillet 1636 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, II) - GrandTerrier

Lettre du 30 juillet 1636 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, II)

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Catégorie : Personnages/Autret
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§ E.D.F.

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Retiré dans son manoir campagnard de Lezergué ou en voyage à Rennes ou Paris, Guy Autret a été un épistolier infatigable et ses missives sont riches d'enseignements sur les familles nobles bretonnes et sur certains évènements nationaux historiques en plein 17e siècle.

Autres lectures : « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc » ¤ « Espace Guy Autret (17e) » ¤ « Guy Autret, seigneur de Missirien et de Lezergué (1599-1660) » ¤ « ROSMORDUC Le Gentil Georges (comte de) - Guy Autret, correspondant de Pierre d'Hozier » ¤ 

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[modifier] 1 Présentation

Lettre du mémoire du comte de Rosmorduc, pages 3 à 8, où Guy Autret explique à Pierre d"Hozier [1] sa difficulté à recevoir les Gazettes de Renaudot.

[modifier] 2 Transcription

MONSIEVR,

Jé receu celle que vous avés pris la paine de m'escrire, vous aurés à presant ma derniere, la quelle je vous envoyé incontinent apres mon retour chés moy, affin de donner comencement à nostre comerce. Je n'ay receu auceune gazette & ne crois pas en recevoir, si vous mesme ne les prenés du burreau d'adresse [a], pour les me faire tenir. Jé opinion que les promesses de Renaudot & de ses comis ne sont que blecheries [b] & affronteries [c] pour attraper de l'argent, je ne pleins point ce que le levraye baillé, mais bien d'estre relegué au bout du monde, sans povuoir sçavoir les nouvelles comunes & voir la Gazette mentir de bonne grace. Si j'avois, tous les voiages, une lestre de vous aussi longue que vostre derniere, je me passerois bien du comerce du bureau d'adresse. La mauaise nouvelle du proges de l'armée espaignole dans la Picardie [d] m'a telement penetré, que Ie perds tout courage, & si bien tost vous ne m'escrivés que les armes jusques à presant victorieuses du Roy auront taillés nos enemis en pieces, Ie ne crois pas me pouvoir rappeller de mon estonement, ni avoir les fonctions de l'esprit libres. A touttes les heures du jour ma pensée est aux mains aveq les enemis, je leur enleve des quartiers, je deffais leurs convois de vivres, j'enclove leurs canons & jé de la paine à m'empecher de donner bataille, et certes si Dieu m'eut donné autant de vigeur au corps come en l'esprit et en la volonté, je ne voudrois jamais mourir que l'espée à la main & au mesme lit ou vous m'escrivés que Mrs de Rambures & baron du Bec, en finissant leur vie, ont eternisé leur memoere [e]. Nos bretons s'enrolent pour la plus grande part en deux compaignies de gendarmes qui se font en cette prouince, soubs le comendement de Mrs les ducs de la Trimouille [f] & de Brissac [g], & ainsi il ne nous restera plus qu'autant de noblesse qu'il nous faut pour deffandre nos costes des attaques & Incursions des ennemis. Ceste derniere nouvelle nous a causé une consternation publique, voyant Hanibal à nos portes, neanmoins, come bons citoiens, nous ne desesperons point de la chose publique & nous croions que le Dieu des victoeres nous a voulu faire ressentir ceste petite perte, affin de nous humilier & de nous montrer que les prosperités sont en sa main & que, quand il lui plait, il renverse nostre prudence & dispose des evenements contre nos Intentions. Et d'effait, il estoit expediant que notre grand Roy & son exellant ministre fussent touchés de quelque adversité, affin de faire dauantage esclater leur courage, leur adresse, leur vigilance & leur vertu. Seneque estime malheureux ceux qui n'ont Iamais eus que du bonheur, par ce qu'il estime que l'aduersité soit la pierre de touche, pour faire l'espreuve de la plus hautte vertu ; ne voions nous pas que nos antiens donnent plus d'eloges à Mucius dans les charbons, à Fabricius dans sa pauvretté, à Ruttilius dans son exil, à Regulus dans ses suplices, à Socrate en avalant du poeson & à Catton en sa resolution de mourir, qu'à ceux qui, enniurés de prosperités, n'ont Iamais experimenté la mauaise fortune.

 

