1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier
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C'est Jean-Pierre Le Minihy <ref name=Minihy>Saturnin Jean-Pierre Le Minihy, Conseiller du Roi en la Cour Royale de Rennes, est assisté des juges Crop er Hunault, et de Jean-Louis Le Feuvre, premier substitut du procureur du roi, qui avait été chargé de l'enquête.</ref>, président des séances de janvier 1838 en la cour d'assises de Quimper, qui fit le compte-rendu de cette affaire, document conservé en série BB/20 des Archives nationales et constituant un complément des cotes 4U1/23 et 4U2/53 des Archives Départementales (lesquelles ont été présentées par Norbert Bernard dans son livre {{Tpg2|BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec|Les voix d'Yves Pennec}}). | C'est Jean-Pierre Le Minihy <ref name=Minihy>Saturnin Jean-Pierre Le Minihy, Conseiller du Roi en la Cour Royale de Rennes, est assisté des juges Crop er Hunault, et de Jean-Louis Le Feuvre, premier substitut du procureur du roi, qui avait été chargé de l'enquête.</ref>, président des séances de janvier 1838 en la cour d'assises de Quimper, qui fit le compte-rendu de cette affaire, document conservé en série BB/20 des Archives nationales et constituant un complément des cotes 4U1/23 et 4U2/53 des Archives Départementales (lesquelles ont été présentées par Norbert Bernard dans son livre {{Tpg2|BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec|Les voix d'Yves Pennec}}). | ||
- | Contrairement à l'article publié dans la Gazette des Tribunaux, et à la lecture qu'en a fait Stendhal, le compte-rendu du juge ne présente pas un héros « <i>enfant de l'Armorique à l'épaisse chevelure</i> » d'une part, et les invocations de sorcelleries ne sont pas prises au sérieux d'autre part. Les faits révélés par le procès montrent plutôt des scènes typiques d'une société rurale au 19e siècle. | + | Contrairement au compte-rendu de la Gazette des Tribunaux, et à la lecture qu'en a fait Stendhal, le rapport du juge ne présente pas l'accusé comme un héros « <i>enfant de l'Armorique à l'épaisse chevelure</i> » d'une part, et les invocations de sorcelleries ne sont pas prises au sérieux d'autre part. Les faits révélés par le procès montrent plutôt des scènes typiques et récurrentes d'une société rurale au 19e siècle. |
<big><b>Déchéance alcoolique et jeux de cartes</b></big> | <big><b>Déchéance alcoolique et jeux de cartes</b></big> |
Version du 20 novembre ~ miz du 2014 à 22:32
| Stendhal dans ses mémoires de touriste a évoqué le procès Yves Le Pennec, et démarre sa narration par : « Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne ... ».
Mais, à la lecture du compte-rendu du président de la cour d'assises à Quimper, la réalité est bien plus prosaïque : certes l'accusé prétend avoir entendu des voix, mais il semble que les témoignages de ses concitoyens, dont le le maire | |||||||
Autres lectures : « LE DOUGET Annick - Violence au village » ¤ « STENDHAL - Mémoires d'un touriste » ¤ « BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec » ¤ « 1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre » ¤ « 1839 - Acquittement d'Hervé Kerluen, un des plus beaux hommes de Basse-Bretagne » ¤ « 1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois » ¤ |
1 Présentation
C'est Jean-Pierre Le Minihy Contrairement au compte-rendu de la Gazette des Tribunaux, et à la lecture qu'en a fait Stendhal, le rapport du juge ne présente pas l'accusé comme un héros « enfant de l'Armorique à l'épaisse chevelure » d'une part, et les invocations de sorcelleries ne sont pas prises au sérieux d'autre part. Les faits révélés par le procès montrent plutôt des scènes typiques et récurrentes d'une société rurale au 19e siècle. Déchéance alcoolique et jeux de cartes L'accusé est décrit ainsi : « Yves Le Pennec, quoique très jeune, avait des habitudes de jeu et d'oisiveté ; quelquefois même il s'abandonnait aux excès du vin ». Toute ces activités avaient lieu dans les cabarets qui étaient nombreux sur le territoire communal (une quinzaine en 1844). L'expression "quoique très jeune" illustre bien le fait que la fréquentation des cabarets n'était pas l'apanage des jeunes, bien au contraire. Lors des interrogatoires de l'audience du 19 janvier, Corentin Kergourlay (agriculteur à Rubernard) s'exprime sur les pertes et gains aux jeux de cartes : « Il jouait beaucoup la nuit, je l'ai vu perdre jusqu'à six francs, c'est moi qui les lui ai gagnés. (On rit.) C'est un sorcier, il a un secret pour trouver de l'argent. » Le poids social de la parole du maire Le juge relève l'impact du témoignage du