LE LOUET Mathias - Je viens de la part de Fernand
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<big>Page 32 et 35-37, mot de passe et arrestation</big> | <big>Page 32 et 35-37, mot de passe et arrestation</big> | ||
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<spoiler id="992" text="Tout en marchant et bavardant ...">Tout en marchant et bavardant, nous étions arrivés place Toul-al-Laër et nous entrâmes boire un café au « Central ». À neuf heures moins cinq je leur dis qu’il était temps que j’aille au bureau. Nous convînmes d’un nouveau rendez-vous pour après le déjeuner, à treize heures, rendez-vous auquel je me serais fait accompagner par le gars de la préfecture. Je fixai le lieu de rencontre au bout de la rue Kéréon. Comme ils ne savaient pas où se trouvait cette rue, nous nous dirigeâmes vers la place SaintCorentin. Nous étions arrivés devant le commissariat de police qui se trouvait alors place Laënnec lorsque je leur désignai du doigt le bout de la rue Kéréon, en face du porche de la cathédrale. À cet instant précis, l’homme au pantalon de golf me saisit les deux poignets et me dit : « Finie la comédie ! » L’autre me palpa tout du long du corps, à la recherche d’une arme éventuelle. Ils me bousculèrent alors vers le commissariat où je tombai à quatre pattes à la suite d’un croche-pied ou après avoir heurté une marche d’accès. J’avais eu affaire à deux flics et non à deux membres de l’organisation clandestine. | <spoiler id="992" text="Tout en marchant et bavardant ...">Tout en marchant et bavardant, nous étions arrivés place Toul-al-Laër et nous entrâmes boire un café au « Central ». À neuf heures moins cinq je leur dis qu’il était temps que j’aille au bureau. Nous convînmes d’un nouveau rendez-vous pour après le déjeuner, à treize heures, rendez-vous auquel je me serais fait accompagner par le gars de la préfecture. Je fixai le lieu de rencontre au bout de la rue Kéréon. Comme ils ne savaient pas où se trouvait cette rue, nous nous dirigeâmes vers la place SaintCorentin. Nous étions arrivés devant le commissariat de police qui se trouvait alors place Laënnec lorsque je leur désignai du doigt le bout de la rue Kéréon, en face du porche de la cathédrale. À cet instant précis, l’homme au pantalon de golf me saisit les deux poignets et me dit : « Finie la comédie ! » L’autre me palpa tout du long du corps, à la recherche d’une arme éventuelle. Ils me bousculèrent alors vers le commissariat où je tombai à quatre pattes à la suite d’un croche-pied ou après avoir heurté une marche d’accès. J’avais eu affaire à deux flics et non à deux membres de l’organisation clandestine. | ||
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+ | <big>Pages 54-46, accusation et procès à Rennes</big> | ||
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+ | La maison d’arrêt de Vitré, qui a été désaffectée depuis et transformée en logements, était toute petite. Son personnel était composé d’un directeur et de quatre gardiens, tous d’anciens marins d’État. À l’exception du plus jeune qui nous a manifesté de la sympathie, les autres étaient de bons vichystes qui n’aimaient guère les « communistes». Nous fûmes mis dans une cellule occupée déjà par un « politique » de la région nantaise pour attendre notre procès. L’assignation à comparaître le 15 avril 1943 à neuf heures devant la section spéciale de la cour, remise le 12 avril par un huissier de justice de Vitré, m’apprit que j’étais prévenu d’avoir « en 1942 à Ergué-Gabéric, en tout cas dans l’arrondissement de Quimper, détenu de mauvaise foi des tracts à tendance communiste et du matériel de diffusion tendant à propager les mots d’ordre de la IIIe Internationale ou des organismes qui s’y rattachent ». Délits prévus et punis par les articles 3 modifiés par les lois du 31 décembre 1939 et de la loi du 14 septembre 1941. | ||