Pour moy, je veux croere pour ma satisfaction, que nostre prosperité ne fait que dormir & qu'elle se reveillera au bruit du canon de nos ennemis. La paix, que vous themoignés souhetter par la vostre, est à mon advis hors de saison, les bons joueurs ne se retirent jaais sur leur perte & Il y auroit à present à creindre que l'on ne fit ue paix semblable à cette de Chateaucambresis [h] & come lors, en echange de la Capele & de quelques vilettes de peu d'importance, ils nous firent rendre Hesdin, Marienbourg, Thionuile, Damuiliers, le comté de Charolois, les duchés de Sauoye & de Piedmont & tout ce que nous tenions en Italie & en Alemaigne. Ie m'imagine que le Roy en cette conioncture vsera de la mesme promptitude & diligence dont son père sceut si bien se prevaloir à reprendre Amiens sur les mesmes enemis, & lors que nous aurons eue revanche & que nous serons but à but, nous parlerons de mettre l'espée au foureau ; vous me dirés que je parle come un Breton & non come un Picart, mais je vous assure que si je voiais le feu, le fer & le sang ou à presant je vois des fruits, des blés & des foigns, je hay assés les Espaignols pour ne changer point d'oppinion. Ie ne vous puis rien escrire de certain de nostre armée navale, un bruit avoit couru qu'elle avoit fait mettre pied à terre en Espaigne & pris d'emblée de bonnes places, aueq grand effait, d'autres ont assuré depuis qu'elle fait routte vers Donquerque & qu'elle se doit Ioindre aveq une flotte holandoese, si j'en aye novuelle assurée vous la receverés par ma premiere.

Jé veu monsieur le marquis de Mollac, qui ne fait pas dessein de vous aller voir plus tos qu'au caresme, s'il n'i est pressé par ses parties ; madame sa femme est prette d'acoucher & n'est pas en état de faire un si long voiage [i].

J'auré soign de vous esclercir de la genealogie des Gentils, ceux qui ont les actes de la maison de Baruedel ne refuseront pas de me les comuniquer.

Je vous demande la continuation de vostre amittié & de vos faveurs, vous ne les departirés jamais à personne qui les aye plus cheres, ni qui soit plus que moy,

Monsieur,
Vostre tres humble & tres obeissant servitteur & confrere
MISSIRIEN

A Lesergué, ce 30 Iuillet 1636.

Je vous prie aux rencontres d'assurer messieurs de Ste Marthe [j], du Chesne [k] & de la Peyre [l] de mes services ; jé compassion de Mr de la Peyre, je le tiens inconsolable de la mort de Mr de Toyras [m] & baron de Canisi [n]. Je vous remercie de vostre epitaphe de Mr de Toyras, elle est parfetement bien faite.

Notes (Rosmorduc) :

