Mort de sa femme
(page 404)
Je faisais bien des réflexions maintenant sur mon lit là-bas à Toulven, sachant que ma femme était en train de gaspiller stupidement tout l'argent qui nous restait de la vente, j'étais certain qu'avec elle cela ne durerait pas six mois, si toutefois la folie alcoolique lui permettait de vivre si longtemps.
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(page 405)
La maison était bien et richement meublée et le débit était garni de boissons de toutes sortes dont la moitié au moins n'avait cours chez les buveurs. Je ne pouvais rien dire, c'était inutile. Du reste, je dus garder encore le lit pendant quinze jours. Pendant ce temps, des gens, des commères et compères venaient tous les jours me voir par bande, non en réalité pour s'informer de mon état qui leur importait peu, mais pour boire et manger, ce que ma femme, toujours fière et glorieuse, et toujours entre deux vins, ne faisait pas faute de leur en servir à bon compte. Ces bonnes gens la payaient en éloges sur ses beaux meubles et la riche installation de son débit, cela lui suffisait.
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(page 411)
En traversant mon ancienne commune, je m'étais arrêté dans un débit, tenu par une femme qui avait été autrefois bonne chez moi à Toulven. cette femme savait bien dans quel triste état je me trouvais depuis que ma femme était tombée dans l'alcoolisme.
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(pages 416-417)
Mais hélas, quand j'arrivai chez moi, je vis bien que tout était fini. Ma femme était tombée de la folie modérée dans la folie furieuse, on était obligé de l'attacher et deux jours après le médecin me dit qu'il fallait la conduire à l'hospice, car elle commettrait certainement quelques malheurs ... Ma femme, depuis qu'elle était dans ce malheureux débit, n'avait fait que dépenser. Tout l'argent était sorti et aucun sou n'était entré, et il restait encore des boissons à payer.
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Les tournées d'assureur
(page 413)
Notre homme s'était levé, alla nous chercher du cidre, et tout en buvant, et après avoir demandé toutes les explications concernant l'assurance, il consentit à s'assurer, et alla même chercher un voisin qui s'assura aussi séance tenante. Mais il fallut aller chez lui afin de voir l'état de ses bâtiments, de ses instruments aratoires, de son mobilier. Chez lui, nous eûmes encore du bon cidre à boire, du lard frit à manger et le café encore à la fin. Nous restâmes longtemps là car le cidre et le café fortement carabiné avaient délié toutes les langues.
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(page 416)
Je fis donc là, séance tenante, quatre bonnes assurances, tout en buvant et mangeant. et, à la fin, on voulait que nous logions là, car ils pensaient que nous ne pourrions jamais retourner au bourg, rapport à la neige et aussi rapport à la boisson que nous n'avions cessé d'ingurgité depuis le matin. Nous y retournâmes quand même, mais avec beaucoup de peine et après avoir roulé vingt fois dans la neige. Je fus obligé de conduire le fossoyeur chez lui, car il ne savait plus où il était.
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Jour de pardon
(page 325)
L'aspect de ce grand grand pardon était toujours tel que je l'avais vu autrefois. L'esplanade était entièrement couvertes de débits et de longues tentes blanches, lesquelles étaient remplis de gens buvant des camots [1] et demi-camots, c'est-à-dire de l'eau noircie mêlée de la plus mauvaise eau-de-vie.
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Les anti-alcooliques
(page 612)
Et bien Malez Toue, voici que le fourbe est escroc Le Braz Anatole vient aussi de faire une conférence [2] au sujet de malheureux alcool . Je disais bien que si les buveurs d'alcool sont parfois atteints d'hydrophobie, ces antialcooliques sont atteints d'alcoolophobie furieuse. Je suis allé voir l'entrée des auditeurs d'Anatole dans une salle dénommée Jeanne-d'Arc.
§ Suite - Les légendes alcooliques d'Anatole Le Braz
Ils étaient peu nombreux. Je n'ai vu entrer qu'une demi-douzaine de tonsurés, une douzaine de messieurs à gants et à lunettes, trois ou quatre dames du même acabit et une demi-douzaine de gamins. Mais que diable a pu dire ce jésuite au sujet de l'alcool qui n'aît pas été dit et redit cent fois par les déments de l'antialcoolisme ! Il aurait pu conter quels-unes de ces légendes bretonnes dont il a, chez lui, un stock considérable et dans lesquelles l'alcool joue en grand rôle. ...
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Élections arrosées
(page 390)
Les châtelains réunissaient chez eux leurs fermiers et leurs ouvriers, auxquels ils donnaient, comme on disait alors, des rastels [3] pleins, c'est-à-dire, à boire et à manger à volonté. Notre châtelain avait aussi convoqué les siens, le soir, la veille du vote. Après le rastel [3] , il leur avait dit de se trouver le lendemain matin à une auberge près du bourg où il y auraient encore distribution de gwin ardent [4] et des bulletins et le maître les conduirait ensuite en rangs serrés au scrutin.
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