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+ | Le 15 avril de très bonne heure, une dizaine de gendarmes vinrent prendre une vingtaine de camarades de la région nantaise, René Guillamet et moi-même. Ils nous enchaînèrent deux par deux et nous conduisirent en voitures cellulaires jusqu’à la gare où l’on prit le train pour Rennes. À la gare de Rennes, de nouvelles voitures cellulaires nous attendaient pour nous amener au palais de justice. | ||
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+ | Dans la salle d’audience l’on nous enleva les menottes. L’un des gendarmes avait posé sa clef sur la balustrade séparant le public du prétoire. J’avais la main presque dessus lorsqu'un prévenu, un Espagnol, lui fit remarquer son oubli ! Dommage car il s’est avéré que cette clef m’aurait été précieuse le soir même, lors du retour à Vitré. | ||
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+ | On nous fit asseoir sur le banc des accusés. Il y avait là, en plus des vingt-deux qui arrivaient de Vitré, Mme Lazou et, je crois, une ou deux autres femmes. Il y avait aussi une dizaine d’internés venant de Montfort-sur-Mer, parmi lesquels Tocquet, un Concarnois. Déjà condamné pour une première affaire, il allait être jugé pour une deuxième. | ||
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+ | Nos avocats vinrent nous serrer la main, Me Bastard pour René Guillamet et moi-même et Me Feuillet pour Mme Lazou. Tous deux du barreau de Quimper avaient été conduits à Rennes par M. Pierre Robin, adjoint technique du génie rural. | ||
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+ | L’audience se déroula relativement vite, malgré le nombre important d’accusés. Beaucoup n’avaient pas d’avocat. D’ailleurs cela ne servait pas à grand-chose d’être assisté d’un conseil. | ||
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+ | <spoiler id="993" text="Après la lecture des actes d’accusation ...">Après la lecture des actes d’accusation, l’avocat général parla du maréchal Pétain, des bienfaits de la collaboration, mit l’accent sur le fait que nous étions des communistes, donc dangereux pour la société. Le niveau d’instruction et l’intelligence de certains de nous, tels Mme Lazou, René Guillamet et moi-même, étaient à ses yeux une circonstance aggravante. Me Bastard s’appliqua à démontrer que René Guillamet, bien qu’ennemi du marché noir, n’avait transporté et caché cette caisse, qu’il croyait remplie de boîtes de conserve, que par pure amitié pour moi et pour m’éviter les ennuis. Ma mère étant d’autre part sa femme de ménage, il ne pouvait pas refuser de me rendre ce service. Il eut pour moi une plaidoirie assez courageuse et conclut en affirmant que les jeunes n’avaient plus qu’une alternative, soit aller travailler en Allemagne, soit entrer dans la clandestinité. La cour ne se retira même pas pour délibérer. Elle rendit de suite ses jugements. René Guillamet fut relaxé au bénéfice du doute. Mme Lazou récolta un an de prison et moi-même deux ans. Les autres prévenus se virent condamner à des peines variant de deux à cinq ans de prison. Mme Lazou (**) et moi-même nous fûmes en plus condamnés solidairement à verser une amende de mille deux cents francs, somme légèrement supérieure à mon salaire mensuel de l’époque. | ||
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+ | Dès que furent connues nos condamnations, Mme Guillamet, l’épouse de René et un ami d’enfance de Lestonan, Yvon Joncour, organisèrent une collecte pour payer l’amende. Mes collègues des Ponts et Chaussées en organisèrent une autre, qui rapporta la somme de mille quatre cents francs.<hr> | ||
+ | Note page 64 : Mme Lazou fut internée à la prison de femmes à Rennes, jusqu'à la Libération. Pendant sa captivité, elle mit ses talents de pédagogue au service de ses compagnes de geôle. Elle eut l’occasion d’apprendre à lire à quelques-unes. | ||
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+ | <big>Page 70, les colis de Lestonan</big> | ||
