1858 - Supplique du maire à Napoléon III en visite finistérienne - GrandTerrier

1858 - Supplique du maire à Napoléon III en visite finistérienne

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§ E.D.F.
Où il est question d'une demande de secours adressée à l'Empereur en visite à Quimper le 16 août, et de l'achat municipal d'un drapeau pour acclamer "les majestés impériales".

Sources : Archives Départementales du Finistère (cote 3 O 595.) et délibérations du conseil municipal de 1856 et 1858.

Autres lectures : « 1851-1879 - Registre des délibérations du conseil municipal » ¤ « 1857 - Une affiche impériale pour l'arrêté du règlement et tarif de l'octroi » ¤ « 1806-1921 - L'histoire de l'octroi à Ergué-Gabéric au 19e siècle » ¤ « 1867 - Lettre à l'Empereur Napoléon III suite à l'attentat du 6 juin » ¤ 

Présentation

Durant l'été 1858, l'Empereur des Français visite la Bretagne avec son épouse Eugénie, en passant par les villes de Rennes, Brest et Quimper. Une visite triomphale qui visait à conforter le régime dans une région travaillée par les royalistes légitimistes et les républicains.

Le maire d'Ergué-Gabéric [1] lui envoie à cette occasion une lettre dans laquelle il présente une demande de secours pour suppléer aux multiples dépenses communales : « Votre Majesté connaît maintenant la double cause de leur état de souffrance ; elle connaît, mieux que nous, les moyens d'y remédier ».

La double cause est d'une part les faibles ressources communales malgré le rétablissement récent de l'octroi [2] et d'autre part l'entretien de la route départementale qui traverse la commune. Et tous les autres travaux ordinaires : le mobilier de l'église paroissiale, la réfection du mur d'enceinte du cimetière, les réparations et nettoyage du presbytère (« qui, outre son aspect rebutant, révèle une sorte d'ancienne prison féodale ») l'entretien des routes vicinales, notamment celles menant à Kerdévot, chapelle de grand renom et lieu de miracles.

Le style de la supplique, tout en étant un rien alambiqué, contient des formules habiles et faussement naïves pour susciter la générosité impériale : « Partout sur votre passage, des acclamations joyeuses ; partout, des souhaits, des compliments, des bénédictions pour votre auguste personne, pour l'Impératrice et le Prince Impérial ... ».

La lettre met en lumière les aléas de la fiscalité locale, notamment en ce concerne l'octroi. Le 19 février 1791, la Constituante décide la suppression de l'impôt indirect privant ainsi les villes de leur principale ressource, l'octroi sur les marchandises de consommation locale (droits d'entrée), sans solution de remplacement. Tout au long de la première moitié du XIXe siècle les communes françaises ont réclamé leur rétablissement, et Ergué-Gabéric dès 1806 réclame des deniers d'octroi. Il faudra attendre août 1856 pour que l'octroi soit mis en place, mais uniquement sur les « boissons enivrantes » à hauteur d'un revenu annuel prévisionnel de 274 francs (avec une consommation importante de 294 hectolitres de cidre et hydromel).

 
Août 1858, l'empereur et l'impératrice quittant la ville de Quimper pour se rendre à Lorient. Les flèches de la cathédrale ont remplacé les deux tours carrées deux ans auparavant. Couverture du journal L'Illustration n° 811.
Août 1858, l'empereur et l'impératrice quittant la ville de Quimper pour se rendre à Lorient. Les flèches de la cathédrale ont remplacé les deux tours carrées deux ans auparavant. Couverture du journal L'Illustration n° 811.

Deux ans après, le conseil municipal vote l'acquisition d'un drapeau tricolore pour l’accueil à Quimper de Napoléon III. On peut s'étonner de son absence locale 69 ans après la Révolution Française. Toujours est-il qu'il est commandé à un tapissier pour la valeur de 18 francs.

La demande de secours de 1858 ne sera pas honorée. Dans sa réponse le préfet fait remarquer que la pétition est « conçue dans des termes très vagues », sans « plans et devis formant le projet des travaux à exécuter ». Et de plus en terme ressources municipales Ergué-Gabéric « a obtenu tout récemment l'établissement d'un octroi sur les boissons, ressource importante qui manque à bien des communes. ». L'aide impériale n'est donc pas octroyée.


