Chronique de Ménez-Groaz par Laurent Huitric en 1998
Un article de GrandTerrier.
| Entretien organisé par Jean Guéguen le 15 décembre 1998 avec Laurent Huitric (né en 1908 à Menez-Groas, Ergué-Gabéric). Pierre Huitric (frère de Laurent) et Henriette (soeur de Laurent) ont participé à cet entretien. Tous trois ont donné leur perception du développement de Lestonan, dans la période de 1900 à 1939. Etait également présent Laurent Huitric fils
Cette interview a été publiée sous forme d'encarts dans le cahier n° 7 de l'association Arkae : « GUEGUEN Jean et sept autres témoins - Mémoires de Lestonan de 1910 à 1950 ». | |||||||
Autres lectures : « 1918 - Famille de Marie-Jeanne et Henri Huitric de Menez-Groas » ¤ « Yvon Huitric et les 80 ans de l'école St-Joseph de Lestonan » ¤ « L'enfance de Jean Hascoët entre Menez-Groaz et St-Charles » ¤ « L'essor de Lestonan (1900-1950) raconté par Jean Guéguen » ¤ « Entretien avec Louis Mahé de Stang-Venn (fin 1978) » ¤ « Chronique du début du siècle à Odet par Marianne Saliou » ¤ |
[modifier] 1 Min'a Groes
« J'habite à "Min'a Groes", à l'actuel n° 4 de la rue de Menez-Groas. J'y suis né, il y a 90 ans. Mes parents sont venus ici de Quélennec, d'où mon père était originaire, tandis que ma grand-mère, une Espern Nous tous nés ici, dans ce penn-ti. On possédait les terres qui sont devant le penn-ti, là où sont maintenant les écoles et la boulangerie, ainsi que les champs face aux écoles, là où sont les constructions, dont la boucherie. Nos parents avaient quelques vaches ; plus tard, Pierre et moi en avons gardé chacun une. Là où j'habite maintenant, c'était la cave avec son pressoir, son auge et les barriques. La maison d'habitation était là où loge Pierre maintenant. Tout au bout des dépendances, on avait un locataire, "Pierre Barr", qu'on appelait "Per Chicolat", parce qu'il chiquait. On ne parlait pas alors de "Lestonan", mais de "Menez Groas" Si le nom de Lestonan a supplanté celui de "Menez Groas", c'est à cause des écoles : on trouvait trop compliqué de dire "les écoles de Ménez Groas", et Lestonan s'était quand même beaucoup développé ; on y avait beaucoup construit : après "Le Champ" en 1923, ce fut la "rue Ar Ster" en 1929. Beaucoup de commerces s'y étaient créés : deux boucheries |
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[modifier] 2 Les maisons de Menez-Groas
« Pour les maisons de Menez Groas, il y avait dans la garenne celle de Hervé Bihan En face de chez nous habitaient René Guillou et Jean-Marie Pennec, dans deux petites maisons que j'ai vu construire [16] , j'ai vu la reconstruire. Par deux fois elle avait été détruite par le feu : mon père et Laouic Saliou ont vu de la fumée, ils ont enfoncé la porte, et ... Pouf!, le tout s'est enflammé et tout a brûlé. J'ai toujours connu une boulangerie là. Avant que Germain Guéguen l'ait reconstruite, elle appartenait à des Naour du Bourg.