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+ | Une autre chose était également très dure à Poissy : la faim. J’avais partagé avec mes camarades ce qui me restait du dernier colis reçu à Vitré. Nous avions droit de recevoir deux colis d’un maximum de trois kilos par mois. Dès le jour de mon arrivée à Poissy j’avais envoyé à mes parents mon « changement d’adresse». Quand ils l’eurent reçu et dès qu’ils réussirent à trouver, à la campagne, les denrées nécessaires : lard, beurre, crêpes, etc., ils confectionnèrent un colis approchant le plus possible des trois kilos. Pour cela, ils étaient aidés par Mme Manach, sœur de Mme Lazou, nommée institutrice à Lestonan et par Mme Guillamet, épouse de René. René circulait beaucoup à la campagne grâce à ses fonctions au génie rural et avait des possibilités de ravitaillement que mes parents n’avaient pas. Le premier colis ne m’est jamais parvenu. Il avait sans doute alléché un gardien. Lorsque je reçus le deuxième, il y avait environ un mois et demi que je ne mangeais autre chose que la boule de pain et la pitance de la prison. Vers dix heures du matin je n’avais plus de pain que j’essayais, pourtant, d’économiser en le grignotant miette par miette. Le reste de la nourriture c’était, midi et soir, une gamelle de soupe claire où nageait environ un quart de feuille de chou jaunie ou desséchée. À midi, nous avions également une pitance de choux ou de purée de pommes de terre très liquide ou encore de bouillie de résidus de soja ou de haricots. Un jour j’ai compté sept haricots dans cette pitance. | ||
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+ | <big>Pages 204-205, retour à Lestonan</big> | ||
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+ | Après avoir quitté l’hôpital, je me rendis chez moi à Lestonan, en Ergué-gabéric. Je n’y retrouvai ni mon père, ni mon frère. Celui-ci n’était pas encore rentré de son travail, quant à mon père il était employé dans une ferme d’Elliant. Je m’y fis conduire et le trouvai occupé à travailler dans un champ. Aussi surpris que ma mère, il lâcha ses outils, me sauta au cou et m’embrassa à son tour. Son patron, également très heureux, lui dit de rentrer tout de suite et de prendre le nombre de jours de congé qu’il désirait. Je rentrai à la maison où je retrouvai enfin mon frère. Averti par les voisins, il m’attendait avec impatience. Il m’embrassa à son tour. Trois jours après, nous étions tous réunis, ma mère, mon père, mon frère et moi. | ||
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+ | Tous les habitants du village manifestèrent leur joie, même ceux, peu nombreux (deux ou trois je crois), qui avaient eu l’impudence de dire à mes parents après avoir appris mon arrestation : « C’est bienfait pour lui, il n’avait pas besoin d’être communiste. » | ||
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Version du 26 juin ~ mezheven 2019 à 08:23
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Notice bibliographique
Dans ce livre édité par sa veuve Jacqueline, Mathias Le Louët (1921-1987) raconte ses souvenirs d'enfant de Briec et Lestonan et de jeune adulte entré dans la résistance. Autres lectures : « KERBAUL Eugène - Militants du Finistère (1918-1945) » ¤ « Les résistants communistes d'Ergué-Gabéric en 1939-45 » ¤ « MAITRON Jean - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social » ¤ « Jean et Francine Lazou, instituteurs de 1926 à 1950 » ¤ « KERGOURLAY Guillaume - Le pays des vivants et des morts » ¤ « Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff » ¤ |
Extraits
Page 17-21, les origines familiales et sociales
Page 35, Mme Lazou
Page 32 et 35-37, mot de passe et arrestation
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Pages 54-46, accusation et procès à Rennes
Page 70, les colis de Lestonan
Pages 204-205, retour à Lestonan
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Annotations
Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric Date de création : juin 2019 Dernière modification : 26.06.2019 Avancement : [Fignolé] |