LE LOUET Mathias - Je viens de la part de Fernand
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Emprisonné et interrogé, il signe une reconnaissance d'activités communistes, alors qu'il ne s'était encarté jusqu'à présent qu'au mouvement du Front National <ref name="FrontNational">{{FN1945}}</ref> de lutte pour la libération. Il est condamné à un an de prison, | Emprisonné et interrogé, il signe une reconnaissance d'activités communistes, alors qu'il ne s'était encarté jusqu'à présent qu'au mouvement du Front National <ref name="FrontNational">{{FN1945}}</ref> de lutte pour la libération. Il est condamné à un an de prison, | ||
- | les colis de Lestonan ... | + | Il connaîtra successivement les prisons de Vitré, Poissy, Melun, Châlons-sur-Marne. Les colis en provenance de Lestonan sont les bienvenus, notamment grâce à Anne-Marie Combot, épouse Manach, venue remplacer sa sœur Francine Lazou comme institutrice à l'école primaire de Lestonan : « <i>Si vous n'avez pas encore acheté de Sarcoptol <ref name="Sarcaptol">Le Sarcoptol, produit contre la gale, était un liquide épais composé de divers ingrédients parmi lesquels une suspension de soufre et un produit breveté par la firme Bayer sous le nom d'Epicarine.</ref>, ce ne sera pas la peine de me l'expédier. Par contre je n'ai plus de plumes et si Madame Manach y pense, elle sera bien aimable de me mettre quelques unes dans mon prochain colis.</i> » |
- | Le retour à Lestonan : « <i>Tous les habitants du village manifestèrent leur joie, même ceux, peu nombreux (deux ou trois je crois), qui avaient eu l’impudence de dire à mes parents après avoir appris mon arrestation : "C’est bienfait pour lui, il n’avait pas besoin d’être communiste." </i> » | + | Après son évasion et une période dans le maquis de l'Argonne Marnaise, il revient à Lestonan en octobre 1944 : « <i>Tous les habitants du village manifestèrent leur joie, même ceux, peu nombreux (deux ou trois je crois), qui avaient eu l’impudence de dire à mes parents après avoir appris mon arrestation : "C’est bienfait pour lui, il n’avait pas besoin d’être communiste." </i> » |
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- | <big>Page 70, les colis de Lestonan</big> | + | <big>Page 70 et lettre de prison, les colis de Lestonan</big> |
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Une autre chose était également très dure à Poissy : la faim. J’avais partagé avec mes camarades ce qui me restait du dernier colis reçu à Vitré. Nous avions droit de recevoir deux colis d’un maximum de trois kilos par mois. Dès le jour de mon arrivée à Poissy j’avais envoyé à mes parents mon « changement d’adresse». Quand ils l’eurent reçu et dès qu’ils réussirent à trouver, à la campagne, les denrées nécessaires : lard, beurre, crêpes, etc., ils confectionnèrent un colis approchant le plus possible des trois kilos. Pour cela, ils étaient aidés par Mme Manach, sœur de Mme Lazou, nommée institutrice à Lestonan et par Mme Guillamet, épouse de René. René circulait beaucoup à la campagne grâce à ses fonctions au génie rural et avait des possibilités de ravitaillement que mes parents n’avaient pas. Le premier colis ne m’est jamais parvenu. Il avait sans doute alléché un gardien. Lorsque je reçus le deuxième, il y avait environ un mois et demi que je ne mangeais autre chose que la boule de pain et la pitance de la prison. Vers dix heures du matin je n’avais plus de pain que j’essayais, pourtant, d’économiser en le grignotant miette par miette. Le reste de la nourriture c’était, midi et soir, une gamelle de soupe claire où nageait environ un quart de feuille de chou jaunie ou desséchée. À midi, nous avions également une pitance de choux ou de purée de pommes de terre très liquide ou encore de bouillie de résidus de soja ou de haricots. Un jour j’ai compté sept haricots dans cette pitance. | Une autre chose était également très dure à Poissy : la faim. J’avais partagé avec mes camarades ce qui me restait du dernier colis reçu à Vitré. Nous avions droit de recevoir deux colis d’un maximum de trois kilos par mois. Dès le jour de mon arrivée à Poissy j’avais envoyé à mes parents mon « changement d’adresse». Quand ils l’eurent reçu et dès qu’ils réussirent à trouver, à la campagne, les denrées nécessaires : lard, beurre, crêpes, etc., ils confectionnèrent un colis approchant le plus possible des trois kilos. Pour cela, ils étaient aidés par Mme Manach, sœur de Mme Lazou, nommée institutrice à Lestonan et par Mme Guillamet, épouse de René. René circulait beaucoup à la campagne grâce à ses fonctions au génie rural et avait des possibilités de ravitaillement que mes parents n’avaient pas. Le premier colis ne m’est jamais parvenu. Il avait sans doute alléché un gardien. Lorsque je reçus le deuxième, il y avait environ un mois et demi que je ne mangeais autre chose que la boule de pain et la pitance de la prison. Vers dix heures du matin je n’avais plus de pain que j’essayais, pourtant, d’économiser en le grignotant miette par miette. Le reste de la nourriture c’était, midi et soir, une gamelle de soupe claire où nageait environ un quart de feuille de chou jaunie ou desséchée. À midi, nous avions également une pitance de choux ou de purée de pommes de terre très liquide ou encore de bouillie de résidus de soja ou de haricots. Un jour j’ai compté sept haricots dans cette pitance. | ||
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+ | Lettre de la prison de Poissy en 1943 : | ||
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+ | Je vais toujours bien. La gale a presque complètement disparu. Si vous n'avez pas encore acheté de Sarcoptol <ref name="Sarcaptol">Le Sarcoptol, produit contre la gale, était un liquide épais composé de divers ingrédients parmi lesquels une suspension de soufre et un produit breveté par la firme Bayer sous le nom d'Epicarine.</ref>, ce ne sera pas la peine de me l'expédier. Par contre je n'ai plus de plumes et si Madame Macnach y pense, elle sera bien aimable de me mettre quelques unes dans mon prochain colis. | ||
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Version du 27 juin ~ mezheven 2019 à 09:12
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Notice bibliographique
Dans ce livre édité par sa veuve Jacqueline, Mathias Le Louët (1921-1987) raconte ses souvenirs d'enfant de Lestonan et de jeune adulte entré dans la résistance, de son arrestation en mars 1943 comme pro-comuniste, de son procès et détention dans différentes geôles du gouvernement de Vichy, et enfin de son évasion et passage dans le maquis en 1944.
