1728 - Inhumation hors des lieux saints suite à une mort tragique dans un four à pain - GrandTerrier

1728 - Inhumation hors des lieux saints suite à une mort tragique dans un four à pain

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-Registre BMS de la collection communale conservé aux Archives Départementales du Finistère : 1049 E DEPOT 2 <ref>L'année 1728 est lacunaire dans la collection départementale des registres (ADF 3 E 66/1).</ref>.+Registre BMS de la collection communale conservé aux Archives Départementales du Finistère : 1049 E DEPOT 2 <ref>L'année 1728 est lacunaire dans la collection départementale des registres (ADF 3 E 66/1). En complément, le deuxième exemplaire de registre, numérisé par les Archives Départementales du Finistère, couvre les périodes manquantes.</ref>.
Autres lectures : {{Tpg|1742 - Inhumation illégale de Marie Duval de Lezergué dans l'église paroissiale}}{{Tpg|Répertoire numérique des actes paroissiaux et civils d'Ergué-Gabéric}}{{ArticlesAlcools}} Autres lectures : {{Tpg|1742 - Inhumation illégale de Marie Duval de Lezergué dans l'église paroissiale}}{{Tpg|Répertoire numérique des actes paroissiaux et civils d'Ergué-Gabéric}}{{ArticlesAlcools}}
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À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précisant qu'il s'agissait du « <i>four du village</i> » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale. À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précisant qu'il s'agissait du « <i>four du village</i> » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale.
-Quant à l'inhumation, « <i>attendu son genre de mort extraordinaire</i> », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « <i>une fosse faite exprès et bénite</i> au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire" il lui reproche « <i>l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion</i> », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.+Quant à l'inhumation, « <i>attendu son genre de mort extraordinaire</i> », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « <i>une fosse faite exprès et bénite</i> » (et non une fosse commune) au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire" il lui reproche « <i>l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion</i> », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.
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 +Il faut dire qu'au XVIIIe siècle la question du lieu d'inhumation a généré quelques conflits à Ergué-Gabéric : ainsi, suite à l'interdiction de 1719 par le Parlement de Bretagne des tombes à l'intérieur des églises au profit des cimetières extérieurs, des femmes gabéricoises ont organisé en 1742 une inhumation illégale dans l'église St-Guinal. À cette même époque les prêtres ont la latitude de refuser les enterrements dans le cimetière les décédés de mort violente et les protestants.
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 +Avec la déclaration du 9 avril 1736, signée par le chancelier d'Aguesseau et Louis XV, les enterrements de morts suspectes sont tolérées moyennant l'ordonnance d'un juge criminel. Ici le desservant ecclésiastique d'Ergué-Gabéric exécute une mesure intermédiaire : il ne diligente pas d'enquête, il relate les circonstance et organise une inhumation à l'écart du bourg.
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 +Dans un article publié par l'association Arkae de janvier 2003, Yves-Pascal Castel utilise l'expression d'« <i>inhumations foraines</i> » pour ce type d'enterrement et cite quelques exemples d'autres lieux d'enterrements civils et/ou épidémiques près de calvaires en Finistère (Bourg-Blanc, Locmaria-Plouzané).
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 +Depuis quelques années déjà, à la fin de l'année scolaire et juste avant la période estivale, un jeu et une balade bilingues sont organisés autour du bourg d'Ergué-Gabéric par le service patrimoine de la commune sous la forme d'une enquête sur la mort suspecte (« <i>Enklask war dro maro an den kevrin</i> ») d'Hervé Riou et son inhumation à Kergaradec. Rien ne vaut un jeu de piste pour mieux comprendre le contexte de cette affaire.
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Catégorie : Archives   + fonds Le Roux
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
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§ E.D.F.
Quelques mois après son arrivée à Ergué-Gabéric, le recteur Jean Edy enterre un suicidé près du calvaire de Kergaradec.

Registre BMS de la collection communale conservé aux Archives Départementales du Finistère : 1049 E DEPOT 2 [1].

Autres lectures : « 1742 - Inhumation illégale de Marie Duval de Lezergué dans l'église paroissiale » ¤ « Répertoire numérique des actes paroissiaux et civils d'Ergué-Gabéric » ¤ « 1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois » ¤  « Deux morts et un rescapé suite à ivresses prononcées, Le Quimpérois 1839 » ¤ 

Présentation

« Appelé pour sonner à une noce », c'est-à-dire jouer du biniou ou de la bombarde pour le grand plaisir des danseurs d'un mariage, Hervé Riou, après avoir bu plus que de raison, s'enferme dans un four à pain encore chaud. La mort étant considérée comme un suicide, il est enterré dans une fosse « hors les lieux saints », près du calvaire de Kergaradec, et non dans le cimetière.

Hervé Riou est né aux environs de 1668. Il est veuf en première noce de Marie Monfort. Huit enfants sont nés dont Hervé, témoin à l'enterrement de son père. Hervé Riou épouse en seconde noce Josèphe Jourdren le 28.01.1723 à Ergué-Gabéric et un enfant est né de ce mariage.

