La scène des funérailles du retable flamand dans les sources apocryphes du christianisme
Un article de GrandTerrier.
Version du 13 mai ~ mae 2018 à 14:28 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version actuelle (25 septembre ~ gwengolo 2018 à 09:47) (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) |
||
(31 intermediate revisions not shown.) | |||
Ligne 4: | Ligne 4: | ||
|width=60% valign=top|__NOTOC__<i>Enquête sur les origines de cette scène violente du retable flamand de Kerdévot où l'on voit trois soldats aux mains tranchées.</i> | |width=60% valign=top|__NOTOC__<i>Enquête sur les origines de cette scène violente du retable flamand de Kerdévot où l'on voit trois soldats aux mains tranchées.</i> | ||
- | Les références utilisées sont les textes apocryphes <ref name="Apocryphe">{{K-Apocryphe}}</ref> commentés dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, le livre de Constantin Tischendorff sur les Apocalypses apocryphe en 1866, la publication d'Hersart de La Villemarqué sur le trépas de la Vierge-Marie, et l'étude en 1930 de Martin Jugie sur la littérature apocryphe sur la mort et l'assomption de Marie. | + | Les références utilisées sont les textes apocryphes <ref name="Apocryphe">{{K-Apocryphe}}</ref> commentés dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, le livre des Apocalypses apocryphes de Constantin Tischendorf en 1866 <ref name="Tischendorf">TISCHENDORF (Constantinus), <i>Apocalypses Apocryphar Mosis, Esdrae, Pauli, Iohannis, item Mariae Dormito</i>, Lipsiae, 1866</ref>, la publication de 1879 d'Hersart de La Villemarqué sur le trépas de la Vierge-Marie <ref name="Tremenvan">« <i>Tremenvan an Ytron Guerches Maria</i> », Le trépas de madame la Vierge Marie, transcrit et traduit par Hersart de La Villemarqué dans une publication intitulée "Poèmes bretons du Moyen Age" publiée en 1879, Paris Librairie Académique Didier.</ref>, et l'étude en 1930 de Martin Jugie sur la littérature apocryphe sur la mort et l'assomption de Marie <ref name="Jugie">JUGIE (Martin), La littérature apocryphe sur la mort et l'assomption de Marie à partir de la seconde moitié du VIe siècle, dans « <i>Echo d'Orient tome 29 n° 159</i> », 1930, pp. 265-295.</ref>. |
- | Autres lectures : {{tpg|La chapelle de Kerdévot}}{{Tpg|BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle}}{{Tpg|ABGRALL Jean-Marie - Le Retable de Kerdévot}}{{Tpg|Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot}}{{tpg2|:Category:Kerdévot|Espace Chapelle de Kerdévot}} | + | Autres lectures : {{tpg|La chapelle de Kerdévot}}{{Tpg|Les deux retables de la Vierge d'origine flamande et du 15e siècle à Ternant et Kerdévot}}{{Tpg|BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle}}{{Tpg|ABGRALL Jean-Marie - Le Retable de Kerdévot}}{{Tpg|Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot}}{{tpg2|:Category:Kerdévot|Espace Chapelle de Kerdévot}} |
- | |width=20% valign=top|[[Image:KerdévotIntérieur.jpg|150px]] | + | |width=20% valign=top|[[Image:Funérailles2017E.jpg|150px]] |
|} | |} | ||
==Présentation== | ==Présentation== | ||
Ligne 13: | Ligne 13: | ||
{|width=870| | {|width=870| | ||
|width=48% valign=top {{jtfy}}| | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | ||
- | Le cortège funèbre est formé de la Vierge allongée sur un brancard porté par les apôtres et saint Jean ouvre le chemin en tenant la palme resplendissante. Cette Translation de la Vierge, de "transitus" en latin, qui se passe après la scène de la Dormition et avant son Assomption et son Couronnement, n'est pas très souvent représentée dans l'iconographie chrétienne classique. | + | Le cortège funèbre de Kerdévot est formé de la Vierge allongée sur un brancard porté par les apôtres Pierre à la tête de la défunte et Paul devant, saint Jean ouvrant le chemin en tenant la palme resplendissante, et les autres apôtres en procession. Cette Translation (du latin "transitus") de la Vierge qui suit l'épisode de la Dormition et précède l'Assomption et le Couronnement, n'est pas très souvent représentée dans l'iconographie chrétienne classique. |