Tout ça, c'était "Menez Groas", avec la ferme à Jean-Pierre Quéré A Lestonan, avant la guerre de 1914, il n'y avait que deux maisons de l'autre côté de la rue, la petite maison De ce côté-ci de la rue, Lestonan commençait par la garenne près de l'école (on disait aussi "Kerhuel vihan"). Dans cette garenne |
Il n'y avait pratiquement que des fermes à Lestonan : celui qui n'avait pas de vaches n'avait pas à manger. Beaucoup étaient des paysans-papetiers. Plus tard, j'ai vu construire la maison des Pennec-Saliou Les bistrots étaient nombreux : chez Quéré, chez Joncourt, chez Donnard, chez Mollis, chez Kergourlay Derrière chez Marguerite, il y avait une carrière dont les pierres ont servi à construire Lestonan. Pour construire la boucherie Rospape Dans le four à pain de chez Marguerite, on cuisait du pain noir deux fois par semaine. Puis tant que le four était chaud, on y faisait "kraser" C'est aussi dans un appentis de chez Marguerite que Pierre Rospape Les maisons du "Champ" ont été construites sur un terrain appartenant à Alain Joncourt. Ce terrain a été acheté par M. Garin pour M. Bolloré. Celui-ci avait demandé de ne pas faire d'ouvetures côté rue, pour que les gens ne viennent pas directement dans la rue |
[modifier] 3 Les écoles
« L'école était déjà construite A l'école, il y avait quatre classes : deux pour les garçons et deux pour les filles. Celles des gars et des filles étaient séparées par une cloison en bois, et les classes étaient séparées entre elles par un rideau. En classe, pendant la guerre, c'étaient les gosses qui commandaient. Le Directeur, M. Boulch, est rentré de la guerre amputé d'une jambe, et il portait une jambe de bois. Il a repris en main l'école et mis de l'ordre dans les classes. Il y avait aussi Mme Guédes, une grande "malabar" avec une coiffe "penn sardin". Elle avait une biquette dans son jardin. Ceux qui venaient de loin à l'école venaient en sabots de bois et portaient une musette en bandoulière, dans laquelle en plus des cahiers et des livres, ils avaient un quignon de pain pour la soupe, et un casse-croûte avec quelques pommes et poires. Souvent, ils avaient les pieds mouillés quand il fallait traverser le gué du Bigoudic |
J'ai vu construire Ker Anna. C'était fermé tout autour par des portails : pour entrer, il y avait juste une petite barrière. C'étaient tous des "caïds" qui habitaient là : ceux des bureaux, des conducteurs de machines, etc. Les gosses des autres quartiers n'avaient pas le droit d'y aller. Au début on y a planté des arbres et mis de la pelouse, qu'on coupait à la faucille. J'ai été plusieurs fois la couper. Au milieu, on avait fait un jeu de boules, mais personne n'allait jouer, car cela faisait trop de bruit et empêchait les gens qui y travaillaient de faction de dormir. Pour les écoles des frères et des soeurs, c'étaient des gens du Cap qui travaillaient là-dessus. En été, ils n'étaient que cinq ou six maçons, et après la moisson terminée, ils étaient une cinquantaine. Chez eux, ils avaient l'habitude de construire des talus et des murets en pierres et on les considérait comme maçons. L'été, ils travaillaient chez eux, puis l'hiver, ils faisaient les maçons. Le terrain où ont été construites ces écoles venait de la ferme. » |
[modifier] 4 L'usine Bolloré
« J'ai vu aussi construire les garages à l'Usine, à l'emplacement de quelques petites maisons. Là où a été construite la chapelle de l'Usine, c'était l'écurie des chevaux. Il y avait un "mince" On eut à déplorer deux accidents : les charretiers s'asseyaient sur le brancard, le dos calé contre la charrette et il est arrivé que quelques uns s'étant assoupis, sont tombés à cause des cahots (nids de poule) Le terrain de foot a été construit sur une décharge où l'on jetait de tout, des balles de chiffons entières impropres à faire du papier, du mâchefer, etc. Le tout était ensuite recouvert de terre. Il s'en est suivi un certain nombre d'affaissements sur ce terrain de foot. Les Bolloré aimaient beaucoup les fêtes. A la fête du centenaire de l'usine, en 1922, tout était pour rien. On pouvait faire du manège tant que l'on voulait. Il y en a qui en ont vraiment profité. Les "casse-gueules" étaient entraînés par un cheval. Une fois qu'il avait démarré, il n'avait pas de problème. Les chevaux étaient remplacés assez souvent. Le soir, on voyait des bonhommes rouler partout ; d'autres allaient dans le bois cacher des bouteilles de vin, et plus tard, ne se rappelleront plus où ils les avaient cachées. |