  1. On appelle Bureau d'adresse, dit le Dictionnaire de Trévoux, " un lieu où l'on s'adresse pour diverses choses qui regardent la société et le commerce. Il est principalement en usage en parlant du lieu où l'on reçoit les nouvelles pour la Gazette, et où on la débite. C'est à Théophraste Renaudot, fameux médecin, qu'on doit celui qui est à Paris. " Ajoutons que c'est en grande partie aux nombreuses correspondances de Pierre d'Hozier que l'on est redevable de la Gazette de France. Charles-René d'Hozier, l'un de ses fils, s'exprime ainsi à ce sujet : " Comme feu mon père, le célèbre Pierre d'Hozier, avoit beaucoup de relations par lettres au-dedans et au-dehors du Royaume, et par ses grandes correspondances étoit informé de tout ce qui se faisoit, se disoit et s'écrivoit, Théophraste Renaudot étant son ami, mon pere lui communiquoit toutes ses nouvelles ; et ce fut par là que le plan des Gazettes fut formé et suivi avec le succès qu'il a eu par les secours que mon pere fournissoit pour ce grand ouvrage. " (Armorial Général de France, registre III.) [Ref.↑] 
  2. Blecheries : fourberies. [Ref.↑] 
  3. Affronterie : tromperie(s). [Ref.↑] 
  4. Allusion à la prise par les Espagnols, le 10 juillet 1636, de la Capelle en Thiérache, qui leur fut enlevée l'année suivante, le 20 septembre 1637, par le cardinal de la Valette. [Ref.↑] 
  5. La nouvelle de la mort de messieurs de Rambures et du Bec était inexacte ; le premier, en effet, prit part l'année suivante à la reprise de la Capelle sur les Espagnols et mourut, en octobre 1637, des suites des blessures qu'il y reçut le 9 septembre ; quant à René, baron du Bec, marquis de Vardes, gouverneur de la Capelle, il rendit cette place aux Espagnols le 10 juillet 1636 et se retira ensuite à Sedan, où il entra dans le parti du comte de Soissons. Condamné à mort par contumace, en même temps que le sieur de Saint-Léger, qui avait rendu à l'ennemi la place du Catelet, ils furent l'un et l'autre exécutés en effigie, le lundi 18 août 1636. Leurs têtes avaient mises à prix, et le Conseil de Guerre du Roi avait décidé, lit-on dans la Gazette, qu'ils seraient " tirez à quatre chevaux en la place de Grève, & demembréz en quatre pieces. Ce fait, les quatre membres pendus & attachez à quatre potences qui seront plantées sur le chemin de Picardie hors les portes de cette ville : leurs testes fichées au bout d'vne pique au dessus de la porte S. Denys : si pris & apréhendez peuvent estre en leurs personnes. " Plus tard, dit le Père Anselme (Hist. des Grands Officiers de la Couronne), le Roi permit au baron du Bec d'aller servir en Allemagne, sous les ordres du maréchal de Guébriant, son beau-frère, avec assurance d'une déclaration pour sa justification, tant pour la reddition de la Capelle, que pour avoir pris le parti du comte de Soissons ; mais il ne l'eut que du roi Louis XIV, par lettres patentes du 14 juillet 1643, enregistrées au Parlement de Paris, les Chambres assemblées, le 7 août suivant. [Ref.↑] 
  6. Henri de la Trémoille, duc de Thouars, pair de France, prince de Tarente et de Talmond, comte de Laval, chevalier des Ordres du Roi et mestre de camp de la cavalerie légère française. [Ref.↑] 
  7. François de Cossé, duc de Brissac, pair et grand pannetier de France, lieutenant général au gouvernement de Bretagne et gouverneur du Port-Louis, de Hennebont et de Quimperlé chevalier des Ordres du Roi. [Ref.↑] 
  8. Traité de Cateau-Cambrésis conclu le 3 avril 1559 entre Henri II et Philippe II d'Espagne. {{note|2h}
  9. Madame de Molac eut, en effet, à Quimper, au mois de novembre suivant, un fils Louis-Corentin. Elle avait déjà deux fils, Sébastien et Barthélemy-René de Rosmadec. [Ref.↑] 
  10. Gaucher, dit Scévole II, et Louis de Sainte-Marthe, érudits, frères jumeaux, fils de Scévole Ier, nés à Loudun, le 20 décembre 1571, morts à Paris, Scévole, le 7 septembre 1650, Louis, le 29 avril 1656. Ils furent tous deux avocats et s'occupèrent tous deux d'histoire, et reçurent tous deux, en 1620, les titres de conseillers et d'historographes de Louis XIII. Ils ont composé : Histoire généalogique de la Maison de France, 1619, in-4° ; 1628, 1647, 2 vol. in-fol. ; Histoire généalogique de la maison de Beauvrau, 1626, in-fol? ; Gallia Christiana, 1656, 4 vol. in-fol., et donné une édition des Epitres de Rabelais, 1651, in-8°. (Ludovic Lalanne, Dictionnaire historique de la France) [Ref.↑] 
  11. André du Chesne, célèbre généalogiste, géographe et historiographe du Roi, né en 1584 à l'Isle-Bouchard, en Touraine, débuta comme simple correcteur d'imprimerie et devint un des plus grands érudits du XVIIe siècle. Outre divers ouvrages d'histoire et de géographie, il a laissé une quantité de généalogies, notamment celles des maisons de Luxembourg, Châtillon, Montmorency, Vergy, Albon, Béthune, Ardres, Gand, Coucy, etc. Il mourut accidentellement, le 30 mai 1640, en revenant en charette, de sa maison de Verrières, et fut inhumé le surlendemain, en l'église de Saint-André des Arcs. [Ref.↑] 
  12. Jacques d'Auzolles, s. de la Peyre, secrétaire du duc de Montpensier et son homme de confiance, était un gentilhomme Auvergnat, fils de Pierre d'Auzolles et de Marie de Fabry. Il aima les sciences, s'y appliqua avec un certain succès et sa réputation, comme chronologiste, fut même assez grande pour qu'on frappât, en son honneur, une médaille avec son portrait et qu'on lui décernât le titre de prince des chronologistes. On voit cependant par ses écrits, que les savants de son temps l'attaquèrent avec violence et qu'il eut de vives polémiques avec eux, notamment avec les jésuites Petau et Salian. M. de la Peyre, frappé d'une attaque d'apoplexie, mourut à Paris, le 19 mai 1642. La liste des nombreux ouvrages qu'il a laissés se trouve dans le Dictionnaire historique de Moréri. [Ref.↑] 
  13. Jean de Saint-Bonnet, s. de Thoiras, maréchal de France, tué le 14 juin 1636 devant le château de Fontanette, en Milanais. Il pointa lui-même un canon contre ce fort et alla ensuite jusqu'au pied de la muraille, pour voir l'effet du boulet ; en revenant, il eut le corps traversé d'un coup de mousquetade qui le fit tomber mort. Son corps fut porté à Turin et enterré dans l'église des Capucins de Notre-Dame du Mont. (J.F. d'Hozier, l'Impôt du sang, tome III, 2e partie, page 333). [Ref.↑] 
  14. Jacques de Carbonnel, baron du Hommet, tué au siège de Valence, en Italie, le 6 juin 1636, frère de René de Carbonnel, marquis de Canisy, maréchal des camps et armées du Roi. (D'Hozier, Armorial Général. Supplément). [Ref.↑] 

[modifier] 3 Sources


[modifier] 4 Annotations

  1. Pierre d'Hozier (1592-1660) est un historien et auteur de généalogies des grandes familles françaises. Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV il fut juge d'armes et commis pour certifier la noblesse. Il a composé la « Généalogie des principales familles de France », ouvrage manuscrit de cent cinquante volumes. Il fut ami et correspondant de Théophraste Renaudot, le fondateur de la Gazette. Il fut inhumé dans l'église Saint-André-des-Arts à Paris. [Ref.↑]


Thème de l'article : Histoire du patrimoine culturel gabéricois

Date de création : Juin 2016    Dernière modification : 6.12.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]