- | La raison est sans doute que les sources primitives de ce mystère marial se trouvent dans des textes apocryphes <ref name="Apocryphe">{{K-Apocryphe}}</ref> qui ont été condamnés par les papes Innocent Ier en 405 et Léon le Grand en 447. | + | Cette rareté est sans doute due au fait que les sources primitives de ce mystère marial sont présentes uniquement dans quelques textes apocryphes <ref name="Apocryphe">{{K-Apocryphe}}</ref> qui ont été condamnés très tôt par l'Église catholique. |
- | Les sources en question ... + « <i>Transitus Beatae Mariae Virginis</i> » ... jusqu'à la légende dorée de Jacques de Voragine en 1261-1266 et la copie de 1530 du poème breton non daté « <i>Tremenvan an Ytron Guerches Maria</i> » <ref> « <i>Tremenvan an Ytron Guerches Maria</i> », Le trépas de madame la Vierge Marie, transcrit et traduit par Hersart de La Villemarqué dans une publication intitulée "Poèmes bretons du Moyen Age" publiée en 1879, Paris Librairie Académique Didier.</ref>. | + | Les écrits apocryphes chrétiens mettant en scène le mystère de la Vierge Marie, à savoir essentiellement le pseudo-Méliton de Sardes, le livre de Jean sur la dormition et l'homélie de saint Jean Damascene, datent des 6e et 7e siècles. Des poèmes en latin en ont été produits, « <i>Transitus Beatae Mariae Virginis</i> » ("La translation de la bienheureuse Vierge Marie"), et des copies et commentaires insérés en 1261-1266 dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. On connaît même une copie imprimée en 1530 d'un poème breton non daté « <i>Tremenvan an Ytron Guerches Maria</i> » ("Le trépas de madame la Vierge Marie") <ref name="Tremenvan">-</ref>. |
- | Trois soldats, alors que les textes citent généralement un prêtre juif. | + | Pour l'épisode représenté sur le retable de Kerdévot, à savoir la punition divine des mains coupées lors de la procession funèbre de la Vierge, les textes apocryphes parlent d'un offenseur juif nommé Jéphonias (et Ruben dans une variante plus tardive) et le présentent comme un « <i>Prince des prêtres</i> ». |
- | Habit sacré du soldat de droite, cité comme soldat Jôsophâ dans la légende nestorienne. | + | Or, à Kerdévot, ce sont trois soldats qui sont punis de sacrilège, et non un seul prêtre. Les deux premiers soldats tenant une lance sont à terre avec chacun une main tranchée, et le troisième est debout avec ses deux mains collées au brancard. Comme dans les écrits du 6-7e siècle, la « <i>Légende dorée</i> » de Voragine mentionne un prince des prêtres, mais par contre il existe une version nestorienne <ref name="Nestorien">{{K-Nestorien}}</ref> plus ancienne, issue de l'apocryphe du pseudo-Jean, qui nomme expressément un « <i>soldat Jôphanâ</i> » ("le Jéphonias de l'apocryphe grec"). |
+ | |||
+ | Si l'on pousse un peu plus l'observation de la scène représentée à Kerdévot, on note que l'armure du soldat de droite est ornée de la tête à la taille d'une bandelette ressemblant à un attribut de haut prêtre juif : | ||
|width=4% valign=top {{jtfy}}| | |width=4% valign=top {{jtfy}}| | ||
|width=48% valign=top {{jtfy}}| | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | ||
- | <diapo w=380 w2=800 f1="RetableKerdévotFunérailles.jpg" t1="Photo année 2011"></diapo>{{rama|RetableKerdévotFunérailles.jpg}} | + | <diapo w=380 w2=800 f1="RetableKerdévotFunérailles.jpg" t1="Photo année 2013"></diapo>{{rama|RetableKerdévotFunérailles.jpg}} |
+ | |||
+ | on a sans doute là le double personnage Jôphanâ-Jephonias, mi prêtre mi soldat, qui sera guéri de sa blessure par un saint Jean le regardant avec compassion. | ||
+ | |||