Transcriptions

Conseil municipal du 23 mars 1856 :

Annotation en marge : Naissance du prince impérial le 16 mars 1856. Séance extraordinaire du 23 mars. Signatures : Lepétillon, Le Cornec, Le Rous Louis, Guillemet, Riou, Mahé, Feunteun, Laurent Quelven.


Mairie d'Ergué-Gabéric.


L'an mil 1856, le 23 mars, le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric, réuni en séance extraordinaire par autorisation de Monsieur le Préfet du finistère en date du 19 courant a voté à l'unanimité l'adresse suivante.

Sire

Organe de la commune qui l'a élu, le conseil municipal d'Ergué-Gabéric s'empresse de faire parvenir jusqu'à votre trone l'expression de la joie qu'a fait naître dans tous les cœurs la nouvelle de l'heureuse délivrance de notre impératrice et de la naissance du prince impérial.

Notre église retentit encore des hymnes d'action de grâces que nous venons d'adresser à Dieu pour cet immense bienfait.

Nous appelons de tous nos vœux, Sire, les bénédictions du ciel sur votre majesté, sur l'Impératrice, et sur cet auguste enfant destiné à perpétuer un gouvernement à qui nous devons le repos et la prospérité.

Le conseil d'Ergué-Gabéric a l'honneur d'être, Sire, avec respect de votre majesté, le très obéissant sujet.

Conseil municipal du 3 août 1856 :

L'an 1856, le 3 août le conseil municipal de la comme d'Ergué-Gabéric ...

Le conseil municipal, après avoir considéré que les recettes de la commune d'Ergué-Gabéric sont à peine suffisantes pour les dépenses ordinaires, a reconnu l'urgence pour la commune de se créer des ressources extraordinaires : 1° pour entretenir et réparer ses chemins qui sont pour la plupart en très mauvais état ; 2° pour l'entretien du presbitère qui demande de grosses réparations, 3° pour la construction du mur au cimetière qui est déjà en ruine et qui menace de s'écrouler prochainement ; 4° pour l'entretien d'un cantonier communal dont la commune a grand besoin.

Les membres du conseil, après avoir mûrement délibéré pour aviser aux moyens de faire face à ces nouvelles dépenses ont reconnu que le moyen le plus plausible et le plus efficace est la création d'un octroi dans la commune sur les boissons enivrantes, et ils ont l'honneur de soumettre à l'approbation de qui de droit ce qu'ils ont, ci-après arrêté à l'unanimité.

Sçavoir

1° Des droits d'octroi seront perçus au profit de la commune d'Ergué-Gabéeic, 1° sur le vin, le cidre, le poiré, hydromel, l'eau de vie, et les liqueurs qui seront introduits dans la commune. 2° Les aubergistes seront soumis aux mêmes droits d'octroi pour les susdites boissons fabriquées dans la commune même ; 3° La quotité de ces droits est fixée à un franc 20 centimes par hectolitre de vin à cinquante centimes par hectolitre de cidre, poiré, hydromel et quatre francs par hectolitre d'alcool et liqueur.

Fait et arrêté en conseil municipal à Ergué-Gabéric les jour mois et an sus-dit.

Vin 1 f. 20 c. 33 hectolitres 39 f. 60 c.
cidre, poiré, hydromel 0 f. 50 c. 268 hectolitres 134 f. 40 c.
alcool 4 f. 00 c. 24 hectolitres 96 f.

Supplique du maire, 08.1858 :

Annotations en marge :

Cabinet de l'Empereur. Arrivée le 16 août. Voyage de Bretagne.

Supplique du maire [1] d'Ergué-Gabéric en faveur des intérêts religieux et matériels de sa commune.

Adresse communale. Demande de secours pour la commune.


Note de travers :

Intérieur.
M. Duparc a communiqué à Mr le Préfet pour qu'il apprécie et prenne ensuite, ou provoque, telle décision qu'il appartiendra.


Le maire d'Ergué-Gabéric, canton de Quimper, à sa majesté Napoléon III, Empereur des Français,

Partout sur votre passage, des acclamations joyeuses ; partout, des souhaits, des compliments, des bénédictions pour votre auguste personne, pour l'Impératrice et le Prince Impérial : qu'elle daigne accueillir aussi ceux que tous mes administrés lui adresse en ce jour, par mon faible organe, avec expressément, avec sincérité, avec bonheur.