maire sur la décision d'acquittement : « Le maire de la commune est celui de tous les témoins qui lui a été le plus favorable. Il a déclaré que Le Pennec ne passait point pour un mauvais sujet ; que depuis plusieurs années il dépensait beaucoup d'argent sans qu'aucun vol eût été commis dans le pays » ; « Dans son incertitude sur le véritable auteur du délit dont il avait été victime, ce dernier témoignage m'a paru produire beaucoup d'impression sur le jury. ». Dans le compte-rendu de la Gazette des Tribunaux, on a même un maire décidé, avec l'attitude d'un homme qui fait acte de courage, sans doute aussi par crainte : « Pennec passe dans ma commune pour un devin et pour un sorcier ; mais je ne crois pas cela, moi ; ce n'est plus le siècle des sorciers. » Les voix et les légendes bretonnes La ligne de défense de l'accusé passe par une évocation de voix d'outre-tombe : « Il avait entendu pendant trois nuits consécutives une voix qui après l'avoir interpellé par son nom, lui disait d'aller prendre une somme de 300 francs qui était cachée dans un trou sous une pierre ». Lors de l'interrogatoire du juge, on a même un dialogue empreint de légendes locales : « Qui êtes-vous ? lui dis-je ; êtes-vous le démon ou Notre-Dame de Kerdévot ou notre-Dame de Sainte Anne, ou bien ne seriez-vous pas encore quelque voix de parent ou d'ami qui vient du séjour des morts ? ». Et lorsqu'il est question de l'argent trouvé sur les indications de cette voix, il est caché derrière une pierre, à l'instar des histoires de trésors laissés dans les manoirs de Lezergué ou de Pennarun, abandonnés par leurs anciens nobles à la Révolution. Le vêtement signe extérieur de richesse Dans son compte-rendu, le juge relate le fait : « Il avait acheté des vêtements pour une somme de 150 francs ». Et manifestement, le fait de posséder une belle garde-robe était un signe de réussite sociale. |
Et à la fin de l'audience, après l'annonce de l'acquittement, le domestique peut retrouver ses beaux habits : « Aussitôt tous les témoins accourent et viennent respectueusement aider Pennec à emporter ses élégants costumes. Pennec a bientôt endossé le beau chupenn, l'élégant bragonbras et le large chapeau surmonté d'une belle plume de paon, il s'en retourne triomphant. » La valeur de l'argent dument gagné Dans les rapports du procès, les montants des gages perçus, en moyenne de 30 à 40 F par an, sont détaillés, ainsi que ses dépenses : une génisse 25 F 30, un bouvillon 46F, un chupenn 20 francs, une paire de souliers et ses boucles 5 F 90, le chapeau 5 F. Il est aussi question d'une dote quand un agriculteur lui demande s'il avait de l'argent pour prétendre être son futur gendre, « il prétendit qu'il avait jusqu'à la concurrence de mille écus », l'écu - en breton skoed, représentant une somme de 3 francs. Le père répondit qu'il n'attendait pas plus de 1500F. Le maire a même confirmé que ce type d'échange lui semblait normal : « C'est vrai ce que dit le témoin ; une fille vaut cela dans notre commune ». Quant à la somme du trésor qu'il prétend avoir trouvé, à savoir « 300 francs en pièces de 6 livres et de cinq francs », sa décomposition est intéressante et nous renseigne sur les pièces en circulation en 1839. En effet, normalement il n'existait plus que des francs en circulation depuis la Révolution, et les pièces de 5 francs étaient devenues courante. Par contre il est également question ici de pièces dites « écu de 6 livres » qui en fait avait en 1838 une valeur d'échange de 5 francs et 80 centimes. Selon Norbert Bernard avance cette hypothèse : « La mention de ce type de pièce, ainsi que de leur change, confortent l'idée d'un trésor qui aurait donc pu être enterré avant ou pendant la Révolution ». |
2 Transcriptions
Entête
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3 Originaux
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Lieu de conservation : Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine. Série : BB/20, comptes d'assises Cotes : BB/20/98, 1e trimestre 1838 Droit d'image : Protégé. Usage : Accès privé et restreint aux abonnés inscrits Accès : Connexion obligatoire sur un compte nominatif d'adhérent GrandTerrier. |
4 Annotations
- René Laurent, agriculteur à Squividan, fut maire de la commune de 1824 à 1846. [Ref.↑]
- Saturnin Jean-Pierre Le Minihy, Conseiller du Roi en la Cour Royale de Rennes, est assisté des juges Crop er Hunault, et de Jean-Louis Le Feuvre, premier substitut du procureur du roi, qui avait été chargé de l'enquête. [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Novembre 2014 Dernière modification : 20.11.2014 Avancement : [Développé] |