Né à Briec, il arrive très tôt avec ses parents à Ergué-Gabéric : « J’avais trois ans lorsque mon père trouva de l’embauche, comme manœuvre, à la papeterie d’Odet (Bolloré), fabrique de papier à cigarettes, située à une dizaine de kilomètres de Quimper. Mes parents se rendirent acquéreurs d’une modeste petite maison de deux pièces et d’un petit jardin d’environ quatre cents mètres carrés situé dans le village de Lestonan, sur la commune d’Ergué-Gabéric. » Son regard de futur militant social lui fait noter une injustice constatée localement dans les années 1926-27 : « Deux ans après, M. Bolloré, le potentat de la papeterie, fit construire à ses frais, sur un terrain lui appartenant, deux écoles libres, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles. Il mit en demeure ses ouvriers d’y inscrire leurs enfants pour la rentrée d’octobre. Un seul ouvrier refusa. Il était athée et, chose rare à l’époque, marié civilement. Il était sourd et muet. Malgré son infirmité et ses grandes qualités professionnelles, il fut licencié le jour de la rentrée scolaire. » Par la force des choses Mathias Le Louët intègre l'école publique de Lestonan : « Quant à moi, mes parents furent donc contraints de m’envoyer à l’école privée. Je n’y restai qu’un an. En effet, dans le courant de l’année, Bolloré avait acheté deux nouvelles machines et congédié un certain nombre de manœuvres, devenu personnel en surnombre. Mon père faisait partie de cette charrette de licenciés. » Il se lie avec le couple d'instituteurs laïques : « M. et Mme Lazou étaient deux pédagogues extraordinaires, doués chacun d’une grande conscience professionnelle. Ils étaient aimés, estimés et respectés de toute la population. Une ou deux fois par semaine, M. Lazou organisait à titre bénévole des cours du soir pour les jeunes agriculteurs. ». Lieutenant dans l'armée françaises, Jean Lazou est tué au combat lors de l'offensive allemande de 1940. Mathias Le Louët est arrêté en mars 1943 dans un rendez-vous avec un policiers qui lui délivre un mot de passe falsifié d'agent résistant de liaison : « Il me demanda du feu et, après qu’il eut allumé sa cigarette, me dit : "Je viens de la part de Fernand". C’était le mot de passe convenu. » Fernand est le pseudo de René Le Herpeux, résistant et gendre de Francine Lazou. Cette dernière est interpellée également. Emprisonné et interrogé, il signe une reconnaissance d'activités communistes, alors qu'il ne s'était encarté jusqu'à présent qu'au mouvement du Front National Il connaîtra successivement les prisons de Vitré, Poissy, Melun, Châlons-sur-Marne. Les colis en provenance de Lestonan sont les bienvenus, notamment grâce à Anne-Marie Combot, épouse Manach, venue remplacer sa sœur Francine Lazou comme institutrice à l'école primaire de Lestonan : « Si vous n'avez pas encore acheté de Sarcoptol Après son évasion et une période dans le maquis de l'Argonne Marnaise, il revient à Lestonan en octobre 1944 : « Tous les habitants du village manifestèrent leur joie, même ceux, peu nombreux (deux ou trois je crois), qui avaient eu l’impudence de dire à mes parents après avoir appris mon arrestation : "C’est bienfait pour lui, il n’avait pas besoin d’être communiste." » |
Extraits
Page 17-21, les origines familiales et sociales
Page 35, Mme Lazou
Page 32 et 35-37, mot de passe et arrestation
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Pages 54-46, accusation et procès à Rennes
Page 70 et lettre de prison, les colis de Lestonan
Pages 204-205, retour à Lestonan
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facsimilés des pages | |||||
Annotations
- Le Front national, ou Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France, est un mouvement de la Résistance intérieure française créé par le Parti communiste français (PCF) vers mai 1941. [Ref.↑]
- Le Sarcoptol, produit contre la gale, était un liquide épais composé de divers ingrédients parmi lesquels une suspension de soufre et un produit breveté par la firme Bayer sous le nom d'Epicarine. [Ref.↑ 2,0 2,1]
Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric Date de création : juin 2019 Dernière modification : 27.06.2019 Avancement : [Fignolé] |