Mais, Sire, partout également sur votre passage et pour en rendre le souvenir durable et salutaire, autant que pour répondre à votre âme généreuse, magnanime, votre majesté Impériale se plaît à laisser des marques de son amour, de sa sollicitude, à répondre des bienfaits de tout genre. J'ose, Sire, en solliciter une part en faveur de mes administrés, vos sujets respectueux et dévoués, dont les suffrages unanimes vous ont été acquises en 1852, comme ils l'ont été en 1857 au candidat du gouvernement à la députation.

Tout ce qui leur est cher autour d'eux, et chez eux, se trouve dans un état fâcheux.

Leur église paroissiale, par exemple, manque d'objets utiles ou nécessaires à la décence, à la majesté d'un temple et d'un culte catholiques.

Leur cimetière a besoin de murs qui le protègent contre toute pollution regrettable et scandaleuse.

Leur presbytère, Sire, outre son aspect rebutant, qui révèle une sorte d'ancienne prison féodale et qui sied si mal à sa destination actuelle, exige encore des soins d'entretien, de propreté, de sûreté.

Leur belle chapelle de Kerdévot dédiée à la puissante protectrice et patronne de votre Empire, chapelle de grand renom dans tout le département, et dont la fête se fait le 8 septembre, illustrée plus d'une fois par des miracles, notamment en 1801, 1811 et 1850, est difficilement accessible en tout temps, et pour cela compte moins de pèlerins, moins d'offrandes.

Enfin, Sire, leurs routes vicinales restent inachevées et inutiles pour eux.

 

Suite de la supplique :

Voilà, Sire, en abrégé, mais en réalité, la situation de mes administrés, d'autant plus à plaindre qu'elle elle imméritée ou indépendante de leurs efforts, de leurs sacrifices pour l'améliorer.

Qui donc, Sire, la leur a faite cette situation : d'une part l'insuffisance de leurs ressources communales, accrues cependant de deniers d'octroi [2], et de l'autre, l'obligation qui leur incombe, malgré leurs réclamations, d'appliquer, chaque année, les 8/9 de leurs prestations en nature à l'entretien d'une route de grande communication qui relie les départements Finistère, Morbihan et Cotes-du-Nord et qui sert aux transports de lettres échangés entre ces départements [3].

Votre Majesté connaît maintenant la double cause de leur état de souffrance ; elle connaît, mieux que nous, les moyens d'y remédier, si elle daigne seulement le vouloir et elle le voudra, nous l'espérons, s'il est possible et l'en supplions tous unanimement, car elle est juste, puissante, généreuse, éclairée, bienfaisante, et nous tous, Sire, qu'elle aura rendus satisfaits et heureux, nous redoublons nos vœux et nos sentiments pour votre Majesté, pour son auguste compagne et pour le jeune prince Impérial.

Je suis avec le plus profond respect, Sire, de votre Majesté Impériale, le très humble, très fidèle et bien dévoué serviteur et sujet. Le maire d'Ergué-Gabéric, Feunteun [1].

Ministère de l'Intérieur au Préfet, 22.08.1858 :

Annotations en marge :

Ministère de l'Intérieur. Division communale et hospitalière. 4e bureau. Finistère.

Communication d'une pétition du Maire d'Ergué-Gabéric ayant pour objet d'obtenir une allocation de fonds pour des dépenses d'utilité communale.


Note de travers :

6985. [...] au Préfet de cette affaire.


Paris le 22 août 1858

Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire [1] d'Ergué-Gabéric a adressé à l'Empereur une pétition qui m'a été transmise comme rentrant dans mes attributions et qui a pour objet de solliciter une allocation de fonds pour des dépenses d'utilité communale.

J'ai l'honneur de vous communiquer cette pétition en vous priant de l'examiner et, s'il y a lieu, de prendre ou de provoquer telle décision qu'elle vous paraîtrait motiver.

Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération très distinguée.

Pour : le Ministre Secrétaire d'Etat au Département de l'Intérieur. Le Secrétaire Général. J. Corunay.

À Monsieur le Préfet du Finistère.

Réponses du préfet, 03.09.1858 :

Annotations en marge :

Cadu [...] communales

Divisions Communales et Hospitalières. 4e bureau. Pétition du Maire d'Ergué-Gabéric ayant pour objet d'obtenir une allocation de fonds pour des dépenses d'utilité communale. Renseignements. A Rabore.

