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A Lésergué, ce 22 Avril 1648.
Monsieur et cher Confrère,
J'estois estoné de ne recevoir point de reponce de deux des mienes, ni nouvelles de la reception de la rente quadragesimale. Un debteur souhette sa quittance, si le sieur de Lespine ne vous a si bien servi, come je le souhette, ce n'a pas esté manque de lui recomender la diligence et la fidelité.
Je suis bien aise que vous trouviés Mr de Reuile d'Urquet à vostre gré, je l'ay peu pratiqué, mais come nous somes en un pais auquel les honestes gens ne sont pas comuns, je vous iure que je m'estimois heureux de le posseder en ce quanton et que la douceur de sa consersation m'a extremement satisfait pandant deux mois et depuis qu'il est à Paris, il m'escrit souvent et toutjours en tres bons termes et qui themoignent qu'il sçait les belles lestres.
Vous ne m'escrivés pas le subiet du retardement du voiage de nostre illustre prelat [a] , voeci la saeson propre & comode, ie vous coniure d'estre home de parole, cepandant je vous pris d'assurer nostre seigneur prelat de la continuation de mes services infaillibles, et lui confirmés ceste vérité que en l'erection de la treffue [b] dont je vous aye escrit, on ne demande pas un obole de lui pour l'entretien du curé, les paroessiens truiens & le sieur de Kerdaoulas [c] sont un sont pour cela.
J'ay lu vostre trauail & carte genealogique de la maison de Chabot. Il n'i a presque point de differance entre ce que vous en escrivés et ce qu'en a fait imprimer feur Mr du Chesne, en son histoere de Chastillon, hors que vostre table est beaucoup plus debrouillée et intelligible. Ie vous renvois vostre dite carte, je me suis contenté, pour abreger, d'escrire aux marges de mon histoere de Chatillon ce qu'il y a d'adition en vostre ouvrage.
Je vous pris de faire mes besemains à Mr de Blerenual le Laboureur, il aura pu voir par ma longue lestre que j'ay fort ponctuellement lu son livre [d] .
Je m'en vas de ce pas escrire à Mr nostre marquis [e] & lui envoier copie de vostre genealogie de Rohan, il me l'a demandée et s'assure de remplir les cent ans qui sont en defficit,
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il se promet d'aler voir Mr de Rohan, à Blein, & d'extrere tout ce qui s'i trouverra d'actes.
Je vous pris de vous degager de la promesse qu'il vous plait me faire, de m'envoier la genealogie de Mr de Pessellieres [f] et par advance les fracmens que vous en avés, et escrivés s'il vous plet distinctement les noms propres.
Je lis le factum du marechal de la Mothe [g] , je vous remercie de me l'avoir envoié. Il demande se semple plus misericorde que justice.
Je vous diray pour nouvelles plue neuf ou dix vesseaux pirates espaignols et biscaiens infestent nos costes maritimes depuis 4 à 5 mois, ont prins de nos bouques marchandes et déprédé plus de 50 navires, sans que les vesseaux gardecostes entretenus du Roy y aye doné auceun ordres. Ses pirates en nombre de 9 avaient leur retraite en une isle nomée Glelan située à 3 lieues de la terre ferme devant les ambouchures de Conquerneau et de Benodet et la coste de Cornouaille. Messire René Barbier, marquis de Kerian que vous cognoessès à mon advis, estant en divorse depuis six ans aveq la dame de Mesarnou [h] , sa fame, s’est advisé depuit deux ans pour faire passer sa mélancolie, de faire bastir un grand vesseau, qu’il a bien armé aveq une patache [1] , aveq lesquels il tient souvent la mer et done la chasse aux pirates et ayant eu advis de ces 9 pirates, il partit de la coste de Léon la semaine de Pasques, double les pointes du Conquet et du Ras, done aveq hardiesse sur ses pirates qu’il trouve à l’ancre du haut de ceste isle, coule trois de leurs vesseaux à fond, en prend trois autres et done la chasse au reste, de forme qu’aveq un vesseau, à la vérité plus grand et mieux armé que ceux de l’ennemi, il a gaigné une petite bataille ; les marchans de tous nos haures ont député vers lui, l’ont envoyé remercier, et lui ont fait rendre des vivres et des vins en abondance. L’on m’a dit que ceste victoere a telement grossi le courage de ce marquis, qu’il parle desia d’ataquer la flote des Indes, néamoins, raillerie à part, cest essait mérite louange et quatre lignes de gazetes.
Je suis et seray toute ma vie, Mon cher confrère, Vostre très humble et obéissant seruiteur.
MISSIRIEN
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