+ | Nous n'avons trouvé que cinq représentations artistiques de la scène de la translation de la Vierge : dans deux peintures respectivement à Venise et à Troyes, sur les vitraux de la cathédrale de Chartres, et sur une icône orthodoxe. Ces œuvres présentent la légende initiale du méchant prêtre juif. | ||
+ | |||
+ | La cinquième trouvaille est une scène très similaire inscrite dans le retable de la Vierge de Ternant. À Ternant, on peut voir le prêtre juif à genoux à terre, avec ses deux mains coupées et implorant saint Pierre. De notre point de vue les funérailles représentées à Kerdévot sont néanmoins plus originales. | ||
|} | |} | ||
Ligne 31: | Ligne 39: | ||
<gallery caption="Retable de Kerdévot"> | <gallery caption="Retable de Kerdévot"> | ||
- | Image:RetableKerdévotFunérailles.jpg| | + | Image:AffFunerailles.jpg|2013 |
- | Image:Funérailles.jpg| | + | Image:Funérailles.jpg|1970 |
- | Image:RetableFunérailles.jpg| | + | Image:RetableFunérailles.jpg|2017 |
- | Image:KerdévotRestaurationFunérailles-1.jpg|restauration de | + | Image:KerdévotRestaurationFunérailles-1.jpg|restauration de 1973 |
Image:KerdévotRestaurationFunérailles-3.jpg|soldat 1 | Image:KerdévotRestaurationFunérailles-3.jpg|soldat 1 | ||
Image:KerdévotRestaurationFunérailles-2.jpg|soldat Jôphanâ | Image:KerdévotRestaurationFunérailles-2.jpg|soldat Jôphanâ | ||
- | Image:Funérailles2017A.jpg|saint Paul | + | Image:Funérailles2017A.jpg|saint Pierre |
- | Image:Funérailles2017B.jpg|saint Pierre en tête | + | Image:Funérailles2017B.jpg|saint Paul |
Image:Funérailles2017C.jpg|soldat 1 | Image:Funérailles2017C.jpg|soldat 1 | ||
Image:Funérailles2017D.jpg|soldat 2 | Image:Funérailles2017D.jpg|soldat 2 | ||
Ligne 46: | Ligne 54: | ||
<gallery caption="Autres représentations des Funérailles"> | <gallery caption="Autres représentations des Funérailles"> | ||
- | Image:TableauConvoiVierge.jpg|Eglise Pont-Sainte-Marie | + | Image:TableauConvoiVierge.jpg|Eglise Pont-Sainte-Marie de Troyes |
- | Image:TableauOrthodoxeFunérailles.jpg|Assomption religion orthodoxe | + | Image:TableauOrthodoxeFunérailles.jpg|Icône orthodoxe, assomption |
Image:FunéraillesVitrailChartres.jpg|Vitrail cathédrale de Chartres | Image:FunéraillesVitrailChartres.jpg|Vitrail cathédrale de Chartres | ||
Image:ZompiniMiracleViergeVenise.jpg|Venise, Gaetano Zompini (1702-1778) | Image:ZompiniMiracleViergeVenise.jpg|Venise, Gaetano Zompini (1702-1778) | ||
Ligne 66: | Ligne 74: | ||
des prêtres</b>, fut saisi d'un transport de fureur : « Voilà, dit-il, le | des prêtres</b>, fut saisi d'un transport de fureur : « Voilà, dit-il, le | ||
tabernacle de celui qui a jeté le trouble parmi nous et parmi notre | tabernacle de celui qui a jeté le trouble parmi nous et parmi notre | ||
- | nation. De quelle gloire n'est-il pas environné? » Et se précipitant | + | nation. De quelle gloire n'est-il pas environné ? » Et se précipitant |
sur le cercueil il chercha à le renverser. Mal lui en prit : <b>ses mains | sur le cercueil il chercha à le renverser. Mal lui en prit : <b>ses mains | ||
séchèrent à partir des coudes, et restèrent attachées au cercueil</b>, | séchèrent à partir des coudes, et restèrent attachées au cercueil</b>, | ||
Ligne 96: | Ligne 104: | ||
là seuls moururent aveugles qui restèrent incrédules. | là seuls moururent aveugles qui restèrent incrédules. | ||
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
- | <big>Martin Jugie, L'apocryphe grec, juif Jéphonias</big> | + | <big>Martin Jugie, Apocryphe grec ou pseudo-Jean, juif Jéphonias</big> |
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
Tel est le récit du Pseudo-Méliton. Bien différente est la narration | Tel est le récit du Pseudo-Méliton. Bien différente est la narration | ||
Ligne 103: | Ligne 111: | ||
On prépare tout pour | On prépare tout pour | ||