Plusieurs mariages ont eu lieu en ce début 1728, mais la présence de Maurice le Barz comme témoin lors de l’inhumation incite à croire que les faits se sont déroulés durant les réjouissances de son mariage avec Françoise le Meur, le 26.01.1728 à Ergué-Gabéric. Il est le fils de Mathieu le Barz et de Marie Lozeach, et son père est qualifié de « Messire » lors des naissances de certains de ses 12 enfants à Kernaon.

À Kernaon, il y a toujours un très vieux cellier qui possède à son extrémité nord un four à pain dont l'accès se trouve à l'intérieur : est-ce le lieu du drame de 1728 ? Un doute subsiste, car l'acte du recteur précisant qu'il s'agissait du « four du village » et selon les anciens il existait autrefois un four plus important dans le jardin au sud de l'habitation principale.

Quant à l'inhumation, « attendu son genre de mort extraordinaire », le recteur Jean Edy estime qu'elle ne peut se faire qu'en dehors des lieux saints de l'église paroissiale et de son cimetière. Il choisit de faire creuser « une fosse faite exprès et bénite » (et non une fosse commune) au bord du chemin à proximité du calvaire de Kergaradec. Outre la mort "volontaire" il lui reproche « l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion », malgré les remontrances de son prédécesseur l'abbé François-Hyacinthe de la Haye, recteur d'Ergué-Gabéric de 1722 à 1726.

Il faut dire qu'au XVIIIe siècle la question du lieu d'inhumation a généré quelques conflits à Ergué-Gabéric : ainsi, suite à l'interdiction de 1719 par le Parlement de Bretagne des tombes à l'intérieur des églises au profit des cimetières extérieurs, des femmes gabéricoises ont organisé en 1742 une inhumation illégale dans l'église St-Guinal. À cette même époque les prêtres ont la latitude de refuser les enterrements dans le cimetière les décédés de mort violente et les protestants.

Avec la déclaration du 9 avril 1736, signée par le chancelier d'Aguesseau et Louis XV, les enterrements de morts suspectes sont tolérées moyennant l'ordonnance d'un juge criminel. Ici le desservant ecclésiastique d'Ergué-Gabéric exécute une mesure intermédiaire : il ne diligente pas d'enquête, il relate les circonstance et organise une inhumation à l'écart du bourg.

 

Dans un article publié par l'association Arkae de janvier 2003, Yves-Pascal Castel utilise l'expression d'« inhumations foraines » pour ce type d'enterrement et cite quelques exemples d'autres lieux d'enterrements civils et/ou épidémiques près de calvaires en Finistère (Bourg-Blanc, Locmaria-Plouzané).

* * *

Depuis quelques années déjà, à la fin de l'année scolaire et juste avant la période estivale, un jeu et une balade bilingues sont organisés autour du bourg d'Ergué-Gabéric par le service patrimoine de la commune sous la forme d'une enquête sur la mort suspecte (« Enklask war dro maro an den kevrin ») d'Hervé Riou et son inhumation à Kergaradec. Rien ne vaut un jeu de piste pour mieux comprendre le contexte de cette affaire.


Document original

Transcription :

Ce jour, 29 janvier 1728, en vertu de la permission de monsieur le juge criminel et procureur du Roy du présidial [2] de Quimper en datte du dit jour 29e janvier 1728 a esté inhumé par moy soussignant hors les lieux saints dans une fosse faite exprès et bénite conformément au rituel, vis à vis de la croix de Quergaradec le corps de Hervé Riou âgé d'environ 60 ans, mort au village de Kernaon dans ceste paroisse, où ayant esté appelé pour sonner à une noce, plusieurs des conviés ont dit que y avoit bu avec beaucoup d'excès il déboucha le four du village qui avoit esté chauffé les jours précédents le dit jour là même pour s'y mettre, d'où il fut extrait par plusieurs des conviés qui nous ont dit affirmé en présence desquels il expira peu de temps après, sans pouvoir parler ni avoir aucune connaissance, le présent cadavre, nous avons jugé a propos d'inhumer dans la dite fosse, attendu son genre de mort extraordinaire, l'abus et le mépris qu'il a fait pendant les dernières années de sa vie des principaux devoirs de la religion, quoiqu'il luy aient esté faites dans différents temps plusieurs remontrances salutaires de la part de l'abbé de Lahaye de M. le titulaire de cette paroisse, comme le dit sieur abbé me l'a affirmé, le dit enterrement en présence d'Hervé Riou fils du dit défunct, de Laurent le Corre, de Pierre Claude, de Maurice le Barz et autres ne le signe. 1728.

Edy, Recteur d'Ergué-Gabéric

 

Registre :

Archives Départementales du Finistère. Série 1 E. BMS 1718-1736 Collection communale. Référence 1049 E DEPOT 2


Annotations

  1. L'année 1728 est lacunaire dans la collection départementale des registres (ADF 3 E 66/1). En complément, le deuxième exemplaire de registre, numérisé par les Archives Départementales du Finistère, couvre les périodes manquantes. [Ref.↑]
  2. Présidial, s.m. : tribunal de justice de l'Ancien Régime créé au XVIe siècle ; c'est en 1552 que le roi Henri II de France, désireux de renforcer son système judiciaire et de vendre de nouveaux offices, institue les présidiaux ; le présidial de Quimper-Corentin a été créé à cette date dans le ressort du parlement de Bretagne (Wikipedia). [Terme] [Lexique] [Ref.↑]




Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Mars 2007    Dernière modification : 7.01.2022    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]