Pour les 80 ans de Mme Bolloré, en 1927, l'année où je suis entré à l'usine, nous sommes partis d'ici en camion pour Quimper, où nous avons été prévenus que le bateau était resté en panne. Nous avons donc poursuivi jusqu'à Benodet en camions. Je me rappelle de l'hôtel où nous avons mangé : l'hôtel Kermor. Après le repas, le bateau était réparé : nous sommes monté à bord et nous avons remonté l'Odet jusqu'à Quimper. cela démontre une bonne organisation, et il n'est pas étonnant que les papetiers étaient enviés. Pour les 25 ans de patronat de M. Bolloré, en 1929, il y eut un grand festin sous des tentes dans la prairie de Meil Mogueric Le "premier de l'an à l'usine, tout le monde venait souhaiter la bonne année. Les enfants avaient droit à une pièce de monnaie et des bonbons, les hommes à un verre de rhum ou de cognac, parfois un cigare, les femmes à un verre de "Saint-Raphaël". Et bien souvent, à la sortie de l'usine, on s'arrêtait à Ti Ru prendre un autre verre. Le père Garin surveillait, pour voir si certains ne revenaient pas une seconde fois. Cet usage a perduré jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Pour les fêtes de Lestonan, c'est M. Lazou, le directeur de l'école publique de Lestonan qui les a lancées, en 1935 je crois. Si M. Bolloré aimait beaucoup les fêtes, il aimait aussi beaucoup la chasse. Il avait une chasse dans la forêt du Huelgoat, où il avait failli être tué par un énorme sanglier. Il avait un élevage de chevreuils, auxquels on envoyait à manger en hiver. Il avait aussi un chenil à Meil Mogueric, un élevage de faisans et de perdrix à Gousgastel chez René Sizorn et un autre à keranguéo chez Pierre Léonus. Quand je suis rentré à l'usine en 1927, elle s'arrêtait le dimanche matin à 5 heures, et repartait le soir même à 21 heures. J'ai connu des personnes qui après avoir fini leur travail à 5 heures du matin, rentraient chez eux prendre leur petit déjeuner, puis se rendaient à pied au bourg pour assister à la messe. M. Bolloré était un drôle de gaillard. Il était solide et costaud, exigeant envers les ouvriers qu'il trouvait en défaut pendant leur travail. Il n'hésitait pas à les botter aux fesses, ou à leur infliger une amende à payer en mairie (au bénéfice du Bureau de bienfaisance). Il est arrivé qu'un ouvrier, conseiller municipal par ailleurs, ait refusé carrément d'aller à l'usine et s'en est pris à M. Garin, le directeur, qui l'a aussitôt renvoyé. A partir de ce jour, il n'y a plus eu d'amendes. » |
[modifier] 5 Des personnages
Je me rappelle aussi à Lestonan, à la forge de "Yann ar marichal" Mathias Mévellec, qui assurait le courrier de l'usine avec des chevaux, a, par la suite, acheté un car pour faire ce courrier, puis le transport des personnes. Il a ensuite eu un deuxième car, où l'on rentrait par l'arrière. Il s'est construit une grande maison à Stang-Ven. Avant, il n'y avait là, dans le haut de Stang-Ven, que quelques petites maisons en bordure d'une voie charretière, puis tout comme Lestonan, Stang Ven s'est développé dans les années 1920-1930. Tout le monde connaissait "chez Pierre Corre". C'est sa mère, Marjan Ar Barr qui a commencé le commerce : on y trouvait de tout pour manger. Louch Ar Bouedec y venait tuer le cochon et le détailler pour la vente. Il y avait aussi un bistrot chez Madalen Riou Dans la garenne qui va de Stang Ven à l'usine |
Le commerce de Chan Ti Ru (Laurent Huitric) (Entretien recueilli par Jean Guéguen) |
[modifier] 6 Annotations