les funérailles. Pierre dirige la psalmodie, et les autres apôtres | les funérailles. Pierre dirige la psalmodie, et les autres apôtres | ||
- | portent le cercueil. Puis vient l'épisode du Juif Jéphonias, qui yeut | + | portent le cercueil. Puis vient l'épisode du <b>Juif Jéphonias, qui yeut |
renverser le cercueil et voit ses bras coupés par un ange à partir | renverser le cercueil et voit ses bras coupés par un ange à partir | ||
- | des coudes. Il est guéri en invoquant Marie. | + | des coudes</b>. Il est guéri en invoquant Marie. |
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
Ligne 129: | Ligne 137: | ||
{{FinCitation}} | {{FinCitation}} | ||
- | <big>Constantin Tischendorff, Transitus Beatae Mariae Virginis</big> | + | <big>Constantin Tischendorf, Transitus Beatae Mariae Virginis A.</big> |
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
« Lectio XII | « Lectio XII | ||
Ligne 157: | Ligne 165: | ||
|width=4% valign=top {{jtfy}}| | |width=4% valign=top {{jtfy}}| | ||
|width=48% valign=top {{jtfy}}| | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | ||
+ | <big>Martin Jugie, notes complémentaires</big> | ||
+ | {{Citation}} | ||
+ | « La littérature apocryphe sur le passage de Marie de la terre au | ||
+ | ciel est très, abondante, jusqu'au milieu du siècle dernier, on n'en | ||
+ | connaissait guère que trois échantillons, les seuls qu'on trouve | ||
+ | habituellement mentionnés dans les ouvrages spéciaux sur | ||
+ | l'Assomption; à savoir le Pseudo-Méliton, le Pseudo-Denys et l'extrait | ||
+ | de l'<i>Histoire euthymiaque</i> inséré dans la seconde homélie sur la | ||
+ | Dormition de saint Jean Damascene. | ||
+ | |||
+ | L'apocryphe latin que publia Tischendorf en 1865, sous la | ||
+ | rubrique Transitus Mariae A, combine des données empruntées au | ||
+ | Pseudo-Jean, à Jean de Thessalonique et à l'histoire euthymiaque. | ||
+ | |||
+ | Les apôtres | ||
+ | organisent la cérémonie de la sépulture. Les Juifs conçoivent le | ||
+ | dessein de les tuer et de livrer aux flammes le corps de la Vierge. | ||
+ | Mais ils sont frappés de cécité, heurtent leurs têtes contre les murs | ||
+ | et se battent entre eux. Cela n'empêche pas <b>l'un d'eux, nommé | ||
+ | Ruben, de se jeter sur le cercueil pour le faire tomber. Aussitôt ses mains sèchent jusqu'aux coudes et restent attachées à la bière </b> que | ||
+ | les apôtres continuent de porter, en se dirigeant vers la vallée de | ||
+ | Josaphat. » | ||
+ | {{FinCitation}} | ||
+ | |||
<big>Jacques de Voragine, La légende dorée</big> | <big>Jacques de Voragine, La légende dorée</big> | ||
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
Ligne 182: | Ligne 214: | ||
<br>Ez manaz hep goap e dou dorn, | <br>Ez manaz hep goap e dou dorn, | ||
<br>Ha nenn doae marz ? Bedenn arzornn. | <br>Ha nenn doae marz ? Bedenn arzornn. | ||
- | <br><small>(<b>Comme il saisissait très rudement le corps précieux et sacré, ses deux mains (n'était-ce pas merveille ?) y restèrent attachées jusqu'au poignet.</b>)</small> | + | <br><small>(<b>Comme il saisissait très rudement le corps précieux et sacré, ses deux mains, n'était-ce pas merveille ?, y restèrent attachées jusqu'au poignet.</b>)</small> |
<spoiler id="991" text="Suite ..."> | <spoiler id="991" text="Suite ..."> | ||
Ligne 191: | Ligne 223: | ||
<br><small>(Une fois sans mains, le misérable éprouva une grande douleur, avec beaucoup de regret et de honte, et il supplia les Apôtres ;)</small> | <br><small>(Une fois sans mains, le misérable éprouva une grande douleur, avec beaucoup de regret et de honte, et il supplia les Apôtres ;)</small> | ||
- | 100. | + | 100. Ma ho pede a poellat don |
+ | <br>Ez grasent hep gaes oraeson | ||
+ | <br>De lamet prest a drouc eston | ||
+ | <br>Dre moyan hep sy an Passion. | ||