Dépenses d'utilité communale. Demandes de secours en observation.

Expédiée


3 septembre 1858

Au Ministre de l'Intérieur,

Votre Excellence m'a fait l'honneur de me transmettre une pétition adressée à l'Empereur par Mr le Maire d'Ergué-Gabéric et qui a pour objet de solliciter une allocation de fonds pour des dépenses d'utilité communale.

Cette pétition, qui contient un exposé des besoins de la commune, est conçue dans des termes très vagues. Elle se borne à énumérer les travaux qu'il serait utile de faire exécuter, dans un avenir rapproché, sans préciser ceux qui sont réellement urgents, ni indiquer les ressources que la commune peut y consacrer.

Il y a donc, en l'état, aucune suite à donner à la demande de Mr le Maire d'Ergué-Gabéric.

J'ai informé ce fonctionnaire en lui traçant la marche qu'il doit suivre pour obtenir, s'il y a lieu, le concours de l'Etat, de celui du Département.

Je suis Monsieur ...


Au Maire [1] d'Ergué-Gabéric,

Mr le Ministre de l'Intérieur m'a transmis une pétition que vous avez adressée à l'Empereur pendant sont voyage en Bretagne, à l'effet d'obtenir une allocation de fonds pour les dépenses d'utilité communale.

Cette pétition qui contient un exposé des besoins de la commune, est conçue dans des termes très vagues. Elle se borne à énumérer les travaux qu'il serait utile de faire exécuter, dans un avenir rapproché, sans préciser ceux qui sont réellement urgents, ni indiquer les ressources que la commune peut y consacrer.

En l'état je ne puis donner aucune suite à votre pétition. Toute demande de secours doit être formulée par le Conseil municipal et appuyée des pièces justifiant l'utilité de la dépense, entre autres les plans et devis formant le projet des travaux à exécuter.

Je dois vous faire remarquer que votre commune est moins que toutes autres en droit de se plaindre de la pénurie de ses ressources, attendu qu'elle a obtenu tout récemment l'établissement d'un octroi [2] sur les boissons, ressource importante qui manque à bien des communes.

J'ajouterai que je ne vois pas qu'elle soit fondée à faire valoir ses sacrifices : je ne sache pas, en effet, qu'elle se soit souvent imposée extraordinairement pour des travaux d'utilité communale.

Recevez Monsieur ...

Conseil municipal du 10 sept :

L'an 1848, le 10 septembre à 9 heures du matin, le conseil municipal de la commune d'Ergué gabéric assemblé au lieu ordinaire de ses séances ...

Le maire a exposé au conseil 1° que la commune doit une somme de 18 francs à M. Brossé, tapissier à Quimper, pour prix d'un drapeau qui lui a été fourni à l'occasion du voyage en Bretagne de leurs majestés impériales.


Originaux

Annotations

  1. Michel Feunteun, agriculteur à Congallic, fut maire d'Ergué-Gabéric de 1855 à 1862. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4]
  2. Octroi, s.m. : contribution indirecte perçue autrefois par les municipalités à l'importation de marchandises sur leur territoire. Cette taxe frappait les marchandises les plus importantes et les plus rentables telles que le vin, l'huile, le sucre, le café, etc. Il est signalé dès le XIIe siècle à Paris et servait à financer l'entretien des fortifications et les travaux d'utilité publique. Ce terme désigne également l'administration chargée de prélever cette taxe. Elle contrôlait chaque porte de la ville à l'aide de barrières souvent disposées entre des pavillons symétriques. Les droits d'octroi furent supprimés le 20 janvier 1791 par l'Assemblée constituante, puis rétablis par le Directoire le 18 octobre 1798. Au 19e siècle, pour subvenir aux dépenses communales, les municipalités étaient autorisées à établir et percevoir des droits d'octroi sur certaines marchandises de consommation locale à l'entrée dans leur ville. Ces taxes furent supprimées définitivement par la loi n° 379 du 2 juillet 1943 portant suppression de l'octroi à la date du 1er août du gouvernement Pierre Laval. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]
  3. Les transports se faisaient obligatoirement par la route car l'arrivée du chemin de fer à Quimper n'eut lieu qu'en 1863 [Ref.↑]