- Sa grand mère paternelle était bien Marie-Renée Espern, originaire de Guenguat, domestique un moment à St-Chéron (91). Sa mère était Marie-Jeanne Kergourlay née le 03.08.1877à Kerveil, mariée le 22.06.1902 à Henri Huitric. [Ref.↑]
- Le hameau de Menez Groas (on entend "Min' a Groes") était compris entre les actuelles Rues de la Papeterie, Rue du Ménez, Rue de Keravel, Avenue de Lestonan, le haut de la côte de Menez Groas et l'impasse de Menez Groas. Ce nom lui a été donné parce qu'à l'angle de la Rue des Lauriers aurait existé une croix. Le hameau devait aussi posséder son four banal. [Ref.↑]
- Travaux de voirie auxquels étaient soumis les contribuables [Ref.↑]
- "Rue à côté des fours", en Menez-Groas [Ref.↑]
- Route de Coray [Ref.↑]
- Marguerite Thépault - L'Hénoret qui habitait à l'actuel n° 6 rue de Menez-Groas [Ref.↑]
- Boucheries Rospape et Henry, aux 1 et 9 Avenue de Lestonan [Ref.↑]
- En fait dans la plupart des bistrots [Ref.↑]
- Au 3, Avenue de Lestonan [Ref.↑]
- Rue de Keravel [Ref.↑]
- Actuel 1 rue des Lauriers [Ref.↑]
- Ces trois maisons étaient situés dans l'actuelle impasse de Menrz Groas [Ref.↑ 12,0 12,1 12,2]
- deux maisons situées à l'emplacement de l'actuel n° 3 de la rue des Lauriers. [Ref.↑]
- ces deux maisons ne font plus qu'une au n° 3 de la rue de Menez Groas [Ref.↑]
- actuel 1 rue de Menez Groas [Ref.↑]
- actuel 2 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 4 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 3 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 15 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuelle impasse de l'école [Ref.↑]
- la maison Joncourt a été construite par un Jean Guéguen ; le recensement de 1901 note un Jean Guéguen, cabaretier [Ref.↑]
- actuel 8 avenue de Lestonan. Au linteau de la fenêtre en bosse, un coeur surmonté d'une croix. [Ref.↑]
- actuel 10 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 12 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 18 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 20 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 22 avenue de Lestonan [Ref.↑ 27,0 27,1]
- actuel 24 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 7 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 13 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 15 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 20 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- actuel 1 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- "sécher" [Ref.↑]
- Le moulin de Mogueric, qui appartenait à Louis Rospape, était enclavé dans l'usine. Pour s'en rendre acquéreur, M. Bolloré lui a donné un échange la minoterie de Troheir en Kerfeunteun [Ref.↑]
- le frère de Louis Rospape [Ref.↑]
- un oncle de Fanch Ster, boulanger à Stang Ven [Ref.↑]
- Michel Henry avait sa boucherie à l'actuel n° 8 avenue de Lestonan [Ref.↑]
- les maisons des n° 12, 18 et 20 actuelles ont été construites à l'origine dans aucune ouverture sur la rue. Par la suite des portes et fenêtres ont été percées de ce côté. [Ref.↑]
- en 1885 [Ref.↑]
- la carrière derrière chez Marguerite [Ref.↑]
- actuelle impasse de Coat Kerhuel [Ref.↑]
- avant que la route de Kerho ne soit faite dans les années 1945, Le Bigoudic coulait au travers de la route, quelques dalles de pierre superposées permettant le passage à pied sec [Ref.↑]
- pour les écoliers venant du côté de Briec [Ref.↑]
- un "pur-sang" [Ref.↑]
- une calèche qui servait à la famille Bolloré pour aller à Quimper. Elle servait aussi pour aller prendre le prêtre au bourg pour venir dire la messe à Odet [Ref.↑]
- trous creusés dans la route [Ref.↑]
- au début des années 20, Bolloré a acheté un camion de l'US Army, à Brest, véhicule aux roues à bandages pleins et ayant une vitesse de croisière de 30-40 km/h. Par la suite, ce fut une société de transport qui loua ses services. [Ref.↑]
- prairie où se situe aujourd'hui le Musée Océanographique [Ref.↑]
- Actuellement le restaurant "l'Orée du Bois" [Ref.↑]
- "riboulig ar c'hoat" [Ref.↑]
- Jean et Jeanne Rannou, ascendants de Monique Rannou (Ets Rannou) [Ref.↑]