<br><small>(Il les supplia du fond de l'âme de se mettre tous en prière pour le tirer de peine et d'émoi par la grâce de la Passion.)</small> | <br><small>(Il les supplia du fond de l'âme de se mettre tous en prière pour le tirer de peine et d'émoi par la grâce de la Passion.)</small> | ||
- | 101 | + | 101. Ha mar galsent e ober plen |
+ | <br>Da bezaff franc a pep anquen, | ||
+ | <br>Ez vise, hep sy, ansien, | ||
+ | <br>En hanu Jesu Christ, guir Christen. | ||
<br><small>(Que s'ils pouvaient complètement le délivrer de toute douleur, il se ferait, une fois guéri, véritable chrétien au nom de Jésus-Christ.)</small> | <br><small>(Que s'ils pouvaient complètement le délivrer de toute douleur, il se ferait, une fois guéri, véritable chrétien au nom de Jésus-Christ.)</small> | ||
- | 102. | + | 102. An Abestel neuse ez stousont piz tizmat |
+ | <br>Dan nou glynou, en un conhat, | ||
+ | <br>Da pedif an guir Roeanes quer | ||
+ | <br>Da nep he galv da reiff salvder | ||
<br><small>(Les Apôtres se mirent donc tous ensemble bien vite à genoux, pour prier la vraie Reine chérie de rendre la santé à celui qui l'invoquait.)</small> | <br><small>(Les Apôtres se mirent donc tous ensemble bien vite à genoux, pour prier la vraie Reine chérie de rendre la santé à celui qui l'invoquait.)</small> | ||
- | 103. | + | 103. Quen buhan scaff, nen nachaff quet, |
+ | <br>Heman he galv a voe salvet, | ||
+ | <br>He dou dornn hoantec mezeguet ; | ||
+ | <br>Hac eno hep mez badezet. | ||
<br><small>(À l'instant même, je l'affirme, le suppliant fut guéri, et ses deux mains pansées à souhait ; et sans honte il fut baptisé dans ce lieu.)</small> | <br><small>(À l'instant même, je l'affirme, le suppliant fut guéri, et ses deux mains pansées à souhait ; et sans honte il fut baptisé dans ce lieu.)</small> | ||
- | 104. | + | 104. An den man groaet Cristen guiryon |
+ | <br>Hep nep mar ayez da sarmon | ||
+ | <br>En hanu an Antrou spec Jesu, | ||
+ | <br>Ne dougeas nigun a nep tu. | ||
<br><small>(Devenu bon chrétien; cet homme s'en alla prêcher au nom du beau Seigneur Jésus et ne craignit personne nulle part.)</small> | <br><small>(Devenu bon chrétien; cet homme s'en alla prêcher au nom du beau Seigneur Jésus et ne craignit personne nulle part.)</small> | ||
</spoiler> | </spoiler> |
Version actuelle
| Enquête sur les origines de cette scène violente du retable flamand de Kerdévot où l'on voit trois soldats aux mains tranchées.
Les références utilisées sont les textes apocryphes Autres lectures : « La chapelle de Kerdévot » ¤ « Les deux retables de la Vierge d'origine flamande et du 15e siècle à Ternant et Kerdévot » ¤ « BARRIÉ Roger - La construction de la chapelle de Kerdévot au XVème siècle » ¤ « ABGRALL Jean-Marie - Le Retable de Kerdévot » ¤ « Les marques de fabrique des ateliers flamands du 15e siècle sur le retable de Kerdévot » ¤ « Espace Chapelle de Kerdévot » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Le cortège funèbre de Kerdévot est formé de la Vierge allongée sur un brancard porté par les apôtres Pierre à la tête de la défunte et Paul devant, saint Jean ouvrant le chemin en tenant la palme resplendissante, et les autres apôtres en procession. Cette Translation (du latin "transitus") de la Vierge qui suit l'épisode de la Dormition et précède l'Assomption et le Couronnement, n'est pas très souvent représentée dans l'iconographie chrétienne classique. Cette rareté est sans doute due au fait que les sources primitives de ce mystère marial sont présentes uniquement dans quelques textes apocryphes Les écrits apocryphes chrétiens mettant en scène le mystère de la Vierge Marie, à savoir essentiellement le pseudo-Méliton de Sardes, le livre de Jean sur la dormition et l'homélie de saint Jean Damascene, datent des 6e et 7e siècles. Des poèmes en latin en ont été produits, « Transitus Beatae Mariae Virginis » ("La translation de la bienheureuse Vierge Marie"), et des copies et commentaires insérés en 1261-1266 dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. On connaît même une copie imprimée en 1530 d'un poème breton non daté « Tremenvan an Ytron Guerches Maria » ("Le trépas de madame la Vierge Marie") Pour l'épisode représenté sur le retable de Kerdévot, à savoir la punition divine des mains coupées lors de la procession funèbre de la Vierge, les textes apocryphes parlent d'un offenseur juif nommé Jéphonias (et Ruben dans une variante plus tardive) et le présentent comme un « Prince des prêtres ». Or, à Kerdévot, ce sont trois soldats qui sont punis de sacrilège, et non un seul prêtre. Les deux premiers soldats tenant une lance sont à terre avec chacun une main tranchée, et le troisième est debout avec ses deux mains collées au brancard. Comme dans les écrits du 6-7e siècle, la « Légende dorée » de Voragine mentionne un prince des prêtres, mais par contre il existe une version nestorienne Si l'on pousse un peu plus l'observation de la scène représentée à Kerdévot, on note que l'armure du soldat de droite est ornée de la tête à la taille d'une bandelette ressemblant à un attribut de haut prêtre juif : |
on a sans doute là le double personnage Jôphanâ-Jephonias, mi prêtre mi soldat, qui sera guéri de sa blessure par un saint Jean le regardant avec compassion. Nous n'avons trouvé que cinq représentations artistiques de la scène de la translation de la Vierge : dans deux peintures respectivement à Venise et à Troyes, sur les vitraux de la cathédrale de Chartres, et sur une icône orthodoxe. Ces œuvres présentent la légende initiale du méchant prêtre juif. La cinquième trouvaille est une scène très similaire inscrite dans le retable de la Vierge de Ternant. À Ternant, on peut voir le prêtre juif à genoux à terre, avec ses deux mains coupées et implorant saint Pierre. De notre point de vue les funérailles représentées à Kerdévot sont néanmoins plus originales. |
[modifier] 2 Iconographie
Retable de Kerdévot | |||||
Autres représentations des Funérailles | |||||
[modifier] 3 Sources documentaires
Martin Jugie, Le récit du Pseudo-Méliton
Martin Jugie, Apocryphe grec ou pseudo-Jean, juif Jéphonias
Martin Jugie, La légende nestorienne
Constantin Tischendorf, Transitus Beatae Mariae Virginis A.
|
Martin Jugie, notes complémentaires
Jacques de Voragine, La légende dorée
De La Villemarqué, Tremenvan an Ytron Guerches Maria
|
[modifier] 4 Annotations
- Apocryphe, adj. et s.m.pl. : du grec ἀπόκρυφος / apókryphos, « caché », qualifie un écrit dont l'authenticité n'est pas établie (Littré). Pour un texte ou un livre religieux dont l'origine divine n'est pas reconnue par l'Église et qu'elle place hors du canon des Livres inspirés (TLFi). Au pluriel, ouvrages composés par d'anciens hérétiques et attribués par eux à des auteurs sacrés (Littré). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1]
- TISCHENDORF (Constantinus), Apocalypses Apocryphar Mosis, Esdrae, Pauli, Iohannis, item Mariae Dormito, Lipsiae, 1866 [Ref.↑]
- « Tremenvan an Ytron Guerches Maria », Le trépas de madame la Vierge Marie, transcrit et traduit par Hersart de La Villemarqué dans une publication intitulée "Poèmes bretons du Moyen Age" publiée en 1879, Paris Librairie Académique Didier. [Ref.↑ 3,0 3,1]
- JUGIE (Martin), La littérature apocryphe sur la mort et l'assomption de Marie à partir de la seconde moitié du VIe siècle, dans « Echo d'Orient tome 29 n° 159 », 1930, pp. 265-295. [Ref.↑]
- Nestorien, adj. : relatif à Nestorius (hérésiarque du 5e siècle apr. J.-Ch., patriarche de Constantinople) ou à sa doctrine affirmant que le Christ possède deux natures, deux personnes distinctes, l'une humaine et l'autre divine. Source : TLFi [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 5,0 5,1]
Thème de l'article : Richesses patrimoniales Date de création : Mai 2018 Dernière modification : 25.09.2018 Avancement : [Développé] |